Homme et femme à l’image de Dieu
Image et ressemblance
Gn 1,26-27 Élohim dit : Faisons adam à notre image, selon notre ressemblance, ... Élohim créa l’adam (ha adam = substantif collectif ; l'humanité) à son image, à l’image d'Élohim il le créa ; mâle (zakar) et femelle (uneqebah) il les créa.
L’humanité constitue l’apogée de la création divine. Elle bénéficie d’une attention particulière aux yeux de Dieu, parce qu’elle est créée à son image contrairement aux espèces végétales et animales. La bible ose affirmer cette extraordinaire similitude entre Dieu et l’adam.
L'homme et la femme couronnent la création de Dieu. Ils se distinguent de toutes les autres oeuvres par leur caractère d'image (sèlèm) et de ressemblance (demut) avec Dieu (Gn 1, 26-27). Ni les oiseaux du ciel, ni les bêtes sauvages, ni les monstres marins ne ressemblent à Dieu. Le terme sèlèm traduit ce qui est taillé et sculpté. Il est employé pour désigner une image physique. Il décrit une extériorité. Le terme demut atténue l'aspect matériel puisqu'il n'évoque qu'une comparaison. Il exprime par ailleurs une intériorité.
L’Homme à l’image de Dieu est image de Dieu jusque dans la forme de son corps et jusque dans les informations qui sont contenues dans chaque cellule du corps. Et l’information fondamentale qui est là, c’est celle qui demande, qui nous demande à chacun, avec urgence, de faire croître la semence, de la faire grandir à l’intérieur de nous, de devenir des Fils (Annick de Souzenelle : Le corps, lieu de notre accomplissement spirituel, Conférence donnée à Lausanne le 13 novembre 2007).
L’image de Dieu, selon Genèse 1, est à la fois masculine et féminine. À une époque où la femme devait se soumettre à l’homme, c’est une idée assez révolutionnaire. L’homme et la femme sont parfaitement égaux devant Dieu.
L’humanité constitue l’apogée de la création divine. Elle bénéficie d’une attention particulière aux yeux de Dieu, parce qu’elle est créée à son image contrairement aux espèces végétales et animales. Qui oserait prétendre en se voyant nu dans un miroir qu’il est à l’image de Dieu ? La bible ose affirmer cette extraordinaire similitude entre Dieu et l’adam.
Nous avons l'habitude de confesser que Dieu crée l'homme à son image, selon sa ressemblance. Or le récit comporte une nuance importante. Dieu avait décidé de faire l'adam à son image, selon sa ressemblance, puis le texte nous dit : "A l'image de Dieu, il le créa". Exit la ressemblance. Se serait-il fatigué en route ? Aurait-il changé d’avis ? N’aurait-il pas été capable de faire la ressemblance ?
Basile de Césarée (IV) : N’as-tu pas remarqué que cette proposition est incomplète ? « Créons l’homme à notre image et ressemblance ». La délibération comprenait deux éléments : « à l’image » et « à la ressemblance ». L’exécution n’en contient qu’un. Dieu a-t-il délibéré d’une façon et puis changé d’avis ? Quelque repentir au cours de la création n’est-il pas intervenu ? N’y a-t-il pas eu impuissance du Créateur, qui décide une chose, et en réalise une autre ? [...] « Créons l’Homme à notre image et à notre ressemblance ». Nous possédons l’un par la création, nous acquérons l’autre par la volonté. Dans la première structure, il nous est donné d’être nés à l’image de Dieu ; par la volonté se forme en nous l’être à la ressemblance de Dieu. [...] Mais voilà qu’il nous a créés en puissance capables de ressembler à Dieu, afin que nous revienne la récompense de notre travail, afin que nous ne soyons pas comme ces portraits sortis de la main d’un peintre, des objets inertes, afin que le résultat de notre ressemblance ne tourne pas à la louange d’un autre. [...] Ainsi donc, afin que ce soit moi l’objet d’admiration et non un autre, il m’a laissé le soin de devenir à la ressemblance de Dieu. Basile de Césarée, Sur l’origine de l’homme, Homélies X-XI de l’Hexaemeron, Sources chrétiennes 160, Cerf, 1970.
Notons dans le texte que nous sommes uniquement créés à l’image, alors que l’intention comportait à la fois l’image et la ressemblance. L’image nous est donnée alors que la ressemblance relève de notre vocation. L’image est l’inné divin qui nous humanise ; elle ne peut être détruite. La ressemblance est l’acquis humain qui nous divinise ; elle est une alliance à ratifier, une relation à enrichir, un travail à accomplir, un talent à faire fructifier. Le christianisme insiste sur le rôle de la volonté, et elle va le théoriser à travers cette distinction de l’image et de la ressemblance ; la sanctification est une progression dans la ressemblance avec Dieu. Nous sommes à peine moindres que Dieu (Ps 8) et invités à être saints comme Dieu est saint (Lv 20,26), ou parfaits comme Dieu est parfait (Mt 5,48).
Le christianisme insiste sur le rôle de la volonté, et elle va le théoriser à travers cette distinction de l’image et de la ressemblance ; la sanctification est une progression dans la ressemblance avec Dieu. Nous sommes à peine moindres que Dieu (Ps 8) et invités à être saints comme Dieu est saint (Lv 20,26), ou parfaits comme Dieu est parfait (Mt 5,48).
Nous sommes créés mâle et femelle avec une vocation est de devenir homme et femme dans l’exercice de notre liberté comme le soulignent certains pères de l’Église et plus récemment encore Marie Balmary, psychanalyste et théologienne, dans son ouvrage "La divine origine", dont le sous-titre est « Dieu n’a pas créé l’homme ». Cette théologienne expose son idée dans un chapitre intitulé « Où dieu n’a fait que la moitié de son travail ».
L’autre moitié, c’est à nous de la faire. Nous sommes créés mâles et femelles appelés à devenir hommes et femmes.
Pour être homme il faut être responsable nous dit Antoine de Saint Exupéry. Être responsable de soi-même et l’un de l’autre. L’homme est responsable de la femme et la femme est responsable de l’homme. Être à l’image de Dieu et vivre selon sa ressemblance, c’est aider l’autre à se construire et à grandir en humanité ; c’est prendre conscience que mon partenaire est le premier prochain que je dois secourir lorsqu’il souffre. C’est l’aimer.
Le projet de Dieu est de nous rendre participants à la vie divine. Être à son image et à sa ressemblance signifie entrer dans l’intimité de Dieu pour communier à sa divinité. Dieu est amour (1Jn 4,8) ; il n’est que cela. La ressemblance à laquelle nous sommes appelés s’accomplit dans l’amour donné et reçu. En définitive, nous sommes faits pour prendre « la forme » de Dieu, dans les relations que nous vivons et plus particulièrement dans la relation homme femme.
En définitive, nous sommes faits pour prendre « la forme » de Dieu. Nous sommes donc fondamentalement appelés à aimer et à être aimés. L’amour nous constitue, nous anime et nous rend heureux. Notre cœur a soif d’être reconnu pour ce qu’il est : « Capax Dei » selon l’expression de saint Augustin, « capable de Dieu », capable d’aimer et de se laisser aimer en retour.
L’amour que nous nous témoignions nous renvoie au mystère de l’amour de Dieu :
C’est pourquoi l’expérience humaine de l’amour porte en soi un dynamisme qui renvoie au-delà de soi-même, c’est l’expérience d’un bien qui conduit à sortir de soi et à se retrouver face au mystère qui entoure l’existence tout entière. BENOÎT XVI, Audience générale du 7 novembre 2012.
Il y a un sens profond dans le fait que la Genèse ne voie la ressemblance de l’homme avec Dieu que dans l’association de l’homme et de la femme (Genèse 1, 27). Certes, le texte vise d’abord la capacité reproductrice de l’être humain, par laquelle il semble le plus à l’image de la puissance créatrice de Dieu et qui n’est donnée que dans l’association entre l’homme et la femme. Mais il y a un autre sens à dire que la pleine ressemblance de l’homme avec Dieu n’est donnée que dans les deux sexes ensemble, et non dans un seul à la fois ; car la définition de l’être humain n’est perceptible que dans les deux sexes à la fois. Peter Heinrici, Revue Communio. 2006.
La présentation de l'homme comme «image et ressemblance de Dieu», dès le début de l'Ecriture Sainte, revêt encore une autre signification. C'est la clé pour comprendre la Révélation biblique comme étant ce que Dieu dit de lui-même. Parlant de lui «par les prophètes comme par le Fils» (cf. He 1, 1. 2) qui s'est fait homme, Dieu utilise un langage humain, il utilise des concepts et des images propres à l'homme. Si cette façon de s'exprimer est caractérisée par un certain anthropomorphisme, laraison en est que l'homme est «semblable» à Dieu, créé à son image et à sa ressemblance. Alors, Dieu aussi est, dans une certaine mesure, «semblable a l'homme», et c'est précisément à partir de cette ressemblance qu'il peut être connu par les hommes. En même temps, le langage de la Bible est suffisamment précis pour marquer les limites de la «ressemblance», les limites de l'«analogie». En effet, la révélation biblique affirme que, si cette «ressemblance» de l'homme avec Dieu est vraie, plus essentiellement vraie encore est la «non-ressemblance»[27] qui sépare du Créateur toute la création. En fin de compte, pour l'homme créé à la ressemblance de Dieu, Dieu ne cesse d'être Celui «qui habite une lumière inaccessible» (1 Tm 6, 16): c'est le «Différent» par essence, le «Tout-Autre». Jean-Paul II, Mulieris dignitatem, 8.
A l'image de la Trinité
XII. Si le nombre de la Trinité te scandalise, comme étant opposé à l'unité de l'essence divine, d'où vient, je te le demande, que Dieu, s'il est seul et unique, parle au pluriel: «Faisons l'homme à notre image et "à notre ressemblance,» tandis qu'il aurait dû dire: «Je fais l'homme à mon image et à ma ressemblance,» puis-qu'il est seul et unique ? Mais dans le passage suivant: «Voilà qu'Adam est devenu comme l'un de nous,» n'est-ce pas me tromper ou se jouer de moi que de parler comme s'ils étaient plusieurs, lorsqu'il est seul, et concentré dans l'unité? Est-ce aux anges qu'il s'adressait alors, ainsi que l'interprètent les Juifs, parce qu'ils ne reconnaissent pas non plus le Fils? Ou bien, est-ce parce qu'il était tout à la fois Père, Fils, Esprit, que, se donnant comme pluriel, il s'adresse à lui-même au pluriel? Chimères que tout cela! Comme à sa personne étaient associées une seconde |196 personne, son Fils et son Verbe, puis encore une troisième personne, l'Esprit dans le Verbe, voilà pourquoi il emploie le pluriel: «Faisons.....Notre image..... L'un de nous.» En effet, avec qui créait-il l'homme? A la ressemblance de qui le créait-il? Il s'entretenait dans l'unité de la Trinité, d'une part, avec le Fils, qui devait un jour revêtir la chair de l'homme; de l'autre, avec l'Esprit qui devait un jour le sanctifier, comme avec autant de ministres et de témoins. Tertullien, Contre Praxean, https://www.tertullian.org/french/g3_06_adversus_praxean.htm.
Gn 1,26 Dieu dit : « Faisons l’adam à notre image, selon notre ressemblance …
Le verset présente une particularité : il est conjugué à la première personne du pluriel. En effet, ce « faisons » n’est utilisé que pour la création l’homme ! C'est ce que Basile de Césarée souligne particulièrement :
« Faisons l’homme à notre image et notre ressemblance » : Cette parole n’a encore été consignée pour aucun des êtres organisés. La lumière fut, et le commencement était simple : Dieu dit : « Que la lumière soit ». Le ciel fut, pas de délibération pour le ciel. Les luminaires furent, et aucune délibération préalable pour les luminaires. La mer et les océans sans borne : un commandement, et ils furent. Les poissons de toutes sortes : un ordre, et ils furent. Les bêtes sauvages et celles qui paissent, les bêtes qui nagent et celles qui volent : une parole, et elles furent. Ici, l’Homme n’est pas encore, et il y a délibération sur l’Homme. Dieu n’a pas dit comme pour les autres êtres : « Que l’Homme soit ! ». Reconnais la dignité qui t’appartient. Il n’a pas provoqué ton origine par un commandement, mais il y eut en Dieu un conseil pour savoir comment introduire dans la vie ce vivant digne d’honneur. » Basile de Césarée, Sur l’origine de l’homme, Homélies X et XI de l’Hexaéméron, traduction Alexis Smets et Michel Van Esboerck ; Paris, Cerf, 1970.
Rappelons que ce récit de tradition sacerdotale date du retour de l'Exil à Babylone (587-538). Elohim étant un pluriel, l'hypothèse d'une pluralité de divinités n'est pas à exclure à une période où le monothéisme commence à s'affirmer. Le pluriel de majesté doit être écarté, car il s’agit d’une formule inconnue de la grammaire hébraïque.
Sur l'ensemble du récit de la création, l’usage de cet impératif pluriel « faisons » apparaît pour la première fois lors de la création de l'adam. Il fait ressortir une réflexion au sein d'un Dieu qui se dit au pluriel, sous la forme d'une relation interne.
« Un entretien de Dieu avec lui-même, une délibération entre plusieurs conseillers divins et une résolution fondée sur cette délibération — voilà ce qui se produit. »
« Au moment précis où il allait être question de l’homme, il était nécessaire d’affirmer que le fondement créateur de son existence était et est une histoire située dans le domaine et dans l’être divins, un mouvement à l’intérieur de Dieu, un appel de la divinité et une réponse unanime à cet appel. » Karl Barth, Dogmatique ecclésiale, La doctrine de la Création, Genève, éd. Labor et Fides, 1965 ; p. 195 et p. 201.
Parce que Dieu est communion, Il ne peut créer que des êtres appelés à une communion. A l'inverse, l'homme et la femme sont à l'image d'un Dieu pluriel en communion. L'homme ne devient véritablement image de Dieu que dans ses relations avec Dieu et avec ses semblables. L'homme est habité par la vocation de connaître Dieu.
Régner sur les œuvres de la création
L'homme est placé dans le monde comme le représentant de la puissance et de la gloire divines. Il possède en lui quelque chose de Dieu. Un aspect de la nature divine lui est accordé. L'image et la ressemblance expriment la dignité de l'homme dans la création. Ils révèlent ses pouvoirs, son identité et son statut dans l'échelle des créatures. Dans cette perspective, Dieu donne à l'homme le pouvoir de dominer sur la création et de soumettre les animaux. L'homme est placé au sommet de la hiérarchie. En tant que lieu-tenant de Dieu, il dispose d'une autorité sur la création. Le psaume 8 décrit majestueusement cette souveraineté.
Ô Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par toute la terre !
Jusqu'aux cieux, ta splendeur est chantée
par la bouche des enfants, des tout-petits : rempart que tu opposes à l'adversaire, où l'ennemi se brise en sa révolte.
A voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et les étoiles que tu fixas,
qu'est-ce que l'homme pour que tu penses à lui, le fils d'un homme, que tu en prennes souci ?
Tu l'as voulu un peu moindre qu'un dieu, le couronnant de gloire et d'honneur ;
tu l'établis sur les oeuvres de tes mains, tu mets toute chose à ses pieds :
les troupeaux de boeufs et de brebis, et même les bêtes sauvages,
les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, tout ce qui va son chemin dans les eaux.
O Seigneur, notre Dieu, qu'il est grand ton nom par toute la terre !
Pour conclure
En définitive, la relation homme femme nous renvoie au mystère de la relation en Dieu. Nous sommes créés à l’image de Dieu, donc appelés à vivre du mystère même de l’amour divin et une vie ne suffit pas pour en connaître toutes les facettes.
La vocation fondamentale et ultime de l’homme et de la femme créés à l’image de Dieu, c’est de vivre de la ressemblance de la vie trinitaire, à savoir celle de l’amour. C’est le programme de toute une vie et même de l’éternité.
La différence sexuelle homme femme possède une profonde signification pour la personne en tant qu'image de Dieu. En effet, « par la communion des personnes, l'homme devient image de Dieu ». L’union de l’homme et de la femme ressemble à la communion d'amour de Dieu le Père, Fils et Esprit Saint. La différence sexuelle porte la trace de Dieu.
En disant que « à l’image de Dieu il le créa, homme et femme il les créa » le texte biblique exprime donc une image de Dieu en l’homme qui n’est pas simplement spirituelle mais qui s’enracine
dans la corporéité humaine. La relation homme femme je-tu-nous est à l’image de la relation trinitaire entre le Père, le Fils et l’Esprit.