Tobit

Le nom Tobie ou Tobit est tiré du grec Tôbías et de l’hébreu Tobiah : « Dieu est mon bien ». Tobie désigne le fils et Tobit le père.

Histoire

Le livre de Tobie se présente comme un roman édifiant. Il raconte l'histoire de deux infortunes qui vont trouver leur solution. Il y a d'une part Tobit, un Juif pieux qui fait partie de la déportation à Ninive, suite à l'invasion des Assyrien. Tobit fait partie des Israëlites frappés par la répression qui a suivi la révolte des tribus du Nord après la mort de Salomon (990 av. J.-C.). La date est indéterminée, les déportations ayant duré jusqu'en -722. Il affirme dans le chapitre I respecter les mitsvot de Jérusalem. Bien qu'orphelin, il appartient à une famille plutôt favorisée, on dirait aujourd'hui assimilée. Grâce à l'appui de cette famille, liée aux autorités de Ninive, il vit plutôt bien et peut élever son fils Tobie (Tobias en grec). Mais son comportement déplaît aux autorités, car non seulement il fait l'aumône, mais en plus il ensevelit les cadavres qui sont jetés sans sépulture par-dessus les murailles de Ninive. Ces cadavres sont ceux d'Israëlites qui refusent l'assimilation complète. Il subit donc deux châtiments : d'une part, on saisit tous ses biens ; et d'autre part, il est contaminé par une maladie des yeux - peut-être liée à sa fréquentation des cadavres. Il devient aveugle et est réduit à la misère. Pour survivre, il doit récupérer une somme d'argent que, lors de ses voyages, il avait déposée chez un cousin éloigné, Gabaël. Son fils, Tobie part alors dans un long voyage en compagnie de l’ange Raphaël (Rāfā’ĕl : « Dieu guérit », en hébreu) et d'un chien, pour recouvrer une créance. Il y rencontrera sa future épouse, Sara, victime d'un démon Asmodée (Aeshma Daeva, dieu de la colère perse) qui fait périr ses fiancés au fur et à mesure qu'ils se déclarent. Tobit sera guéri de sa cécité et Sara délivrée de son démon grâce à l'intervention de Raphaël.

Tobie raconte en fait un véritable voyage initiatique. Le jeune homme part très loin pour finalement trouver comme épouse sa plus proche parente. Parti pour une raison financière, il revient de son voyage avec le remède qui guérira son père. L'aboutissement heureux de cette quête réside dans la fidélité à la loi. Tobit (le père) est un modèle dans ce domaine. Au péril de sa vie, il s'attache à garder les commandements de la Loi alors même qu'il se trouve en terre étrangère. Le livre de Tobie apporte une réponse à la question qui taraude la communauté juive en exil : comment vivre son judaïsme au milieu des païens. Pour Tobie, la religion devient essentiellement une pratique familiale et relève de domaine privé. En exil, le Juif doit vivre le plus possible retranché des païens et surtout se marier au sein de sa communauté.

Un livre deutérocanonique

Le livre de Tobit appartient au corpus des livres deutérocanoniques (second canon) écrits en grec. Il ne fait pas partie du canon des Écritures juives et protestantes.

On a trouvé des fragments en hébreu de ce livre dans les manuscrits de la Mer morte (Qumran) et aussi dans la Gueniza du Caire (un dépôt d'environ 200 000 manuscrits juifs datant de 870 à 1880), ce qui montre qu'à l'époque du Christ il était connu par les Judéens. Plusieurs versions ont pu exister. Sur la base de différents critères, sa composition est située entre 225 et 175 avant J-C.

Il a été traduit en latin dans la Vulgate par Saint Jérôme, probablement à partir d'un original hébreu, entre 390 et 405 après J-C. Aux conciles d'Hippone (393) et de Carthage (397 et 419), les évêques (dont Saint Augustin) reconnaissent le livre comme digne d'être lu et cité. Difficile de dire si c'est une introduction officielle dans le canon chrétien.

Au concile de Trente, en 1546 (contre-Réforme), on décide que le texte grec, le seul qui subsiste aujourd'hui, fait officiellement partie du canon catholique. Pour les protestants, il reste qualifié d'apocryphe.

Bien que l'auteur se présente comme Tobit lui-même, il ne s'agit évidemment pas d'un livre rédigé au moment de la captivité des Juifs dans le royaume assyrien. Une analyse des personnages démontre l’invraisemblance historique. Contrairement à ce que prétend Tb 1,15, le roi d’Assyrie Sennakérib (705-681) ne succède pas à Salmanassar (859-824), mais à Sargon II (722-705). Par ailleurs, Tobit aurait connu, dans sa jeunesse, la division du Royaume du Nord (en l’an 931 av. J.-C.), l’invasion assyrienne et la déportation des tribus du Nord (en 734) et que son fils Tobie, survivant à son père, aurait vu la chute de Ninive (en 612 par Nabuchodonosor). Entre le père et le fils se déroulent 319 ans...

En fait, tout indique que le livre a été rédigé pendant la période grecque, probablement vers 200 avant notre ère (ainsi, il est question de payer l'ange Raphaël avec des drachmes (Grèce) en 5,15). L’auteur de Tobie est un homme du IIe ou IIIe siècle av. J.-C., qui transpose dans des époques antérieures, une fiction, un roman pour édifier les Juifs de la diaspora de son temps. Sans certitude, cet ouvrage est peut-être l'œuvre d'un Juif de la diaspora, qui essaye de réfléchir à la manière de vivre sa foi en milieu païen. Le livre de Tobie témoigne d'un monothéisme fervent et d'un attachement scrupuleux à la loi. Le monde païen est perçu comme hostile et le Juif fidèle doit l'éviter autant que faire se peut. Tobie témoigne d'une réelle confiance en la providence divine, capable de se manifester alors que tout semble définitivement perdu.

Le rôle didactique du livre ne fait pas de doute.

Plan du texte

    I- Présentation des personnages (1-3)
    II- Le voyage de Tobie
  • Préparatifs au départ (4,1-5,7)
  • En route vers Ecbatane (5,17-6,9)
  • Le mariage de Tobie (6,10-9,6)
  • Le retour (10,1-11-19)
  • III- Épilogue (12,1-14,15)

Le mariage

Tb 7,9 Une fois lavés et baignés, quand ils se furent mis à table, Tobias dit à Raphaël : « Azarias, mon frère, demande à Ragouël de me donner ma sœur Sara. » 10 Ragouël entendit cette parole et dit au jeune homme : « Mange, bois et profite de la soirée, car il ne revient à personne, sinon à toi, mon frère, d'épouser ma fille Sara, et moi de même, je n'ai pas pouvoir de la donner à un autre que toi, puisque tu es mon plus proche parent. Cependant, mon enfant, je vais te dire toute la vérité. 11 Je l'ai déjà donnée à sept hommes d'entre nos frères, et tous sont morts la nuit où ils allaient vers elle. Mais à présent, mon enfant, mange et bois et le Seigneur interviendra en votre faveur. » 12, Mais Tobias dit : « Je ne mangerai ni ne boirai rien ici tant que tu n'auras pas tranché la chose. » Ragouël lui dit : « Eh bien ! je vais le faire. Puisqu'elle t'est donnée selon la décision du livre de Moïse, c'est le Ciel qui décide qu'on te la donne. Reçois donc ta sœur. À partir de maintenant, tu es son frère et elle est ta sœur. Elle t'est donnée à partir d'aujourd'hui et pour toujours. Le Seigneur du ciel fera que cette nuit se passe bien pour vous, mon enfant. Qu'il vous manifeste sa miséricorde et sa paix ! » 13 Ragouël appela alors sa fille Sara, et elle vint vers lui. La prenant par la main, il la remit à Tobias en disant : « Reçois-la selon la Loi et selon la décision consignée dans le livre de Moïse, qui te la donnent pour femme. Prends-la et emmène-la sans encombre chez ton père. Que le Dieu du ciel vous conduise dans la paix ! » 14 Puis il appela la mère de Sara et lui dit d'apporter de quoi écrire. Il rédigea le libellé du contrat de mariage, comme quoi il la lui donnait pour femme selon la décision de la Loi de Moïse. Alors seulement, ils commencèrent à manger et à boire. 15 Ragouël appela sa femme Edna et lui dit : « Ma sœur, prépare l'autre chambre et conduis-y Sara. » 16 Elle s'en alla préparer un lit dans la chambre, comme il le lui avait dit. Elle y mena sa fille et se mit à pleurer sur elle, puis elle essuya ses larmes et lui dit : 17 « Courage, ma fille, que le Seigneur du ciel change ton affliction en joie, courage, ma fille. » Et elle sortit.

8,1 Quand ils eurent fini de manger et de boire, ils voulurent se coucher. On emmena le jeune homme et on le fit entrer dans la chambre. 2Tobias se souvint des paroles de Raphaël : il tira de son sac le foie et le cœur du poisson et les mit sur la braise du brûle-parfums. 3 L’odeur du poisson arrêta le démon, qui s’enfuit par les airs dans les contrées d’Égypte. Raphaël s’y rendit, l’entrava et l’enchaîna sur-le-champ. 4 Puis on laissa Tobias et on ferma la porte de la chambre. Il se leva du lit et dit à Sara : « Lève-toi, ma sœur, prions et supplions notre Seigneur de nous manifester sa miséricorde et son salut. » 5 Elle se leva et ils se mirent à prier et à supplier, pour que leur soit accordé le salut. Et il se mit à dire : « Béni sois-tu, Dieu de nos pères ! Béni soit ton nom dans toutes les générations à venir ! Que te bénissent les cieux et toute ta création dans tous les siècles ! 6 C'est toi qui as fait Adam, c'est toi qui as fait pour lui une aide et un soutien, sa femme Eve, et de tous deux est née la race des hommes. C'est toi qui as dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul, faisons-lui une aide semblable à lui. 7 À présent donc, ce n'est pas un désir illégitime qui me fait épouser ma sœur que voici, mais le souci de la vérité. Ordonne qu'il nous soit fait miséricorde, à elle et à moi, et que nous parvenions ensemble à la vieillesse. » 8 Puis ils dirent d'une seule voix : « Amen, amen ! », 9 et ils se couchèrent pour la nuit. 10 Or Ragouël se leva et rassembla les serviteurs. Ils s’en allèrent creuser une tombe. Ragouël s’était dit en effet : « Il se pourrait qu’il meure ; ne serions-nous pas objet de risée et d’insulte ? » 11 Quand ils eurent fini de creuser la tombe, Ragouël revint à la maison et appela sa femme. 12 Il lui dit : « Envoie une des servantes dans la chambre voir s’il est vivant : de cette façon, s’il est mort, nous pourrions l’enterrer sans que personne n’en sache rien. » 13Ils avertirent la servante, allumèrent la lampe et ouvrirent la porte ; elle entra et les trouva qui dormaient ensemble d’un profond sommeil. 14 Elle ressortit les prévenir : « Il est vivant, tout va bien. » 15 Alors ils bénirent le Dieu du ciel en disant : « Béni sois-tu, ô Dieu, de toute bénédiction pure ! Qu’on te bénisse dans tous les siècles ! 16Béni sois-tu de m’avoir comblé de joie ! Car il n’en a pas été comme je me l’imaginais, mais tu nous as traités selon ta grande miséricorde. 17 Béni sois-tu d’avoir pris en pitié deux enfants uniques ! Manifeste-leur, Maître, ta miséricorde et ton salut et fais que leur vie s’écoule dans la joie et la grâce. » 18 Et il ordonna à ses serviteurs de combler la tombe avant le lever du jour. 19 Ragouël dit à sa femme de faire du pain en quantité, puis, allant au troupeau, il en ramena deux bœufs et quatre béliers et les fit apprêter. Et on commença les préparatifs. 20 Il appela Tobias et lui déclara : « Pendant quatorze jours, tu ne bougeras pas d’ici, mais tu resteras là à manger et à boire chez moi et tu remettras la joie au cœur de ma fille, qui est encore sous le coup de ses malheurs. 21 Prends dès maintenant la moitié de tous mes biens, et tu retourneras sans encombre auprès de ton père. L’autre moitié sera à vous quand nous serons morts, ma femme et moi. Courage, mon enfant, je suis ton père et Edna est ta mère. Nous sommes auprès de toi et de ta sœur, à partir de maintenant et pour toujours, courage, mon enfant. »

Dans Ecbatane, Tobias et Raphaël sont accueillis chez Ragouël et Edna (Tb 7,1-8). Cette première scène n’est pas sans rappeler les grandes scènes d’hospitalité du livre de la Genèse qui préludent à des promesses divines : ainsi, l’hospitalité d’Abraham en faveur des trois visiteurs aux chênes de Mamré (Gn 18) ou encore celle de Laban en faveur du serviteur d’Abraham venu chercher une épouse pour Isaac (Gn 24) ; dans ce dernier cas, les motifs de l’accueil et du repas servent de cadre à la demande en mariage.

La demande (v. 9-12).

Tobias en a l’initiative et recourt à l’entremise de Raphaël (v. 9). Mais ce dernier n’aura pas besoin de s’exécuter, car Ragouël, qui a l’ouïe fine, prend les devants en insistant sur la joie : « Mange, bois et réjouis-toi cette nuit… » (v. 10a) et « …maintenant, mon enfant, mange et bois, et le Seigneur agira en notre faveur » (v. 11b). Mais l’invitation à se réjouir « maintenant » ne présage rien de bon sur la réussite future des relations entre les deux fiancés. Ragouël ne cache rien à Tobias. Il lui transmet les deux données que ce dernier connaît par ailleurs :

Un fait positif (v. 10a) : la légalité des épousailles : « Je n’ai pas le droit de la donner à quelqu’un d’autre. » Cela est conforme à ce que Raphaël avait dit à Tobias (Tb 6,13 ; peut-être s’agit-il d’un renvoi à la prohibition des mariages mixtes, cf. Dt 7,3-4).

Un fait négatif (v. 10b-11) : la mort de tous les prétendants de Sara, élément que connu de Tobias (Tb 6,14-16).

Tobias prend alors son futur beau-père à ses propres mots : comment profiter du repas tant que la question matrimoniale n’est pas résolue ? Jouir des bienfaits de la vie suppose que Ragouël se décide clairement au sujet de sa fille (v. 12a). Ce dernier le fait en deux temps : d’abord en tête-à-tête avec Tobias pour exposer son accord (v. 12b), ensuite en présence de Sara en vue de rédiger l’acte de mariage (v. 13). Ainsi Sara lui sera donnée pour « sœur ».

Le mariage (v. 12-16).

La célébration du mariage se déroule en deux temps :

– la remise de l’épouse à son conjoint (v. 12) : le père prend la main de sa fille et la donne au fiancé ; c’est l’acte légal. L’autorité sur la femme passe du père au mari avec tous les interdits sexuels qui en découlent (cf. Lv 18).

– la rédaction d’un contrat (v. 13) : Ragouël consigne le mariage dans un document formel (voir encadré). La Loi mosaïque ne requiert pas la rédaction d’un tel acte écrit ; elle évoque plutôt le versement d’une somme d’argent, le mohar qui, ici, est passé sous silence.

Après la célébration, tous se restaurent ; le repas fait office de premier banquet de noces (un autre durera quatorze jours, voir 8,19-21). Les femmes, elles, sont invitées à se retirer. Sara, qui n’a rien dit jusque-là, est conduite par sa mère dans la chambre nuptiale. Ainsi se prépare la nuit nuptiale qui viendra sceller le mariage. En raison des circonstances, cela donne lieu à beaucoup d’émotion. Les pleurs d’Edna sont l’expression non pas de sentiments affectueux, mais d’une angoisse liée à l’épreuve fatale qui attend normalement le nouveau conjoint. C’est pourquoi les larmes s’accompagnent d’une invocation au Seigneur.

Les noces (Tobit 8).

La tension dramatique monte d’un cran lorsque Tobias, à l’issue du repas, rejoint son épouse dans la chambre nuptiale. Mettra-t-il en œuvre les recommandations de Raphaël pour éviter le sort des précédents mariés ?

La nuit des époux (v. 1-9).

La tension est de courte durée, car Tobias, se souvenant des conseils donnés par Raphaël (Tb 6,17-18), les suit à la lettre.

– Le rite d’exorcisme (v. 2-3) est raconté avec sobriété pour mettre en évidence son efficacité. Non seulement le démon s’enfuit comme prévu, mais en outre Raphaël intervient pour aller le lier « dans les contrées d’Égypte », sans doute le désert, lieu de séjour des puissances démoniaques (cf. Is 34,10-14).

– La prière au Seigneur (v. 4-8), recommandée par Raphaël (Tb 6,18), est acquittée par les nouveaux époux. Elle commence par une mise en condition : seuls dans la chambre, debout, en attitude de supplication (v. 4).

Puis, après une invocation en forme de bénédiction, la prière fait mémoire des bienfaits du Dieu créateur en faveur du premier couple, Adam et Ève (v. 5-6). Le mariage s’appuie clairement sur la relation de l’homme et de la femme selon Gn 2,18 ; ce qui les unit n’est pas d’abord la recherche de la fécondité, mais la reconnaissance mutuelle.

Vient alors la supplication (v. 7) en deux moments, l’un négatif, l’autre positif. Les époux demandent d’abord au Seigneur d’accueillir leurs motivations sincères : non pas la satisfaction de désirs charnels, mais une relation vraie. Ceci posé, ils demandent ensuite miséricorde et longue vie. Que le mariage soit heureux et dure le plus longtemps possible est, dans la tradition sapientielle, la caractéristique d’une vie droite, menée avec sagesse et justice (voir Ps 127 et 128). La demande sera exaucée puisque Tobias « vécut honoré jusqu’à l’âge de cent dix-sept ans » (Tb 14,14).

Après la prière, « ils se couchèrent pour la nuit » (v. 8). Le devoir envers le Seigneur ayant été honoré, les nouveaux époux sont en mesure d’accomplir en paix leur devoir conjugal.

Le festin de noces (v. 19-21).

Il rappelle les repas d’hospitalité de la Genèse : celui d’Abraham envers les trois visiteurs lui annonçant que Sara sera enceinte (Gn 18,7-8), celui des mariages d’Isaac et de Rébecca (Gn 24,54-67), de Jacob, Léa et Rachel (Gn 29,22-28).

Comment interpréter l’indication des quatorze jours de festivité ? En effet, elle est double par rapport à la durée habituelle des mariages dans la Bible (sept jours, cf. Gn 29,27-28 ; Jg 14,17). Est-ce pour Ragouël l’occasion de donner un relief particulier à ce mariage inespéré ou bien une manière de retarder le départ de sa fille unique ? Rien ne permet de trancher. Pour l’heure, Tobias fait partie intégrante de sa belle-famille : « Aie confiance, mon garçon ! Je suis ton père, et Edna est ta mère » (v. 21). Ces termes, avec ceux de « frère » et de « sœur », confirment l’implication des sentiments affectueux au sein des relations de parenté.

Contrairement aux mariages habituels, Tobias n’a pas à fournir de mohar (en cadeaux, cf. pour Rébecca en Gn 24,53 ou en force de travail, cf. pour Rachel, Gn 29,15-30). En revanche, il reçoit la moitié des biens de Ragouël pour retourner vers son père, l’autre moitié lui étant réservée jusqu’au jour du décès de ses beaux-parents.

© Bertrand Pinçon, SBEV / Éd. du Cerf, Cahier Évangile n° 158 (décembre 2011), "Le couple dans l'Ancien Testament", p. 37-40.

Traditionnellement, c'est au cours du repas que la bénédiction donne à la fête sa consécration religieuse. Le Talmud babylonien (+299) propose la formule suivante :

Béni sois-tu, Yahvé, notre Roi, Roi du monde, qui as tout crée pour ta gloire ; toi qui as façonné les hommes, qui les as créés à ton image, à l'image de ta ressemblance ; toi qui as tiré de l'hom-me un édifice (= la femme) pour toute éternité. Béni sais-tu, Yahvé, Créateur des hommes ! Que la stérile (=.- Sion privée de ses enfants) se réjouisse et exulte avec grande allégresse, quand ses enfants se rassemblent autour d'elle dans la joie. Béni sois-tu Yahvé, toi qui fais la joie de Sion ! Comble de joie ce couple bien-aimé ainsi que tu fis jadis dans le jardin, pour ta créature, ton image. Béni sois-tu, toi, Yahvé, qui fais la joie du marié et de la mariée. Béni sois-tu, Yahvé, notre Dieu, Roi du monde, toi qui as créé le plaisir et la joie, l'époux et l'épouse, l'allégresse, la jubilation, la gaîté, la joie du cœur et la fraternité, la concorde et l'amitié. Que bientôt on entende, ô Yahvé, notre Dieu, dans les villes de - Juda et dans les rues de Jérusalem, le cri des délices et le cri de la joie, la voix de l'époux et la voix de l'épouse, les cris de jubilation des époux dans la chambre nuptiale et ceux des jeunes gens au repas de noces ».

Il fallait prononcer ces bénédictions sur une coupe de vin. La bénédiction nuptiale se divise en cinq berachoth différentes. Les rabbins ne s'accordaient pas sur le nombre de berachoth à dire. Ils traitent aussi la question de savoir s'il faut utiliser ces formules au mariage d'une veuve. D'après Rabanen, il fallait prononcer la bénédiction chacun des sept jours que durait le mariage. Si dix personnes étaient présentes ; selon Rab Jehuda, il ne fallait la recommencer que lorsque de nouveaux hôtes se présentaient. Le Talmud acceptait comme règle en vigueur la sentence du R. Hona, selon laquelle il faut dire la bénédiction au moins durant sept jours pour une vierge, au moins un jour pour une veuve. Aux fiançailles, il semble que ce soit le père de la fiancée qui prononçait la bénédiction, tandis qu'au mariage, c'était sans doute le père. À remarquer que ni à l'époque biblique ni au temps du Talmud le prêtre ne joue aucun rôle aux fiançailles au mariage. À table, l'époux prend la place d'honneur, tandis que l'épouse « s'assied avec pudeur à son côté ». Après le repas, on accompagne le couple à la chouppa, une tente vraisemblablement, ou un baldaquin. C'est là le sommet de la fête, tout comme chez les Grecs le cortège à la chambre nuptiale. Cependant, les solennités se poursuivent généralement durant sept jours encore. Le second sabbat après le mariage avait lieu une sorte de « post-mariage » auquel participait surtout la famille de la jeune femme. Remarquons que certains usages particuliers, de caractère joyeux, furent interdits par les rabbins en signe des malheurs nationaux ; ainsi le port de couronnes après la guerre de Quietus (115-117 apr. J.-0C.) ; auparavant déjà, pendant la guerre de Vespasien (66-73 apr. J.-C.), la couronne de l'époux et également le chant dans les maisons nuptiales, interdiction qui, à vrai dire, n'était pas observée universellement et que certains limitaient aux instruments de musique. K. Ritzer, Le mariage, Cerf, 1972, p. 61.