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La rédemption

Les données scripturaires

Ga 1,4 : [Jésus Christ] qui s'est livré (dontas) lui-même pour (hyper) nos péchés.

Rm 4,25 : [Jésus notre Seigneur] qui fut livré (paredothè) à cause (dia avec l'accusatif) de nos fautes et ressuscité à cause (dia avec l'accusatif) de notre justification.

Rm 5,8 : Christ est mort pour (hyper) nous, alors que nous étions encore pécheurs.

Rm 8,32 : Lui [Dieu) qui n'a pas épargné son propre Fils, mais l'a livré (paredôken) pour (hyper) nous tous ».

Ep 5,2 : Le Christ nous a aimés et s'est livré (paredôken) lui-même pour (hyper) nous, en offrande et victime (cf. Ga 2,20).

1 Co 15,3 : Christ est mort pour (hyper) nos péchés selon les Ecritures.

Mc 10,45: « Le Fils de l'homme est venu donner (dounai) sa vie en rançon (Iytron) pour (anti) la multitude (=Mt 20,28).

Mc 14,24 : Ceci est mon sang de l'alliance versé pour (hyper) la multitude

1 P 2,21-24 : Christ a souffert pour (hyper) vous... il a porté nos péchés dans son corps sur le bois afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice.

Tt 2,14 Il s'est donné lui-même pour (hyper) nous, afin de nous racheter de toute iniquité et de purifier un peuple qui lui appartienne.

A la lecture de ces textes, il ressort clairement que le Christ est mort « pour » nos péchés bien plus que « à cause » de nos péchés. Telle est la base sur laquelle s’est édifié le concept de « rédemption ». Ce mot traduit le latin « red-emptio », où se trouve étymologiquement l’image de rachat. Il traduit lui-même le grec « apo-lytrosis », dérivé de « lytron » : moyen de délivrance, rançon ». Pour le comprendre, il faut le replacer dans le contexte biblique.

Dieu rédempteur

Dieu rédempteur est une image difficile à comprendre, car elle est associée à la notion de rachat. Le mot nous vient du latin red-emptio, où se trouve étymologiquement l'image de l'« achat », du « rachat ». Historiquement le mot « rédemption » désigne un « achat qui libère » ; c’est-à-dire le paiement d’une rançon en vue de la libération d’un prisonnier ou d’un esclave.

Cette coutume du peuple d’Israël vise la solidarité entre les membres d’une famille, d’une tribu et d’un peuple. Elle préserve l’identité politique, culturelle et religieuse d’une nation. Si une personne doit vendre sa terre pour subvenir à ses besoins vitaux, c’est au plus proche parent que revient l’obligation d’acheter, non pour lui-même, mais pour celui qui est dans le besoin :

Lev 25,23-25 : Si ton frère devient pauvre et doit vendre une portion de sa propriété, son rédempteur, son parent proche, pourra venir reprendre ce que son frère a vendu

De même, si une personne est obligée de se vendre elle-même afin de payer ses dettes, son plus proche parent doit assurer sa rédemption. C’est une loi qui rend la liberté à l’esclave :

Lev 25,47-49 : Si un immigré ou un résident temporaire chez toi a des ressources et que ton frère devienne pauvre chez lui et se vende à l’immigré, au résident temporaire qui est chez toi ou à quelqu’un du clan de l’immigré, il y aura pour lui un droit de rédemption après qu’il se sera vendu : un de ses frères pourra assurer sa rédemption. Son oncle, ou le fils de son oncle, ou l’un de ses proches parents, pourra aussi assurer sa rédemption.

Dans les deux cas, le plus proche parent est le « racheteur », le rédempteur. Deux verbes hébreux expriment le rachat : « padah » et « gaal ». De ce dernier est tiré le nom de «goel» qui se traduit, selon le contexte, par sauveur, rédempteur, libérateur, défenseur, avocat, protecteur, consolateur.

C’est sur ces lois humaines que vient se greffer l’image du Dieu rédempteur. Dieu se fait le « goel » des orphelins (Pr 23,10-11), des pauvres (Ps 69,19) et des justes éprouvés (Ps 19,15).

Pour comprendre correctement ce mot, il faut le situer dans les contextes bibliques où il relève de deux types de coutumes. Selon le droit familial, le gô'êl (de l'hébreu gâ'al : « délivrer ») est le proche parent auquel incombe le devoir de racheter biens et personnes qui seraient devenus la propriété d'un étranger. Ainsi Yahveh est le gô'êl, le rédempteur d'Israël, ce qui souligne son lien de parenté avec Israël. Selon le droit commercial, on rachète (en hébreu pâda : « délivrer contre équivalent ») la vie des premiers-nés ou des esclaves grâce à une rançon; en appliquant cet usage à Yahweh rachetant Israël (Dt 7,8; 13,6), la Bible évite de mentionner la somme versée, en sorte que l'intérêt se porte non sur celle-ci, mais sur la situation désespérée de celui qui va être racheté (Xavier-Léon Dufour, Mort pour nos péchés, 1984).

Dieu est le « goel » de son peuple ; il le rachète de l’esclavage en Egypte :

Ex 6,5-7 Et moi, j'ai entendu le gémissement des Israélites asservis par les Égyptiens et je me suis souvenu de mon alliance. C'est pourquoi tu diras aux Israélites : Je suis Yahvé et je vous soustrairai aux corvées des Égyptiens ; je vous délivrerai de leur servitude et je vous rachèterai à bras étendu et par de grands jugements. Je vous prendrai pour mon peuple et je serai votre Dieu. Et vous saurez que je suis Yahvé, votre Dieu, qui vous aura soustraits aux corvées des Égyptiens.

2S 7,23 Y a-t-il, comme ton peuple Israël, un autre peuple sur la terre qu'un dieu soit allé racheter pour en faire son peuple, pour le rendre fameux et opérer en sa faveur de grandes et terribles choses en chassant devant son peuple des nations et des dieux ?

Ce peuple est unique et ce Dieu est unique. Alors dans un amour exclusif et passionné, on réalise de grandes choses. C’est l’œuvre de Dieu à l’égard de son peuple élu. Les prophètes le rappellent avec force et les psaumes le chantent en prière. Mais dans le fond, est-il seulement possible de remercier Dieu pour son action salvifique ou plus exactement de s’acquitter de sa dette. L’amant pardonné pour trahison se sentira toujours débiteur envers son épouse fidèle. Ainsi, le peuple racheté de son esclavage se sent-il toujours débiteur à l’égard de son Dieu. D’autant plus que le pardon comme le rachat est un acte gratuit de la part du partenaire de l’alliance. Il est impossible de le réaliser par soi-même. La rédemption, c’est aussi faire ce constat que l’homme ne peut se racheter définitivement lui-même devant Dieu.

Du fait de sa condition pécheresse, l’homme reste débiteur devant Dieu jusque dans sa mort et seul un acte rédempteur de la part de Dieu lui-même, lui ouvre les portes de la vie éternelle :

Ps 49,7-16 Mais l'homme ne peut acheter son rachat ni payer à Dieu sa rançon : il est coûteux, le rachat de son âme, et il manquera toujours pour que l'homme survive et jamais ne voie la fosse… Mais Dieu rachètera ma vie au pouvoir des enfers; oui, il me prendra.

Dieu seul dispose du pouvoir de racheter l’homme, c’est-à-dire de le sauver. Dieu seul est en mesure de payer à l’homme sa place dans le paradis. Ces propos soulignent paradoxalement la gratuité du rachat. Dieu offre gratuitement son salut, car il sait que l’homme ne saurait s’acquitter de sa dette.

Les multiples rachats terrestres trouvent leur épilogue dans la mort/résurrection de Jésus.

Jésus mort pour nos péchés

Jésus est mort pour nos péchés selon les données scripturaires. Cette affirmation « Mort pour nos péchés » pose question. Faut-il qu’un homme meure sur la croix dans le dessein d’effacer nos péchés ?

La mort de Jésus pour nos péchés nous est rapportée sous différentes formules : "il se livre, se donne", "il est livré", "il faut que". Elles reprennent les traditions cultuelles de l'Ancien Testament. Jésus est le gô'êl qui verse son sang pour nous libérer du péché. Il "paye" pour tous les hommes. Il "expie" nos fautes.