Eucharistie ou cène

Le partage du pain et du vin est un sacrement pour tous les chrétiens. Jésus a laissé ce signe lors du dernier repas de la Pâque pris avec ses disciples (voir Matthieu 26, Marc 14 et Luc 22). Les récits d’institution transmis par Luc et par l'apôtre Paul (1 Corinthiens 11) expriment l’ordre de répéter ce signe : "Faites ce ceci en mémoire de moi".

    L’institution de l’eucharistie se déroule dans le cadre de la Pâque juive. Cet événement unique dans l'histoire comporte :
  • un repas où est consommé l’agneau pascal et d’autres plats traditionnels juifs (voir le cours sur "Manger la Pâque),
  • une liturgie de la parole comportant un certain nombre de prières de bénédiction dont une grande prière de louange,
  • une radicale nouveauté : l’acte et les paroles par lesquels le Christ se donne corps et sang à travers le pain et le vin.

Dans la perspective juive, le repas de la Pâque était un rite d’actualisation : en participant au repas de la Pâque, chaque Israélite sort à nouveau d’Égypte. Jésus a institué une "Pâque nouvelle" parce que sa mort ouvre une nouvelle délivrance, une nouvelle sortie d'Egypte. Chaque participant au repas que Jésus a institué confesse qu’il bénéficie de cette rédemption qui est déjà actuelle et déploiera ses effets demain. Davantage que tout discours ou que toute autre cérémonie, la Cène est un repas dans lequel le Seigneur nous offre sa présence. Et si Jésus a institué un repas comme signe de sa présence, c’est pour indiquer la nécessité et le bienfait de cette répétition pour nourrir et affermir régulièrement notre foi, tout comme notre corps qui doit toujours s’alimenter.

Dans la tradition protestante, ce mémorial se nomme la Sainte-Cène (cène signifiant repas).

Dans les traditions catholique et orthodoxe, le partage du pain et du vin se nomme Eucharistie, qui vient du grec "eukharistia", "action de grâce".

Les récits du dernier repas restent sobres quant à son déroulement.

Mt 26, 26-29 Mc 14, 22-25 Lc 22, 14-20 1 Co 11, 23-26
26 Pendant le repas, Jésus prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit ; puis, le donnant aux disciples, il dit : « Prenez, mangez, ceci est mon corps. » 27 Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna en disant : « Buvez-en tous, 28 car ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude, pour le pardon des péchés. 29 Je vous le déclare : je ne boirai plus désormais de ce fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, avec vous dans le Royaume de mon Père. » 22 Pendant le repas, il prit du pain et, après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le leur donna et dit : « Prenez, ceci est mon corps. » 23 Puis il prit une coupe et, après avoir rendu grâce, il la leur donna et ils en burent tous. 24 Et il leur dit : « Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude. 25 En vérité, je vous le déclare, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu’au jour où je le boirai, nouveau, dans le Royaume de Dieu. » 14 Et quand ce fut l’heure, il se mit à table, et les apôtres avec lui. 15 Et il leur dit : « J’ai tellement désiré manger cette Pâque avec vous avant de souffrir. 16 Car, je vous le déclare, jamais plus je ne la mangerai jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le Royaume de Dieu. » 17 Il reçut alors une coupe et, après avoir rendu grâce, il dit : « Prenez-la et partagez entre vous. 18 Car, je vous le déclare : Je ne boirai plus désormais du fruit de la vigne jusqu’à ce que vienne le Règne de Dieu. » 19 Puis il prit du pain et, après avoir rendu grâce, il le rompit et le leur donna en disant : « Ceci est mon corps donné pour vous. Faites cela en mémoire de moi. » 20 Et pour la coupe, il fit de même après le repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang versé pour vous. 23 En effet, voici ce que moi j’ai reçu du Seigneur, et ce que je vous ai transmis : le Seigneur Jésus, dans la nuit où il fut livré, prit du pain, 24 et après avoir rendu grâce, il le rompit et dit : « Ceci est mon corps, qui est pour vous, faites cela en mémoire de moi. » 25 Il fit de même pour la coupe, après le repas, en disant : « Cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; faites cela, toutes les fois que vous en boirez, en mémoire de moi. » 26 Car toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne.

Les religions chrétiennes n'ont repris que le partage du pain et du vin dans les célébrations. Le temps du repas disparait au profit d'un rite sacrificiel d'action de grâce. Sur un plan anthropologique, l'eucharistie reprend la notion de sacrifice élaborée dans l'Ancien Testament. Jésus n'abolit pas ce concept, mais vient l'accomplir par l'offrande de sa vie. L'eucharistie manifeste ce signe, tout particulièrement dans le "sang de la nouvelle alliance".

Par ailleurs, la Tradition a rajouté de nombreux gestes et paroles pour aboutir à la forme actuelle de la messe. Nous pouvons affirmer que le catholicisme et l'orthodoxie ne célèbrent pas la cène en tant que repas. Le protestantisme est plus plus proche de l'événement historique de la cène, sans pour autant offrir un repas.

Il semble bien que l'unique élément de la Dernière Cène qui a été repris dans la célébration eucharistique est le geste du Christ présentant le pain et le vin comme son propre corps et son propre sang, à manger et à boire par ses disciples. Geste provocateur, paroles proprement inconcevables pour les juifs pratiquants qu'étaient les apôtres. La passion et la mort du Christ et sa résurrection ont dû leur ouvrir les yeux et le cœur. La signification unique du geste et des paroles accompagnantes a pris tout son relief et a fait reléguer au second plan toutes les circonstances particulières du repas, pascal ou non, du jeudi. Avec l'intuition sûre de témoins immédiats et de participants, les apôtres ont retenu ce seul geste essentiel qui marquait la fin des sacrifices de l'Ancien Testament, remplaçant à jamais le rite de l'agneau pascal par le « Pascha nostrum immolatus est Christus » (I Cor. 5, 7). Dekkers E. L'Eucharistie, imitation ou anamnèse de la Dernière Cène ?. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 58, fascicule 1-3, 1984.