Comment communier ?

Aujourd’hui nous assistons à plusieurs manières de recevoir l’hostie : debout et dans la main, debout et dans la bouche, à genoux et dans la main, à genoux et dans la bouche. Par ailleurs, certains fidèles souhaitent uniquement recevoir la communion du prêtre.

L’histoire

Les récits de la cène rapportent simplement que Jésus « donne » le pain, sans plus de précision.

Jésus donne le pain et le vin consacrés alors que ses disciples sont allongés et accoudés au sol, sur des coussins, près d’une table basse. Jésus n’a donc probablement pas donné la communion ni sur la langue ni dans la main à chacun de ses disciples. Les apôtres ont « pris » : « Prenez et mangez », « Prenez et buvez ». Cela veut dire que Jésus n’a pas privilégié l’une de nos manières de communier, Il a fait autrement, selon les coutumes de l’époque et les circonstances de la Cène. Il était libre ! (François Lapointe, voir les liens ci-dessous).

N'oublions pas que l'institution de l'eucharistie se déroule durant un repas, dans une "salle à manger" et non dans un temple sacré.

Un des premiers témoignages de communion est celui de Cyrille de Jérusalem écrit vers 365 :

Quand donc tu approches, ne t’avances pas les paumes des mains étendues, ni les doigts disjoints ; mais fais de ta main gauche un trône pour ta main droite puisque celle-ci doit recevoir le Roi, et, dans le creux de ta main, reçois le corps du Christ disant : Amen. Catéchèses mystagogiques, V, 21,

»Après avoir communié au Corps du Christ, allez aussi au Calice du Sang, mais sans étendre les mains ! Inclinez-vous, dites Amen en adoration et en vénération, et prenez part au Sang du Christ pour vous sanctifier ! Pendant qu'il y a encore de l'humidité sur vos lèvres, touchez-les avec vos doigts et sanctifiez (avec cette humidité) vos yeux, votre front et les autres sens ! Alors attendez la prière pour remercier Dieu, car il vous a jugé digne de tels mystères ! Catéchèses mystagogiques, V, 22. Cyrille de Jérusalem : Paris, Cerf, Sources chrétiennes, 126, 1966.

A la même époque, Théodore de Mopsueste affirme que c’est en étendant les deux mains et en baissant la tête avec humilité que le communiant manifeste son respect pour le corps du Christ.

La main droite est tendue pour recevoir le cadeau attribué, mais la main gauche est tenue en dessous. […] Il faut se montrer respectueux et faire preuve d’une grande humilité face à l’importance de ce qui est donné. […] Lorsque vous avez reçu le don entre vos mains, vous adorez le corps. […] Avec un amour grand et sincère, tu fixe tes yeux sur lui et tu l’embrasses. (Homélie II sur la messe », §27-28).

Théodore compare l'Eucharistie au charbon ardent d'Isaïe 6, 3-7, dont le Séraphin ne veut pas s'approcher et qu'il saisit avec des pincettes pour démontrer la supériorité des croyants sur les anges : les croyants peuvent recevoir en toute confiance dans leurs mains le charbon ardent qui représente le pain consacré (Homélie 38). Dans les homélies de Théodore de Mopsueste, on retrouve tous les gestes qui sont repris et commentés dans les sources ultérieures : la posture droite, une gestuelle empreinte de respect, le regard, la position des mains, le baiser avec la prière qui l'accompagne et qui s'adresse au Christ, que l'on tient dans les mains et qui est désormais si proche du croyant. Tous ces auteurs encouragent le croyant à regarder au-delà des apparences extérieures et à prendre conscience qu’il ne tient pas un morceau de pain dans ses mains, mais le Corps du Christ. Ses gestes permettent au croyant de signifier qu’il saisit cet aspect de la kénose divine. Le Christ s'approche si près de lui qu'il trouve de la place dans sa main en coupe, et en retour le croyant l'adore et le tient près de son visage. La contemplation et le baiser sont tous deux des démonstrations de cette adoration... Alors que Théodore attribue une signification hiérarchique aux mains croisées (la main gauche est la servante de la droite, qui reçoit le corps royal), Narsai (c. 399–c. 502) explique que la forme formée par les mains représente la croix : « le participant à la communion joint ses mains en forme de croix ; et ainsi il reçoit le corps de notre Seigneur sur une croix," (Narsai, Homélie 17), ce qui renvoie le croyant au pardon des péchés et à la résurrection des morts (Narsai Homélie 21). Le baiser donné au corps du Christ est en même temps un geste d'amour et de purification des lèvres, qui ne doivent plus prononcer de paroles blasphématoires ni susciter la discorde. Béatrice Caseau. https://journals.openedition.org/trivium/5607#article-5607.

Philoxène de Mabbug (Ve) témoigne d'une prière à réciter au moment de la communion, lorsque le croyant tient le Corps du Christ dans ses mains.

« Lorsque vous aurez étendu les mains et reçu le corps [du Christ], inclinez-vous, mettez vos mains devant votre visage et adorez le corps vivant que vous tenez. Ensuite, parlez-lui à voix basse, en le regardant, et dites : « Je te porte, Dieu vivant, qui s’incarne dans le pain, et je te tiens dans le creux de mes mains, Dieu des mondes, que le monde ne saurait tenir. Car voici, je te tiens là où rien ne peut te retenir ; une main simple t'enserre, Dieu des mondes naturels, toi qu'un sein maternel contenait. Dans ce sein, tu étais un corps limité, et maintenant tu m'apparais au creux de ma main sous la forme d'une petite masse. De même que tu m'as rendu digne de m'approcher de toi et de te recevoir – et de voir comment mes mains t'embrassent avec confiance – rends-moi digne, ô Seigneur, de te manger pieusement et de goûter la nourriture de ton corps comme l'épice de ta vie.

Dans la liturgie de l'Empire franc valable jusqu'au VIIIe siècle, un sermon de l'archevêque Césaire d'Arles (470-542) fait référence à la communion dans la main : « Tous les hommes se lavent les mains avant de s'approcher de l'autel, et les femmes tiennent un mouchoir propre sur lequel elles reçoivent le Corps du Christ. » Une source du VIIIe siècle décrit la réception de la communion dans le rite romano-franc : « Alors l'évêque descend de son siège et distribue la communion au peuple, qui lui tend les mains... » Tobias Glenz. https://www.katholisch.de/artikel/16706-handkommunion-oder-mundkommunion.

La communion donne au croyant un sentiment d’intimité avec le Christ, comme l’exprime clairement Cyrus d’Édesse (VIe):

« Lorsque nous nous approchons et recevons le pain consacré dans nos mains, nous devons toujours considérer que c'est le Sauveur lui-même que nous tenons dans nos mains, et en le contemplant, nous pouvons penser que nous sommes avec lui. » Cyrus d'Édesse, Sur Pâques III, 4.

Jacob d’Édesse (vers 633-708)21 témoigne d'un changement de pratique, mais estime que les deux pratiques sont honorables.

« S'il reçoit l'hostie sur sa langue et non dans sa main, comme c'est maintenant la coutume chez beaucoup, il ne montre pas pour autant un plus grand honneur à l'Eucharistie, et s'il prend l'hostie dans sa main et la porte ensuite à sa bouche, il ne montre aucun manque de respect envers elle par cet acte. » Jacob d'Edesse, réponses de Jacob à Johannan Estunara, Synodicon, S. 70, Anm. 58.

Le synode du diocèse d'Auxerre, en 585 ou 588 (Canons 36 et 42), interdit aux femmes de recevoir l'Eucharistie à mains nues et de toucher la nappe de l'autel. Toute femme doit avoir son dominicale (= un linge pour se couvrir la main) lors de la communion. La main d'une femme n'est donc pas suffisamment pure pour toucher l'Eucharistie et, de plus, elle risque de transmettre son impureté à tout ce qu'elle touche.

En 650, le Synode de Rouen interdit aux prêtres de mettre l'hostie dans la main d'une femme.

Un prêtre ne doit pas mettre la Sainte Eucharistie dans les mains d’un laïc ou d’une femme, mais seulement dans leur bouche. Si quelqu'un transgresse ce commandement, parce qu'il méprise Dieu Tout-Puissant et déshonore ce qui appartient à Dieu, qu'il soit ôté de l'autel.
Cité sur https://womenpriests.org/fr/le-synode-de-rouen/

Après 800, sa réception dans la main n'est plus attestée que comme un privilège du clergé. Le concile de Rouen en 878 affirme qu’« à aucun laïc ou femme on ne mettra l’eucharistie dans les mains, mais seulement dans la bouche ». C’est à cette même période que l’on est passé à l’usage du pain azyme, préparé en petites pièces : on évitait ainsi d’avoir des miettes.

En 906, Régin de Prüm exclut clairement la possibilité pour les laïcs, et surtout les femmes, de recevoir la communion dans la main.

    Plusieurs raisons ont motivé le passage à la communion orale :
  • On pensait que l’adoration et la révérence envers le sacrement seraient exprimées plus ferment de cette manière.
  • on craignait un abus sacrilège si l'hostie offerte dans la main n'était pas immédiatement communiquée.
  • On s’inquiétait également de la chute de particules.
  • Et enfin, il s’agissait aussi d’une séparation plus nette entre laïcs et clergé. Toucher l'Eucharistie doit être réservé à ce dernier seul.

Ces bouleversements se sont produits à un moment où la fréquence de la communion est en déclin. La raison en est une conscience exagérée du péché chez les laïcs, qui ne vont plus à la communion par peur. Il faut être pur de tout péché de la chair et de l'âme pour recevoir la communion et ne pas courir le risque d'être condamné par ceux qui mangent et boivent dans un état indigne. Basile de Césarée, Du baptême I, 1577b-d. En même temps, il y a une cléricalisation de l'image de l'Église : pour que la messe soit célébrée « validement », la présence du prêtre suffit ; par conséquent, lui seul devait communiquer. Au lieu de recevoir le Corps du Christ, le peuple ne l'adore qu'à distance lorsque le prêtre lève l'hostie pendant la messe. L'adoration du Saint-Sacrement dans l'ostensoir remonte à cette époque. Suite à cette évolution, le quatrième concile du Latran en 1215 exhorte les fidèles à recevoir la communion au moins une fois par an à Pâques. Un changement à cet égard intervient avec le pape Pie X (1903-1914) avec ses décrets sur la communion quotidienne (1905) et sur la communion opportune des enfants (1910). Tobias Glenz. https://www.katholisch.de/artikel/16706-handkommunion-oder-mundkommunion.

En ce qui concerne la communion au sang du Christ, le concile de Constance, en 1415, formalise que celle-ci est résenvée au prêtre. Le concile Vatican II assouplira la situation.

Depuis la réforme liturgique de Vatican II, la réception de la communion dans la main est autorisée par la plupart des conférences épiscopales, suite à l’instruction « Memoriale Domini » de la congrégation pour le culte divin en 1969. Cette instruction précise :

La coutume s’est établie que ce soit le ministre lui-même qui dépose sur la langue du communiant une parcelle de Pain consacré... Compte tenu de la situation actuelle de l’Église dans le monde entier, cette façon de distribuer la Sainte Communion doit être conservée, non seulement parce qu’elle a derrière elle une tradition multiséculaire, mais surtout parce qu’elle exprime le respect des fidèles envers l’Eucharistie.

De plus, cette façon de faire, qui doit déjà être considérée comme traditionnelle, assure plus efficacement que la Sainte Communion soit distribuée avec le respect, le décorum et la dignité qui lui conviennent ; que soit écarté tout danger de profanation des espèces eucharistiques.

  • 1. La nouvelle manière de communier (dans la main) ne devra pas être imposée d’une manière qui exclurait l’usage traditionnel. Il importe notamment que chaque fidèle ait la possibilité de recevoir la Communion sur la langue, là où sera concédé légitimement le nouvel usage et lorsque viendront communier en même temps d’autres personnes qui recevront l’Hostie dans la main. En effet, les deux manières de communier peuvent coexister sans difficulté dans la même action liturgique. Cela, pour que personne ne trouve dans le nouveau rite une cause de trouble à sa propre sensibilité spirituelle envers l’Eucharistie et pour que ce Sacrement, de sa nature source et cause d’unité, ne devienne pas une occasion de désaccord entre les fidèles.
  • 2. Le rite de la Communion donnée dans la main du fidèle ne doit pas être appliqué sans discrétion. En effet, puisqu’il s’agit d’une attitude humaine, elle est liée à la sensibilité et à la préparation de celui qui la prend. Il convient donc de l’introduire graduellement, en commençant par des groupes et des milieux qualifiés et plus préparés. Il est nécessaire surtout de faire précéder cette introduction par une catéchèse adéquate, afin que les fidèles comprennent exactement la signification du geste et accomplissent celui-ci avec le respect dû au Sacrement. Le résultat de cette catéchèse doit être d’exclure quelque apparence que ce soit de fléchissement dans la conscience de l’Église sur la foi en la présence eucharistique, et aussi quelque danger que ce soit ou simplement apparence de danger de profanation.
  • 3. La possibilité offerte au fidèle de recevoir dans la main et de porter à la bouche le Pain eucharistique ne doit pas lui offrir l’occasion de le considérer comme un pain ordinaire ou une chose sacrée quelconque ; elle doit, au contraire, augmenter en lui le sens de sa dignité de membre du Corps Mystique du Christ, dans lequel il est inséré par le Baptême et par la grâce de l’Eucharistie, et aussi accroître sa foi en la grande réalité du Corps et du Sang du Seigneur qu’il touche de ses mains. Son attitude de respect sera proportionnée à ce qu’il accomplit.
  • 4. Quant à la manière de faire, on pourra suivre les indications de la tradition ancienne, qui mettait en relief la fonction ministérielle du prêtre et du diacre, en faisant déposer l’Hostie par ceux-ci dans la main du communiant. On pourra cependant adopter aussi une manière plus simple, en laissant le fidèle prendre directement l’Hostie dans le vase sacré [NOTA]. En tout cas, le fidèle devra consommer l’Hostie avant de retourner à sa place, et l’assistance du ministre sera soulignée par la formule habituelle : « Le Corps du Christ », à laquelle le fidèle répondra : « Amen ».
  • NOTA. On remarquera utilement que :
    • a) cette phrase : « On pourra cependant adopter aussi une manière plus simple, en laissant le fidèle prendre directement l’Hostie dans le vase sacré » est omise au n. 21 de De sacra Communione et de cultu mysteria eucharistici extra Missam (21 juin 1973) ;
    • b) cette pratique est formellement interdite dans l’édition 2002 de Missale Romanum, au n. 160 de la Présentation générale ;
    • c)cette interdiction est rappelée le 25 mars 2004 au n. 94 de Redemptionis Sacramentum.
    5. Quelle que soit la forme adoptée, qu’on fasse attention à ne pas laisser tomber ni se disperser des fragments du Pain eucharistique, comme aussi à la propreté convenable des mains et à la bonne tenue des gestes selon les usages des divers peuples.
  • 6. Dans le cas de la Communion sous les deux espèces distribuée par intinction, il n’est jamais permis de déposer dans la main du fidèle l’Hostie trempée dans le Sang du Seigneur.

Benoît XVI s'était distingué à plusieurs reprises au cours de son pontificat en tant que partisan de la communion orale. Il a par exemple demandé aux participants des Journées mondiales de la jeunesse 2008 à Sydney de recevoir la communion dans la bouche lors de la messe de clôture. En 2010, il a décrété qu'à l'avenir, seule la communion par la bouche serait autorisée lors des messes pontificales. Cette décision a été motivée entre autres par le fait que, par le passé, des hosties avaient été emportées comme "souvenirs" lors de ces messes. Sous le pape François, cette règle a été abrogée.

Communier dans la bouche ou dans la main ?

Le rapport au sacré

L’instruction ci-dessus rappelle le caractère sacré d’une hostie, signe visible de la présence du Christ. Pour le cardinal guinéen Robert Sarah, la seule manière appropriée de recevoir la communion est sur la langue et à genoux :

La liturgie est faite de nombreux petits rites et gestes – chacun d’eux est capable d’exprimer ces attitudes chargées d’amour, de respect filial et d’adoration de Dieu. C’est précisément pour cette raison qu’il est opportun de promouvoir la beauté, l’adéquation et la valeur pastorale d’une pratique développée au cours de la vie et de la longue tradition de l’Église, c’est-à-dire l’acte de recevoir la Sainte Communion sur la langue et à genoux. La grandeur et la noblesse de l’homme, ainsi que la plus haute expression de son amour pour son Créateur, consiste à s’agenouiller devant Dieu. On comprend comment l’attaque la plus insidieuse du diable consiste à essayer d’éteindre la foi en l’Eucharistie, semant des erreurs et favorisant une manière inadaptée de la recevoir, poursuit le prélat. La cible de Satan est le sacrifice de la Messe et la présence réelle de Jésus dans l’hostie consacrée. https://www.cath.ch/newsf/cardinal-sarah-communier-main-manque-de-respect/

Suite à ces propos, le pape François rappelle :

Selon la pratique ecclésiale, le fidèle s’approche normalement de l’Eucharistie en procession, comme nous l’avons dit, et il communie debout, ou bien agenouillé, selon ce qui est établi par la conférence épiscopale, en recevant le sacrement dans la bouche ou bien, là où cela est autorisé, dans la main, comme il le préfère. Audience générale du 21 mars 2018.

Voir l'étude sur le sacré

Approche anthropologique du « prendre »

Prendre signifie dans son sens premier « se saisir de ». Sur un plan anthropologique, la main est l’organe du « prendre » notamment dans le cadre de l’alimentation. Seuls les bébés ou les personnes séniles prennent les aliments directement à la bouche sans passer par l’intermédiaire de la main.

Le "prendre" s’applique plus particulièrement aux objets ; par exemple prendre un morceau de pain. Dans ce cas, la main se saisit du pain. De même prendre un enfant par la main signifie la serrer dans sa propre main pour « l’emmener vers demain » comme le chante par exemple Yves Duteil. On peut aussi prendre un verre pour dire que l’on va boire un coup. Enfin dernier exemple, on prend un(e) époux(se). Le sens est ici beaucoup plus symbolique, car il ne signifie pas se saisir de, mais le recevoir pour entrer dans une alliance.

Enfin, le "prendre" n'est possible que dans la mesure où il s'agit d'une réception. Nous prenons l'hostie parce que quelqu'un nous la donne. L'eucharistie se différencie de l'épisode du Jardin d'Eden où l'homme et la femme prennent le fruit sans l'avoir reçu.

Une vision différente de Dieu

Avant d’être une revendication identitaire, la manière de communier est d’abord d’une expérience spirituelle et une manière de se situer devant Dieu. Dans la communion à genoux dans la bouche, nous adoptons une attitude d’adoration et d'humilité devant un Dieu transcendant ; dans la communion debout dans la main, nous accueillons un Dieu incarné. La première établit une distance que la main n’a pas le droit de franchir. La seconde tend la main pour recevoir la nourriture divine.

À maintes reprises, Jésus se laisse toucher par des personnes, parfois par des personnes impures. Ainsi, une prostituée se met à mouiller les pieds de Jésus avec ses larmes. Ensuite, elle les essuie avec ses cheveux, elle les embrasse et elle verse du parfum dessus (Luc 7:36-49).

Nos mains ne sont pas plus impures que nos bouches. Les disciples ne prennent-ils pas leur repas avec des mains impures (Mc 7,1-13). Par contre, la langue est un feu impossible à dompter :

Jc 3,4 Voyez aussi les bateaux : si grands soient-ils et si rudes les vents qui les poussent, on les mène avec un tout petit gouvernail là où veut aller celui qui tient la barre. 5 De même, la langue est un petit membre et se vante de grands effets. Voyez comme il faut peu de feu pour faire flamber une vaste forêt ! 6 La langue aussi est un feu, le monde du mal ; la langue est installée parmi nos membres, elle qui souille le corps entier, qui embrase le cycle de la nature, qui est elle-même embrasée par la géhenne. 7 Il n'est pas d'espèce, aussi bien de bêtes fauves que d'oiseaux, aussi bien de reptiles que de poissons, que l'espèce humaine n'arrive à dompter. 8 Mais la langue, nul homme ne peut la dompter : fléau fluctuant, plein d'un poison mortel ! 9Avec elle nous bénissons le Seigneur et Père ; avec elle aussi nous maudissons les hommes, qui sont à l'image de Dieu ; 10 de la même bouche sortent bénédiction et malédiction. Mes frères, il ne doit pas en être ainsi. 11La source produit-elle le doux et l'amer par le même orifice ? 12 Un figuier, mes frères, peut-il donner des olives, ou une vigne des figues ? Une source saline ne peut pas non plus donner d'eau douce. 13 Qui est sage et intelligent parmi vous ? Qu'il tire de sa bonne conduite la preuve que la sagesse empreint ses actes de douceur.

Depuis l’incarnation, Dieu s’est rendu accessible à nos sens. La résurrection puis l’ascension changent évidemment la donne, mais Jésus n'en demeure pas moins vrai homme, et vrai Dieu bien sûr. Le rideau du temple est définitivement déchiré pour que nous puissions voir et toucher le Verbe incarné.

Réflexions

Mettre une main dans l’autre pour accueillir le Christ dans sa paume, comme cela a été fait aux débuts de l’Église, signifie que l’on reçoit le Christ, présent sacramentellement. Le geste de porter ensuite à sa bouche le Corps du Christ, comme l’acte de la manducation, et ensuite de l’ingestion, exprime notre participation active à cette réception de la grâce et notre désir en retour du don entier de notre vie – corps, esprit et âme – à Celui que nous venons d’ingérer. Recevoir, accueillir, rendre grâce : voilà ce qui rend droite et bonne notre démarche de communion eucharistique. C’est pourquoi le fidèle ne doit pas se communier lui-même, ne doit pas prendre lui-même l’hostie dans la patène ou le ciboire. Lorsqu’on porte la communion à un malade en dehors de la messe, il reçoit d’un autre, mandaté par l’Église, le précieux don qui vient du Seigneur. Ce qui importe, c’est de recevoir ce que Dieu nous donne. Mgr Laurent Camiade.

La communion eucharistique consiste à recevoir le Christ, notre Sauveur en nourriture. Il s’agit d’un pain qui nous est entièrement donné. La meilleure manière de manifester la réalité de ce mystère n’est-elle pas de recevoir ce pain-là en sa bouche, comme le nourrisson reçoit dans sa bouche le lait de sa mère ? Enfant, puis adulte, on reçoit, certes, le pain que l’on vous sert et que peut-être on a gagné ; puis on le porte soi-même à sa bouche. Par là, on le prend pour se le donner à soi-même. La communion reçue directement dans la bouche me paraît donc plus expressive de ce que l’homme est tout accueil devant le salut de Dieu manifesté dans le corps de Jésus-Christ. Les vrais adultes dans la foi sont ceux qui deviennent comme des enfants. Jean-Christophe de Nadai. Série ThéoDom : « L’Eucharistie, c’est la vie ! » série no.26, Automne 2023.

Les mains. Elles sont presque des êtres animés. Des servantes ? Peut-être. Mais douées d'un génie énergique et libre, d'une physionomie —visages sans yeux et sans voix, mais qui voient et qui parlent. Certains aveugles acquièrent à la longue une telle finesse de tact qu'ils sont capables de discerner, en les touchant, les figures d'un jeu de cartes, à l'épaisseur infinitésimale de l'image. Mais les voyants eux aussi ont besoin de leurs mains pour voir, pour compléter par le tact et par la prise la perception des apparences. Elles ont leurs aptitudes inscrites dans leur galbe et dans leur dessin : mains déliées expertes à l'analyse, doigts longs et mobiles du raisonneur, mains prophétiques baignées de fluides, mains spirituelles, dont l'inaction même a de la grâce et du trait, mains tendres.

Quel est ce privilège ? Pourquoi l'organe muet et aveugle nous parle-t-il avec tant de force persuasive ? C'est qu'il est un des plus originaux, un des plus différenciés, comme les formes supérieures de la vie. Articulé sur des charnières délicates, le poignet a pour armature un grand nombre d'osselets. Cinq rameaux osseux, avec leur système de nerfs et de ligaments, cheminent sous la peau, puis se dégagent comme d'un jet pour donner cinq doigts séparés, dont chacun, articulé sur trois jointures, a son aptitude propre et son esprit. Une plaine bombée parcourue de veines et d'artères, arrondie sur les bords, unit au poignet les doigts dont elle recouvre la structure cachée. Son revers est un réceptacle. Dans la vie active de la main, elle est susceptible de se tendre et de se durcir, de même qu'elle est capable de se mouler sur l'objet. Ce travail a laissé des marques dans le creux des mains, et l'on peut y lire, sinon les symboles linéaires des choses passées et futures, du moins la trace et comme les mémoires de notre vie ailleurs effacée, peut-être aussi quelque héritage plus lointain. De près, c'est un paysage singulier, avec ses monts, sa grande dépression centrale, ses étroites vallées fluviales, tantôt craquelées d'incidentes, de chaînettes et d'entrelacs, tantôt pures et fines comme une écriture. On peut rêver sur toute figure. Je ne sais si l'homme qui interroge celle-ci a la chance de déchiffrer une énigme, mais j'aime qu'il contemple avec respect cette fière servante.

Henri Focillon, Victoria Charles, Éloge de la main.

Le geste de la communion dans la main est également une expression de respect : "Les mains de l'homme forment la croix, qui devient le trône dans lequel le roi se penche", explique le cardinal Ratzinger. La main tendue et ouverte devient ainsi le signe que l'homme se tend vers le Seigneur, ouvre ses mains pour lui, veut devenir son instrument dans le monde. Il est donc faux, souligne Ratzinger, de se battre pour telle ou telle attitude extérieure. Ce qui est décisif, c'est plutôt la juste attitude intérieure des croyants, "le respect du cœur" - et c'est pour cela que l'Église doit lutter, comme elle l'a fait de tout temps, à l'avenir également. Tobias Glenz. https://www.katholisch.de/artikel/16706-handkommunion-oder-mundkommunion.

Être des témoins

La communion est un acte personnel et ecclésial. Il ne saurait se vivre de façon isolée des autres membres de la communauté. Or la première mission de l'Église est d'annoncer l'évangile. Le communiant doit donc toujours s'interroger :

  • Est-ce-que mon geste fait grandir ma foi ?
  • Est-ce-que mon geste fait grandir la foi de mon prochain ?

Dans la controverse sur la manducation des viandes immolées, Paul met son auditoire en garde :

1Co 8,9 Mais prenez garde que cette liberté même, qui est la vôtre, ne devienne une occasion de chute pour les faibles.

En d'autres termes, quelle est la conséquence de ma façon de communier sur la communauté ecclésiale ? Suis-je un témoin ?

Trois articles

- Article sur France catholique
- Article sur le Portail catholique suisse
- Etude historique (en allemand).