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Les péchés capitaux

Péchés capitaux

Dans notre monde moderne, la notion de "péché capital" prète à sourire. Et pourtant, ils imprègnent notre existence quotidienne.

Même si leur terminologie parait désuète, cette notion est toujours d’actualité. Prenons quelques exemples. Est-ce que je vis pour me manger ou est ce que je me nourris pour vivre ? Est-ce que l'argent est le but de ma vie ? Quel est mon rapport au pouvoir ? Est-ce que j'utilise mon (ma) parteanire comme un objet sexuel ? Ce sont des questions humaines, bien avant d'être théologiques.

S'agit-il de défaut de caractères, de vices ou de péchés ? Rappelons que le péché est une rupture de notre relation à Dieu. Il faut différencier entre ce qui est d’ordre psychologique et ce qui d’ordre éthique, domaine dans lequel notre responsabilité est engagée. Les péchés capitaux poussent sur des terrains psychologiques favorables : ils sont mêlés à des blessures qui y prédisposent et qu’ils favorisent. péchés capitaux

Sur le plan doctrinal, les péchés capitaux correspondent aux péchés dont découlent tous les autres. Ainsi, le mot capital n'est pas en rapport avec la gravité (par exemple, le meurtre n’y figure pas; le blasphème non plus). Il vient du latin caput (« tête »), par comparaison à cette partie du corps qui dirige l’ensemble : le péché capital conduit à d’autres péchés.

Cette doctrine est née dans un milieu monastique (au IV° siècle) : volonté d’être plus libre par rapport aux passions qui habitent les hommes. 7 d'entre elles retiennent plus particulièrement l'attention : gourmandise, luxure, orgueil, paresse (acédie), avarice, envie (jalousie), colère.

La gourmandise

gourmandise

Les Pères appelaient ce désir désordonné de manger "le désir du ventre". Le gourmand ne mange plus pour vivre, mais on vit pour manger. Le ventre devient le dieu qui réclame la première place et qu'on sert.

Le glouton moderne est un boulimique. Il consomme jusqu’à saturer. Il remplit les manques sans avoir besoin d’autrui : il se nourrit seul. En se goinfrant à satiété sans laisser du manque pour la suite, il ne sait pas goûter le plaisir des choses, s’enivre et se gave au maximum dans une oralité sans fin. Il se fuit et ne sait pas désirer, comme le jeune enfant collé au sein maternel dont il devra pourtant se différencier. Il manifeste ainsi son absence d’autonomie et son peu de résistance aux frustrations inhérentes à l’existence.

Évagre le Pontique (346-399) explique que la gloutonnerie est le fait que l’estomac a pris les commandes et que la gourmandise ne consiste pas seulement en un désir de la nourriture elle-même, mais dans le désir du plaisir que l’on peut prendre à la consommer. L’abus ne consiste donc pas à se nourrir au-delà de ce qui est nécessaire, mais encore à rechercher autre chose, une solution à un mal-être. La nourriture finit par remplacer l’amour et le rapport avec celle-ci devient un moyen d’occulter la souffrance (Sœur Catherine Aubin, Journal La Croix du 02/03/2019). L'oeil du gourmand regarde aussi l'assiette de son voisin de table, et il la regarde d'un œil jaloux : ce qui est dans son assiette est forcément meilleur !

gourmand

La luxure

luxure La luxure désigne un penchant désordonné et incontrôlé pour la pratique des plaisirs sexuels.

Dans la luxure, la sexualité se détourne de sa finalité (la communion, la procréation et le plaisir) pour devenir possession. On n’est plus dans l’échange et la relation, mais dans un rapport à un objet sexuel. On ne peut pas parler de sentiment amoureux puisque l’on est dans une relation qui détruit le lien à l’autre et le juste lien à soi-même.

La luxure peut prendre plusieurs formes : tromperie, masturbation exacerbée, fantasmes, pratiques violentes, goût pour la pornographie. Bien que l'évolution des mœurs tende à banaliser certaines pratiques sexuelles, le sexe suscite de nombreuses problématiques, notamment sur les questions du consentement et des conséquences psychologiques et affectives des actes. Tout acte sexeul exige consentement et respect de l’intégrité physique et morale du partenaire.

La paresse

paresse Ce péché capital est bien plus que de rester au lit le matin lorsque le réveil sonne ou encore de remettre au lendemain ce que l’on pourrait faire le jour même. Il s’appelait autrefois l’acédie : « la tristesse du bien divin ». L’acédie est une sorte de dépression d'ordre spirituel, s'exprimant par le dégoût, l'abattement, le découragement, qui enlève tout intérêt pour la prière, les sacrements, la lecture de la parole de Dieu.

Saint Thomas ajoute une autre définition de l’acédie : le dégoût de l’action (pas d’effort). C’est l’envie de rien faire : fait-néant. Toutes nos actions ont une finalité qui nous rapprochent ou nous éloignent des autres et de Dieu. Le paresseux se replie sur lui-même dans l’ennui et la tristesse. Il ne fait que ce qu’il veut et cherche de multiples compensations à sa vie intérieure. Les plaisirs immédiats sont privilégiés au détriment de l’effort. La table (gourmandise) et l’écran sont les deux mamelles auxquelles est suspendu le paresseux. Le paresseux est souvent affalé devant son écran en train de picorer des cacahouètes.

Il ne faut pas confondre l’acédie avec la dépression qui a les mêmes symptômes : la mélancolie, la tristesse, l’envie de rien. La dépression est une maladie qui relève de la psychologie, l’acédie est un mal responsable. La difficulté est de déterminer où commence notre responsabilité. Le dépressif ne peut pas s’en sortir seul, l’acédique ne veut pas s’en sortir, il se complaît dans son mal-être. Mais l’acédie se greffe facilement sur les blessures.

Pr 6,6-11 Va vers la fourmi, paresseux ! Observe son comportement et deviens sage : elle n'a ni chef, ni inspecteur, ni supérieur; en été elle prépare sa nourriture, pendant la moisson elle récolte de quoi manger. Paresseux, jusqu'à quand resteras-tu couché? Quand te lèveras-tu de ton sommeil? Tu veux somnoler un peu, te reposer encore, juste croiser les mains pour dormir? Voilà que la pauvreté te surprend comme un rôdeur, et la misère comme un homme armé.

Pr 19,15 La paresse fait tomber dans l'assoupissement, Et l'âme nonchalante éprouve la faim.

Pr 19,24 Le paresseux plonge sa main dans le plat, Et il ne la ramène pas à sa bouche.

Pr 20,4 A cause du froid, le paresseux ne laboure pas; A la moisson, il voudrait récolter, mais il n'y a rien.

Pr 20,13 N'aime pas le sommeil, de peur que tu ne deviennes pauvre; Ouvre les yeux, tu seras rassasié de pain.

Pr 21,25 Les désirs du paresseux le tuent, Parce que ses mains refusent de travailler.

L'envie - la jalousie

eros L’envie concerne les choses, la jalousie les personnes. La jalousie est toujours inspirée par un égoïsme exclusif. Le jaloux veut être seul à jouir d'un bien et il ne souffre aucun concurrent. Le jaloux est captatif, exclusif dans sa relation. Il a besoin d’être préféré.

L’envie naît d'un sentiment d'humiliation. L’autre me fait ressentir ma non-valeur, voire ma non-existence; « l’autre prend toute la place, du coup, je n’en ai plus aucune ».

Le jaloux et l'envieux sont plus dans la critique que dans la louange. Les symptômes de la jalousie : Quand quelqu’un est heureux, on n’arrive pas à s’en réjouir. Refus de se réjouir du bonheur d’autrui ou satisfaction de son malheur : dans la Bible, le premier à souffrir de l’envie est Caïn, qui tuera son frère Abel dont il pense qu’il est le préféré de Dieu.

Ec (Sirac) 14,9. L'homme jaloux n'est pas content de ce qu'il a, la cupidité dessèche l'âme.

Jc 4,2. Vous convoitez et ne possédez pas ? Alors vous tuez. Vous êtes jaloux et ne pouvez obtenir ? Alors vous bataillez et vous faites la guerre.

Saint Cyprien : "L'envie est la racine de tous les maux ; elle est une source de désastres, une pépinière de péchés, une matière à fautes. De là découle la haine, de là procède l'animosité. C'est l'envie qui enflamme la cupidité ; cet homme ne sait plus se contenter de ce qu'il possède parce qu'il en voit un autre plus riche que lui. C'est l'envie qui allume l'ambition à l'aspect d'un rival plus élevé en honneurs. .. De là les oppositions, les révoltes : l'envie va se transformer en orgueil ; elle fait d'un rival un pervers; et ce que l'on poursuit dans les autres, c'est moins la personne que sa fonction" (De Zelo et livore, VI).

Grégoire le Grand énumère ainsi les filles ou rejetons de la jalousie : «De la jalousie naissent la haine, le murmure malveillant, le dénigrement, la satisfaction de voir le prochain en difficulté, et la déception de le voir prospérer ». (Moral.,31, cap. 45).

L'avarice

avare L'avare pense constamment à l'argent et aux richesses. Les désirs qui naissent de sa pensée ainsi orientée l'obsèdent. C'est un obsédé de l'argent et des biens matériels.

A consulter en ligne : L'avarice selon Jean Chrysostome et François de Sales.

Lc 18,24. En le voyant, Jésus dit : « Comme il est difficile à ceux qui ont des richesses de pénétrer dans le Royaume de Dieu ! 25. Oui, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu ! »

Lc 12,16-21. Il leur dit alors une parabole : Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Et il se demandait en lui-même : « Que vais-je faire ? car je n'ai pas où recueillir ma récolte. Puis il se dit : Voici ce que je vais faire : j'abattrai mes greniers, j'en construirai de plus grands, j'y recueillerai tout mon blé et mes biens, et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, fais la fête. Mais Dieu lui dit : Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l'aura ?» Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s'enrichir en vue de Dieu.

Mt 16,26 Que sert à l'homme de gagner l'univers entier, s'il vient à perdre son âme? L'homme, que peut-il donner en échange de son âme ?.

Lc 16,13 Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent.

La colère

colère Nous avons tous des accès de colères face à des situations qui nous exaspèrent. Elle se manifeste d’abord intérieurement : le sang monte à la tête ou la moutarde au nez. Et puis ça explose à travers des paroles et des actes souvent non maîtrisés. Quel parent ne s’est pas emporté face à un enfant qui se vautre devant la télé ou l’ordinateur au lieu de faire ses devoirs ? Quelle femme ne s’est pas énervée face à un mari qui en rentrant du travail se réfugie dans ses occupations personnelles au lieu de lui adresser la parole ? Nous avons tous de bonnes raisons de nous mettre en colère face à des injustices ou tout simplement face à des choses qui ne sont pas conformes à nos propres désirs.

Les conditions pour une juste colère : l’objet doit être juste (la cause); l’intention doit être droite (la finalité); la réaction doit être mesurée, proportionnée (les moyens).

L'orgueil

orgueil L’orgueil a différentes facettes : c’est l’amour propre , la suffisance, la vanité, la gloriole, le mépris, l’arrogance, le dédain, le perfectionnisme, la vantardise. C’est l’amour désordonné, démesuré de soi-même. Quelques signes complémentaires : avoir toujours raison, être incapable de demander de l’aide, ne pas supporter et reconnaître la critique, accuser les autres, faire sentir que l’on côtoie du « beau monde », se mettre en avant, se valoriser...

Pr 16,18 L'arrogance précède la ruine, et l'orgueil précède la chute.

Pr 29,23 L'orgueil d'un homme l'abaisse, Mais celui qui est humble d'esprit obtient la gloire.

1 Pi 5,5-6 De même, vous qui êtes jeunes, soyez soumis aux anciens. Et tous, dans vos rapports mutuels, revêtez-vous d'humilité, car Dieu résiste aux orgueilleux, mais Il fait grâce aux humbles. Humiliez-vous donc sous la puissante main de Dieu, afin qu'Il vous élève au temps convenable (...) »

Mt 18,4 C'est pourquoi, quiconque se rendra humble comme ce petit enfant sera le plus grand dans le royaume des cieux.

Lc 14,8-11 Lorsque tu seras invité par quelqu'un à des noces, ne te mets pas à la première place, de peur qu'il n'y ait parmi les invités une personne plus considérable que toi, et que celui qui vous a invités l'un et l'autre ne vienne te dire : Cède la place à cette personne-là. Tu aurais alors la honte d'aller occuper la dernière place. Mais, lorsque tu seras invité, va te mettre à la dernière place, afin que, quand celui qui t'a invité viendra, il te dise : Mon ami, monte plus haut. Alors cela te fera honneur devant tous ceux qui seront à table avec toi. Car quiconque s'élève sera abaissé, et quiconque s'abaisse sera élevé. »

L’orgueil de l’avoir : 1 Tim 6,18 Recommande aux riches du présent siècle de ne pas être orgueilleux, et de ne pas mettre leur espérance dans les richesses incertaines, mais de la mettre en Dieu, qui nous donne avec abondance toutes choses pour que nous en jouissions. Recommande-leur de faire du bien, d'être riches en bonnes oeuvres, d'avoir de la libéralité, de la générosité, et de s'amasser ainsi pour l'avenir un trésor placé sur un fondement solide, afin de saisir la vie véritable éternelle

L’orgueil du pouvoir : Rom 1 12,3 Par la grâce qui m'a été donnée, je dis à chacun de vous de n'avoir pas de lui-même une trop haute opinion, mais de revêtir des sentiments modestes, selon la mesure de foi que Dieu a départie à chacun... Ayez les mêmes sentiments les uns envers les autres. N'aspirez pas à ce qui est élevé, mais laissez-vous attirer par ce qui est humble. Ne soyez pas sages à vos propres yeux. »

L'orgueil de l'être : Lc 18,10-14 Deux hommes montèrent au temple pour prier; l'un était pharisien, et l'autre publicain. Le pharisien, debout, priait ainsi en lui-même : Ô Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes, qui sont ravisseurs, injustes, adultères, ou même comme ce publicain... Le publicain, se tenant à distance, n'osait pas même lever les yeux au ciel; mais il se frappait la poitrine, en disant : Ô Dieu soit apaisé envers moi, qui suis un pécheur. Je vous le dis,» ajoute le Seigneur, celui-ci descendit dans sa maison justifié, plutôt que l'autre. Car quiconque s'élève sera abaissé, et celui qui s'abaisse sera élevé.