Jésus homme
Les évangiles nous présentent l’image d’un Jésus pleinement homme : il a faim et soif, il est tenté, il est fatigué, il éprouve de la compassion, il se réjouit avec d'autres, il connaît l'angoisse et la souffrance ; enfin, Jésus meurt crucifié à Jérusalem, sous le gouverneur romain Pilate, à l’âge de 33 ans, en laissant derrière lui une mère éplorée, des disciples déconcertés et surtout des paroles et des signes qui n’ont pas fini d’irriguer les cœurs et de questionner la raison.
Qui est donc cet homme nommé Jésus pour avoir tant bouleversé l’humanité ? Il n’aurait pu n’être qu’un philosophe, un rassembleur, un thaumaturge ou encore un héros de guerre que l’on découvrirait dans les pages d’un livre d’histoire au même titre qu’un Socrate ou qu’un Alexandre le Grand. Jésus n’a pas recherché une telle gloire et, s’il a trouvé une renommée dans son pays, c’est à travers ses paroles, sa vie et son œuvre qui demeurent unique dans l’histoire. Pour avoir ainsi marqué la trame du temps, les consciences, la vie religieuse et sociale, Jésus a forcément vécu quelque chose de plus que les autres hommes.
Comme nous l'avons vu dans l'historicité de Jésus, le Nouveau Testament est la principale source d’information concernant la vie de Jésus. Les évangiles ne donnent que très peu de détails sur son enfance et pour cause, Marie et Joseph sont les seuls à connaître le mystère qui englobe l’origine de Jésus et les étapes de son enfance. Jésus est de religion juive. Conformément à la tradition, il est nommé, circoncis et présenté au temple :
Lc 2,21. Et lorsque furent accomplis les huit jours pour sa circoncision, il fut appelé du nom de Jésus, nom indiqué par l'ange avant sa conception. 22. Et lorsque furent accomplis les jours pour leur purification, selon la Loi de Moïse, ils l'emmenèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur, 23. selon qu'il est écrit dans la Loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur,
Jésus prend un nom des plus communs de son époque. Il est tiré de l’hébreu Iéshoua (Josué) qui veut dire : « Dieu sauve ». Jésus ne reprend pas le nom « Emmanuel » annoncé par Isaïe (cf. Mt 1,21). Parce que « Emmanuel » est le nom de la promesse, alors que « Jésus » est celui de son accomplissement qui se déroule environ huit siècles plus tard. Si Jésus incarne bien l’attente séculaire du peuple d’Israël, il ne s’enferme pas dans la lettre des Écritures, car son esprit demeure libre à l’égard de l’histoire.
Le prénom « Jésus » est masculin. L’affirmation de « Jésus homme » pourrait donc résonner comme un pléonasme. Elle pourrait aussi exprimer sa masculinité par opposition au sexe féminin ; effectivement, Jésus n’est pas une femme. Jésus a-t-il choisi son sexe ? Aurait-il pu naître femme dans le contexte social de l’époque ? L’affirmation de « Jésus homme » revêt néanmoins une signification particulière ; elle manifeste sa nature humaine au regard de sa nature divine. Jésus est homme tout autant qu’il est Dieu.
Très vite Jésus apparaît comme un enfant surdoué en matière religieuse et notamment dans les Écritures saintes. À douze ans, ceux qui l’entendent dans le temple, y compris les maîtres de la loi, s’extasient devant l’intelligence de ses propos. Cette première expérience d’enseignement relatée par l’évangile de Luc est aussi l’occasion pour Jésus de faire preuve d’indépendance vis-à-vis de l’autorité parentale. Ses parents ne manquent pas de lui faire de vifs reproches :
Lc 2,48 « Mon enfant pourquoi as-tu agi de la sorte avec nous ? Vois, ton père et moi, nous te cherchons tout angoissés » Il leur dit : « Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père ? »
Quels parents ne seraient pas angoissés devant la disparition de leur enfant au milieu d’une foule ? Toutes proportions gardées, imaginez votre enfant loin de vos yeux sur la place saint Pierre de Rome un jour de Pâque. Sainteté ne rime donc pas toujours avec obéissance à ses parents.
« Son Père ? » Voilà des propos qui laissent le lecteur non averti dans l’embarras. Jésus, à vrai dire, n’est pas un enfant comme les autres. Il a deux pères. Joseph est son père « adoptif », chargé de le nourrir, de l’éduquer et de lui apprendre un métier ; Dieu est son véritable père dont il tire sa filiation. Voilà qui est bien mystérieux ; nous y reviendrons. Notons cependant que la généalogie de Jésus donne les ascendants de Joseph et non ceux de Marie. Les femmes n’ont pas leur place dans une généalogie et pourtant ce sont bien elles qui engendrent. Jésus appartient à la lignée davidique à travers les générations successives, d’Abraham à David et de Salomon à Joseph (Mt 1,1-16).
Quatre femmes figurent dans la généalogie de Matthieu : Tamar, Ruth, Bethsabée et Marie. Toutes les quatre conçoivent dans des circonstances particulières. Tamar se déguise en prostituée afin de séduire son beau-père ; Ruth est une étrangère et, selon la loi, elle n’avait pas le droit d’épouser un israélite ; l’enfant de Bethsabée, Salomon, est le fruit d’un meurtre et d’un adultère ; enfin Marie tombe enceinte sous l’action de l’Esprit Saint. Chez Luc, cette généalogie remonte jusqu’à Dieu (Lc 3,23-38).
Jésus quitte le berceau familial à l’âge de trente ans pour une tout autre vocation que celle de charpentier. Il appelle douze disciples à sa suite et annonce l’arrivée du royaume de Dieu. Durant cette vie publique, pour beaucoup de ses concitoyens, Jésus apparaît comme un meneur d’hommes, un rassembleur, un thaumaturge et un exorciste ; titres qu’il ne revendique pas. Ses actes et ses paroles vont bien au-delà du simple discours politique stéréotypé, car ils touchent le cœur de l’homme et remettent en cause des convictions et des valeurs bien ancrées dans les mentalités. Jésus ose prétendre que publicains et prostituées précéderont les scribes et les pharisiens dans le royaume des cieux. Il mange et fait la fête avec des pécheurs. Il s’assoit à la table de Levi, collecteur d’impôts et collaborateur de l’occupant romain. Il parle avec des femmes en public. En somme, Jésus est aux antipodes de l’homme juif respectable, car son message promulgue de nouvelles valeurs. Jésus homme n’est pas à l’image du juif recommandable et, à le fréquenter, on finit par s’attirer des ennuis.
Jésus passe sa vie publique sur les routes de Palestine à enseigner et à donner des signes concrets de son amitié envers les hommes, quelles que soient leur race et leur culture. Jésus, à l’image de Dieu, ne fait pas de différence entre les hommes.
En trois ans de vie publique, Jésus révolutionne le monde. Ce qui aurait pu être un épiphénomène palestinien bouleverse d’abord la quiétude religieuse des juifs pour finalement emporter tout le monde païen.
finalement qui est ce Jésus ? Cette question jaillit à la lecture des évangiles, question que Jésus lui-même pose à ses disciples :
Mc 8,27-30 : « Et pour vous qui suis-je ? »
Est-il la réponse vivante à l’espérance de tout un peuple qui attendait un messie glorieux ou simplement un prophète de plus ? Cette question retentit encore aujourd’hui et place l’homme en face de ses responsabilités : le Christ n’est-il qu’une icône accrochée à la mémoire de nos catéchismes ou un exemple à suivre ?