Les sectes
Le sens le plus ancien de « secte » s’explique par son étymologie. Le mot a été formé sur le verbe latin sequi, suivre (participe passé « secutus, secuta »). Certains étymologistes font dériver le mot secte de secare, couper. Les deux origines se recoupent. Le fait de suivre un maître peut entraîner une coupure avec le monde.
Le terme est utilisé dans les Actes des Apôtres pour qualifier les premiers chrétiens :
Act 24,5 Nous avons découvert que cet homme était une peste, qu’il provoquait des émeutes parmi tous les Juifs du monde et que c’était un chef de file de la secte (airesis - hérésie en grec, secta en latin) des Nazôréens... 14 Voici ce que je reconnais : je suis au service du Dieu de nos pères selon la Voie qu’eux qualifient de secte ; je crois tout ce qui est écrit dans la Loi et les Prophètes.
A maintes reprises, la religion chrétienne elle-même se désignera comme la secte du Christ, par exemple chez Tertullien ou chez saint Cyprien.
Sur le plan légal
La MIVILUDES (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires) parle de « dérives sectaires » plutôt que de secte. L’organisme les définit comme « la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé, quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la société.»
Pour identifier ces dérives sectaires, l’organisme retient les critères suivants :
- la déstabilisation mentale
- le caractère exorbitant des exigences financières
- la rupture avec l’environnement d’origine
- l’existence d’atteintes à l’intégrité physique
- l’embrigadement des enfants
- le discours antisocial
- troubles à l’ordre public
- l’importance des démêlés judiciaires
- l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels
- tentatives d’infiltration des pouvoirs publics
Voir le site MIVILUDES
Pour l'Eglise
L’Église catholique a considérablement évolué par rapport à la définition de la « secte ». Hier, elle s’opposait aux autres confessions chrétiennes et aux autres religions avec la certitude de posséder la vérité absolue. Elle qualifiait de « secte » tout groupe religieux acatholique. Joseph Rey, théologien et professeur à la Faculté de théologie catholique de Strasbourg en 1880, rangeait francs-maçons, naturalistes, déistes, humanistes, rationalistes, socialistes et communistes sous le terme générique de secte.
Les critères retenus par l'Eglise catholique :
- I. Le culte de la personnalité : Un fondateur, gourou, maître.
- 1. La naissance du groupe : Un dysfonctionnement dans le discernement des vocations
- 2. Le culte du fondateur
- 3. Hors du groupe, pas de salut
- 4. Au-dessus des lois
- II. La coupure avec l’extérieur
- 1. Les ruptures
- ruptures familiales à partir du moment où la famille émet quelque interrogation ;
- ruptures amicales ;
- rupture sociale avec changement de prénom et disparition du patronyme ;
- rupture des études, de la profession ;
- ruptures économiques : la recrue se déleste de ses biens entre les mains du groupe ;
- ruptures d’informations : ni télévision ni radio ni presse ; index pour les lectures ;
- rupture sanitaire : psychologues diabolisés, vaccinations interdites, médecines et psycho-thérapies alternatives imposées, collusion avec des médecins amis de la communauté ;
- rupture ecclésiale : fonctionnement auto-suffisant ; méfiance vis-à-vis des autorités ;
- rupture interne entre les membres : absence de relations interpersonnelles, avec devoir de délation.
- 2. Le contrôle sur le choix des confesseurs et directeurs spirituels.
- 3. Une formation carencée centrée sur des écrits du fondateur ou d’une sélection tendancieuse d’auteurs.
- 4. Un vocabulaire ésotérique propre au groupe.
- 5. La multiplicité des dévotions mêlant superstition et lubies.
- 6. Une vision dualiste du monde, bon et mauvais.
- 7. L’accent est mis sur le diable, d’où la fréquence exorcismes sauvages.
- 8. Des conditions de vie inhumaines avec mises en danger pour la santé physique, psychique et spirituelle
- 9. Une fausse pauvreté
- 8. Une remise en cause de l'autorité parentale
- 9. Dans le domaine de la santé, rejet des thérapies médicales : « Le Seigneur guérit ! Nous, nous le croyons. »
- 9. Dolorisme et culte de la souffrance
- III. La manipulation
- 1. Le prosélytisme
- 2. Le recrutement vocationnel : ll faut séduire et ramener à la communauté.
- 3. La confusion des fors externe (supérieur) et interne (confesseur et de directeur spirituel)
- 4. Des vœux particuliers propres à la communauté
- 5. Le secret imposé comme règle absolue
- 6. Mensonges, tromperies et dissimulations
- 7. L’autoritarisme du responsable et la soumission des membres
- 8. Tout questionnement vient du mauvais
- 9. Humiliations et culpabilisations
- 10. La sortie est rendue difficile
- IV. L’incohérence de la vie
- 1. La vie « extra-ordinaire » des chefs
- 2. L’argent
- La mise en commun des biens
- L’exploitation du travail des membres.
- La gestion financière opaque.Montage fictif en sous-associations, associations-écran.
- Les dons et captations d’héritage.
- 3. Les mœurs : pédophilie, viols, attouchements, éphébophilie…
En conclusion, un seul critère ne peut suffire pour qualifier un groupe comme étant le lieu de dérives sectaires. Seul un faisceau de critères conjugués permet de prendre conscience du caractère pathologique d’une communauté ou d’une association. Toutes ces dérives se retrouvent aussi bien dans des groupes catholiques que dans d'autres groupes. Les trois tentations du pouvoir, de l’avoir et du jouir sont bien universelles.
Voir le site de la Conférence des Evêques de France
Le mécanisme de l'emprise
9 décembre 2019, conférence du Dr Chartier-Siben à la Corref (Conférence des religieux et religieuses de France) lors de la journée de formation sur les abus.
Éric Morain propose une définition : « L’emprise est l’ensemble des mécanismes et des processus qui permettent à un psychisme d’exercer tout pouvoir sur un autre psychisme à son propre bénéfice et sans tenir compte du désir propre de l’autre. »
Comment une personne peut-elle tomber sous l'emprise de quelqu'un ? Le mécanisme se met en place à travers plusieurs étapes :
- 1. La séduction : correspondre aux attentes de la personne. Comme dans le "jeu amoureux", il faut donner à voir ce que l'autre veut voir et entendre ce que l'autre veut entendre.
- 2. La mise en place du lien de dépendance : Comme dans le "jeu amoureux", les personnes entretiennent une relation privilégiée, exclusive, avec des confidences et partages de secrets. Tout cela est "voulu par Dieu".
- 3. L’alternance progressive de valorisations/dévalorisations. Des petites maltraitances voient le jour : humiliations, moqueries, rumeurs, moqueries, médisances, menace. Le "maître" multiplie alors menaces, humiliations et mensonges pour terroriser sa proie et lui faire perdre le peu d’estime d’elle-même qui lui reste. Il l’enferme dans la honte et la culpabilité, honte et culpabilité qui l’empêcheront de parler et de se faire aider. A ces formes de dévalorisation succèdent parfois de graves maltraitances : insultes, coups et blessures, prescription abusive de psychotropes et/ou sans consultation chez un psychiatre indépendant de la communauté, non-respect d’un minimum de sommeil, surcharge de travail, invraisemblables obligations alimentaires (jeûnes excessifs, gavages jusqu’à provoquer vomissements et surcharges pondérales…), agressions sexuelles, viol,...
En conclusion, la personne subit un véritable lavage de cerveau et perd tout ses points de repère. Elle est dépossée d'elle-même et pense comme son abuseur.