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Marie, mère de Dieu

Marie est-elle mère de Dieu ? La question est avant tout christologique et tourne autour de l’humanité et de la divinité de Jésus. Des hérésies apparaissent durant les premiers siècles de l’Eglise et les Pères de l’Eglise doivent défendre et argumenter la vrai nature du Christ : vrai Dieu et vrai homme sans confusion ni séparation. C’est à partir de ces réflexions qu’ils s’intéressent à Marie puisque c’est elle qui met au monde Jésus. La question qui se pose alors : met-elle au monde uniquement un petit garçon ou également le fils de Dieu ?

La divinité de Jésus dans les récits de l’enfance

Dans l’annonce à Joseph, trois expressions dénotent le caractère divin de l’enfant conçu par Marie :

Mt 1,21-23 Elle enfantera un fils, et tu l'appelleras du nom de Jésus : car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. Or tout ceci advint pour que s'accomplît cet oracle prophétique du Seigneur : Voici que la vierge concevra et enfantera un fils, et on l'appellera du nom d'Emmanuel, ce qui se traduit : «Dieu avec nous».

"Il sauvera son peuple" : Le Nouveau Testament, en héritant du langage de l’Ancien Testament, rapporte cette expression à Dieu qui avait choisi Israël comme son peuple.

" ... de ses péchés" : sauver des péchés est une prérogative divine. « Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul? » (Mc 2,7)

"Emmanuel, Dieu avec nous" : cette appellation signifie que Jésus est présent jusqu'à la fin du monde : "Et voici que je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde." (Mt 28,20).

Dans l’évangile de saint Luc, l’ange de l’Annonciation présente le caractère divin de l’enfant avec le langage de la culture juive : « Fils du Très Haut » (Lc 1, 32), « Fils de Dieu » (Lc 1, 35), « la mère de mon Seigneur » (Lc 1,43).

Jésus vrai Dieu et vrai homme

Irénée de Lyon (120-202) : Car telle est la raison pour laquelle le Verbe s’est fait homme, et le Fils de Dieu, Fils de l’homme : c’est pour que l’homme, en entrant en communion avec le Verbe et en recevant ainsi la filiation divine, devienne fils de Dieu (hær. 3, 19, 1)

Athanase d’Alexandrie (298-373) : Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu (Discours sur l’Incarnation du Verbe, 54,3)

Au IVe siècle Arius confesse que le Fils n'est pas de la même nature que Dieu, incréé et éternel. Jésus est créé et temporel. Si le Fils témoigne de Dieu, il n'est pas Dieu, et si le Fils possède un certain degré de divinité, elle est de moindre importance que celle du Père. Les Pères du concile de Nicée (325) répondent affirment avec force la consubstantialité du Fils avec le Père, c'est pourquoi il est clair qu'ils permirent une profonde compréhension de la maternité divine (Marie conçoit Jésus qui est de même nature que le Père... vrai Dieu né du vrai Dieu). Le symbole du premier concile de Constantinople, convoqué par l’empereur Théodose en 381, synthétise de manière dogmatique la position de l'Eglise :

Je crois en un seul Seigneur, Jésus Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles : Il est Dieu, né de Dieu, lumière, née de la lumière, vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père, et par lui tout a été fait. Pour nous les hommes et pour notre salut, il s'est incarné de l'Esprit Saint et de la Vierge Marie.

Grégoire de Naziance (329-390), Lettre 101, (PG 36, 181, dans sources chrétiennes 208, par M.JOURJON, Paris, Cerf, 1974, pp. 43-51) Si quelqu'un ne croit pas que sainte Marie est Mère de Dieu, il est séparé de la divinité. Si quelqu'un vient à dire que le Christ est passé à travers la Vierge comme à travers un canal sans avoir été formé en elle d'une manière à la fois divine, parce que ce fut sans l’action d’un homme, et humaine, parce que ce fut selon le processus normal de la grossesse -, celui-là est tout aussi bien étranger à Dieu. Si quelqu'un vient à dire que l’homme a d’abord été formé et qu’ensuite Dieu s’est glissé en lui, il est digne de condamnation. […] Si quelqu'un introduit deux Fils, l’un étant celui du Dieu et Père et le second étant celui de la mère, au lieu d’un seul et même Fils, que celui-là soit déchu de l’adoption promise aux hommes qui ont la foi droite. Les natures, en effet, sont au nombre de deux, celle de Dieu et celle de l’homme […] mais il n’y pas deux fils.

Le concile d'Ephèse (431). Rappelons que le concile d’Éphèse n’est pas centré sur une approche mariale mais christologique : l’enjeu est de tenir la réalité de l’union des natures – divines et humaines – dans le Christ face à une pensée nestorienne cherchant à distinguer le Verbe de Dieu de l’homme Jésus. En effet pour Nestorius Marie ne pouvait pas être Θεοτόκος (théotokos) mais seulement Chritotokos (« mère du Christ »), c’est à dire mère de l’homme en qui a résidé le logos :

Cyrille d’Alexandrie (376-444) : Celui, en effet, qui a été engendré par le Père, est dit né d’une femme selon la chair, non pas dans le sens qu’il ait reçu le début de son existence dans la sainte Vierge, mais parce que, en ayant uni à soi la nature humaine selon l’hypostase, il est né d’une femme. C’est pourquoi on dit souvent qu’il est né selon la chair. Voici ce qu’enseigne la doctrine de la foi plus sûre, ce qu’avaient retenu les saints Pères : en effet ils n’ont pas craint d’appeler la sainte Vierge Theotokos (mère de Dieu), non pas en ce sens que la nature du Verbe et sa divinité ait eu de la sainte Vierge le début de son origine, mais qu’en ayant tiré d’elle ce corps sacré perfectionné par l’âme intelligente à qui il était uni selon l’hypostase, se déclare né selon la chair.

La divinité du Verbe n’a pas son début en Marie, mais il a pris d’elle et en elle cette nature humaine complète qu’il avait fait sienne selon l’hypostase. Theotokos, donc, ne signifie pas théologiquement "mère de la divinité" mais "mère du Verbe incarné." Etymologiquement théotokos désigne « celle qui enfante Dieu » Hypostase désigne une subsistance fondamentale, un principe premier. L'étymologie donne, pour le mot grec hupostasis : hupo = « dessous » et stases = « station, position ». Les hypostases sont des principes premiers, des réalités fondamentales, dont l'étude relève de la métaphysique ou de la théologie.

Le concile de Chalcédoine en 451 précise l'union hypostatique, c'est à dire l'union de la nature humaine et de la nature divine dans une seule personne, le Christ :

En suivant les saints Pères, nous enseignons tous unanimement que soit confessé un seul et même Fils, Seigneur, l'unique engendré, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation. La différence des natures n'est pas enlevée par l'union, mais au contraire la propriété de chaque nature demeure, et chacune concoure dans une unique personne et une seule hypostase.

St Jean Damascène († vers 750). Comme celui que nous adorons est Dieu, [...] qui dépasse toute cause, parole, idée soit de temps soit de nature, c'est la Mère de Dieu que nous honorons et vénérons…Et s'incarnant, il naît de cette Vierge sacrée sans union humaine, restant lui-même Dieu tout entier, et tout entier devenu homme, pleinement Dieu avec sa chair, et pleinement homme avec son infinie divinité. Nous ne l'appelons pas une déesse - loin de nous ces fables de l'imposture grecque - puisque nous annonçons aussi sa mort. Mais nous la reconnaissons pour la Mère de Dieu incarné. Qu'y a-t-il de plus glorieux que d'avoir donné accueil au dessein de Dieu ?