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Site de Formation Théologique

Les outils du disciple missionnaire

En quelques décennies, nous sommes passés d’une société judéo-chrétienne à une société poly-culturelle. Jusque vers le milieu du XXè siècle, l'Eglise se posait en référence à la quelle il fallait s’accorder. Les gens pratiquaient par tradition sans se poser de question. L’Eglise définissait le sens de l’existence, offrait des points de repères et distinguait le bien du mal. Même si les fidèles ne comprenaient rien au latin, ils assistaient aux cérémonies religieuses avec une fervente piété. Ce temps est désormais révolu. L’Eglise ne se présente plus comme le chef d’orchestre de ce monde en mouvance. Les sciences apportent leurs réponses. La morale religieuse est rejetée. Les rites religieux ne font plus sens pour une très grande majorité. Aller à la messe est ennuyeux pour celui qui ne comprend pas le langage codifié de tous les gestes, paroles et symboles qui rythment l'office. Reconnaissons que les paroles "Le Seigneur soit avec vous" ou encore « Agneau de Dieu qui enlève le péché du monde », nécessitent une formation théologique pour les appréhender.

Autrefois, l’évangélisation se faisait par les cérémonies religieuses aujourd’hui délaissées. L'Eglise se doit donc d'inventer de nouvelles formes d'évangélisation si elle ne veut retrouver sa place dans le concert du monde.

Une nécessaire transformation ! Faut-il tout transmettre ?

Sur ces sujets, voir l'étude des rites de passage

Trans-former nos habitudes

A de multiples reprises, le pape nous invite à transformer nos habitudes.

JDE 35. Une pastorale en terme missionnaire n’est pas obsédée par la transmission désarticulée d’une multitude de doctrines qu’on essaie d’imposer à force d’insister. Quand on assume un objectif pastoral et un style missionnaire, qui réellement arrivent à tous sans exceptions ni exclusions, l’annonce se concentre sur l’essentiel, sur ce qui est plus beau, plus grand, plus attirant et en même temps plus nécessaire.

Ni la société dans laquelle nous vivons ni celle vers laquelle nous cheminons ne permettent la pérennisation sans discernement de formes et de modèles du passé (La joie de l’amour, 2016, n° 32).

JDE 27 J’imagine un choix missionnaire capable de transformer toute chose, afin que les habitudes, les styles, les horaires, le langage et toute structure ecclésiale devienne un canal adéquat pour l’évangélisation du monde actuel, plus que pour l’auto-préservation.

JDE 41 En même temps, les énormes et rapides changements culturels demandent que nous prêtions une constante attention pour chercher à exprimer la vérité de toujours dans un langage qui permette de reconnaître sa permanente nouveauté. Car, dans le dépôt de la doctrine chrétienne « une chose est la substance […] et une autre la manière de formuler son expression. » Parfois, en écoutant un langage complètement orthodoxe, celui que les fidèles reçoivent, à cause du langage qu’ils utilisent et comprennent, c’est quelque chose qui ne correspond pas au véritable Évangile de Jésus Christ. Avec la sainte intention de leur communiquer la vérité sur Dieu et sur l’être humain, en certaines occasions, nous leur donnons un faux dieu ou un idéal humain qui n’est pas vraiment chrétien. De cette façon, nous sommes fidèles à une formulation, mais nous ne transmettons pas la substance. C’est le risque le plus grave. Rappelons-nous que « l’expression de la vérité peut avoir des formes multiples, et la rénovation des formes d’expression devient nécessaire pour transmettre à l’homme d’aujourd’hui le message évangélique dans son sens immuable ».

JDE 43 Dans son constant discernement, l’Église peut aussi arriver à reconnaître des usages propres qui ne sont pas directement liés au cœur de l’Évangile. Aujourd’hui, certains usages, très enracinés dans le cours de l’histoire, ne sont plus désormais interprétés de la même façon et leur message n’est pas habituellement perçu convenablement. Ils peuvent être beaux, cependant maintenant ils ne rendent pas le même service pour la transmission de l’Évangile. N’ayons pas peur de les revoir. De la même façon, il y a des normes ou des préceptes ecclésiaux qui peuvent avoir été très efficaces à d’autres époques, mais qui n’ont plus la même force éducative comme canaux de vie. Saint Thomas d’Aquin soulignait que les préceptes donnés par le Christ et par les Apôtres au Peuple de Dieu « sont très peu nombreux ». Citant saint Augustin, il notait qu’on doit exiger avec modération les préceptes ajoutés par l’Église postérieurement « pour ne pas alourdir la vie aux fidèles » et transformer notre religion en un esclavage, quand « la miséricorde de Dieu a voulu qu’elle fût libre ». Cet avertissement, fait il y a plusieurs siècles, a une terrible actualité. Il devrait être un des critères à considérer au moment de penser une réforme de l’Église et de sa prédication qui permette réellement de parvenir à tous.

JDE 49 Sortons, sortons pour offrir à tous la vie de Jésus-Christ. Je répète ici pour toute l’Église ce que j’ai dit de nombreuses fois aux prêtres et laïcs de Buenos Aires : je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort de s’accrocher à ses propres sécurités. Je ne veux pas une Église préoccupée d’être le centre et qui finit renfermée dans un enchevêtrement de fixations et de procédures. Si quelque chose doit saintement nous préoccuper et inquiéter notre conscience, c’est que tant de nos frères vivent sans la force, la lumière et la consolation de l’amitié de Jésus-Christ, sans une communauté de foi qui les accueille, sans un horizon de sens et de vie. Plus que la peur de se tromper j’espère que nous anime la peur de nous renfermer dans les structures qui nous donnent une fausse protection, dans les normes qui nous transforment en juges implacables, dans les habitudes où nous nous sentons tranquilles, alors que, dehors, il y a une multitude affamée, et Jésus qui nous répète sans arrêt : « Donnez-leur vous-mêmes à manger » (Mc 6, 37).

Le pape François met en garde contre «l’esprit mondain du retour en arrière». Le refrain «on a toujours fait comme ça» est une «tentation dans la vie de l’Église qui te conduit à un restaurationisme mondain, sous des apparences de liturgie et de théologie, mais il est mondain», a dénoncé le Pape. «Le retour en arrière est toujours mondanité», c’est aller «contre la vérité et aussi contre l’Esprit», a-t-il ajouté, avant de pointer du doigt le traditionalisme qui se réclame de la tradition. La tradition «est la foi vivante des morts, le traditionalisme est la foi morte de quelques vivants. Ils tuent ce contact avec les racines en allant en arrière». Et François de mettre en garde contre la «tentation du retour en arrière déguisé en tradition». Voir l'article complet.

Lors de son voyage au Kazakhstan (15/09/2022), le pape François demande que les communautés ne deviennent pas rigides et clériclisées. "Ne soyez pas des administrateurs du sacré ou des gendarmes chargés de faire respecter les normes religieuses".

Quelles solutions ?

Une Église en sortie, appelée à aller aux périphéries

«Soit l’Eglise est en sortie, soit elle n’est pas Eglise». Une Eglise qui ne sort pas court le risque de se réduire à une «association spirituelle», rien de moins qu’une «multinationale» destinée à lancer des messages éthiques et religieux (Pape François, Sans Jésus...).

JDE 20 Tout chrétien et toute communauté discernera quel est le chemin que le Seigneur demande, mais nous sommes tous invités à accepter cet appel : sortir de son propre confort et avoir le courage de rejoindre toutes les périphéries qui ont besoin de la lumière de l’Évangile.

JDE 24 L’Église “en sortie” est la communauté des disciples missionnaires qui prennent l’initiative, qui s’impliquent, qui accompagnent, qui fructifient et qui fêtent.

Inculturer l’évangile

JDE 69. Le besoin d’évangéliser les cultures pour inculturer l’Évangile est impérieux. Dans les pays de tradition catholique, il s’agira d’accompagner, de prendre soin et de renforcer la richesse qui existe déjà, et dans les pays d’autres traditions religieuses ou profondément sécularisés, il s’agira de favoriser de nouveaux processus d’évangélisation de la culture, bien qu’ils supposent des projets à très long terme.

Lors de son voyage en Thaïlande en 2019, le pape François insiste sur l’urgence d’« inculturer » l’Évangile toujours davantage. Cela doit pousser, a-t-il indiqué, « à chercher la façon d’oser dire la foi “en dialecte” ». « Il faut donner à la foi un visage et une “chair” thaïlandais, ce qui est bien plus que faire des traductions : c’est laisser l’Évangile se débarrasser de vêtements, bons, mais étrangers, afin de jouer la musique qui vous est propre dans ce pays et de faire vibrer l’âme de nos frères, grâce à la même beauté qui a embrasé notre cœur. »

JDE 117. Bien comprise, la diversité culturelle ne menace pas l’unité de l’Église. C’est l’Esprit Saint, envoyé par le Père et le Fils, qui transforme nos cœurs et nous rend capables d’entrer dans la communion parfaite de la Sainte Trinité où tout trouve son unité.

JDE 118 Nous ne pouvons pas prétendre que tous les peuples de tous les continents, en exprimant la foi chrétienne, imitent les modalités adoptées par les peuples européens à un moment précis de leur histoire, car la foi ne peut pas être enfermée dans les limites de la compréhension et de l’expression d’une culture particulière. Par conséquent, le risque pour les évangélisateurs qui arrivent en un lieu est de croire qu’ils doivent non seulement transmettre l’Évangile, mais aussi la culture dans laquelle ils ont grandi, oubliant qu’il ne s’agit pas d’« imposer une forme culturelle particulière, aussi belle et antique qu’elle soit ». Il faut accepter avec courage la nouveauté de l’Esprit qui est capable de créer toujours quelque chose de nouveau avec le trésor inépuisable de Jésus-Christ, car « l’inculturation engage l’Église sur un chemin difficile, mais nécessaire ». Il est vrai que, « bien que ces processus soient toujours lents, parfois la crainte nous paralyse trop » et nous finissons comme « spectateurs d’une stagnation stérile de l’Église ». Ne craignons pas, ne coupons pas les ailes à l’Esprit Saint. (François, Querida Amazonia, exhortation apostolique post-synodale, 69).

Une Église en réforme appelée à développer la synodalité

« Le chemin de la synodalité est le chemin que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire ». Tel est l’engagement programmatique proposé par le pape François lors de la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques par le bienheureux Paul VI. « Une Église synodale est une Église à l’écoute, consciente qu’écouter “est plus qu’entendre”. (...) Le synode des évêques est le point de convergence de cette dynamique d’écoute menée à tous les niveaux de la vie de l’Église », du Peuple de Dieu à l’évêque de Rome, en étant à l’écoute del ’Esprit Saint. (Commission théologique internationale)

Dans la ligne du concile Vatican II, le pape François souligne que la synodalité doit devenir une caractéristique naturelle de l’ensemble du peuple de Dieu. Les croyants, les évêques et les papes s’écoutent mutuellement et prennent des décisions selon des processus de discernement à tous les niveaux de la vie ecclésiale. La synodalité permet au pape d’écouter les représentants des églises particulières pour donner à l’Église universelle des orientations pastorales (sous la forme probable d’une exhortation apostolique post-synodale.)

Depuis les premiers siècles chrétiens, le synode désigne une grande assemblée, réunie pour délibérer et prendre des décisions en matière de doctrine ou d’organisation en Église. Le mot vient du grec : il est formé de odos (chemin) et sun (ensemble). Il s’agit donc de « faire route ensemble » . Les synodes peuvent être organisés au niveau du diocèse, d’un pays, d'une région, ou du monde.

Exemples de synodes :
· Le premier synode diocésain de toute l'histoire du christianisme se déroule à Auxerre aux alentours de 585.
· Synode de Besançon : Le 10 décembre 2017, l’archevêque de Besançon, Mgr Jean-Luc Bouilleret, a lancé le premier synode de son diocèse, depuis Vatican II, avec comme thème : « Osons un nouvel élan vers une Église disciple-missionnaire ».
· Synode national de l’Eglise catholique allemande (2020-2022) : 230 évêques et laïcs allemands se retrouvent autour de 4 thèmes : le pouvoir dans l'Eglise, le célibat des prêtres, la place des femmes, la morale sexuelle.
· Synode sur l’Amazonie en 2019 : « Amazonie : de nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale ».
· Synode sur la famille en 2015.
· Synode sur les jeunes en 2018.
· Synode sur la synodalité à partir de 2022.

Plus de 800 synodes diocésains ont été célébrés dans l'Église catholique dans le monde depuis le concile Vatican II. Les décisions synodales sont soumises à l’approbation de Rome.

C'est une tradition un peu oubliée que le concile Vatican II a redécouverte. L'Église orthodoxe, qui s'est séparée de l'Église catholique en 1054, ne l'a jamais perdue. Dans l'Église orthodoxe, le synode, c'est-à-dire la réunion des évêques autour du patriarche, est le lieu de conseil et de décision de l'Église. Le patriarche, au sens le plus ancien de la tradition de l'Église, n'a pas de pouvoir à lui seul, le pouvoir est collectif, collégial, synodal. Cela a toujours existé, mais cela a été peu à peu abandonné dans l'Église catholique. La différence entre le concile et le synode : Le concile est la réunion de tous les évêques pour régler des questions de doctrine fondamentale, des questions de foi. Dans l'histoire, devant l'émergence d'une hérésie, on réunissait un concile pour corriger, expliquer, définir. Le synode, lui, réunit des évêques pour réfléchir à des questions pastorales, concrètes, qui se posent aujourd'hui, comment par exemple aborder l'homosexualité... C'est un lieu de maturation des problèmes posés. Ce n'est pas un lieu de décision ? C'est un lieu de conseil, d'analyse, de consultation. Le pape consulte le synode. Dans l'Église orthodoxe, le synode décide, il a un vrai pouvoir. Dans la tradition catholique, c'est le pape qui décide. Jean-Marie Guénois, La Croix.

Par attraction et non par prosélytisme

La mission ne consiste pas à imposer une vérité abstraite, mais à favoriser une rencontre avec Jésus. « Les chemins de la mission ne passent pas par le prosélytisme, qui conduit toujours à une impasse, mais par notre manière d’être avec Jésus et avec les autres », affirme le pape François lors de sa rencontre avec les chrétiens du Maroc.

JDE 14 Les chrétiens ont le devoir de l’annoncer (l'évangile) sans exclure personne, non pas comme quelqu’un qui impose un nouveau devoir, mais bien comme quelqu’un qui partage une joie, qui indique un bel horizon, qui offre un banquet désirable. L’Église ne grandit pas par prosélytisme mais « par attraction ».[

Comme le souligne Bernadette Soubirous « Je ne suis pas chargée de vous le faire croire, je suis chargée de vous le dire ». L’annonce de l’évangile n’a rien a voir avec la promotion d’une idéologie. Elle obéit à une autre logique que celle du marketing ou du rendement. La mission n’est pas une tentative d'endoctrinement, mais une invitation à découvrir le mystère de Jésus.

L'attraction se fait témoignage en nous. Le témoin montre ce que l'oeuvre du Christ et de son Esprit a vraiment accompli dans sa vie. Après la Résurrection, c'est le Christ qui se rend visible aux apôtres. C'est lui qui fait d'eux des témoins. Le témoignage n'est pas une prestation pour elle-même, on est témoin des oeuvres du Seigneur. (...) Le témoignage suscite l'admiration, et l'admiration suscite des questions chez ceux qui le voient. Les autres se demandent "Comment se fait-il que cette personne soit ainsi ? D'où lui vient le don d'espérer et de traiter les autres avec charité ?" Lorsque Dieu oeuvre directement dans la vie et le coeur des gens, cela est source de stupeur.

Il y a du prosélytisme partout où se trouve l'idée de faire croître l'Église en se passant de l'attraction du Christ et de l'oeuvre de l'Esprit, en misant tout sur une sorte de "discours savant". Aussi, le prosélytisme exclut de la mission le Christ lui-même, et l'Esprit Saint même quand il prétend parler et agir au nom du Christ, de manière nominaliste. Par nature, le prosélytisme est toujours violent, même quand il dissimule sa violence ou qu'il l'exerce avec des gants. Il ne supporte pas la liberté et la gratuité avec lesquelles la foi peut se transmettre, par la grâce, de personne à personne. C'est pourquoi le prosélytisme n'appartient pas uniquement au passé, à l'époque du colonialisme ou des conversions forcées ou obtenues contre la promesse d'avantages matériels. Il peut exister du prosélytisme aujourd'hui, au sein des paroisses, des communautés, des mouvements ou encore des congrégations religieuses. »

Annoncer l'Évangile à haute voix ne consiste pas à assiéger les autres à l'aide de discours apologétiques, à hurler rageusement à l'adresse des autres la vérité de la Révélation. Il n'est pas plus utile de lancer à la tête des autres des vérités et des formules doctrinales comme si elles étaient des pierres. Quand cela se produit, c'est le signe que les paroles chrétiennes elles-mêmes sont passées à travers un alambic et se sont transformées en idéologie. (...) Annoncer l'Évangile signifie transmettre à l'aide de mots sobres et précis le témoignage du Christ comme le firent les apôtres. Mais il ne sert à rien d’inventer des discours persuasifs. Pape François, Sans Jésus, nous ne pouvons rien faire.

Une paroisse en mission

JDE 28 La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et la créativité missionnaire du pasteur et de la communauté… Cela suppose que réellement elle soit en contact avec les familles et avec la vie du peuple et ne devienne pas une structure prolixe séparée des gens, ou un groupe d’élus qui se regardent eux-mêmes. La paroisse est présence ecclésiale sur le territoire, lieu de l’écoute de la Parole, de la croissance de la vie chrétienne, du dialogue, de l’annonce, de la charité généreuse, de l’adoration et de la célébration. À travers toutes ses activités, la paroisse encourage et forme ses membres pour qu’ils soient des agents de l’évangélisation... Mais nous devons reconnaître que l’appel à la révision et au renouveau des paroisses n’a pas encore donné de fruits suffisants pour qu’elles soient encore plus proches des gens, qu’elles soient des lieux de communion vivante et de participation, et qu’elles s’orientent complètement vers la mission.

Nos paroisses existent encore sur un modèle chrétien ancien. Aujourd’hui, elles ne vivent pas du tout leur identité missionnaire. Elles attendent que les gens viennent à elles. Or, un missionnaire va dehors, il dépasse les obstacles culturels. La plupart des paroisses ne font pas cela et s’attendent à ce que l’on vienne à elles. C’est exactement le contraire. En raisons de changements profonds dans notre culture, dans une génération, il n’y aura plus que les paroisses missionnaires qui survivront. Les autres s’effondreront. Si nous n’allons pas vers les gens, l’Église mourra. Seules les paroisses missionnaires ne tomberont pas. Une communauté qui prie, c’est d’une importance fondamentale mais ce n’est pas suffisant en tant que tel. La prière doit conduire à l’action. L’action sans la prière ne fonctionnera pas mieux. Les deux sont nécessaires. James Mallon, https://fr.aleteia.org/2019/04/06/il-ny-a-que-les-paroisses-missionnaires-qui-survivront-les-autres-vont-seffondrer/

Créer des lieux de fraternité et de parole

Pour que toutes les paroisses soient de vraies communautés chrétiennes, les autorités locales (évêque et curés) doivent favoriser les petites communautés ecclésiales de base que l’on appelle aussi communautés de vie, où les fidèles puissent se communiquer mutuellement la Parole de Dieu et s’exprimer sur le service de l’amour ; ces communautés sont d’authentiques expressions de la communion ecclésiale et des centres d’évangélisation, en communion avec leurs Pasteurs (Jean-Paul II, Les fidèles laïcs, 1988, n°26). Différentes expériences : Equipes fraternelle de foi (Nantes), fraternité locale missionnaire (Valence), communauté ecclésiale de base (Angers).

De l’émotion !

Un extrait d'un entretien avec Arnaud Join-Lambert paru dans le journal La Croix (en ligne) :

On a pourtant l’impression que les rites catholiques ne parlent plus chez nos contemporains.

A.J-L : C’est le constat que font prêtres et évêques. Ils sont conscients du fait que l’Église possède un trésor rituel, très riche de sens, mais les gens ne s’en saisissent pas. En effet, lorsque l’on n’a pas les codes, on passe à côté du langage symbolique. Or, du fait de la crise de la transmission, ce langage n’est plus maîtrisé par la majorité.

L’autre raison de ce manque de sens aux yeux de très nombreuses personnes, c’est que la liturgie latine a toujours été très sobre vis-à-vis de l’émotion. On n’y vibre pas beaucoup et la fraternité ne s’y expérimente pas facilement. Comme le disait le père Romano Guardini, il existe en Occident une « pudeur de la liturgie » qui considère que l’on n’est pas obligé de se livrer ou de s’épancher. Or, la culture actuelle est au contraire fortement marquée par l’émotion. Dès lors, il ne s’agit pas de jouer avec les émotions mais d’intégrer la partie affective et émotionnelle des personnes pour redonner du goût à nos liturgies.

Comment prendre en compte ce besoin d’émotion tout en gardant le sens de la liturgie catholique ?

A.J-L : C’est la réflexion que je vais proposer aux évêques à Lourdes. On peut établir un certain nombre de critères de discernement pour que les rites liturgiques touchent les participants, sans tomber dans des excès du trop ou du trop peu. Ainsi, la liturgie ne doit pas être centrée sur le « je » mais bien sur le « nous », car une assemblée n’est pas une somme d’individualités, mais un corps. Il faut aussi que la liturgie soit incarnée dans le concret - Guardini parlait du "parfum de la terre" - et qu’elle conserve une dimension ecclésiale. Il faut garder à l’esprit que l’émotion peut être positive, car elle fait partie de notre être. Aucune expérience de foi ne se fait sans elle. Elle n’est pas à confondre avec le sentimentalisme, plus superficiel et passager.

Nous vivons dans une culture où l’émotion gouverne nos décisions. Or la liturgie n’est pas affaire d’idées, de concepts, mais de pratique et touche nos sens. Sur un plan anthropologique, c’est les sacrements sont des rites qui nous travaillent intérieurement, qui nous ouvrent à la transcendance et au sacré. L’analyse de Dom Karl Walner – Quand le sacré devient profane et le profane devient sacré – nous offre des clés de lecture de ce besoin humain d’éprouver des tensions émotives .

La dignité, la majesté, la solennité, le sens du rite, toutes ces choses qui allaient de soi dans l’Église au cours des siècles passés, mais qui ont été gravement négligées depuis les années 1960 dans un mouvement de sécularisation totalement inédit, sont à présent « découvertes » dans le monde profane, et intégrées à ce contexte comme une grande nouveauté. Ces « liturgies du divertissement » ont pour but de créer des tensions émotives, du bien-être et de l’amusement : c’est-à-dire un bonheur terrestre fait d’émotions mises en scène. Sauf que, dans ce contexte de sacralité profane, cette manifestation s’est transformée en un culte de la personnalité et une affaire de starisation.

Expérimenter la notion de sacré, c’est vivre la mise en place d’une séparation, d‘un contraste. Il s’agit d’une notion subjective, d’un sentiment, d’une constante fondamentale de la psychologie humaine. Qui n’a pas senti monter en lui une poussée de respect et d’émotion lors d’un moment musical fort et solennel, dans un espace dont l’architecture se caractérise par la hauteur et la symétrie ? Qui ne s’est pas senti vibrer en participant à une gestuelle codée et inhabituelle, à une manifestation d’unité, de connivence, au sein d’une foule nombreuse ? Le bien-être donne alors la chair de poule !

Répétons-le : le besoin de se sentir impressionné par quelque chose qu’il ressent comme « sacré », au point d’en attraper la chair de poule, est fondamental pour l’homme : car l’homme est prédestiné au sacré. Si dans nos églises nous ne cultivons plus les notions de sacré, de dignité, si nous oublions le « tremendum » et le « fascinosum », il faudra nous attendre à ce que la psychologie humaine aille chercher ailleurs de quoi satisfaire son besoin de trembler devant une majesté. Si nous dégradons nos célébrations liturgiques au rang de simples cérémonies mondaines, si nous les banalisons, il ne faudra pas nous étonner de voir les gens satisfaire ailleurs leur besoin inné de lieux sacrés, de rites sacrés, de symboles sacrés, de textes sacrés et de personnes à vénérer. L’homme, ouvert à la transcendance, a besoin de « tremendum » et de « fascinosum ». Si la religion ne lui procure plus de frissons, il se mettra à sacraliser son environnement profane, à idolâtrer n’importe quoi.

La culture de l’appel

Nous avons souligné l’importance de la vocation à travers des exemples bibliques. En tant que disciples-missionnaires nous sommes tous appelés ou appelant. Les paroissiens qui ont participé aux Assises diocésaines pour la mission ont exprimé le besoin d’être explicitement appelés et de recevoir une mission clairement définie pour agir au service de l’Évangile. Les prêtres, avec les différents conseils responsables du travail apostolique doivent être attentifs à cette question. Car la nécessité de l’appel ne vient pas simplement du fait qu’il faut trouver de la « main-d’œuvre » pour faire quelque chose. L’appel par l’Église et, concrètement, par telle communauté ecclésiale, constitue un relais entre l’appel de Dieu et l’activité des hommes. Il vaudrait la peine que chaque année, chaque conseil pastoral s’interroge pour se demander qui la paroisse pourrait appeler et pour quoi faire. Qui identifie-t-on comme des acteurs possibles dans la vie de la communauté ? Et aussi quelle formation convient-il de leur proposer dans cette perspective ? Nous savons en effet que beaucoup hésitent à répondre à un appel parce qu’ils estiment ne pas être prêts, ne pas être préparés ou formés, etc. Pour dire les choses encore plus brutalement, chacun pourrait se demander : depuis cinq ou dix ans qui a-t-on réellement appelé, nommément appelé, pour faire quelque chose ? Car, si on ne propose rien à personne, personne ne va se présenter de soi-même. Je pourrais évoquer aussi bien des responsabilités de laïcs, que le diaconat permanent ou le sacerdoce ministériel. Si nous ne vivons pas cette attitude permanente de l’appel, nous ne pouvons pas nous étonner que peu de gens répondent. Assises pour la mission dans le diocèse de Paris en 2009.

Alpha un outil pour l’évangélisation

Alpha classic, Alpha campus, Alpha pour les couples… Les propositions de l’association Alpha foisonnent. Créés en 1990 par un prêtre anglican, ses « parcours » ont été importés en France en 2000. Ils proposent une découverte de la foi chrétienne, mêlant croyants et non-croyants, lors de soirées conviviales. À chaque fois, ou presque, le succès est au rendez-vous. À tel point que l’on peut se demander s’ils ne sont pas devenus l’alpha et l’oméga de l’évangélisation de l’Église de France. D’autant plus que tous les diocèses, à des degrés divers, sont confrontés à la même question lancinante : comment annoncer l’Évangile alors que les communautés sont vieillissantes et les prêtres moins nombreux ? La mission d’Alpha est d’équiper et de servir l’Église dans sa mission de faire connaître Jésus. Nous ne sommes qu’un outil qui n’a pas d’autre vocation. En 2019, nous avons recensé 1 800 parcours, dont 75 % dans l’Église catholique, soit entre 20 000 et 30 000 personnes touchées, auxquelles s’ajoute le même nombre de bénévoles investis dans les parcours. Ce succès s’explique par sa recette toute simple : un temps de convivialité, un enseignement puis un échange. Nous sommes convaincus que cela constitue un investissement formidable pour l’avenir de l’Église. Pierrick Levesque, délégué général d’Alpha France, journal La Croix du 14 février 2020.

Conclusion

Il arrive que nous pensions que, pour un chrétien, témoigner de sa foi signifierait faire la liste, et expliquer l’ensemble des vérités auxquelles il adhère. Mais si nous nous engageons dans ce chemin, ne commettons-nous pas une grave erreur (le contraire de la vérité !) faisant de nous les zélateurs d’une doctrine, d’une idéologie, de quelques idées, plutôt que des témoins de Celui que, par grâce, nous avons rencontré ? Comme chrétien, nous ne détenons pas la vérité, mais nous avons rencontré quelqu’un qui EST la vérité : « Jésus lui répond : "Moi, je suis le Chemin, la Vérité et la Vie" » (Jn 14,6).
Le défi de la transmission de la foi n’est pas celui du partage d’un ensemble de connaissances qu’il faudrait assimiler, et auxquelles il faudrait adhérer pour avoir la garantie d’être dans le vrai, contrairement à ceux qui, ne croyant pas ou croyant autrement, seraient dans l’erreur. Le véritable enjeu de l’évangélisation est celui de la rencontre avec le Christ.
Nous retrouvons ici l’importance de la distinction entre être et avoir. Avoir la vérité, la posséder, finit par nous conduire presque immanquablement à nier l’autre. Soit il adhère à mon corps de croyances, soit il est à combattre ou à convaincre. Alors que si, avec le Christ, je suis dans la vérité, je vais déceler chez l’autre ces parts de vérité, que mystérieusement Dieu y a déposées et cela va susciter chez moi de l’admiration : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits » (Mt 11,25). Mgr Jean-Marc Eychenne.

Liens utiles :

Encyclique Redemptoris missio sur la valeur permanente du précepte missionnaire

Exhortation apostolique Evangilii gaudium

Exhortation apostolique Evangelii nuntiandi sur l’évangélisation dans le monde moderne

Qu’est ce que la mission

Forum de la créativité pastorale