La miséricorde

L'espérance s'enracine dans la miséricorde de Dieu. La miséricorde, c’est se laisser toucher par le malheur d’autrui et agir en conséquence. Rien à voir avec un sentiment vague ou une mièvrerie affective ! La miséricorde nous saisit aux tripes.

Ex 34,5 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée, se tint là avec lui, et Moïse proclama le nom de « SEIGNEUR ». 6 Le SEIGNEUR passa devant lui et proclama : « Le SEIGNEUR, le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, 7 qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché, mais sans rien laisser passer, qui poursuit la faute des pères chez les fils et les petits-fils sur trois et quatre générations. » 8 Aussitôt, Moïse s’agenouilla à terre et se prosterna. 9 Et il dit : « Si vraiment j’ai trouvé grâce à tes yeux, ô Seigneur, que le Seigneur marche au milieu de nous ; c’est un peuple à la nuque raide que celui-ci, mais tu pardonneras notre faute et notre péché, et tu feras de nous ton patrimoine. »

2 R 13:23 Mais l'Eternel leur fit miséricorde et eut compassion d'eux, il tourna sa face vers eux à cause de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob, il ne voulut pas les détruire, et jusqu'à présent il ne les a pas rejetés de sa face.

  Né 9:28 Quand ils eurent du repos, ils recommencèrent à faire le mal devant toi. Alors tu les abandonnas entre les mains de leurs ennemis, qui les dominèrent. Mais, de nouveau, ils crièrent à toi ; et toi, tu les entendis du haut des cieux, et, dans ta grande miséricorde (rahamin) , tu les délivras maintes fois.

  Né 9:31 Mais, dans ta grande miséricorde (rahamin), tu ne les anéantis pas, et tu ne les abandonnas pas, car tu es un Dieu compatissant et miséricordieux (rahum).

Nb 14:19 Pardonne (saleha) l'iniquité de ce peuple, selon la grandeur de ta miséricorde (hesed), comme tu as pardonné (nasa) à ce peuple depuis l'Egypte jusqu'ici.

  Os 11,8 Mon cœur est bouleversé en moi, en même temps ma pitié s’est émue.

Mt 9,36 Voyant les foules, il fut pris de pitié (ἐσπλαγχνίσθη/esplanchnisthē) pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger.

Lc 1,50 Et sa miséricorde (eleos) s'étend d'âge en âge Sur ceux qui le craignent.

Mt 5,7 Heureux les miséricordieux (eleemon), car ils obtiendront miséricorde !

Mt 9,36 montre que la miséricorde est proche de la pitié. C’est se laisser toucher par le malheur d’autrui et agir en conséquence. Rien à voir avec un sentiment vague ou une mièvrerie affective ! La pitié nous saisit aux tripes, comme l’indique l’étymologie du verbe grec splanchnizomai (de splanchnon, les tripes) qu’on traduit souvent par éprouver de la compassion ou être pris de pitié.

Le mot hébreux rahamim est un pluriel qui signifie « entrailles ». Les hébreux considéraient que les entrailles, en tant que siège de tous les sentiments, pouvaient s'émouvoir sous le coup de la douleur ou d'une peine. C'est peut-être en ressentant des « papillons dans le ventre », comme on dit, qu'ils en étaient arrivés à considérer la miséricorde, comme un sentiment qui a son origine au sein même de la personne. La miséricorde apparaît alors comme l'attachement d'un être à un autre. Mais le terme rahamim désigne surtout l'attachement qui unit Dieu à l'être humain, comme si les « entrailles de Dieu » frémissaient en pensant à l'homme. Ainsi Dieu s'émeut avec tendresse comme un père ou une mère à l'égard de leurs enfants.

Pour exprimer cette proximité, ce souci constant, cette attention et cet amour prévenant, la langue hébraïque utilise des termes qui désignent l’utérus, les « entrailles maternelles» – et, par extension, l’amour sensible, quasi instinctif et indéfectible qu’une mère porte à son enfant. Yahvé est ému jusqu’aux entrailles pour son peuple. Voir l'étude sur Dieu mère

Le mot miséricorde est une transposition de l’hébreu et signifie « avoir le cœur sensible au malheur ».

Elle nous bouleverse de l’intérieur. La miséricorde est l’attribut de Dieu par excellence. Elle se manifeste dans ce mouvement perpétuel de Dieu qui vient sauver son peuple, renouer son alliance avec l’homme quand celui-ci l’a rompue par son péché, ses errements, ses trahisons… Elle culmine sur la croix lorsque Jésus-Christ prend sur lui par amour la faute et la misère des hommes pour les en libérer. «Jésus-Christ, souligne le pape François dans la bulle d’indiction du jubilé de la miséricorde (§1), est le visage de la miséricorde du Père» : il a compassion des foules et des pauvres, mange avec les pécheurs, guérit les malades, etc. Saint Thomas d’Aquin dit encore que la miséricorde est le signe par excellence de la toute-puissance divine. Alain Thomasset, La Croix, 7/12/2015.

Un autre terme accompagne souvent la « miséricorde »: c'est hesed. Il s'agit de la relation qui unit deux personnes et implique la fidélité et l'obligation de venir en aide. La miséricorde unie à la fidélité devient une bonté consciente et voulue qui répond à un devoir intérieur. La personne qui agit avec miséricorde témoigne alors d'une grande fidélité à la relation qui l'unit à quelqu'un d'autre. Il en est ainsi de la miséricorde de Dieu.

Dieu manifeste sa miséricorde chaque fois qu'il vient en aide à son peuple ou à un individu. Il a alors une prédilection pour le pauvre, la veuve, l'orphelin. Ces personnes vivent habituellement dans la plus grande indigence, puisqu'elles ont perdu le soutien qui d'un mari, qui d'un père. Pour Israël, la manifestation par excellence de la miséricorde de Dieu fut l'exode. La libération de la servitude en Égypte est le modèle de toutes les autres manifestations de la miséricorde de Dieu.

Il n'y a pas que la misère ou les malheurs de l'homme qui bouleversent Dieu. Il y a surtout la condition de l'homme pécheur. La miséricorde dans ce cas, n'ignore pas la gravité de la rupture due au péché, mais elle se traduit par la patience, la volonté ferme d'amener les humains à la conversion et de leur accorder son pardon. En Israël, on en vient à penser que la miséricorde est un acte proprement divin. Elle est le signe de la toute-puissance de l'amour de Dieu. Seul le coeur endurci et rebelle peut limiter l'exercice de la miséricorde de Dieu. Les prophètes enseignent que la pratique de la miséricorde et de la tendresse entre les membres du peuple est préférable à tous les sacrifices où le coeur est absent. En raison des liens créés par l'Alliance, personne ne peut se dérober à son devoir d'amour envers le prochain. Yves Guillemette. Voir le lien dans la bibliothèque.

Avons-nous déjà fait l'expérience de la miséricorde de Dieu ?

Voir aussi l'étude sur dieu juge.