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Les critères de discernement

L'objet de l'acte

L'acte humain fait intervenir la volonté, la décision libre, l’intelligence, la conscience. Nous ne sommes pas des robots soumis à un déterminisme, mais des êtres responsables de notre agir. Certains actes tels que la digestion, la respiration, les actes réflexes ne relèvent pas du champ éthique.

Il faut distinguer l'acte intérieur qui fait intervenir l’intelligence, la raison, la volonté, l'intention, la réflexion, la décision et l'acte extérieur c'est-à-dire l'acte concret tel qu’il s’accomplit dans la réalité. La morale couvre l'ensemble de ces actes (pensée, action, omission...).

Pour juger de la valeur d'un acte, nous devons examiner son objet, son intention et les circonstances.

Quand on parle d’objet de l’acte en morale éthique, il s’agit du fait accompli. On peut aussi dire que c’est «la matière d’un acte humain ». C’est par exemple : recueillir un sans-abri, étudier un examen, mentir à un confrère, se promener sur la plage, écrire à un ami, commettre un adultère, etc. L’objet de l’acte est le fait objectif qui peut faire l’objet d’une analyse rigoureuse et argumentée.

L’objet de l’acte doit être examiné avec sa finalité et ses conséquences. Prenons l’exemple de la fivete, la finalité est d’avoir un bébé, une des conséquences : embryons surnuméraires.

L'intention

L’intention est un élément essentiel dans la qualification morale de l’action. De quoi s’agit-il ?

Les expressions telles que « bonne intention » ou « mauvaise intention » montrent que l’intention se distingue de la finalité objective de l’acte, car elle s’attache au sujet. L’intention est ce que vise le sujet comme fin ou but de l’action qu’il entreprend — la raison d’être de l’action. L’intention regarde le terme de l’agir, le bien que le sujet attend de l’action entreprise. Dans l’aumône, la finalité intrinsèque de l’acte est de donner un bien à un pauvre. Mais quelle est l’intention du donateur ? Est-ce simplement se donner bonne conscience ?

Une intention bonne (par exemple : aider le prochain) ne rend ni bon ni juste un acte en lui-même désordonné (comme le braquage d'une banque). La fin ne justifie pas les moyens.

Une mauvaise intention surajoutée (ainsi la vaine gloire) rend mauvais un acte qui, de soi, peut être bon (comme faire l’aumône pour être vu des hommes ; cf. Mt 6, 2-4).

Les circonstances

Les circonstances sont les éléments secondaires d’un acte moral. Elles contribuent à aggraver ou à diminuer la bonté ou la malice morale des actes humains (par exemple le montant d’un vol, ou l’excès de vitesse, l’alcool au volant, une maladie dégénérative chez un bébé à naître, une femme stérile). On retrouve cette notion dans le vocabulaire judiciaire qui parle de circonstances atténuantes ou aggravantes. On peut citer le cas de légitime défense.

L'évaluation de la moralité d'un acte humain

L’évaluation de la moralité d’un acte humain porte sur les trois critères : l’objet, l’intention et les circonstances (CEC 1750-1760). L’objet du choix peut à lui seul vicier l’ensemble d’un agir. Dans le cas d’une intention mauvaise, cela ne signifie pas que l’objet (l’acte) doit être supprimé, mais que l’intention doit être purifiée. Dans le cas d’un objet mauvais, il faut manifestement supprimer l’acte.

Mais le discernement n’est pas toujours évident. Prenons l’exemple du mensonge pour bien cerner la problématique. Le mensonge est en soi un mal, car il cache la vérité. Mais la vérité ne doit pas se limiter au seul objet (l’acte de mentir) et doit être envisagée dans sa globalité (objet, intention, circonstance). Mentir pour cacher un adultère est mal parce que l’objet, l’intention et les circonstances sont mauvais. Par contre, cacher la vérité à l’officier SS qui me demande si je cache des juifs chez moi n’est pas un mensonge dans le sens où celui-ci serait un mal (ma conscience me dit de cacher la réalité des choses pour être en vérité avec moi-même et avec ceux à qui je sauve la vie). Par contre, trahir un ami ou une connaissance sous la menace en affirmant quelque chose de faux, c’est bel et bien un mensonge : en collaborant avec celui qui me menace, même contre mon gré, j’inclus dans mon acte son intention de tromper.

2 exemples tirés du Catéchisme de l'Eglise Catholique. Voler en cas d’extrême nécessité, c’est saisir un bien qui est commun et non s’emparer d’un bien d’autrui. CEC 2408. Le septième commandement interdit le vol, c’est-à-dire l’usurpation du bien d’autrui contre la volonté raisonnable du propriétaire. Il n’y a pas de vol si le consentement peut être présumé ou si le refus est contraire à la raison et à la destination universelle des biens. C’est le cas de la nécessité urgente et évidente où le seul moyen de subvenir à des besoins immédiats et essentiels (nourriture, abri, vêtement ...) est de disposer et d’user des biens d’autrui (cf. GS 69, § 1). CEC 2413.

Les jeux de hasard (jeu de cartes, etc.) ou les paris ne sont pas en eux-mêmes contraires à la justice. Ils deviennent moralement inacceptables lorsqu’ils privent la personne de ce qui lui est nécessaire pour subvenir à ses besoins et à ceux d’autrui. La passion du jeu risque de devenir un asservissement grave. Parier injustement ou tricher dans les jeux constitue une matière grave, à moins que le dommage infligé soit si léger que celui qui le subit ne puisse raisonnablement le considérer comme significatif.

Les actes intrinsèquement mauvais

«Il y a des comportements concrets qu’il est toujours erroné de choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c’est-à-dire un mal moral» (CEC 1761). Les actes intrinsèquement mauvais sont ceux qui «par eux-mêmes et en eux-mêmes ne peuvent être ordonnés à Dieu et au bien de la personne». Ces actes ont une contrariété interne «avec le bien humain, le bien commun des personnes et, par-là, le Souverain Bien».

- Tout ce qui s’oppose à la vie elle-même
- Tout ce qui constitue une violation de l’intégrité de la personne humaine
- Tout ce qui est offense à la dignité de l’homme

Exemples : viol, torture, esclavage.

Le moindre mal

Le principe du moindre mal est connu : « Entre deux maux, il faut choisir le moindre". L’Église a toujours reconnu qu’on pouvait permettre un mal pour éviter un plus grand mal. Mais elle considère qu’il y a une grande différence entre permettre un mal et l’approuver, et plus encore le vouloir en lui-même.

Paul VI, Humane vitae, 26 : En vérité, s’il est parfois licite de tolérer un moindre mal moral afin d’éviter un mal plus grand ou de promouvoir un bien plus grand, il n'est pas permis, même pour de très graves raisons, de faire le mal afin qu'il en résulte un bien (cf. Rm 3, 8), c'est-à-dire de prendre comme objet d'un acte positif de la volonté ce qui est intrinsèquement un désordre et par conséquent une chose indigne de la personne humaine, même avec I'intention de sauvegarder ou de promouvoir des biens individuels, familiaux ou sociaux.

La précision est capitale : pour une juste analyse morale, il faut différencier le fait de tolérer un moindre mal (de quelqu’un d’autre), du fait de l’accomplir soi-même. Accomplir le moindre mal moral n’est jamais permis.

Par ailleurs, la maxime "il n'est jamais permis de faire le mal pour que résulte un bien" est universelle et non pratique. Elle veut dire que si, par exemple, vous devez mentir pour éviter un mal pire, cela ne rend pas le mensonge bon (bien qu'il soit absolument nécessaire et justifié). De même le cas de légitime défense ne justifie pas la bonté de l’homicide. Ou encore le fait de crier lorsqu’il y a le feu dans un hôpital ne justifie pas que les cris soient une bonne chose dans un hôpital. Le problème des maximes universelles, c'est que parfois (étant mal comprises) elles paralysent l'action concrète qui, souvent, doit chercher non le bien absolu, mais le moindre mal.

Il faut atteindre le bien avec les moyens dont nous disposons. Les circonstances font que parfois nous sommes obligés à recourir à « un moindre mal ».

Le patriarche de l’Église arménienne catholique Aram 1er (dans La Croix), « Les chrétiens ont vite fait leur choix : malgré tout, ils préfèrent de loin Bachar al-Assad aux islamistes, c’est un moindre mal ! »

Dans les débats contemporains, il est souvent question de dilemmes éthiques ou moraux, qu'on appelle aussi « conflits de valeurs ». Il s'agit de situations où les valeurs et les principes entrent en opposition et rendent les décisions difficiles.

Exemple : Le médecin de Madame Lebrun diagnostique un cancer terminal chez sa patiente qu'il connaît depuis longtemps. Compte tenu de l’état dépressif de celle-ci, il estime qu’elle ne supporterait pas de se savoir atteinte de cette maladie. Son devoir d'informer sa patiente de son état entre en conflit avec celui de ne pas détruire ce qui lui reste d'espoir dans la vie. Doit-il lui dire la vérité ou lui cacher sa condition? Cacher un événement familial douloureux à une personne âgée en maison de retraite et demandent aux professionnels de ne pas lui donner son courrier. Au sein d’un groupe de réflexion, faut-il continuer à accueillir quelqu’un qui manifestement risque de faire exploser le groupe ?