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Père

Un anthropomorphisme

Utiliser le mot Père pour parler de Dieu est un anthropomorphisme, c’est-à-dire une manière de concevoir Dieu à partir de notre humanité. Pour parler de Dieu nous sommes obligés d’utiliser des mots et des images hérités de notre culture et de notre vie de tous les jours. C’est prendre le risque de déformer Dieu.

Nous sommes passés d'une culture fortement patriarcale à une société égalitaire dans laquelle les rôles de l'homme et de la femme s'interchangent dans les tâches quotidiennes et l'éducation des enfants. Quand nous utilisons des mots, nous parlons toujours de notre humanité, avant de parler de Dieu, parce que la parole révèle notre humanité. La paternité humaine n'est donc qu'une image pour essayer de nous faire rencontrer Dieu à travers l'indicible. Dans sa Première apologie pour les chrétiens, saint Justin écrivait :

Personne n'est capable d'attribuer un nom au Dieu qui est au-dessus de toute parole et si quelqu'un ose prétendre qu'il en a un, il est atteint d'une folie mortelle. Ces mots : Père, Dieu, Créateur, Seigneur, Maître ne sont pas des noms, mais des appellations motivées par ses bienfaits et par ses œuvres. Le mot Dieu n'est pas un nom, mais une approximation naturelle à l'homme pour désigner une réalité inexplicable, une chose incernable.

L’idée de Dieu Père est-elle trop patriarcale ? Faut-il supprimer toute référence au genre et dire : « Notre parent qui es aux cieux » ?

Nous sommes les héritiers d'une tradition bi-millénaire qu'il est illusoire de vouloir la balayer en un coup de féminisme. Mais il est vrai que les mots ne sont pas neutres et l’utilisation du mot Père pour parler de Dieu sera vécue différemment selon l’image que l’on se fait d’un père. Un enfant qui n'a jamais connu son père aura plus de mal à appréhender cette notion.

L’idée de la paternité de Dieu est profondément biblique, elle se trouve déjà dans le Premier Testament et elle est affirmée massivement dans le Nouveau. Chaque fois que Jésus prie, il appelle Dieu "Père". Il l'appelle même "abba" qui pourrait se traduire par "papa" (Rm 8,15 et Ga 4,6).

Les 3 rôles du père

On distingue en général trois rôles essentiels dans la fonction de père : la génitalité, la loi et l'amour.

La génitalité

Le premier de ces rôles du père est d'être le géniteur. Il est celui qui a transmis la vie. En ce sens, appeler Dieu "Père" signifie qu'il est notre créateur. Il est celui qui est à l'origine de notre vie.

La loi

Le deuxième rôle essentiel du père est de donner la loi. Il est en quelque sorte l'éducateur, celui qui structure son enfant en lui imposant des limites, en lui disant ce qui est autorisé et ce qui est interdit. Ce rôle, un peu oublié parfois, est pourtant essentiel. Il est vrai que c'est surtout la figure du Dieu de l'Ancien Testament qui répond à cette fonction, avec la loi de Moïse. Mais le Christ lui-même dit que sa mission n'est pas d'abolir la loi, mais de l'accomplir (Mt 5,17).

L'amour

Enfin le dernier rôle essentiel du père est de donner de l'amour. Cet amour se traduit de multiples façons : écouter, conseiller, jouer, pardonner, prendre dans ses bras, offrir un cadeau, etc.

Assurément ces différents rôles ne sont pas proprement masculins. Si la loi est symboliquement plus attachée à la paternité, la génitalité et l'amour relèvent autant de la maternité. La mère transmet ses gènes, porte la vie en son sein et met la vie au monde. Elle offre sa tendresse, sa patience et son écoute dans la quotidienneté de l'existence.

La paternité nécessite la reconnaissance

Le père naît avec le fils

Une question a priori insensée : un père est-il plus jeune ou plus âgé que son enfant ? En comparant les deux dates de naissance, il est bien évident que le père est plus âgé que l'enfant. Mais en comparant le lien qui unissent les deux personnes, nous pouvons conclure que le père a le même âge que l'enfant, car le premier naît en même temps que le second. C’est l’enfant qui fait accéder le géniteur à la paternité.

La reconnaissance

La paternité suppose toujours une reconnaissance. Pour devenir père, le géniteur doit reconnaître son enfant et en assumer la responsabilité. Le Père n'est jamais certain que l'enfant porté par la mère est bien le sien ; il ne peut l'affirmer que par un acte de confiance et d'accueil. Au contraire, la mère est sûre que l'enfant est le sien, car il y a entre la mère et l'enfant un rapport fusionnel qui dure 9 mois. Quand l’enfant naît et que son père le prend pour la première fois dans ses bras, il découvre un inconnu qui a déjà partagé une intime proximité avec sa mère. La fonction paternelle est culturelle, sociale et juridique ; la fonction maternelle est naturelle, sociale et juridique.

La particularité de l’humain dans le monde animal est qu’il faut du temps, beaucoup de temps, entre la naissance et le moment où le sujet devient autonome... Les paléontologues ont émis l’hypothèse que la paternité, c'est-à-dire la prise de responsabilité de l’homme face à son enfant, est le préalable nécessaire à tout processus d’hominisation. C’est ce qui a fait dire à Edgar Morin que le grand phénomène qui prépare l’hominisation et qu’accomplit l’homo sapiens, n’est pas le meurtre du père comme le prétendait Freud, mais la naissance du père qui passe par la responsabilité sur sa progéniture.

Le propre d’un père est qu’il aspire à voir son enfant grandir et prendre son autonomie. Dans le domaine théologique, Jung a dit que Dieu n’attend pas de ses fils qu’ils restent accrochés à lui parce qu’il est le Père, mais qu’ils aient le courage de tenir debout tout seuls. Dire que Dieu est père, c’est dire qu’il aspire à avoir en face de lui un humain debout et adulte qui entretient avec lui une relation de parole (Antoine Nouis, Qu'est-ce qu'être père dans la Bible ?).

Une paternité dans l’alliance

Voir en Dieu un créateur, c'est le considérer comme le principe premier, comme l'origine de notre univers. Voir en lui un père, c'est instaurer une relation.

Dieu n’a pas été appelé « Père » dès les commencements. Au début de la bible les textes parlent du Dieu des ancêtres : Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob. C’était aussi le Shaddaï, le Tout-Puissant, la terreur d’Isaac, le Dieu Fort de Jacob, le Dieu de la montagne dont le peuple d’Israël avait fait l’expérience au Sinaï. Cette présentation assurait une continuité et une fidélité à travers les générations. C’est bien le même Dieu qui continuait à se révéler et à agir en faveur du peuple élu ; c’est en ces termes qu’il se présente à Moïse :

Ex 3,6 Dieu dit: Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob

Dieu devient Père lors de la captivité de son peuple en Égypte. Cette période de « gestation » marque une prise de conscience identitaire d’un peuple. L’épreuve de l’esclavage soude les familles et les clans. Du Dieu d’Abraham, c’est-à-dire d’un seul homme, on passe au Dieu d’une multitude. Seul un père pouvait remplir ce rôle. Désormais Israël est l’enfant de Dieu et c’est en termes de « fils » que Dieu identifie son peuple auprès de pharaon dans la bouche de Moïse :

Ex 4, 22-23 Tu diras à Pharaon : Ainsi parle le Seigneur : Mon fils premier-né, c’est Israël ; je te le dis : Laisse partir mon fils pour qu’il me serve

Cette reconnaissance paternelle évolue avec la culture et la religion pour devenir progressivement plus intérieure, tout imprégnée de tendresse dans des images maternelle.

Dieu mère

La maternité du Père

Plusieurs caractéristiques maternelles se retrouvent en Dieu.

La tendresse

« Le Bon Dieu est plus tendre qu'une mère » disait Thérèse de l'Enfant Jésus.

Ps 103,13 Comme est la tendresse d’un père pour ses fils, tendre est Yahvé pour ceux qui le craignent
Ps 131,2. Je tiens mon âme en paix et silence; comme un petit enfant contre sa mère, comme un petit enfant, telle est mon âme en moi

Les entrailles

Cette tendresse se prolonge jusque dans les "entrailles". Le mot "entrailles" rehem en hébreu, désigne le sein maternel, la matrice. Nous le retrouvons en grec dans le "Je vous salut Marie... Le fruit de tes entrailles". La forme plurielle hébraïque, rahamim, signifie "miséricorde".

Is 49,15 Une femme oublie-t-elle l'enfant qu'elle nourrit, cesse-t-elle de chérir le fils de ses entrailles ? Même s'il s'en trouvait une pour t'oublier, Moi, je ne t'oublierai jamais
Is 63,15-16 Regarde du ciel et vois, depuis ta demeure sainte et glorieuse. Où sont ta jalousie et ta puissance ? Le frémissement de tes entrailles et ta pitié pour moi se sont-ils contenus ? Pourtant tu es notre père. Si Abraham ne nous a pas reconnus, si Israël ne se souvient plus de nous, toi, Yahvé, tu es notre père, notre rédempteur, tel est ton nom depuis toujours.
Os 11,8 Comment t'abandonnerais-je, Ephraïm, te livrerais-je, Juda ? Mon coeur en moi se retourne, toutes mes entrailles frémissent
Jr 31,20 Ephraïm est-il donc pour moi un fils si cher, un enfant tellement préféré, pour qu'après chacune de mes menaces je doive toujours penser à lui, et que mes entrailles s'émeuvent pour lui, que pour lui déborde ma tendresse ?

L'allaitement

Nb 11,12 Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple, est-ce moi qui l'ai enfanté ? que tu me dises : «Porte-le sur ton sein, comme la nourrice porte l'enfant à la mamelle, au pays que j'ai promis par serment à ses pères» ?

Os 11,3-4 Et moi j'avais appris à marcher à Éphraïm, je le prenais par les bras, et ils n'ont pas compris que je prenais soin d'eux! Je les menais avec des attaches humaines, avec des liens d'amour; j'étais pour eux comme ceux qui soulèvent un nourrisson tout contre leur joue, je m'inclinais vers lui et le faisais manger

Is 66,12-13, Car ainsi parle le Seigneur : Voici que je fais couler vers elle la paix comme un fleuve, et l'opulence des nations comme un torrent qui déborde. Vous serez allaités, portés sur la hanche et caressés sur les genoux. Comme un enfant que sa mère console, moi aussi je vous consolerai, et dans Jérusalem vous serez consolés.

Is 66,10-11 Réjouissez-vous avec Jérusalem et jubilez à cause d'elle, vous tous qui l'aimez ; soyez avec elle transportés d'allégresse, vous tous qui menez son deuil, afin d'être allaités et rassasiés à la mamelle de ses consolations, afin de sucer avec délices le sein de sa gloire

1P 2,1-3 Rejetant donc toute malice et toute fourberie, hypocrisies, jalousies et médisances de toute sorte, comme des enfants nouveau-nés, désirez le lait de la parole, qui ne trompe pas, afin que, par lui, vous croissiez pour le salut, puisque vous avez goûté comme est bon le Seigneur

Ces quelques exemples montrent que Dieu possède des caractéristiques féminines. Les auteurs bibliques ont progressivement donné des traits féminins à un Dieu marqué au départ par la paternité des patriarches. Dans une société dominée par les hommes, l’image de Dieu s’est progressivement laissée façonner par les expériences personnelles des uns et des autres, des expériences féminines, des maternités et des enfantements. Dieu se dit dans la création sous les multiples richesses que celle-ci recèle.

Ni masculin, ni féminin

Dieu possède des caractéristiques féminines sans pour autant prendre le nom de « mère ». La féminité de Dieu se cantonne dans un rôle de maternité sans jamais endosser le titre de mère, de femme ou d’épouse. Dieu le Père est d’ailleurs toujours représenté en homme, c’est-à-dire dans le genre masculin, avec toutes les limites que comporte une telle représentation. Le prophète Osée n’hésite pas à affirmer :

Os 11,9 Je suis Dieu, et non pas un homme

Nous butons sur la représentation de Dieu avec nos catégories humaines. Pour incarner son autorité et sa puissance, Dieu se moule dans une masculinité plus à même d’être accueillie et comprise par un peuple en marche. Par ailleurs, le nom de « mère » aurait assimilé Dieu aux divinités de la fécondité. Dieu possède assurément les qualités des deux genres, sans pour autant s’identifier au masculin et au féminin au sens sexuel de ces termes :

Le Dieu Père transcende toute distinction sexuelle, si bien que sa paternité ne peut être qualifiée ni de masculine, ni de féminine. Mais elle comporte à un niveau divin tout ce qui caractérise paternité et maternité (Jean GALOT, Dieu en trois personnes, Parole et silence, 1999. p. 59).

Regard juif

Le terme de Père pour désigner Dieu, contrairement à ce que l’on a pu lire ou dire, est employé dans la Bible, même s’il est vrai qu’il est plus rare dans la Bible juive que dans le Nouveau Testament. Il est employé aussi dans la tradition orale et dans la liturgie. Si Jésus appelle Dieu : « Abba » (Père) et ordonne à ses disciples de s’adresser à lui en disant : « Notre Père », c’est qu’il sait par l’Écriture que le Deutéronome disait à Israël : « Vous êtes les fils de l’Éternel votre Dieu » (Dt 14, 1) et que le prophète Jérémie, s’adressant à Israël afin qu’il se repente, parle ainsi : « Dieu te dit : je veux te faire une place parmi mes enfants. Tu m’appelleras : mon Père, et tu ne t’éloigneras plus de moi » (Jr 3, 20). On pourrait multiplier les citations bibliques.

Je voudrais tenter de cerner, au niveau biblique, le sens même de l’appellation : « Père ». Peut-être la Bible juive, et ensuite le Nouveau Testament, sont-ils une des rares littératures religieuses qui aient osé employer cette métaphore de la relation filiale pour exprimer deux notions essentielles : tout d’abord la proximité de l’homme et de Dieu. L’homme fut créé à l’image de Dieu et en ce sens, selon la Bible et le Judaïsme, tout homme est appelé à « devenir fils de Dieu ».

Pour dire aussi que réalisée dans un être collectif ou individuel, la véritable filiation exprime la notion particulière d’élection, de choix de Dieu, pour une collectivité ou pour un homme.

Nous trouvons cette appellation de « Père qui est au ciel » encore aujourd’hui, et ceci depuis 2000 ans ou plus, dans nos prières quotidiennes. Dans le texte lu ce matin par l’aumônier du Synode, qui est une des bénédictions qui précèdent le Shema Israël, nous disons : « Notre Père, notre Roi, enseigne-nous ta doctrine », et nous ajoutons : « Notre Père, Père miséricordieux ». Dans la « Amidah », la prière par excellence dite trois fois par jour pour tous les jours de l’année par le juif pieux, Dieu est appelé par deux fois Père : « Fais-nous revenir, notre Père, vers la Torah » et aussi : « Pardonne-nous, notre Père, car nous avons péché contre toi ».

Il faut dire que dans la tradition juive et dans la liturgie juive, cette appellation de Dieu comme “Père” et comme « Notre Père », est souvent complétée, balancée par l’appellation “Notre Roi”. « Notre Père, Notre Roi », telle est la litanie de la prière que nous répétons à chacun des offices de la longue journée de Kipppour.

Cette double appellation de « Notre Père » et « Notre Roi » exprime que pour le Judaïsme, dans sa lecture continue et existentielle de la Bible, Dieu est proche, il est le Dieu d’amour, de miséricorde longanirne et abondant en grâce dont nous parle l’Exode. Mais cette proximité de Dieu ne doit pas faire oublier à l’homme, et même à l’élu, que Dieu est aussi le Dieu Maître de l’Univers, le Roi de l’Univers, le Tout Autre, qui exige de nous d’agir ici-bas pour qu’enfin il soit, selon une parole de Zacharie (14, 9), parole répétée à la fin de tous les offices, « reconnu Roi sur toute la terre ».

Commentaire de Colette KESSLER.

Le père de Jésus (Benoît XVI, Jésus de Nazareth, pp. 159-165)

Nous pouvons dire Père, car le Fils était notre frère et nous a révélé le Père; parce que, par l'action du Christ, nous sommes redevenus des enfants de Dieu (4). » Pour l'homme d'aujourd'hui cependant, la grande consolation contenue dans le mot « père » n'est pas aussi évidente, car l'expérience du père, souligne Benoît XVI, est souvent soit totalement absente, soit obscurcie par la défaillance des pères.

Ainsi, nous devons avant tout apprendre à partir de Jésus ce que « père » signifie précisément. Quand Jésus parle, le père apparaît comme la source de tout bien, comme le critère de l'homme devenu juste (« parfait ») :

Mt 5,44 Eh bien, moi je vous dis : aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent, afin d'être vraiment les fils de votre Père qui est dans les cieux, car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons

L'amour qui va «jusqu'au bout » (Jn 13, 1), que le Seigneur a accompli sur la croix en priant pour ses ennemis, nous montre la nature du Père. Il est cet Amour. Parce que Jésus accomplit cet amour, il est entièrement « Fils », et il nous invite - à partir de ce critère - à devenir à notre tour des « fils ». Regardons maintenant un autre texte. Le Seigneur rappelle qu'aux enfants qui demandent du pain, les pères ne donnent pas une pierre, et il continue en disant :

Mt 7, 11 Si donc, vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est aux cieux donnera-t-il de bonnes choses à ceux qui les lui demandent

Luc spécifie le « bien » que donne le Père, en disant : « ...combien plus le Père céleste donnera-t-il l'Esprit-Saint à ceux qui le lui demandent » (Lc 11, 13). Cela veut dire que le don de Dieu est Dieu lui-même, le « bien » qu'il nous donne, c'est lui-même. Ce passage manifeste de façon surprenante de quoi il s'agit dans la prière. Il ne s'agit pas de ceci ou de cela, il importe seulement que Dieu veuille vraiment se donner à nous : tel est le don de tous les dons, « la seule chose nécessaire » (cf. Lc 10, 42). La prière est un chemin qui nous conduit progressivement à purifier nos désirs, à les corriger et à découvrir peu à peu ce qui nous fait vraiment défaut : Dieu et son Esprit.

Quand le Seigneur enseigne qu'il faut découvrir la nature de Dieu le Père à partir de l'amour des ennemis et qu'il faut y trouver sa « perfection » afin de devenir soi-même « fils », alors la relation entre le Père et le Fils est évidente. Il est dès lors manifeste que, dans le reflet de la figure de Jésus, nous découvrons qui est Dieu et comment il est : Par le Fils, nous trouvons le Père.

« Celui qui m'a vu, a vu le Père »,

dit Jésus lors de la Cène à Philippe, qui avait demandé : montre-nous le Père (Jn 14, 8-9). Seigneur, montre-nous le Père, répétons-nous sans cesse à Jésus, et la réponse est encore et toujours le Fils. Par lui, et seulement par lui, nous apprenons à connaître le Père. Ainsi se révèlent la mesure et le modèle de la vraie paternité. Le Notre Père ne projette pas une image humaine sur le ciel, mais il nous montre à partir du ciel - à partir de Jésus -comment nous devrions et comment nous pouvons devenir des hommes.

Cependant, en y regardant de plus près, nous pouvons maintenant constater que, d'après le message de Jésus, la paternité de Dieu comporte deux dimensions. Tout d'abord, Dieu est notre Père en tant qu'il est notre Créateur. Parce qu'il nous a créés, nous lui appartenons. L'être en tant que tel vient de lui, il est donc bon et il est participation de Dieu. Cela vaut tout particulièrement pour l'homme. Le verset 15 du Psaume 33 [32] dit, dans sa traduction latine : « lui qui leur a modelé un même cœur est attentif à toutes leurs œuvres ». L'idée que Dieu a créé chaque individu fait partie de l'image de l'homme contenue dans la Bible. Chaque homme est individuellement et comme tel voulu par Dieu. Il connaît chacun personnellement. En ce sens, déjà en vertu de la création, l'être humain est de manière spéciale « fils » de Dieu, et Dieu est son véritable Père. Dire que l'homme est à l'image de Dieu, indique Benoît XVI, est une autre manière d'exprimer cette idée.

Nous en arrivons ainsi à la deuxième dimension de la paternité de Dieu. De façon singulière, le Christ est « image de Dieu » (2 Co 4, 4 ; Col 1, 15). À partir de là, les Pères de l'Eglise ont dit que Dieu, en créant l'homme « à son image », a d'emblée regardé vers Jésus et créé l'homme à l'image du « nouvel Adam », de l'Homme qui est le modèle de l'humanité. Mais surtout, Jésus est au sens propre « le Fils » - de la même substance que le Père. Il veut nous faire entrer tous dans son « être homme » et, par là, dans son « être fils », dans la pleine appartenance à Dieu.

Ainsi, la filiation est devenue un concept dynamique : nous ne sommes pas encore de manière achevée des fils de Dieu, mais nous devons le devenir et l'être de plus en plus à travers notre communion de plus en plus profonde avec Jésus. Être fils, c'est suivre le Christ. La parole qui qualifie Dieu comme Père devient alors pour nous un appel : vivre comme « fils » et « fille ». « Tout ce qui est à moi est à toi », dit Jésus au Père dans la prière sacerdotale (Jn 17, 10), et la même chose est dite par le père au frère aîné du fils prodigue (cf. Lc 15, 31). Le terme de « père » nous invite à vivre à partir de cette conscience. Dès lors est dépassée aussi la folie de la fausse émancipation qui se trouvait au début de l'histoire du péché de l'humanité. Car, indique Benoît XVI, en écoutant la parole du serpent, Adam veut devenir lui-même Dieu et se passer de Dieu. On voit qu'« être fils » ne signifie pas être dépendant, mais se tenir dans la relation d'amour qui porte l'existence humaine en lui donnant sa grandeur et son sens.

La paternité de Dieu est plus réelle que la paternité humaine, parce qu'en dernière instance nous tirons de lui notre être ; parce que, éternellement, il nous a pensés et voulus ; parce qu'il nous fait don de la vraie maison paternelle, celle qui est éternelle. Et si la paternité terrestre sépare, la paternité céleste réunit. Le mot ciel signifie donc cette autre dimension de la majesté de Dieu, dont nous venons tous et vers laquelle nous devons tous aller. La paternité « aux deux » nous renvoie à ce « nous » plus grand qui dépasse toutes les frontières, qui abat toutes les murailles et qui crée la paix.

Abba

Abba et imma sont les 2 premiers mots que l’enfant apprend. Abba est le nom donné par le petit enfant à son père; imma à sa mère. C'est l'équivalent de notre papa et maman. Ces deux termes sont puérils et quotidiens. Personne n'aurait interpellé Dieu "abba", car trop familier et en contradiction avec la transcendance de Dieu, dont ce milieu juif avait si vive conscience. En invoquant son père "abba", Jésus témoigne d'une intimité et d'une relation filiale.

Mc 14,35-36 Étant allé un peu plus loin, il tombait à terre, et il priait pour que, s'il était possible, cette heure passât loin de lui. Et il disait : « Abba Père ! tout t'est possible : éloigne de moi cette coupe ; pourtant, pas ce que je veux, mais ce que tu veux !

Rm 8,14-15 En effet, tous ceux qu'anime l'Esprit de Dieu sont fils de Dieu. Aussi bien n'avez-vous pas reçu un esprit d'esclaves pour retomber dans la crainte ; vous avez reçu un esprit de fils adoptif qui nous fait nous écrier : Abba ! Père !

Ga 8,6-7 Et la preuve que vous êtes des fils, c'est que Dieu a envoyé dans nos cœurs l'Esprit de son Fils qui crie : Abba, Père ! Aussi n'es-tu plus esclave, mais fils ; fils, et donc héritier de par Dieu.

Par le Notre Père, Jésus nous communique le droit de dire Abba. Il fait de nous des fils, des petits enfants qui savent spontanément dire Abba.

Mt, 18,3 En vérité je vous le dis, si vous ne retournez à l'état des enfants, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux