L'Assomption
Origine
Les Églises catholique et orthodoxe accordent une place importante à Marie.
En Orient, au 6e siècle déjà, la fête de la Dormition est célébrée vers la mi-janvier. La fête est ensuite étendue à tout l’empire par l’empereur Maurice (582 – 602) qui la fixe définitivement au 15 août, sous le nom de Dormition (Koimelis) de la Vierge Marie.
En occident, la fête arrive à Rome au 7e siècle, grâce au pape Théodore (642-649), originaire de Constantinople. À Rome, elle porte d’abord le nom de Dormition de Marie, puis le nom d’Assomption (en 770). Les capitulaires de l’empereur Louis le Débonnaire, de l’an 817, fixent le jour de l’Assomption au 15 août.
En 1637, le roi Louis XIII, très pieux, désirant un héritier, consacre la France à la Vierge Marie sous le titre de son Assomption et demande à ses sujets de faire tous les 15 août une procession dans chaque paroisse afin d’avoir un fils. Comme un fils, Louis-Dieudonné (« donné par Dieu »), le futur Louis XIV, naît en 1638, la fête célébrée par le vœu de Louis XIII prend cette année une importance particulière en France ; le 15 août devient fête nationale et un jour férié. La Vierge Marie devient la protectrice et patronne de la France, patronage confirmé par le Pape Pie XI (2 mars 1922).
En 1854, la proclamation du dogme de l’Immaculée Conception entraîne de nombreuses pétitions à Rome pour que soit officiellement défini le dogme de l’Assomption.
Le 1er novembre 1950, le pape Pie XII officialise la fête mariale qui existe depuis quatorze siècles en proclamant que l’Assomption doit être désormais considérée comme un dogme de foi divinement révélé par Dieu (dernier dogme en date dans l’histoire de l’Église catholique) ; Marie est conçue sans péché et est donc préservée de la corruption du corps. L’Assomption prend donc appui sur l’Immaculée Conception. Solange Bouvier.
https://www.archeologie-et-histoire-morestel.fr/lassomption-et-jour-ferie/
Pape Pie XII, Consitution Munificentimus Deus - 1950
Pie XII promulgue le dogme de l'Assomption le 1er novembre 1950.
C'est ainsi que les corps des justes eux-mêmes sont corrompus après la mort, et ce n'est qu'au dernier jour qu'ils seront réunis, chacun à son âme glorieuse.
5. Or, Dieu a voulu que la bienheureuse Vierge Marie soit exemptée de cette règle générale. Elle, par un privilège tout à fait unique, a vaincu complètement le péché par sa conception immaculée, et par conséquent elle n'a pas été soumise à la loi de demeurer dans la corruption du tombeau, et elle n'a pas eu à attendre jusqu'à la fin des temps pour la rédemption de son corps.
6. Ainsi, lorsqu'il fut solennellement proclamé que Marie, la Vierge Mère de Dieu, était depuis le commencement exempte de la souillure du péché originel, les esprits des fidèles furent remplis d'une plus forte espérance que le jour viendrait bientôt où le dogme de l'Assomption corporelle de la Vierge Marie au ciel serait lui aussi défini par le magistère suprême de l'Église.
Ainsi, l'accord universel du Magistère ordinaire de l'Église, nous avons une preuve certaine et ferme que l'Assomption corporelle de la bienheureuse Vierge Marie au ciel - qu'aucune faculté de l'esprit humain ne pourrait connaître par ses propres forces naturelles, en ce qui concerne la glorification céleste du corps virginal de la bien-aimée Mère de Dieu - est une vérité révélée par Dieu et que, par conséquent, tous les fils de l'Église doivent croire fermement et fidèlement. En effet, comme l'affirme le Concile du Vatican, « il faut croire par la foi divine et catholique tout ce qui est contenu dans la Parole écrite de Dieu ou dans la Tradition, et qui est proposé par l'Église, soit dans son jugement solennel, soit dans son magistère ordinaire et universel, comme des vérités divinement révélées qu'il faut croire ».
https://www.vatican.va/content/pius-xii/en/apost_constitutions/documents/hf_p-xii_apc_19501101_munificentissimus-deus.html
Lumen Gentium
59. La Sainte Vierge après l’Ascension. Mais Dieu ayant voulu que le mystère du salut des hommes ne se manifestât ouvertement qu’à l’heure où il répandrait l’Esprit promis par le Christ, on voit les Apôtres, avant le jour de Pentecôte, « persévérant d’un même cœur dans la prière avec quelques femmes dont Marie, Mère de Jésus, et avec ses frères » (Ac 1, 14) ; et l’on voit Marie appelant elle aussi de ses prières le don de l’Esprit qui, à l’Annonciation, l’avait déjà elle-même prise sous son ombre. Enfin la Vierge immaculée, préservée par Dieu de toute souillure de la faute originelle, ayant accompli le cours de sa vie terrestre, fut élevée corps et âme à la gloire du ciel [183], et exaltée par le Seigneur comme la Reine de l’univers, pour être ainsi plus entièrement conforme à son Fils, Seigneur des seigneurs (cf. Ap 19, 16), victorieux du péché et de la mort.
https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_const_19641121_lumen-gentium_fr.html
Marie est-elle morte ?
Le 1er Novembre 1950, en définissant le dogme de l’Assomption, Pie XII a évité d’employer le terme « résurrection » et de prendre position sur la question de la mort de Marie comme vérité de foi. La Bulle Munificentissimus Deus se limite à la proclamation de l’élévation du corps de Marie à la gloire céleste, déclarant que cette vérité est un « dogme divinement révélé ». Les orthodoxes emploient le terme de Dormition. Ce terme reflète la croyance selon laquelle la Vierge est morte dans un état de paix spirituelle. Cette tradition est retranscrite durant les premiers siècles de l'Église dans des textes apocryphes (pseudo Jean au 5e siècle, le pseudo Jacques et le pseudo Meliton au 6e siècle) :
Un ange annonce à Marie sa mort, paisible et sereine, tel un endormissement. De là vient le terme « Dormition ». Pour y assister, les apôtres, en mission d’évangélisation dans le monde, sont amenés miraculeusement par des anges. Au moment de l’endormissement de Marie dans sa mort, son âme quitte son corps. À cet instant, le Christ apparaît. Il prend dans ses bras l’âme de Marie, représentée sur les images par un bébé en signe de sa pureté. Il amène l’âme dans le Royaume de Dieu. Les apôtres célèbrent les obsèques de Marie. À la fin, les anges emmènent le corps de Marie au Paradis où son corps retrouve son âme.
L’empereur romain d’Orient Maurice (539-602) décide de célébrer le 15 août la fête de la Dormition. À l’origine, orthodoxes et catholiques honorent la fin de la vie de la Vierge Marie de façon identique.
https://eglise.catholique.fr/approfondir-sa-foi/la-celebration-de-la-foi/les-grandes-fetes-chretiennes/assomption/442520-dormition-ou-assomption-quelle-difference/#_ftn1
La théologienne Barbara Hallensleben, professeur à l’Université de Fribourg et spécialiste de l’œcuménisme, éclaire la différence en s’appuyant sur la résurrection du Christ: «En Occident, une distinction est faite entre l’ascension de Jésus et l’assomption de la Mère de Dieu. Ainsi, on souligne le fait que Marie ne passe pas de la mort à la vie par ses propres forces, mais qu’elle est sauvée en vertu de la résurrection de son Fils. De son côté, l’Église orientale met davantage l’accent sur cet aspect en soulignant la dormition de la Mère de Dieu et donc son lien intime avec l’humanité mortelle.»
Mais en inscrivant l’Assomption comme dogme, les catholiques n’ont-ils pas un peu mis de côté la mort de la Vierge, pour se concentrer sur sa montée au Ciel? Barbara Hallensleben répond: «Le dogme de 1950 doit être compris dans son contexte historique. Cinq ans plus tôt, la Seconde Guerre mondiale a pris fin. Pendant ce conflit, la dignité de l’être humain avec son corps a été violée, voire complètement anéantie, des millions de fois. A ce moment-là, le dogme veut donner une perspective d’espérance qui dépasse l’horizon fermé du monde, devenu «totalitaire». Il souligne que tout l’être humain, corps et âme, est appelé à échapper à la destruction et de partager la vie de Dieu. Dans ce sens, le dogme de 1950 prend la mort humaine particulièrement au sérieux, mais ne s’arrête pas là.» https://www.cath.ch/newsf/15-aout-lassomption-chez-les-catholiques-la-dormition-chez-les-orthodoxes/
La Tradition orthodoxe
Dormition ou Assomption ?
Dans notre tradition orthodoxe, nous sommes généralement très attentifs à distinguer la « Dormition » de la Mère de Dieu de son « Assomption » au ciel. La première, nous semble-t-il, est proprement orthodoxe, tandis que la seconde nous apparaît comme une désignation purement occidentale, issue d’une « incompréhension » catholique romaine quant à la signification de cette fête, célébrée universellement le 15 août.
Il est vrai que l’on trouve des interprétations authentiques, quoique erronées, de la mort et de l’exaltation de Marie tant dans les écrits spirituels catholiques que dans les icônes occidentales contemporaines : une tendance, par exemple, à exalter la Sainte Vierge à un niveau de « divinité » qui efface de fait la distinction cruciale et absolue entre vie humaine et vie divine. Les théologiens orthodoxes insisteront sur le fait que la « déification » (theôsis) connue de la Mère de Dieu n’implique en aucune façon une transformation ontologique de son être, de l’humanité créée à la divinité. Elle était et restera toujours une créature humaine : la plus sublime de toutes celles qui portent l’image de Dieu, et pourtant toujours un être humain, dont la gloire transparaît dans son humilité, son simple désir de « laisser faire » selon la volonté divine.
Les icônes orthodoxes traditionnelles de son « endormissement » se concentrent donc particulièrement sur sa mort et son enterrement. Les disciples, « rassemblés de tous les bouts de la terre », l’entourent dans une attitude de douleur et de lamentation. Derrière le cercueil sur lequel elle repose se tient son Fils glorifié, tenant dans ses bras un enfant vêtu d’un blanc éclatant, image de l’âme de sa Mère. C’est un thème de renversement. Sur chaque iconastase orthodoxe figure une image sacrée de la Mère de Dieu, tenant dans ses bras son enfant nouveau-né, le Dieu-Homme qui « s’est incarné » pour sauver et sanctifier un monde déchu, pécheur et brisé. Ici, dans l’icône de la Dormition, le Fils embrasse et offre à ce monde sa Sainte Mère, comme elle l’avait fait à sa naissance. À son endormissement, Il reçoit son âme, sa vie, afin de l'exalter en Lui et avec Lui, à la gloire, à la beauté et à la joie de la vie éternelle.
Dans de nombreuses icônes orthodoxes, cependant, cette image principale est complétée par une autre : la représentation de la Mère de Dieu montant au ciel, accompagnée d'une multitude d'anges. On retrouve ce double motif notamment dans des icônes post-byzantines, comme la koimesis (Dormition) du monastère de Koutloumousiou du Mont Athos, datée d'environ 1657. (Vladimir Lossky mentionne d'autres représentations similaires dans son commentaire sur la Dormition, The Meaning of Icons, Boston, 1969, p. 215.) Devons-nous en conclure que ce double thème, représentant à la fois la Dormition et l'Assomption de la Mère de Dieu, est simplement le résultat d'une influence occidentale ?
En fait, qu'on l'appelle « Assomption » ou « Ascension » de la Mère de Dieu, cette image complète celle de la koimesis d'une manière qui s'accorde parfaitement avec la théologie orthodoxe. De même que le Christ est mort et a été déposé au tombeau, pour ressusciter et être exalté au ciel, de même sa Sainte Mère « s'endort », pour être ressuscitée par son Fils et exaltée avec lui au ciel. Par sa Résurrection et son Ascension, il fournit le moyen par lequel la « Mère de la Vie », ainsi que tous ceux qui demeurent en lui, peuvent être ressuscités des morts et exaltés à la Vie transcendante.
Si nous comprenons l'« Assomption » de la Mère de Dieu à la lumière de l'Ascension de son divin Fils, nous pouvons alors apprécier la double représentation de la Dormition et de l'Ascension que l'on retrouve dans nombre de nos icônes orthodoxes. La Sainte Mère de Dieu, la Theotokos ou « Théophore », est le prémices de l'accomplissement eschatologique qui clôturera toute l'œuvre créatrice et rédemptrice de Dieu. Elle est le réceptacle dans lequel la Seconde Personne de la Sainte Trinité s'est incarnée et est devenue homme, afin d'apporter le salut au genre humain. Son sein, « plus vaste que les cieux », contenait l'Insaisissable. Il tirait d'elle son existence humaine, et elle l'accompagnait par amour et prière tout au long de son ministère terrestre, jusqu'au pied de la Croix. Elle partagea pleinement ses souffrances, portant sa crucifixion et sa mort au plus profond de son âme. Elle est donc l'image parfaite de l'Église, communion éternelle de tous ceux qui vivent et meurent en Christ.
Comme elle, ils seront ressuscités en Lui et exaltés à la même gloire à laquelle Il a ressuscité et transformé leur nature humaine déchue. Elle est ainsi précurseur de leur salut, image prophétique de la vie glorifiée qui attend tous ceux qui portent le Christ au plus profond de leur être, comme elle l'a porté au plus profond de son sein.
Mais elle est plus que cela. Elle n'est pas seulement un modèle du destin commun des chrétiens. Elle les accompagne aussi à chaque étape de leur cheminement, leur offrant – et nous offrant – sa prière et son amour incessants. Dans son sommeil et son élévation au ciel, elle « n'a pas abandonné le monde », mais demeure, comme le proclament les hymnes liturgiques de la fête, la Mère de la Vie, « constante dans la prière » et « notre ferme espérance ».
John Breck. Voir le lien dans la bibliothèque.
Les Eglises protestantes, faute de texte scripturaire, nient l’Assomption de Marie qui, après la naissance de Jésus, aurait mené une vie terrestre normale.