Histoire du baptême

Du 1er au 4ème siècle

La didachè

Le rite du baptême se développa progressivement. Les plus anciens écrits chrétiens, tels la Didachè (fin du premier, début du deuxième siècle), le décrivent comme un service très simple.

Didakhê VII. Pour le baptême, donnez-le de la manière suivante: après avoir enseigné tout ce qui précède (prescriptions morales), « baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit », dans de l'eau courante. S'il n'y a pas d'eau vive, qu'on baptise dans une autre eau et à défaut d'eau froide, dans de l'eau chaude. Si tu n'as (assez) ni de l'une ni de l'autre, verse trois fois de l'eau sur la tête « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Que le baptisant, le baptisé et d'autres personnes qui le pourraient, jeûnent avant le baptême ; du moins au baptisé ordonne qu'il jeûne un jour ou deux auparavant. Mais il n’est pas obligatoire de jeûner (http://remacle.org/bloodwolf/eglise/anonyme/didache).

Tertullien

Telle que Tertullien (fin 2e siècle) la décrit dans son De baptismo, la célébration du baptême à Carthage comporte la bénédiction de l’eau, le bain baptismal, avec triple confession de foi et triple immersion ( chap 5), l’onction d’huile (chap 6) et l’imposition des mains pour le don de l’Esprit Saint(chap 7).

Au sortir du bain salutaire on fait sur nous une onction sainte, suivant l'ancienne cérémonie où l'on avait coutume de prendre de l'huile renfermée dans une fiole pour en oindre ceux que l'on consacrait au sacerdoce. C'est ainsi qu'Aaron fut sacré par son frère Moïse. Après cela on nous impose les mains en invoquant et attirant sur nous le Saint-Esprit par la prière qui accompagne cette sainte cérémonie.

Dans le Nouveau Testament, concernant l'Église de Jésus-Christ, l'onction d'huile n'était pratiquée que pour la guérison des malades (Jacques 5.15). Les dates liturgiques de la célébration du baptême sont les fêtes de Pâques et de la Pentecôte, mais on peut le donner en tout temps. Le ministre habituel du baptême est l’évêque. Les prêtres et les diacres ont également le droit de le conférer avec l’autorisation explicite de l’évêque (chap 17). Les laïques eux-mêmes peuvent le donner en cas de nécessité absolue.

La tradition apostolique

Au IIIe siècle, le baptême était devenu une liturgie élaborée. La Tradition apostolique, rapportée en 215 par le théologien saint Hippolyte de Rome, décrit, comme faisant partie du rite, un jeûne et une veille de préparation, une confession des péchés, la renonciation au mal et à l'idolâtrie, et une triple immersion, suivie d'une profession de foi pendant que l’officiant impose la main sur la tête. Puis vient l’onction par le prêtre et la confirmation par l’évêque.

Le prêtre prenant chacun de ceux qui reçoivent le baptême, lui ordonnera de renoncer en disant : Je renonce à toi, Satan, et à toute ta pompe et à toutes tes œuvres. Après que chacun a renoncé, le prêtre l’oint avec l’huile, disant : que tout esprit mauvais s’éloigne de toi. De cette manière il le confiera nu à l’évêque ou au prêtre qui se trouve près de l’eau pour baptiser.
Un diacre descendra avec lui de cette manière. Lorsque celui qui est baptisé sera descendu dans l’eau, celui qui baptise lui dira en lui imposant la main :
- Crois-tu en Dieu le Père tout-puissant ?
Et celui qui est baptisé dira à son tour : Je crois.
Et aussitôt celui qui baptise, tenant la main posée sur la tête, le baptisera une première fois.
Et ensuite il dira :
- Crois-tu en Jésus-Christ, Fils de Dieu, qui est né par le Saint-Esprit de la Vierge Marie, a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort, est ressuscité le troisième jour vivant d’entre les morts, est monté aux cieux et est assis à la droite du Père, qui viendra juger les vivants et les morts.
Et quand il aura dit : Je crois, il sera baptisé une deuxième fois. De nouveau celui qui baptise dira :
- Crois-tu en l’Esprit-Saint dans la sainte Église ?
Celui qui est baptisé dira : Je crois, et ensuite il sera baptisé une troisième fois. Quand il sera remonté, il sera oint par le prêtre de l'huile de l'action de grâces avec ces mots : Je t'oins d'huile sainte au nom de Jésus Christ.
Et ainsi chacun après s'être essuyé se rhabillera, et ensuite ils entreront dans l'église.
L'évêque en leur imposant la main dira l'invocation : Seigneur Dieu, qui les as rendus dignes d'obtenir la rémission des péchés par le bain de la régénération, rends-les dignes d'être remplis de l'Esprit Saint et envoie sur eux ta grâce, afin qu'ils te servent suivant ta volonté… Ensuite, en répandant l'huile d'action de grâce de sa main et en posant celle-ci sur la tête, il dira : Je t'oins d'huile sainte en Dieu le Père tout-puissant et dans le Christ Jésus et dans l'Esprit Saint. Et après l'avoir signé au front, il lui donnera le baiser et dira : Le Seigneur soit avec toi. Et celui qui a été signé dira : Et avec ton Esprit… (Tradition apostolique d'Hippolyte, 21) .

Le baptême comprend successivement :
- Une renonciation solennelle à Satan.
- La renonciation est suivie d’une onction avec l’huile de l’exorcisme ou des catéchumènes. Cette onction est encore prévue dans le rituel actuel, mais elle est souvent remplacée par le geste de l’imposition de la main.
- Le baptisé est nu. L’onction sur tout le corps ainsi que l’immersion suppose la nudité. Celle-ci symbolise aussi le retour à l’innocence originelle comme l’écrit Grégoire de Nysse (In diem luminum, PG 46,600) : « Tu nous avais chassés du paradis et tu nous y as rappelés ; tu nous as dépouillés des feuilles de figuier, ces vêtements sordides, et tu nous as revêtus d’une robe d’honneur… Désormais quand tu appelleras Adam, il n’aura plus honte et il ne se cachera plus… Ayant retrouvé la liberté, il apparaît en plein jour ».
- Un diacre accompagne celui qui dit être baptisé et le confie à l’évêque ou au prêtre.
- Le baptême s’opère par une triple immersion qui suit la profession de foi des trois articles du Credo. Remarquons qu’il ne s’agit pas de la formule moderne « je te baptise au nom du Père… ». C’est la profession de foi accompagnée de l’immersion qui constitue la formule du baptême. Cette simultanéité souligne bien le lien étroit entre foi et baptême.
- Une nouvelle onction d’huile est donnée pour signifier l’incorporation au Christ.
- Le baptisé s’essuie et se rhabille pour entrer dans l’église. Le baptême se fait donc hors de l’église et un deuxième rite suit.
- L’évêque impose les mains pour le don de l’Esprit. Il rappelle que le bain est donné pour la rémission des péchés. Le baptême est source de grâce.
- L’évêque oint le baptisé dans la Trinité.
- L’évêque signe le baptisé sur le front.
- L’évêque donne le baiser de paix.
- Le rite se termine par la formule : : « Le Seigneur soit avec toi. Et avec ton Esprit. »

Vers 2 rites : baptême et confirmation

Durant les 3 premiers siècles de l’Eglise, le christianisme est essentiellement urbain et les communautés de petite taille. L’évêque est un peu le curé de chacun. Il préside donc l’ensemble de la cérémonie et accomplit souvent la totalité des gestes rituels. Mais il n’y a qu’un rite qui englobe le baptême et ce qui s’appellera plus tard la confirmation.

Suite à la paix et à la conversion de Constantin en 313, le christianisme va se répandre dans les villes et surtout les campagnes. Le christianisme devient une religion d’État. L’évêque est donc de plus en plus loin des communautés et il n’est plus à même de présider toutes les cérémonies. L’habitude va alors se prendre que le prêtre baptisera dans la communauté de sa responsabilité et l’évêque viendra confirmer ce baptême par l’onction et l’imposition des mains. C’est en 465 que Fauste, évêque de Rietz parlera à ce sujet de « confirmation ».

La question était simple : «Qu’est ce que la confirmation ajoute au baptême?» et la réponse de Fauste est la suivante: « Dans la fontaine baptismale, l’Esprit Saint a accordé la plénitude quant à l’innocence, dans la confirmation, il offre un accroissement quant à la grâce, une force pour le combat. Dans le baptême nous sommes régénérés pour la vie, après la baptême, nous sommes confirmés pour la lutte!».

La préparation au baptême

La préparation au baptême s’organise et se développe dès le IIe siècle. L’augmentation du nombre de candidats ainsi que les risques d’apostasie et d’hérésie provenant des persécutions et des sectes amèneront l’Église à renforcer les exigences de la formation des catéchumènes. Un parrain ou une marraine est chargé d’accompagner le catéchumène pendant 2 ou 3 ans. Tertullien l’appelle le « sponsor », c’est-à-dire le garant. Il témoigne de la foi du catéchumène. Jean Chrysostome affirme à ce sujet : « Ainsi vous savez, vous les parrains, que ce n’est pas un petit danger qui vous menace si vous êtes négligents ». Celui qui enseigne peut être un clerc ou un laïc.

Le catéchuménat des « auditeurs » est organisé en préparation lointaine avec enquête sur la vie et le métier des candidats, l’admission en présence du parrain, une série d’enseignements sur l’histoire du salut et une participation à la liturgie de la parole. Puis vient une préparation prochaine des « élus », candidats » ou « illuminés » avec une présentation du candidat à l’évêque, des catéchèses sur le credo et le Notre Père ainsi que la remise du credo et du Notre Père qui devront être appris par cœur. Le candidat doit d’ailleurs réciter le credo devant l’assemblée le jour de son baptême.

Arrive l’ultime préparation avec certains rites qui se rattachent au baptême : effata, la renonciation au démon et l’adhésion au Christ (credo) ; une onction d’huile. En fait il s’agit de tous les actes qui précèdent l’immersion.

Le catéchuménat va disparaître progressivement au cours des Ve et VIe siècles. C'est au Concile Vatican II (1962-1965) que l'on doit la renaissance du catéchuménat. En France il y avait eu un mouvement de conversion d'adultes après la guerre, qui donna lieu à des initiatives « locales »,. Celles-ci devinrent une piste de travail pour les membres du Concile. En 1962 est publié le premier rituel du baptême des adultes qui prend sa forme définitive en 1972. L'édition française de ce rituel a été publiée en 1996. C'est celle que nous utilisons aujourd'hui.

À partir du IVème siècle, extension du baptême aux enfants

Deux questions se posent durant cette période : La question du péché après le baptême et la question du péché des enfants avant le baptême.

La question du péché après le baptême

Le baptême est donné pour le pardon des péchés et ce sacrement n’est donné qu’une seule fois. Comme les péchés post-baptismaux étaient considérés comme impardonnables (ou ne pouvaient être pardonné qu'une fois), le baptême était souvent repoussé aussi longtemps que possible. Constantin est baptisé sur son lit de mort, le 22 mai 337.

Le Pasteur d’Hermas « invente » le « second baptême » au IIème siècle ; il s’agit en fait d’une pénitence qui ne peut être accordée qu’une seule fois. Cette pénitence unique et publique se met en place entre le IIIème et le VIème siècle. Elle ne concerne que les grands péchés : adultère, apostasie, meurtre… La pénitence privée et réitérée se met en place à partir du VIème siècle ; elle nous vient des moines irlandais.

La question du péché des enfants avant le baptême

Dans le Nouveau Testament et durant les 3 premiers siècles personne ne fait mention explicite de baptême d’enfants. Il y a néanmoins une présomption en faveur du baptême des enfants. Paul affirme en 1Co 1,16 : j'ai encore baptisé la famille de Stéphanas, ce qui laisse supposer que les enfants ont été baptisés en même temps que l’ensemble de la famille (voir aussi Ac 16,15 et Ac 16,33).

Pour Tertullien la foi du candidat doit être examinée avec diligence. Pour cette raison l’auteur n’est pas favorable au baptême des petits enfants !

Il est préférable de différer le baptême lorsqu’il s’agit de tout jeunes enfants. Bien sûr le Seigneur dit laissez venir à moi les petits enfants. Oui qu’ils viennent, mais quand ils seront grands, qu’ils viennent quand ils seront en âge d’être instruits, quand ils auront appris à connaître celui vers qui ils viennent. Qu'ils deviennent chrétiens quand ils seront capables de connaître le Christ. Pourquoi cet âge innocent est-il si pressé de recevoir la rémission des péchés (chap 18, voir texte en ligne : http://www.tertullian.org/french/debaptismo.htm).

La Tradition apostolique le recommande de manière explicite : « On baptisera en premier lieu les enfants. Tous ceux qui peuvent parler pour eux-mêmes parleront. Quant à ceux qui ne le peuvent pas, leurs parents parleront pour eux ou quelqu’un de leur famille ».

Les réflexions théologiques de Origène (IIIème) et de saint Augustin (IVème-Vème) vont apporter les arguments en faveur du pédobaptisme. Pour Origène, le baptême est donné en rémission des péchés ; de quel péché peut-on accuser les nouveaux-nés ? D’aucun. Origène en conclut que le nouveau-né n’est pas pur de toute corruption.

Il est certain que si rien dans les enfants ne relevait de la rémission et du pardon, la grâce du baptême ne paraîtrait pas nécessaire (hom Lev 8,3).
L’Église a reçu la coutume d’administrer le baptême aux enfants eux-mêmes. Ceux à qui a été confiés les secrets des mystères divins savaient bien, en effet, que tous portent la tache du péché originel, qui doit être lavée par l’eau et par l’esprit (comm. Rom 5,9).

Augustin reprendra cet argument et élaborera la doctrine du péché originel. Il écrit notamment que les enfants morts sans baptême vont en enfer. Au Moyen Âge on leur épargnera toute souffrance en développant la fameuse doctrine des limbes, une sorte de petit paradis dans lequel on ne peut voir Dieu (La commission théologique internationale présidée par Benoît XVI a soutenu le 6 octobre 2006 que l’idée des limbes pouvait être abandonnée).

À partir du VIIème siècle, il est fait obligation de présenter les enfants au baptême dans un délai de trente jours faute de quoi on paiera trente sous d’amende ; et si l’enfant est mort sans baptême, tous les biens sont confisqués. La mortalité infantile étant de 50%, l’Église a évolué vers un rite obligatoire.

Au XIIIème siècle, le baptême des petits enfants s’impose et fait force de loi. En fait, la société et l’Église ne font quasiment plus qu’un. Les délais de baptême sont ramenés à quelques jours. Pour des raisons de commodité et de rapidité, on abandonne peu à peu le baptême pas immersion au profit de l’infusion (eau versée sur la tête). C’est durant cette période qu’apparaît le vêtement blanc.

Au XVIème siècle le baptême apparaît comme un moyen de contrôle et de soumission (suite au protestantisme). Baptiser un enfant se vit comme une obéissance à l’autorité cléricale.

Aujourd’hui

Aujourd’hui, environ 330 000 baptêmes sont célébrés chaque année en France. On assiste de plus en plus à des baptêmes d’adolescents ou d’adultes (2675 en 2008, 2958 en 2012 en France). Ce renouveau est un signe pour notre temps. Il montre que le pédobaptisme n’est plus une règle inscrite dans le marbre. Il nous engage aussi à mettre en place un catéchuménat afin que le candidat puisse répondre personnellement de sa foi. C’est un des enjeux de la pastorale d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, donc, dans tous les rites latins et orientaux, l’initiation chrétienne des adultes commence dès leur entrée en catéchuménat, pour atteindre son point culminant dans une seule célébration des trois sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie (les rites orientaux l’initiation chrétienne des enfants commence au Baptême suivi immédiatement par la Confirmation et l’Eucharistie, tandis que dans le rite romain elle se poursuit durant des années de catéchèse, pour s’achever plus tard avec la Confirmation et l’Eucharistie, sommet de leur initiation chrétienne (CEC 1233).