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Marie dans les récits de l'enfance de Luc

La scène de l’Annonciation (Luc 1,26-38) révèle la façon avec laquelle Dieu demande son consentement pour donner cours à l’Alliance.

Lc 1, 28 : Réjouis-toi, Marie

En Lc 1,28 l'ange s'adresse en disant "Khàire" à Marie. Faut-il traduire par « Je vous salue » ou par « Réjouis-toi »?

Les Pères latins ont majoritairement interprété ce verbe comme un simple "salut" en usage dans les relations sociales. Nous trouvons ce sens au moment de la passion quand il est dit à Jésus : « Salut Rabbi » (Mt 26,49) ; salut roi des Juifs. (Mt 27,29)

Cependant, dans le cas de Luc 1,28, "Khàire" a un sens d'invitation à la Joie. Il est dit en Lc 1,14": « Il (= Jean Baptiste) sera pour toi un motif de joie et d'allégresse et beaucoup se réjouiront de sa naissance. » Par ailleurs dans le Grec des septante, le verbe "Khaire" annonce la joie messianique :

So 3,14 Pousse des cris de joie, fille de Sion! une clameur d'allégresse, Israël! Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem! Jo 2,21 Terre, ne crains plus, jubile et sois dans l'allégresse, car Yahvé a fait grand! Za 9,9 Exulte avec force, fille de Sion! Crie de joie, fille de Jérusalem! Voici que ton roi vient à toi : il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon, le petit d'une ânesse.

Le nom Gabriel que l'ange nous révèle (v. 19) signifie « force de Dieu » ou « Dieu est ma force ». Dans l'Ancien Testament, l'ange Gabriel annonce au prophète Daniel la fin du royaume d'iniquité et la venue d'un temps nouveau (Daniel 8, 16 et 9, 21). Dans le Nouveau Testament, l'ange Gabriel intervient deux fois : À Jérusalem, il annonce à Zacharie la naissance de Jean Baptiste (Lc 1,19). À Nazareth, il annonce à la Vierge Marie qu'elle est appelée à devenir la mère de Jésus, le Fils du Très Haut (Lc 1, 26-38).

Lc 1, 28 : Comblée de grâce

Lc 1, 28-30 Il entra et lui dit : « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi. » A cette parole elle fut toute troublée, et elle se demandait ce que signifiait cette salutation. Et l'ange lui dit : « Sois sans crainte, Marie ; car tu as trouvé grâce auprès de Dieu.

L'ange entra chez la Marie et lui dit : "Je te salue, comblée de grâce" (grec = "kecharitoménè"). Marie est troublée, car elle ne comprend pas.

Marie est saluée avec le titre "kecharitoménè" (Lc 1,28). C’est le nom propre de Marie. Luc, utilise ce nom avant de prononcer le nom de "Marie", en mettant ainsi en évidence que ce nom a une valeur primordiale dans la personnalité de Marie.

Le mot grec « kecharitoménè » qui est un participe passif. Pour rendre avec plus exactitude la nuance du terme grec, on ne devrait pas dire simplement « pleine de grâce », mais « rendue pleine de grâce » ou « comblée de grâce », ce qui indiquerait clairement qu'il s'agit d'un cadeau fait par Dieu à la Vierge.

Tu concevras et enfanteras

Lc 1,30-31 « Tu as trouvé grâce auprès de Dieu, voici que tu concevras et enfanteras un fils, et tu l’appelleras Jésus ».

Dans le v. 30 on trouve de nouveau le substantif grâce, (en grec : « charis »), qui cette fois-ci désigne le devoir, la grâce fonctionnelle que Dieu assigne à Marie : devenir mère du Fils du Très-haut, mère du Fils de Dieu. La grâce désigne en définitive Dieu lui-même qui se donne à Marie : « le Seigneur est avec toi ».

L'expression « comblée de grâce » n'est pas alors uniquement un constat, mais aussi un envoi : va, tu as trouvé grâce auprès de Dieu.(Luc 1,30). Moïse avait également trouvé grâce aux yeux du Seigneur :

Ex 33,17 L'Éternel dit à Moïse: Je ferai ce que tu me demandes, car tu as trouvé grâce à mes yeux, et je te connais par ton nom.

Ce caractère d'envoi se lit dans la formule « Le Seigneur est avec toi ». Par exemple dans le livre de Ruth, Booz salue les moissonneurs en leur disant « Le Seigneur soit avec vous ». Mais elle peut aussi avoir un sens plus fort notamment dans un contexte d'envoi en mission. Ce sont par exemple les mots de l'Ange du Seigneur à Gédéon dans le livre des Juges :

Juges 6,12 Le Seigneur est avec toi, vaillant guerrier ! » Juges 6,14 Va avec cette force que tu as, c'est moi qui t'envoie » dit Dieu

L’ange annonce la bonne nouvelle directement à Marie. Joseph n’est pas mis au courant parce que Luc n’a pas la préoccupation d’insérer la naissance de Jésus dans l’attente messianique du peuple d’Israël. C’est à Marie de donner le nom à l’enfant.

Lc 1,31 Voici que tu concevras dans ton sein et enfanteras un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus… 34, Mais Marie dit à l'ange : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d'homme ? »

Marie se pose naturellement la question : comment cela se fera-t-il ? Ici la phrase signifie « je n’ai pas de relations sexuelles avec un homme ». Pour Luc comme pour Matthieu la question de la virginité après la naissance ne se pose pas.

Lc 1, 35 : Dieu descendit, dans la nuée

Lc 1,35. L'ange lui répondit : « L'Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c'est pourquoi l'être saint qui naîtra sera appelé Fils de Dieu.

Exode 40,34-35 « La nuée couvrit la Tente du Rendez-vous, et la gloire de YHWH emplit la Demeure. Moïse ne put entrer dans la Tente du Rendez-vous, car la nuée demeurait sur elle, et la gloire de YHWH emplissait la Demeure. »

Dans l’Ancien Testament, la nuée est signe de la présence divine qui s’établit sur la tente de la rencontre (Ex 40,35 ; Nm 9,18.22) ou guide Israël en marche dans le désert (Nm 10,36).

Lors de l'Annonciation, l'Ange appelle l'Esprit " la puissance du Très-Haut " (Lc 1, 35), en harmonie avec l'Ancien Testament qui le présente comme l'énergie divine à l'oeuvre dans l'existence humaine, la rendant capable d'actions merveilleuses. Se manifestant à un degré suprême dans le mystère de l'Incarnation, cette puissance qui, dans la vie trinitaire de Dieu est l'Amour, a pour mission de donner le Verbe incarné à l'humanité.

Lc 1,38 - Le « oui » de Marie

Lc 1,38 Marie dit alors : « Je suis la servante du Seigneur ; qu'il m'advienne selon ta parole ! » Et l'ange la quitta.

La première béatitude rapportée dans l'Évangile est celle de la foi, qui fait référence à Marie: « Bienheureuse celle qui a cru » (Lc 1, 45). Ces paroles, prononcées par Élisabeth, soulignent le contraste entre l'incrédulité de Zacharie et la foi de Marie.

Recevant le message de la future naissance de son fils, Zacharie avait eu du mal à y croire, jugeant la chose irréalisable, car sa femme et lui étaient d'un âge avancé. Marie, lors de l'Annonciation, est confrontée à un message encore plus bouleversant, qui est la proposition de devenir la mère de Dieu. À cette perspective, elle ne réagit pas par le doute, mais elle se limite à demander comment la virginité, à laquelle elle se sent appelée, peut être conciliée avec la vocation maternelle.

L'ange lui ayant répondu en évoquant la toute-puissance divine agissant à travers l'Esprit, Marie accorde son consentement. En ce moment unique de l'histoire de l'humanité, la foi joue un rôle décisif. Saint Augustin affirme à juste titre :

Augustin Sermon 293. On croit et on conçoit le Christ à travers la foi. Tout d'abord se réalise la venue de la foi dans le cœur de la Vierge, ensuite la fécondité vient dans le sein de la Mère.

Servante du seigneur : En hébreu, le mot "eved" désigne les Hébreux en Égypte, on traduit alors "esclaves" ; Le mot "eved" désigne aussi Moïse et David, on traduit alors "Serviteurs" (du Seigneur). Devenir servante comporte un renoncement à soi. Jésus est le serviteur, non seulement serviteur du Père, mais notre serviteur !

« Aussi bien, le Fils de l'homme lui-même n'est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. » (Marc 10, 45)

Lc 1,42 - Bénie es-tu

Lc 1,42 Bénie es-tu entre les femmes, et béni le fruit de ton sein !

La bénédiction est littéralement « une bonne parole ». La fécondité est une bénédiction alors que la stérilité est une malédiction. Marie est bénie par grâce. C’est elle que Dieu choisit pour porter son fils. Pourquoi elle et pas une autre ? C’est le mystère de l’amour qui n’épuise jamais les raisons du choix de son ou sa partenaire.

Lc 2,19 - Marie gardait tout cela dans son cœur

L’ange de l’Annonciation est absolument indispensable. Marie est la toute première qui reçoit la révélation de « ce que l’œil n’a pas vu, l’oreille n’a pas entendu, de ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme » (1Co 2,9).

Elle ne pouvait pas inventer cela toute seule, à force de concentration et de méditation. Elle ne pouvait pas davantage l’apprendre de quelqu’un d’autre en ce monde.

Elle ignore le comment. En revanche elle connaît le cela, le miracle : la Puissance du Très-Haut l’a prise sous son ombre et son fils est le Salut du monde.