Le baptême dans la Bible

L'eau fut utilisée comme symbole de purification dans de nombreuses religions depuis la nuit des temps. Dans l'Antiquité, les eaux du Gange en Inde, de l'Euphrate à Babylone, et du Nil en Égypte, furent utilisées pour des ablutions rituelles.

De multiples exemples bibliques montrent que l’eau joue un rôle primordial. Cet élément vital est par ailleurs associé au souffle du vent pour donner du sens à une naissance, à un commencement.

Approche vétéro-testamentaire

L’eau est le lieu où surgit la vie. Ce principe fondamental, nous le retrouvons dès le premier verset de la bible. L’eau est la matrice de l’univers autour de laquelle tournoie le souffle de Dieu. C’est le berceau de l’humanité.

Gn 1,1-2  Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l'abîme, un vent de Dieu tournoyait sur les eaux.

Un autre passage très célèbre reprend le thème de l’eau, mais comme force de mort. Il s’agit du déluge dont le rôle est de purifier l’humanité de ses péchés. Cet épisode signifie que la perversité, la méchanceté et la violence n’ont pas leur place dans le projet de Dieu. Après le temps de purification, Dieu fait passer un vent sur la terre et les eaux désenflent. À l’issue des 40 jours de pluie une colombe symbolise le retour de la terre ferme (Gn 8,1-12).

Dans le passage de la mer rouge, nous retrouvons l’eau et le vent. Cet épisode fondateur du peuple d’Israël symbolise la vie et la mort. C’est un baptême qui fait passer les Hébreux de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie. Moïse joue le rôle de médiateur de Dieu ; il étend la main et un vent refoule la mer (Ex 14,21).

Ex 14,21.  Moïse étendit la main sur la mer, et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est ; il la mit à sec et toutes les eaux se fendirent.

À côté de ses exemples qui concernent l’humanité ou le peuple d’Israël, il faut rappeler que la purification par l’eau tient une place prépondérante dans la vie de tous les jours. Si au départ le geste est lié à l’hygiène notamment afin de ne pas contracter de maladie, il devient progressivement un rite communautaire et religieux. L’objectif est de se purifier devant la communauté et face à Dieu, car l’impureté n’a pas sa place, ni dans le corps social, ni dans l’ekklesia naissante. Rappelons qu’il faut impérativement préserver la sécurité et l’intégrité du peuple et toute impureté constitue une menace à cet égard. Respecter les interdits communautaires, c’est assurer la cohésion sociale et religieuse du groupe. Le rite de purification est en ce sens un rite de réintégration dans la communauté et d’identification de celle-ci. Les rites de purification comprennent globalement 4 temps : le sacrifice, la mise à l’écart, le bain et la confession du péché dans le cas d’une faute personnelle. Un exemple de purification nous est donné dans le livre des rois (2R 5,1-14).

2 R 5,1-14. Naamân, chef de l'armée du roi d'Aram, était un homme en grande considération et faveur auprès de son maître, car c'était par lui que Yahvé avait accordé la victoire aux Araméens, mais cet homme était lépreux… Elisée envoya un messager lui dire : «Va te baigner sept fois dans le Jourdain, ta chair redeviendra nette.» Naamân, irrité, s'en alla en disant : «Je m'étais dit : Sûrement il sortira et se présentera lui-même, puis il invoquera le nom de Yahvé son Dieu, il agitera la main sur l'endroit malade et délivrera la partie lépreuse. Est-ce que les fleuves de Damas, l'Abana et le Parpar, ne valent pas mieux que toutes les eaux d'Israël? Ne pourrais-je pas m'y baigner pour être purifié?» Il tourna bride et partit en colère. Mais ses serviteurs s'approchèrent et s'adressèrent à lui en ces termes : «Mon père! Si le prophète t'avait prescrit quelque chose de difficile, ne l'aurais-tu pas fait? Combien plus, lorsqu'il te dit : «Baigne-toi et tu seras purifié.» Il descendit donc et se plongea sept fois dans le Jourdain, selon la parole d'Elisée : sa chair redevint nette comme la chair d'un petit enfant.

Purification et expiation des péchés

L’usage rituel de l’eau sous la forme de l’ablution, de l’immersion, de l’aspersion, de l’effusion est commun à la plupart des religions. Il se rattache au symbolisme naturel de l’eau qui exprime à la fois la purification, la mort et la vie.

Dans le contexte de l’Ancien Testament, l’usage de l’eau est étroitement associé à l’idée de purification et donc à l’état de pureté et d’impureté. L’impureté désigne le fait de ne pas être en règle avec la loi donnée par Yahvé et donc prendre le risque d’être exclu de la communauté. Est pur celui qui vit en conformité avec les 613 préceptes de la loi mosaïque ; est impur celui qui y déroge. Une distinction s’impose entre l’impureté et le péché. Le pécheur est impur, mais l’homme impur n’est pas forcément pécheur. Car le péché relève de la responsabilité personnelle et d’une faute. Un exemple simple est celui de la femme qui a ses règles : elle est impure, mais n’est pas pécheresse ; par contre toucher un cadavre ou faire un faux serment implique une confession :

Lev 5,5-6 S'il est responsable en l'un de ces cas, il aura à confesser le péché commis, il amènera à Yahvé à titre de sacrifice de réparation pour le péché commis une femelle de petit bétail brebis ou chèvre en sacrifice pour le péché ; et le prêtre fera sur lui le rite d'expiation qui le délivrera de son péché.

Les rites de purification comportent pour l’essentiel le lavement dans un bain (mikve), le respect d’un délai, un sacrifice ainsi que la confession et le pardon du péché dans le cas d’une faute précise.

L’objectif de ce rite touche à la vie communautaire. Rappelons qu’il faut impérativement préserver la sécurité et l’intégrité du peuple et toute impureté constitue une menace à cet égard. Respecter les interdits communautaires, c’est assurer la cohésion sociale et religieuse du groupe. Le rite de purification est en ce sens un rite de réintégration dans la communauté et d’identification de celle-ci.

La purification et l’octroi du pardon des péchés se rejoignent dans le rite d’expiation, rite codifié et institutionnalisé. Cette forte institutionnalisation ne joue pas en faveur d’un processus personnel de pardon. L’instauration du Yom Kippour, c’est à dire jour du grand pardon national renforce encore cette idée. Certains psaumes font néanmoins écho d’une prise de conscience intérieure de son péché :

Ps 51,3-5 Lave-moi tout entier de mon mal et de ma faute purifie-moi. Car mon péché, moi, je le connais, ma faute est devant moi sans relâche; contre toi, toi seul, j'ai péché, ce qui est coupable à tes yeux, je l'ai fait.
Ps 32,1-5 Heureux qui est absous de son péché, acquitté de sa faute! Heureux l'homme à qui Yahvé ne compte pas son tort, et dont l'esprit est sans fraude! Je me taisais, et mes os se consumaient à rugir tout le jour; la nuit, le jour, ta main pesait sur moi; mon cœur était changé en un chaume au plein feu de l'été. Ma faute, je te l'ai fait connaître, je n'ai point caché mon tort; j'ai dit : J'irai à Yahvé. Confesser mon péché. Et toi, tu as absous mon tort, pardonné ma faute.

Au retour de l’exil, certains prophètes annoncent une purification dans l’eau et l’Esprit.

Ez 36,25-26 Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Cette annonce prophétique va s’amplifier avec le baptême annoncé par Jean-Baptiste.

Le baptême de Jésus

Au 1er siècle de notre ère, un baptême sera proposé aux païens qui voulaient se rapprocher du judaïsme. Ce baptême était essentiellement un rite de purification d’où son nom de « baptême des prosélytes ». Tout païen converti à la religion juive devait prendre un bain, avant de recevoir la circoncision, pour faire disparaître son état d’impureté rituelle.

À côté de ces rites d’eau qui ne permettaient pas le salut, mais une purification sans cesse à renouveler, les baptistes proposaient de véritables baptêmes. Pratiqués dans l’eau courante, ces rites procuraient le pardon des péchés. En réaction à une religion trop institutionnalisée ou trop formelle, ils correspondaient à un besoin de réveil spirituel et religieux.

Le baptême que propose Jean Baptiste est le mieux connu de ces rites baptismaux. Pour original qu’il soit, il n’était pourtant pas isolé. De nombreux textes font allusion, en effet, à d’autres groupes baptistes. Les plus connus sont les « hémérobaptistes » ou « baptistes quotidiens », qui se plongeaient tous les matins, associant ainsi purification et hygiène. Bien que divers, tous ces mouvements pratiquaient un rite de plongeon — de « baptême » — dans l’eau courante, en vue du pardon des péchés. Dépassant les barrières habituelles de pureté, ils s’adressaient à tous et proclamaient l’imminence du salut en invitant à la conversion du cœur.

Le baptême de Jean-Baptiste était sans doute assez proche des rites que l’on vient d’évoquer : un baptême proposé à tous en vue du pardon des péchés. Deux particularités cependant le distinguaient. À la différence des diverses ablutions juives, et même du baptême des « hémérobaptistes », le candidat à ce baptême ne se lavait ni ne se plongeait lui-même : ce rite lui était administré par un autre. De plus, alors que les ablutions et les autres baptêmes pouvaient être réitérés, ce rite était unique et définitif. C’était un formidable défi au Temple puisque celui qui recevait le baptême de Jean pouvait obtenir le pardon des péchés hors du Temple, de ses rites et de ses hommes. Pierre DEBERGE, Rites d’eau et baptêmes

Le baptême pratiqué par Jean se rapproche du baptême conféré aux prosélytes, ces païens qui étaient par là introduits dans le peuple d’Israël. Il s’en distingue cependant en ce qu’il s’adresse aux juifs eux-mêmes et se présente pour la rémission des péchés. S’il reprend le thème de la purification déjà présent dans l’Ancien Testament, il lui donne le sens d’une conversion dans l’attente du royaume de Dieu qui vient.

En se faisant baptiser par Jean tout le pays de Judée et les habitants de Jérusalem ont conscience d’entrer dans le Reste d’Israël, la véritable descendance d’Abraham afin d’échapper à la colère qui vient (cf. Matthieu 3, 7-9). Le rite manifeste la démarche intérieure de repentir et de conversion, c’est un baptême d’eau qui prépare la venue de celui qui enlève le péché du monde et baptise dans l’Esprit Saint.

Au-delà de la signification théologique, on remarquera que Jean-Baptiste nous annonce une continuité et une rupture par rapport au passé.

Mc 1,8 Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau, mais lui vous baptisera avec l'Esprit Saint.

Et Celui qui vient veut être baptisé par Jean, lui aussi parce qu’il est pleinement homme et de race juive. Sa venue assure une continuité avec le passé ; en recevant le baptême de Jean, il assume toute l’histoire du peuple juif et son attente du Messie qui culmine dans cette ultime préparation prêchée par Jean. Mais le baptême de Jean comprend aussi la reconnaissance des péchés. Quels péchés Jésus peut-il confesser, lui qui s’est fait semblable à nous excepté le péché (Hébreux 4, 15) ? En réalité, par son geste, il prend sur lui le péché du monde démasqué par la Loi, il prend la place des pécheurs afin d’accomplir toute justice (Matthieu 3, 15). Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en lui nous devenions justice de Dieu (2 Corinthiens 5, 21). En descendant dans le Jourdain, il plonge symboliquement dans la mort pour en ressortir. Ce baptême par lequel il inaugure sa vie publique prend tout son sens à la lumière du mystère pascal. Au Jourdain, Jésus anticipe la Croix, il annonce le baptême dont il doit être baptisé (Marc 10, 38). La descente dans l’eau annonce sa mort ; la voix du Père annonce sa résurrection ; l’Esprit qui planait sur les eaux lors de la création ( cf. Genèse 1, 2) annonce aujourd’hui la re-création dans le Christ. Les cieux déchirés annoncent son cœur transpercé d’où jaillira l’amour miséricordieux, la rémission des péchés, les sacrements de l’Église, une source intarissable de vie (Tiré du Vocabulaire de théologie biblique).

Mc 1,1-11  Commencement de l'Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu.   Selon qu'il est écrit dans Isaïe le prophète : Voici que j'envoie mon messager en avant de toi pour préparer ta route. Voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers, Jean le Baptiste fut dans le désert, proclamant un baptême de repentir pour la rémission des péchés. Et s'en allaient vers lui tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem, et ils se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en confessant leurs péchés. Jean était vêtu d'une peau de chameau et mangeait des sauterelles et du miel sauvage. Et il proclamait : « Vient derrière moi celui qui est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne, en me courbant, de délier la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés avec de l'eau, mais lui vous baptisera avec l'Esprit Saint. » Et il advint qu'en ces jours-là Jésus vint de Nazareth de Galilée, et il fut baptisé dans le Jourdain par Jean. Et aussitôt, remontant de l'eau, il vit les cieux se déchirer et l'Esprit comme une colombe descendre vers lui, et une voix vint des cieux : « Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur. »

  Voir l'étude sur le baptême dans l'Esprit

Au nom de Jésus-Christ

Le scénario est partout le même : le baptême est l’aboutissement de la prédication et de la conversion à la foi. L’expression la plus courante est celle de recevoir le baptême « au nom de Jésus », c’est-à-dire que le baptême introduit dans une relation personnelle avec le Seigneur et dans la communauté qui porte son nom. En étant baptisé au nom de Jésus ou en Jésus-Christ, nous devenons membres de l’Église du Christ, membre de son corps ; nous sommes plongés dans sa mort résurrection. Les baptisés ont " revêtu le Christ " (Ga 3, 27). Il s’agit là d’une radicale nouveauté par rapport à l’Ancien Testament. Mais il ne s’agit pas d’une formule liturgique et le Nouveau Testament ne permet guère de reconstituer le cérémonial.

Ac 2,38.  Pierre leur répondit : « Repentez-vous, et que chacun de vous se fasse baptiser au nom de Jésus Christ pour la rémission de ses péchés, et vous recevrez alors le don du Saint Esprit.

L’envoi en mission

Le jour même de la Pentecôte, 3000 personnes sont baptisées (Ac 2, 38-41). Les Actes des apôtres relatent de multiples baptêmes en Samarie (8,12), à Damas (9,17), à Césarée, premier baptême d’un non-chrétien (10,44), à Philippes (16,15), à Ephèse (19,15). Le baptême s’ouvre à des non-juifs comme en témoigne le baptême de Corneille et de son entourage. Ou encore le baptême de l’eunuque éthiopien par Philippe.

L'Esprit de la Pentecôte donne aux disciples la conviction intérieure et le courage de témoigner de Jésus (voir Ac 1,8; 4,29). Il fait d'eux des « prophètes » (Ac 2,17-18), c'est-à-dire des témoins de la présence et de l'action de Dieu dans notre monde. Tous ceux et celles qui croient en Jésus Christ sont appelés à recevoir l'Esprit prophétique de la Pentecôte, comme la suite du récit des Actes le montre bien (voir Ac 8,14-17; 11,15-17; 19,5-6).

Jésus envoie ses disciples en mission dans toutes les nations afin de baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Nous trouvons ici les paroles que reprendra la liturgie du baptême.

Mt 28,19-20 : Allez, faites de toutes les nations des disciples, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, et enseignez-leur à observer tout ce que je vous ai prescrit. Et voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde.

Ce texte est parfois considéré comme le texte institutionnel du sacrement de baptême. Mais il ne faut oublier que les sacrements s’enracinent dans la personne même de Jésus-Christ en tant que fondateur et fondement de l’Église.