Yvon dallaire Moi aussi ... Moi plus (extraits)
Dans la relation homme/femme, l’autre n’est pas moi-même, mais il n’est pas absolument autre. L’autre est un autre moi-même, avec des ressemblances et des dissemblances. Il est ce prochain, semblable et différent. L’autre possède (registre de l’avoir) une tête, deux bras, deux jambes, un sexe, mais ces organes sont différents (registre de l’être). La différence se révèle sur ce fond d’altérité. Parmi les différences,
La différence sexuelle est « une différence tranchant sur les différences » (E. LEVINAS, Le Temps et l'Autre, PUF, 1983, p. 14.).
Elle est incontournable, sauf dans les cas très particuliers d’ambiguïté sexuelle. L’autre est toujours perçu comme homme ou comme femme, avant même que se déploient les discours du corps. Les discours du corps, c’est la parole, les attitudes, les gestes et toutes les enveloppes dont il s’habille. La sexualité différencie l’homme et la femme dans leur aspect physique, leurs paroles et leurs actes. Elle ne se cantonne pas à la génitalité, mais se déploie dans tous les compartiments de la vie.
Il y a une osmose entre la sexualité et l’existence, c’est-à-dire que si l’existence diffuse dans la sexualité, réciproquement la sexualité diffuse dans l’existence .
Il y a une interaction entre la vie sexuelle et l’être au quotidien. La sexualité rayonne sur l’ensemble du corps. La masculinité et la féminité ne se limitent pas au sexe ; elles traversent le regard, façonnent la voix, tissent les traits du visage, orientent l’imagination et le raisonnement, transforment l’existence. Il n’existe pas d’oppositions rigides et formelles, mais des dominantes, comme le résume Xavier Lacroix :
C’est ainsi que le masculin pourra être caractérisé par la maîtrise de l’espace et le féminin par l’habitation du temps. Dominante, chez le premier de la relation sujet-objet, chez le second de la relation sujet-sujet. Primauté chez l’homme du faire, chez la femme du laisser-être. Ici priorité au dynamisme d’expansion et de transcendance, là d’enveloppement et d’immanence. Au masculin sera associé le contenu, au féminin le discontinu (X. LACROIX, La différence sexuelle a-t-elle une portée spirituelle ?, dans Homme et femme, l'insaisissable différence, Cerf, 1993, p. 144).
Ces dominantes sont plus ou moins marquées chez chaque personne. Les dominantes se manifestent d’une façon particulière dans la rencontre intime. Pour l’homme, la rencontre est un acte ; pour la femme un état. La femme est plus sensible à l’ambiance, à la parole, au regard et à la tendresse. Son corps n’est pas immédiatement disponible. L’homme est tenté d’aller directement au corps. Son désir est tout orienté vers l’acte sexuel. L’immédiateté prévaut au détriment de l’attente et de la construction, et c’est donc la femme qui en pâtit, elle qui réclame un peu de patience et de temps.
L’homme et la femme recèlent des différences physiologiques indéniables et nécessaires en matière de procréation. L’homme donne sa semence. La femme l’accueille et la fait germer. Elle la transforme pour donner naissance à un nouvel être de parole. Cette différence fondamentale est à la source du désir et de la rencontre avec l’autre. La vue du sexe opposé n’est pas chez l’homme ou la femme un simple appel à la reproduction, mais un signe qui appelle à la reconnaissance de la différence et qui éveille le désir.
L’être humain n’est donc pas bisexué, contrairement à ce qu’affirment certains auteurs tels que E. Badinter :
Nous sommes tous des androgynes parce que les humains sont bisexués, sur plusieurs plans et à différents degrés » et « androgynes imparfaits, nous recherchons à la fois l’auto-suffisance et la relation fusionnelle, conçue comme l’emboîtement parfait de nos deux doubles natures (E. BADINTER, L'un est l'autre, Odile Jacob, 1986, p. 269).
L. CORMAN prolonge ces hypothèses en affirmant la bisexualité biologique et psychique :
La véritable condition de l’être humain est la bisexualité, c’est-à-dire un alliage de féminité et de masculinité (L. CORMAN, La bisexualité créatrice, féminité plus masculinité, la condition idéale de l'être humain, Grancher, 1994, p. 23).
La manière de raconter (la création de l'homme et de la femme) correspond à la manière de penser de l'époque à laquelle le texte appartient. On peut dire, suivant la philosophie contemporaine de la religion et celle du langage, qu'il s'agit d'un langage mythique. Dans ce cas, en fait, le terme "mythe" ne désigne pas un contenu fabuleux, mais simplement une façon archaïque d'exprimer un contenu plus profond. Sous la surface de l'antique récit, nous découvrons sans difficulté ce contenu, vraiment admirable en ce qui concerne la qualité et la condensation des vérités qu'il contient. Ajoutons que le deuxième récit de la création de l'homme conserve jusqu'à un certain point une forme de dialogue entre l'homme et le Dieu-Créateur, et ceci se manifeste surtout dans cette étape où l'homme ('adam) est définitivement créé, comme mâle et femelle ('is-issah) (*). La création s'effectue de manière presque simultanée en deux dimensions : l'action de Dieu-Yahvé qui crée se déroule en corrélation avec le processus de la conscience humaine. Jean-Paul II - TDC 008
Selon la bible, l’autre est l’os de mes os, la chair de ma chair. L’homme et la femme sont de la même substance. La femme créée à partir d’une côte de l’homme ne ressemble pas aux autres êtres vivants déjà créés. Ainsi les animaux ne peuvent être qualifiés d’autres, car ils ne sont pas de même nature. D’ailleurs l’homme s’écrie :
Voici cette fois l’os de mes os, la chair de ma chair (Gn 2, 23).
à la vue d’Ève pour marquer cette reconnaissance d’un autre semblable à lui-même. Les corps sont appelés à se rencontrer parce qu’ils sont constitués de la même chair. Sauf déviation sexuelle, l’homme ne s’accouple pas avec un animal.
L’homme et la femme sont complémentaires parce que différents. La complémentarité n’existe que dans l’ordre de la différence et de la similitude. L’expression hébraïque exprimant le couple sexué traduit parfaitement la différence dans la complémentarité : le masculin est rendu par ish et le féminin par isha : identité de racine dans laquelle l’un et l’autre se reconnaissent, mais différence de terminaison.
Quant à l'étymologie, il n'est pas exclu que le terme hébreu is' dérive d'une racine qui signifie "force" ('is' ou 'ws'); par contre 'issâ est lié à une série de termes sémitiques dont le sens oscille entre "femelle" et "épouse". L'étymologie proposée par le texte biblique est de caractère populaire et sert à souligner l'unité de provenance de l'homme et de la femme; ceci semble confirmé par l'assonance des deux termes. Jean-Paul II - TDC 003.
Cette différence complémentaire s’exprime dans la bible par la parole de l’homme :
On l’appellera femme (Gn 2,23).
La complémentarité sexuelle est affirmée explicitement dans la Genèse. Cette complémentarité manifeste l’image de Dieu. En créant l’homme et la femme à son image, Dieu dévoile son essence. Comme le remarque J.-L. Brugues, :
Ainsi le corps humain constitue-t-il le premier lieu de l’oeuvre créatrice de Dieu. Mieux encore, c’est dans l’identité sexuelle de ce corps que peut s’observer la première trace de Dieu (J.-L. BRUGUES, Les langages du corps, Ethique, 2, Editions Universitaires, 1991, p. 39).
La bible se sert du corps de l’homme et de la femme pour révéler la face de Dieu. Là où le corps n’est qu’épiphanie dans sa réalité anthropologique, il devient théophanie à la lumière de la révélation. En façonnant d’abord l’homme, puis la femme, Dieu signifie l’incomplétude de l’homme seul. Mais il ne faudrait pas attribuer la différence sexuelle à Dieu en laissant croire qu’il s’agit d’un être bisexué.
Dieu n’est ni masculin, ni féminin, bien qu’on lui attribue des qualités aussi bien masculines que féminines (J. Briend, Dieu dans l'Ecriture, Cerf, 1992, p. 89).
L’homme et la femme sont complémentaires parce qu’ils peuvent s’entraider dans le face à face de la parole. Dieu crée à Adam « une aide qui lui soit accordée (ezer kenegdo) Gn 2,18. » Cette aide n’est ni supérieure, ni inférieure à l’homme. Selon un commentaire juif, cette égalité se fonde dans la création de la femme à partir d’une côte :
C’est à partir de la côte de l’homme que fut créée la femme, non pas à partir de sa tête pour qu’elle lui soit inférieure ; non pas à partir de ses pieds pour qu’elle le suive pas à pas ; mais à partir de son côté afin qu’elle soit son égale ; près de son bras pour qu’il la protège ; et tout près de son cœur afin d’être aimée (Midrash cité sans références dans E. CASTEL, L'éternité au féminin, La femme dans les religions, Assas, 1996, p. 23).
Dieu crée « une aide qui lui soit accordée » littéralement « une aide comme en face» de l’homme. Mais il ne s’agit pas d’une servante, docilement soumise à la volonté de l’homme. Le terme « aide » désigne plutôt une personne sur laquelle il est possible de compter ou de s’appuyer, comme en témoigne cette description de la femme dans le livre du Siracide :
Celui qui acquiert une femme a le commencement de la fortune, une aide semblable à lui et une colonne d’appui. Là où il n’y a pas de clôture, le domaine est au pillage, là où il n’y a pas de femme, l’homme erre en se lamentant. Qui donc fera confiance à un brigand dégourdi qui bondit de ville en ville ? De même à l’homme qui n’a pas de nid, qui fait halte là où le soir le surprend (Si 36, 29-31).
La femme est en face de l’homme afin que s’instaure une relation. Le mot kenegdo est composé de la particule kem (comme) et de la racine ngd. Cette racine signifie dans ce contexte « en face ». Mais cette racine se retrouve également dans le verbe nagad qui signifie « parler, annoncer, proposer, témoigner » . En créant la femme en face de l’homme, Dieu place le couple en situation de dialogue. Le face à face est la position corporelle de l’échange de paroles. L’homme et la femme sont appelés à se connaître et se reconnaître dans le face à face de la parole. L’expression « une aide comme en face » désigne en somme cet autre avec lequel il est possible de communiquer .
La femme se situe dans le dialogue avec l'homme. 'Aide vis-à-vis de lui' ou «en face de lui', parfois 'contre lui' (ezer ke-nequedo), elle est celle qui apporte à l'homme une autre parole dont il vient précisément de reconnaître le besoin en éprouvant sa solitude à travers la nomination connaissance (qui l'a laissé insatisfait) des créatures non-humaines. C'est dans leur dialogue que l'homme et la femme sont appelés en s'humanisant à humaniser le monde. C'est à cette oeuvre d'humanisation de la terre, en la soumettant à son règne, règne orienté à la venue du royaume de Dieu, que l'homme est appelé avec l'aide de la femme. Sans cette aide, il ne saurait répondre à sa vocation. Mais il faut donner ici, au mot 'aide', en hébreu ezer, le sens qu'il possède dans l'Ancien Testament, où il implique aucune idée d'infériorité et de subordination. Souvent il s'applique à un supérieur qui nous aide. Dans de nombreux cas, il désigne Jahvé qui vient au secours de son peuple (E. BEHR-SIGEL, L'altérité homme-femme dans le contexte d'une civilisation chrétienne, Bellarmin, 1986, p. 406).
Albert Donval : Nul ne peut prétendre être à lui tout seul, à elle seule, l’entière humanité. Chacun est dans l’exil de la différence. L’avènement de la femme comme sujet de désir renvoie l’homme à son désir. L’imaginaire de l’un n’est pas l’imaginaire de l’autre, la jouissance de l’un n’est pas la jouissance de l’autre, la vérité de l’un se heurte à la vérité de l’autre. Rien de soi ne dit à l’homme ce qu’est la femme, rien de soi ne dit à la femme ce qu’est l’homme hors de la rencontre où ils se risquent.
L’altérité fonde la relation en révélant le masculin et le féminin. L’autre n’est pas moi-même, mais il n’est pas absolument autre. L’autre est un autre moi-même, avec des ressemblances et des dissemblances. Il est ce prochain, semblable et différent. L’autre possède (registre de l’avoir) une tête, deux bras, deux jambes, un sexe, mais ces organes sont différents (registre de l’être).
Dans le face à face et tout particulièrement dans l’union des corps, l’homme et la femme ne sont pas deux sujets autonomes qui parlent, agissent et se révèlent en toute indépendance. Ils sont deux partenaires qui se communiquent, subissant ainsi la réaction, la réplique, l’acceptation ou le refus de l’autre. Chacun entre dans l’espace de l’autre. Aucun ne peut utiliser l’autre comme une scène où se jouerait uniquement sa propre existence. La relation devient ainsi un lieu d’échange où chacun se révèle à l’autre et où l’autre devient le révélateur du moi. L’homme ne se découvre homme que face à la femme, et réciproquement.
Le lien entre l’être et le connaître est fondamental... Communier à l’autre dans son épaisseur physique et par incorporation mutuelle, c’est s’apprendre soi-même en pénétrant un peu dans le secret du semblable et du différent. M. LEGRAIN, Le corps humain, 1992, Centurion, p. 109.
La rencontre de l’autre est toujours « pro-vocante ». Elle oblige à sortir de soi-même pour accueillir la présence de l’autre. La présence du corps de l’autre dans la rencontre amoureuse révèle la transcendance de l’homme sur lui-même et son ouverture à l’altérité différenciée. La femme découvre sa féminité dans son désir et celui de l’homme qui vient vers elle. L’homme expérimente sa virilité en face de la femme qu’il désire et qui le désire.
Dans leur quête de l’autre, l’homme et la femme découvrent ainsi leur propre corps et leur appartenance à cette réalité qui différencie et unit : le sexe. La femme est médiatrice de l’être masculin et l’homme est médiateur de l’être féminin. La conscience de soi-même s’affine dans la réciprocité du don charnel. L’homme et la femme prennent conscience de leurs capacités, mais aussi de leurs limites. L’union des corps ouvre l’homme à la réalité de son être-corporel en faisant vivre et vibrer ce corps. Le contact charnel éveille les potentialités jusque là inconnues. Le corps de l’autre renvoie à ma propre expérience et à une expérience du monde
Ainsi, la relation homme-femme est une relation humaine fondamentale, parce qu’elle révèle que l’humanité a deux visages : le masculin et le féminin. Aucun des deux n’en est la totalité. Et au contact de cette altérité se révèle le « je » de la relation. L’autre est le révélateur du monde et du moi. Il me fait prendre conscience de mon être. Commentant G. Marcel, P. Ricoeur note :
Peut-être même ma liaison avec autrui est-elle la plus remarquable, quand c’est lui qui m’ouvre, qui me déverrouille : telle conversation, tel regard ont été l’appel libérateur qui a rompu l’état de stérilité, de grisaille, de dureté où ma liberté semblait ensevelie, indisponible pour moi-même (P. RICOEUR, Gabriel Marcel et Karl Jaspers, Temps présent, 1947, p. 183).
L’autre me révèle dans ma subjectivité. Il me constitue comme sujet. L’être humain ne naît pas comme sujet, mais le devient dans sa relation avec l’autre. Il possède dès la naissance toutes les qualités requises pour devenir un sujet vivant et parlant. Mais ces capacités naturelles ne sont données qu’en puissance ou en germe. Et c’est la relation à l’autre, inscrite dans le temps, qui fait éclore et grandir ces capacités jusqu’à devenir un sujet responsable.
Cet appel est illimité, ouvert jusqu’à ce Tout-Autre. L’être humain est appelé à entrer en relation avec ce Tout-Autre, afin de devenir à son image et à sa ressemblance. L’expérience de l’autre est en ce sens un continuel travail de façonnage. Le corps se façonne, se laisse altérer afin de rendre la communication plus parfaite. Le corps se fait autre pour l’autre.
La relation avec Autrui comme relation avec sa transcendance la relation avec autrui qui met en question la brutale spontanéité de sa destinée immanente, introduit en moi ce qui n'était pas en moi. E. Lévinas, Totalité et infini, p. 223.
Mon partenaire a la faculté d’appréhender des parties de mon corps que je ne verrai jamais sauf à travers un miroir ou une photo. Mon visage, épiphanie de mon identité, me reste à jamais étranger.
Le regard d’autrui façonne mon corps dans sa nudité, le fait naître, le sculpte, le produit comme il est, le voit comme je ne le verrai jamais. Autrui détient un secret : le secret de ce que je suis (J.-P. SARTRE, L'être et le néant, Gallimard, 1943, p. 413).
L’autre voit effectivement ce que je suis. Il en est de même pour la voix où le parfum du corps. Nous entendons notre voix de l’intérieur et notre parfum nous est tellement familier que nous ne le goûtons plus. L’autre perçoit les expressions de mon corps, alors que je les exprime. Le corps, face à l’autre, est expression de ce que je suis.
Nous sommes forgés à l’image d’une parole. Le noyau archaïque et oral de notre personnalité est l’accueil d’une parole qui nous appelle et nous nomme, qui nous donne de vivre et de désirer (J.-C. SAGNE, Le rapport de l'homme et de la femme à la loi du don, dans Homme et femme, l'insaisissable différence, Cerf, 1993, p. 52).
L’autre vient me révéler qui je suis. Dès la naissance je suis nommé par autre. Dans toute relation, l’invocation par le nom signifie « tu existes pour moi ».
Celui à qui ne s’adresse jamais la parole n’est pas reconnu dans son existence. La parole appelle à la relation. Elle manifeste un désir d’ouverture. Elle part d’un « je » pour faire advenir « tu » comme sujet vivant et parlant.
C’est par le langage et l’ouïe que l’homme reçoit son statut de sujet, que, reprenant à son compte le discours qui lui est adressé, il dit 'Je' à un 'Tu' (D. VASSE, L'ombilic et la voix, Seuil, 1974, p. 85).
Les psychologues affirment cette nécessité de s’entendre dire « tu » pour que surgisse le « je » ; l’enfant ne devient une personne (un sujet, un « je »), que parce que ses parents le nomment et l’interpellent dans une relation filiale unique.
Le « je » de la relation se découvre et s’affirme dans la confrontation avec l’autre. Le chemin qui mène à soi-même passe par l’autre. Ce passage est le détour obligé de l’amour qui structure le « je » dans sa relation au « tu ». Le « je » se connaît et se reconnaît en l’autre. La communion avec l’autre s’effectue au plus secret du « je » qui s’éveille par la grâce communicative du « tu ». Le « je » advient en présence d’un « tu ». Ainsi, le « tu » instauré par le face à face, annonce l’altérité, parce qu’il n’est pas « je », et parce qu’il peut, à son tour, devenir « je ».
L’énonciation du ‘ je ‘ est l’appel adressé à un ‘tu’, et c’est quand le second répond au premier, en lui renvoyant son ‘je’ en écho, que la personne prend conscience de soi mais dans la dépendance et la relation à un ailleurs qui l’empêchent de s’enclore dans la possession narcissique de soi. Elle cherche bien à ramener en soi ce ‘ tu’ étranger, si semblable à son ‘je’ et si différent de lui, à prendre conscience de soi dans l’autre comme dans le même, mais elle se heurte à son altérité irréductible ; quelque chose comme un ‘il’ lointain et inconnaissable se révèle dans la proximité et la solitude du ‘tu’, et c’est seulement quand la personne renonce à s’approprier l’autre et reconnaît sa radicale altérité, qu’elle prend conscience de sa propre transcendance, mais comme d’un absolu qui s’éloigne d’elle et l’appelle à être ce qu’elle n’est pas encore et ne pourra pas être sans la survenue gracieuse de l’autre. J. MOINGT, L’homme qui venait de Dieu, Cerf, 1996, p. 327
Dans toute la bible Dieu poursuit le dialogue afin que l’homme grandisse. Et c’est à travers ce « tu » que l’homme dit « je » comme enfant de Dieu reconnu dans une relation unique. Dieu dit « tu » à l’homme pour le guider sur les chemins de la vie, pour lui dispenser des recommandations afin de ne pas tomber, pour lui rappeler les exigences de la loi ou tout simplement pour lui dire son attachement comme un amant à l’égard de sa bien-aimée :
Car tu comptes beaucoup à mes yeux, tu as du prix et je t’aime (Is 43,4).
Quelle femme ou quel homme ne voudrait pas entendre de tels propos dans la bouche de son (sa) partenaire ?
La parole est à la constitution du sujet ce que le langage est à la définition de l'espèce humaine, car c'est à travers elle et ses vicissitudes que se construit l'existence personnelle. Toute personne a besoin d'autrui pour « venir » au monde et se développer, car « le moi n'existe que dans la réciprocité avec l'autre, le moi isolé n'est à vrai dire qu'une abstraction » (Gusdorf, La parole, 1952, p. 51). L'identité de chacun se constitue progressivement après la naissance, au rythme de ses interactions avec sa mère, les autres membres de sa famille, ses amis et, plus tard, tous ceux qu'il rencontrera au cours de sa vie. Ronald Laing, dans les extraits suivants d'une profondeur exceptionnelle, met en évidence les extraordinaires enjeux des échanges de paroles (1971, p. 115) : Ce sont les autres qui vous disent qui vous êtes. Plus tard, on endosse leur définition ou l'on essaie de s'en débarrasser. Il est difficile de ne pas accepter leur version de l'histoire. Il arrive qu'on s'efforce de n'être pas ce qu'on « sait » qu'on est, tout au fond de soi-même. Il arrive qu'on s'efforce d'extirper cette identité « étrangère » dont on a été doté ou à laquelle on a été condamné, et de créer par ses propres actes une identité pour soi-même qu'on s'acharne à faire confirmer par les autres. Toutefois, quelles qu'en soient, par la suite, les vicissitudes, notre première identité sociale nous est conférée. Nous apprenons à être ce qu'on nous dit que nous sommes. Mais cette identité n'est jamais définitivement acquise, car « elle requiert l'existence d'un autre, de quelqu'un d'autre, dans une relation grâce à laquelle s'actualise l'identité du soi » (p. 116). Le plaisir et en même temps le drame de la condition humaine tiennent au fait que « les actions et les séries d'interactions peuvent représenter pour nous, plus ou moins et de diverses manières, une confirmation ou une infirmation » (p. 99); que « tout être humain, qu'il soit enfant ou adulte, a sans doute besoin d'avoir de l'importance, c'est-à-dire occuper une place dans le monde de quelqu'un d'autre » (p. 121); et que « la frustration se mue en désespoir quand la personne commence à douter de sa capacité de « signifier » quoi que ce soit pour qui que ce soit » (p. 170). Poussé à l'extrême, on comprend le cri de Rimbaud : « Je est un autre », qui montre les risques, dans la vie sociale, de l'aliénation personnelle et de la dépossession du moi. Dans ces conditions limites, la tragédie est que non seulement « l'enfer, c'est les autres », mais que « réduit à lui-même, l'homme est beaucoup moins que lui-même » (Gusdorf, 1952, p. 62). Jean-François Chanlat, L'individu dans l'organisation, 1990, p. 81.
L’homme et la femme se dévoilent librement et se communiquent par leur corps. Leurs idées, leurs désirs et leurs sentiments s’organisent et s’expriment par la médiation de leurs corps. Cette révélation ne se réalise cependant jamais parfaitement, ni intégralement. Toute tentative de dévoilement comporte aussi des éléments qui voilent le mystère personnel. A. Ganoczy dit à ce sujet, que
C’est précisément parce que l’homme n’est jamais un livre entièrement ouvert devant son entourage, qui s’en emparerait, que son mystère n’est jamais totalement levé et que, par conséquent, il ne tombe jamais au niveau des objets dont on peut disposer (A. GANOCZY, La doctrine catholique des sacrements, Desclée, 1988, p. 141).
Rencontrer un homme ou une femme, c’est toujours pénétrer un univers à la fois familier et étranger. Ce partenaire, je le connais parce qu’il me ressemble dans son humanité et pourtant une part de sa personne demeurera à jamais secrète. S’il m’arrive de lire dans ses pensées, ce n’est pas pour autant un film qui se déroule devant mes yeux à longueur de journée. Si les formes et les parfums de son corps me sont familières, je ne devine pas tout ce qui se trame derrière un sourire ou une extase.
Le corps de l’autre est, en quelque sorte, un signe qu’il faut déchiffrer, une attente qu’il faut percevoir, un don qu’il faut accepter et une présence qu’il faut accueillir (E. FUCHS, Une éthique chrétienne de la sexualité, Initiation pratique de la théologie, t. 4, Cerf, 1984, p. 439).
Le corps est un lieu secret dont la profondeur échappe aux sens, parce qu’il est spirituel, c’est-à-dire ouvert sur l’infini. L’autre pourra toujours être décrit sous ses multiples facettes, exploré dans ses moindres détails anatomiques, quelque chose demeurera à jamais inaccessible, parce qu’il est autre. Derrière chaque visage s’annonce une énigme : personne ne peut la déchiffrer en totalité. Ainsi, l’autre demeure Autre.
L’autre est, si l’on veut, mon prochain, mon semblable. L’Autre est ce qui, dans cette proximité, m’échappe, porteur insaisissable d’une altérité radicale qui surgit dans tout rapport d’identité qui le fonde. L’Autre reste 'en dehors' du champ de la connaissance (D. VASSE, Le temps du désir, Essai sur la parole et le corps, Seuil, 1969, note 1 p. 19) .
Il conserve toujours une part irréductible et inconnaissable. Ce mystère de l’autre n’est pas une réalité qui se dérobe. Bien au contraire, il forme la richesse même du corps qui, ainsi, offre toujours une part secrète et désirable.
Ne suis-je pas mystérieux à moi-même ? Le mystère de la personne tient à ce qu’elle est la marque même de la Trinité. Je ne sais pas ce qu’est l’unité de Dieu en lui-même, dans sa vie trinitaire. Mais, moi, vivante Icône trinitaire sur la terre des hommes, je ne sais pas non plus ce qu’est mon unité, mon nom propre. Je suis caché à moi-même. Je suis le Sceau du secret divin (Ph. SOUAL, dans Bulletin du Collège Supérieur, n° 9, 4ème trimestre 2001).
La différence homme-femme est un facteur de relation et de complémentarité. Dire que l’homme est le complément de la femme, ou inversement, que la femme est le complément de l’homme, signifie que l’homme et la femme ne sont pas complets. Si la relation à l’autre sexe révèle et éveille la masculinité et la féminité, elle ne les complète pas. La femme ne complète pas la masculinité ou l’homme la féminité. L’homme et la femme se complètent par rapport à une unité qui englobe à la fois la masculinité et la féminité. L’un possède ce que l’autre n’a pas et la réunion des deux forme un tout. Ainsi, l’atome d’hydrogène est le complément des deux atomes d’oxygène dans la formation de la molécule d’eau. En quoi l’homme et la femme sont-ils alors incomplets et par rapport à quoi ? L’anthropologie biblique rappelle que l’homme et la femme sont destinés à ne former qu’une seule chair.
C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère et s’attache à sa femme, et ils deviennent une seule chair. (Gn 2,24).
La complémentarité s’applique dans la recherche d’une unité à construire. L’homme et la femme se rejoignent pour ne former qu’une seule chair. Dans l’ordre de la procréation, le sexe de l’homme est bien le complément de celui de la femme. Sur le plan cellulaire, les chromosomes apportés par l’homme complètent ceux de la femme. Mais à peine cette première cellule est-elle chromosomiquement complète que déjà elle est incomplète. Car elle n’appartient qu’à un seul sexe et dans son développement ultérieur, elle sera attirée par l’autre sexe. Complétude et incomplétude se succèdent dans la génération. L’homme et la femme sont fondamentalement des êtres de relation et seule la relation leur révèle une image de cette unité à laquelle ils aspirent.
Cette quête d’unité se trame sur fond de séparation. Dieu crée l’univers à travers des séparations successives (Gn 1). La lumière est séparée des ténèbres, la terre du ciel, les eaux d’en haut avec celles d’en bas, l’homme de la femme. Cette division est aussi un ordonnancement. Et si Dieu manifeste sa toute puissance créatrice, il révèle ainsi l’origine du désir d’unité. L’homme et la femme sont attirés l’un vers l’autre parce qu’originellement séparés. Être sexué, c’est en effet être coupé de l’autre sexe comme le montre l’étymologie latine (sexus, secare). Être sexué, c’est être deux, au lieu d’être un seulement. Aucun des deux ne forme la totalité. Être sexué signifie appartenir à un des deux genres : le masculin ou le féminin.
Les ressemblances avec le mythe d’Aristophane ne peuvent être niées. Le désir d’unité est identique. Mais dans le mythe d’Aristophane, l’être initial est un androgyne avec quatre mains, quatre jambes, deux têtes et deux parties honteuses. Il y a en somme deux êtres complets, ce qui n’est pas le cas dans le récit de la Genèse ; Adam n’est pas un androgyne. Par ailleurs, la séparation résulte d’une punition de Zeus alors que dans la bible, elle est un bienfait. Enfin, dans le mythe de Platon, l’unité, qui en fait était une fusion, est un état perdu ; dans la bible, l’union est à construire.
L’unité à laquelle sont appelés l’homme et la femme, n’est pas Dieu en tant que Dieu serait à la fois masculin et féminin. Dieu n’a pas de genre. Pourtant elle n’est pas étrangère à Dieu. L’homme et la femme, en tant que créatures de Dieu, ont soif de Dieu. Le désir qui les pousse l’un vers l’autre symbolise le désir de Dieu. La relation homme-femme symbolise la relation avec Dieu. C’est en l’autre que chacun espère trouver l’unité à laquelle il est destiné. Chacun est en effet appelé à vivre de la vie de Dieu.
L’expression « devenir une seule chair » désigne une même destinée consacrée dans un projet commun. Elle signifie former une communauté de vie où chaque partenaire partage la condition de l’autre dans l’affrontement commun des responsabilités. Si le texte de la Genèse ne parle pas de mariage au sens moderne de ce terme, mais de couple, il affirme que l’homme et la femme sont appelés à se rejoindre dans une conjugalité dont l’union des corps marque l’apogée.
Oscar Wilde souligne fort justement :
Le couple, c’est de ne faire qu’un. Oui, mais lequel (Oscar Wilde)?
Quelle que soit la force de cette unité, le sens de l’expression « une seule chair » doit demeurer ouvert. Ces termes pourraient être compris en un sens fusionnel, symbiotique. Une telle acception serait contraire à la vie réelle. La vie commune, qui est celle de l’alliance, n’englobe pas les personnes dans un tout indifférencié. La naissance du « nous » comme troisième terme de la relation respecte la respiration de « je » et de « tu ». Maïmonide, autre référence majeure du judaïsme, traduit ainsi le verset de la Genèse : « ... et ils seront deux en vue d’une seule chair. » C’est un avenir qui est proposé au couple, un chemin, une histoire, et non une totalité fusionnelle. Selon la belle formule de Maurice Blanchot, les amants ou les époux sont « ensemble, mais pas encore ». Xavier Lacroix, Connaître au sens biblique.
Les quatre phases de la relation amoureuse :
L'articulation entre le "je", le "tu" et le "nous" :
La vocation originelle de l’homme et de la femme vise à former une seule chair, c’est-à-dire une vie. Quelles sont les finalités de la sexualité ? La sexualité comporte une triple finalité. La première est une fonction de plaisir hédonique, la seconde une fonction relationnelle, enfin la troisième vise la fécondité.
Nous recherchons naturellement le plaisir et fuyons la douleur. Le plaisir rend la vie agréable. Concernant la sexualité, il agit comme un aimant qui pousse les amants jusqu’à l’extase. Nous aborderons plus particulièrement cette question dans le chapitre consacré à l'érotisme.
La vie humaine n’apparaît que par l’union de deux gamètes différenciés ; il faut un spermatozoïde et un ovule pour « fabriquer » un nouvel être humain. Avant d’en arriver à ce constat grâce au microscope, l’histoire montre que la femme et l’homme ont successivement bénéficié du pouvoir d’engendrer seul un nouvel être. Chez nos lointains ancêtres, la femme dispose d’un pouvoir quasi divin en ce domaine puisqu’elle seule semble procréer. Le mâle copule à tout va sans notion de couple et il ne connaît pas ses enfants. Ce n’est sans doute que vers le troisième millénaire avant Jésus-Christ que s’amorce une prise de conscience du rôle du sperme dans la fécondité. C’est à travers l’élevage que l’homme découvre sa nature animale et paternelle. Vient alors le temps de la dominance masculine. La femme n’est plus qu’une terre passive et fertile que l’homme doit ensemencer. C’est aussi durant cette période que naît le couple, car l’homme se découvre père à travers une mère . Vient ensuite le mariage, c’est-à-dire la reconnaissance sociale du couple. Enfin, pour terminer cette brève histoire de la fécondité, il faut attendre la découverte du spermatozoïde en 1677 et plus encore celui de l’ovocyte en 1827 pour mettre un terme aux spéculations. Oscar Hertwig observe en 1875 la fusion de 2 noyaux au sein de l’ovule. Pour la 1ère fois, il est démontré que dans la reproduction, le mâle et la femelle interviennent à égalité pour engendrer un nouvel être humain.
Dans l’ordre de la procréation, le sexe de l’homme est bien le complément de celui de la femme. Sur le plan cellulaire, les chromosomes apportés par l’homme complètent ceux de la femme, mais à peine cette première cellule est-elle chromosomiquement complète que déjà elle demeure incomplète. Car elle n’appartient qu’à un seul sexe et dans son développement ultérieur, elle sera attirée par l’autre sexe. Complétude et incomplétude se succèdent dans la génération.
La fécondité symbolise donc l’apothéose de la complémentarité biologique homme-femme. Elle incarne la promesse attachée à la sexualité. Le masculin et le féminin se rejoignent pour donner corps à un nouvel être qui est à la fois l’un et l’autre, mais qui n’est ni l’un ni l’autre. Il est plus que la somme de deux individualités. Il ressemble aux deux avec des dominantes qui résultent des lois de la génétique. Il est la chair de la chair tout en étant unique.
Dans l’ouverture à cette nouvelle vie, la sexualité transcende l’ordre du besoin et du plaisir éphémère. Par l’enfant, les conjoints brisent leur être à deux. Ce nouvel être signe ainsi la mort du couple. Non pas la mort biologique, mais la mort pascale, c’est-à-dire l’avènement d’un temps nouveau. L’enfant symbolise la résurrection de l’entité couple qui, à travers cette nouvelle existence, perdure à travers le temps. Il répond en ce sens à une soif d’immortalité. La relation sexuelle est un moyen de conjurer la mort. L’enfant répond au désir plus ou moins conscient de laisser une trace dans l’histoire de l’humanité, car que reste-t-il de l’homme et de la femme après leur mort ? Transmettre la vie s’ancre donc dans une expérience de donataire, expérience qui renvoie aux questions existentielles : pourquoi suis-je en vie et à qui dois-je la vie ?
La finalité première de la sexualité humaine repose sur la rencontre de deux êtres. L’homme et la femme se donnent l’un à l’autre pour se découvrir et se connaître intimement, pour s’offrir mutuellement un temps hors du temps. La fécondité qui en résulte éventuellement découle de cette relation.
La primauté de la finalité relationnelle se justifie d’autant plus que chez la femme, la fécondité n’est pas subordonnée à la jouissance. Le clitoris organe féminin du plaisir n’est pas lié à la fécondité, même si la femme éprouve davantage de plaisir durant ses périodes fécondes. Seul l’homme possède simultanément le pouvoir de la jouissance et de la procréation. La femme, plus que l’homme, peut subir la sexualité, puisqu’elle conçoit dans l’ignorance du plaisir. La procréation n’est d’ailleurs que très rarement atteinte, compte tenu du nombre de relations sexuelles. Elle se pose comme sens de la génitalité, mais non de la sexualité en général.
Tout l’enjeu du baiser, de la caresse et de la pénétration consiste à les intégrer au sein d’une relation dans laquelle chacun respecte le partenaire et le fait grandir dans sa vocation d’homme ou de femme. En somme, c’est le partenaire qui donne sens à la relation. Il est le sens de la relation parce qu’il est attaché au même projet. Le corps à corps devient alors une intime liturgie.
La rencontre sexuelle elle-même apporte au lien un enracinement spécifique. Le désir et le plaisir érotiques figurent au premier rang des sources d’énergie qui rapprochent les conjoints. Les gestes de l’union ne sont pas seulement des moyens pour parvenir à un résultat déterminé, l’orgasme, qui serait comme le produit d’un travail, ainsi qu’une certaine littérature sexologique le laisse entendre. Ils sont par eux-mêmes des actes, un langage, une poésie. Combien, d’ailleurs, les poètes en parlent mieux que les sciences humaines !
Avec le coït, c’est l’hospitalité mutuelle qui prend corps. Le « toi en moi et moi en toi » se réalise charnellement, chacun étant entouré et entourant, inclus et incluant, différemment selon qu’il soit homme ou femme. Dans la volupté a lieu un abandon ultime, un élan quasi extatique, comme si la vie de ma propre chair était augmentée par celle de l’autre chair. Je ne jouis pas de ma propre jouissance seulement : je jouis de la jouissance de l’autre. La volupté voisine avec la joie, la jouissance avec la réjouissance, dans la mesure où celle-ci est le sentiment d’un agrandissement de la vie.
Xavier Lacroix, Connaître au sens biblique.