La femme adultère Jn 8,1-11

Le récit de la femme adultère est propre à l’évangile de Jean. Est-il authentique ?
C’est une scène connue de l’évangile de Jean, pourtant elle ne lui appartient pas. Ce passage (7,53-8,11) est absent des plus anciens manuscrits, notamment des témoins comme le Sinaïticüs ou le Vaticanus, des manuscrits du IV°s. Plus étonnant, on retrouve cet épisode intégré à d’autres endroits dans certains manuscrits, parfois placé dans l’évangile de Luc (après Lc 21,38 ou 24,54). Nous sommes donc en présence d’un récit indépendant, inséré plus tardivement dans l’évangile de Jean. Il introduit une rupture artificielle dans le discours (7,53 Puis ils s’en allèrent chacun chez soi), alors que le verset 12 du chapitre 8, reprend le discours comme si de rien n’était : De nouveau, Jésus leur parla : « Moi, je suis la lumière du monde… Les paroles de Jésus face à ses opposants forment une unité qui ignore le récit de la femme adultère. Mais celui-ci demeure éclairant au sein de ce contexte. François Bessonnet. Voir le lien dans la bibliothèque.
Verset | Commentaire |
1 Et Jésus gagna le mont des Oliviers. | Contexte. Pour se tenir à l’écart et se reposer. Sans doute aussi pour prier. | 2 Dès le point du jour, il revint au temple et, comme tout le peuple venait à lui, il s’assit et se mit à enseigner. |
Contexte temporel : Jésus ne s’attarde pas. Contexte spatial : le temple, lieu du culte, de la prédication, de la transmission de la foi. | 3 Les scribes et les pharisiens amenèrent alors une femme qu’on avait surprise en adultère et ils la placèrent au milieu du groupe. | Acte 1 - Les gardiens de la loi mettent une femme en situation d’accusée. Elle est humiliée, littéralement "rabaissée au niveau de l’humus". Personne ne porte de nom. Le tribunal populaire est en place. | 4 « Maître (Didaskale), lui dirent-ils, cette femme a été prise en flagrant délit d’adultère (moicheuomenē). | "Maître". Jésus est reconnu dans son autorité, à travers ses enseignements. La femme est réduite à son adultère, bâillonnée par ses détracteurs, sans doute aussi honteuse de ses actes. | 5 Dans la Loi, Moïse nous a prescrit de lapider ces femmes-là. Et toi, qu’en dis-tu ? » |
Lv 20,10 Si un homme commet un adultère avec une femme mariée, s’il commet un adultère avec la femme de son prochain, l’homme et la femme adultères seront punis de mort. Où est l’homme ? Étymologiquement, adultère est formé de deux mots latins : ad, vers et, ulterium, autre. Ce qui signifie : aller vers un(e) autre ou d’autres. Pour ainsi dire, elle n’a pas agi seule. Cependant, elle seule a été ciblée.Il est question de délit d’adultère, donc en référence à une loi, et non de péché, en référence à Dieu. | 6a Ils parlaient ainsi dans l’intention de lui tendre un piège, pour avoir de quoi l’accuser. | La femme n’est finalement qu’un objet pour tendre un piège à Jésus, car il commençait à être dangereux pour les autorités juives. |
6b Mais Jésus, se baissant, se mit à tracer du doigt des traits sur la terre. | Acte 2 - Jésus s’adresse aux accusateurs. Il rejoint tout d’abord la femme au niveau de l’humus, dans sa mort. Nous ignorons la nature de ces traits (kategraphen). Jésus écrit symboliquement l’énoncé d’une nouvelle loi ; il réitère le geste de Dieu qui écrivait le décalogue, avec son doigt, sur les tables de pierres au mont Sinaï (Ex 31,18 : Puis, ayant achevé de parler avec Moïse sur le mont Sinaï, il lui donna les deux tables de la charte, tables de pierre, écrites du doigt de Dieu.). Les cœurs de pierre vont devenir des cœurs de chair. Mais, indépendamment du contenu, Jésus fait semblant de se maintenir à l’écart de ce tribunal populaire. Il prend du recul par rapport à la loi et aux accusateurs. Il se donne un temps de réflexion. Jésus ne répond pas à la question que lui posent les pharisiens puisque cette question en cache une autre : « Es-tu en train de modifier ou de supprimer la Loi de Moïse ? » | 7 Comme ils continuaient à lui poser des questions, Jésus se redressa et leur dit : « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. » | Quelles questions ? Scribes et pharisiens cherchent à le corrompre. Mais Jésus se redresse, sans répondre à leurs questions. Il les renvoie à leur propre vie. Il utilise le mot "péché" (anamartētos). Jésus les place devant Dieu et non devant la loi. | 8 Et s’inclinant à nouveau, il se remit à tracer des traits sur la terre. | Jésus laisse ses paroles mûrir dans le cœur des accusateurs. Pour la deuxième fois, Jésus s’incline. Il ne porte aucun regard sur la femme, par discrétion, par humanité. Comme le souligne le livre de la Sagesse, Dieu ferme les yeux sur nos péchés pour que nous nous repentions (Sg 11,23). | 9a Après avoir entendu ces paroles, ils se retirèrent l’un après l’autre, à commencer par les plus âgés, et Jésus resta seul. | La parole porte ses fruits. Le procès se déplace. Les accusateurs deviennent les accusés. Sans mots, scribes et pharisiens quittent le tribunal. Sans doute les plus âgés, avaient-ils plus de choses à se faire pardonner.
Par sa parole, Jésus renvoie les accusateurs de la femme à leur propre condition croyante et pécheresse. Avant d’appliquer la Loi à cette femme, ils doivent d’abord se l’appliquer à eux-mêmes. Jésus les renvoie non à un précepte, mais au fondement même de la Loi qui s’inscrit d’abord dans la volonté de Salut de Dieu. Ainsi Jésus ne s’oppose pas à la Loi, mais à l’interprétation de ses détracteurs. Par ce récit, il se présente comme le véritable interprète et maître de la Loi. La scène est d’ailleurs ironique ; ceux qui sont venus trouver Jésus pour le mettre à l’épreuve, à propos de la Loi, sont ceux qui lui donnent raison, sur la Loi, en quittant la scène. François Bessonnet. |
9b Comme la femme était toujours là, au milieu du cercle, | Acte 3 - Jésus et la femme. La femme n’a pas bougée, comme une chose. Aurait-elle pu partir ? Le peuple est toujours présent, suspendu à la suite de l’intrigue. | 10 Jésus se redressa et lui dit : « Femme, où sont-ils donc ? Personne ne t’a condamnée ? » | Pour la seconde fois, Jésus se redresse. Signe de renaissance ! Pour la première fois dans la scène, quelqu’un s’adresse à la femme ! Elle n’est plus une chose, mais une personne. Pour la première fois, quelqu’un lui accorde le droit de dire quelque chose ! Jésus agit en "paraclet". La question de Jésus n’est pas dénuée d’humour. Jésus ne cherche pas à connaître les raisons de son péché, car la justice de Dieu n’est pas dans la comptabilisation des bonnes et mauvaises actions ni dans la justification de sa conduite. | 11 Elle répondit : « Personne, Seigneur », et Jésus lui dit : « Moi non plus, je ne te condamne pas : va, et désormais ne pèche plus. » | Le maître devient seigneur (kyrie), dans la bouche de la femme. Jésus d’une certaine manière ressuscite la femme, il la libère la remet debout, et lui rend la vie.
Quelle image de Dieu aurait donnée Jésus s’il avait condamné cette femme ? Un dieu soumis à la loi ! Jésus offre à cette femme la grâce d’être aimée malgré son péché. Il nous apprend que la justice de Dieu est plus forte que la loi, que les mots de la vie sont plus puissants que les pierres de la mort. Jésus vient pour nous sauver et non pas pour nous juger (Jn 3,17). Jésus relève la femme et lui dit : « va et ne pèche plus ». Il s’agit d’accepter son imperfection et se mettre en route, libéré et reconnaissant, vers l’union avec le Christ. Et nous ne sommes pas seuls ensuite sur ce chemin, nous n’avons pas à avoir peur : comme dit le psalmiste : « même quand je marcherais dans la vallée de l’ombre et de la mort, je ne crains aucun mal car tu es avec moi. » (Ps. 23). Dieu continue de marcher avec nous ! Il nous libère de toute culpabilité, il s’abaisse jusqu’à nous, il nous considère, nous prend par la main, et chaque fois que nous sommes à terre, il nous relève avec lui pour marcher joyeusement sur le chemin qui s’ouvre devant nous. Louis Pernot. Voir le lien dans la bibliothèque. |