Historicité de Jésus
Les témoins
Jésus a-t-il existé ? Le Nouveau Testament et plus particulièrement les quatre évangiles, Matthieu, Marc, Luc et Jean, constituent les principales sources sur l'historicité de Jésus. Plusieurs autres sources mentionnent son existence en dehors du Nouveau Testament : « Flavius Josèphe, Tacite, Suétone, Pline le Jeune, Lucien de Samosate, Galien, Mara bar Sérapion, Celse, le Talmud de Babylone, le Coran ». Jésus est le personnage de l’Antiquité sur lequel on est le mieux documenté à la fois quantitativement et qualitativement. Il ne viendrait à personne de remettre en cause l'existence de Ponce Pilate ou même d'un Alexandre le Grand. Aujourd'hui l'existence historique n'est plus contestée, sauf exception (par ex. Michel Onfray).
Michel Onfray part du constat que de nombreuses figures dans les légendes et mythes du monde sont similaires à Jésus. Il observe que ces mythologies sont remplies de dieux guérisseurs et de figures revenant à la vie. Ce qui voudrait dire que Jésus ne serait pas très différent d’eux. D’où sa conclusion : « À l’évidence Jésus a existé – comme Ulysse et Zarathoustra…(1) » Bref, comme une légende ! Il prétend aussi qu’il n’y a pas de preuve concluante que Jésus a vraiment existé. D’ailleurs chez lui, il ne s’agit pas vraiment d’un argument, mais d’une affirmation : « L’existence de Jésus n’est aucunement avérée historiquement.(2) » Pour soutenir sa conviction, il s’appuie sur une autre affirmation : il n’y a pas de document contemporain de l’événement. Yannick IMBERT, Michel Onfray et Jésus, Croire et vivre, n° 172 - décembre 2018.
« Je ne connais aucun chercheur important qui doute du personnage historique de Jésus, affirme Eric Meyers, archéologue et professeur émérite à l’université Duke. On pinaille sur des détails depuis des siècles, mais nulle personne sérieuse ne met en doute son existence. »
Flavius Josephe. Historien juif (30-100 ap JC). « Vers le même temps survient Jésus, habile homme,
si du moins il faut le dire homme. Il était en effet
faiseur de prodiges et maître de ceux qui reçoivent
avec plaisir les choses anormales. Il se gagna
beaucoup de Juifs et aussi beaucoup du monde
hellénistique. Christ(os), c'était lui.
Et, Pilate l'ayant condamné à la croix, selon
l'indication des premiers d'entre nous, ceux qui
avaient été satisfaits au début ne cessèrent pas. Il
leur apparut en effet le troisième jour, vivant à
nouveau, les divins prophètes ayant prédit ces
choses étonnantes et dix mille autres merveilles à
son sujet.
Et jusqu'à présent, l'engeance des chrétiens,
dénommée d'après celui-ci n'a pas disparu. »
(Antiquités Judaïque 18 / 63-64)
Pline le Jeune (61-114) « D’ailleurs ils affirmaient que toute leur faute, ou
leur erreur, s’était bornée à avoir l’habitude de se
réunir à jour fixe, avant le lever du soleil, de chanter
entre eux alternativement un hymne au Christ
comme à Dieu… ». Pline le Jeune, Lettre 10,96
« …Ils (les chrétiens) se sont tellement répandus
que les temples païens sont désertés » Pline le Jeune
Lettre à Trajan.
Tacite(58-120). « Pour étouffer la rumeur, Néron produisit des
inculpés, et livra aux tourments les plus raffinés des
gens, détestés pour leurs turpitudes, que la foule
appelait « chrétiens ». Ce nom leur vient de Christ,
que sous le principat de Tibère, le procurateur Ponce
Pilate avait livré au supplice ; » Tacite, Annales,
15,44.
Suétone(69-125) « Comme les juifs se soulevaient continuellement à
l’instigation de Chrestus, il [Claude] les chassa de
Rome. » Suétone, Vie de Claude, XXV, dans Vies des
douze Césars.
Les quatre évangiles fournissent suffisamment d'information pour fonder une connaissance historique à propos de Jésus de Nazareth. Mais si les évangiles nous racontent l'histoire de Jésus, il ne s'agit pas pour autant de documents historiques au sens moderne de ce terme. Leur objectif est de conserver et de transmettre les actes et les paroles d'une personne, en somme annoncer une " bonne nouvelle ". Les évangélistes Luc et Jean précisent :
Luc 1,1-4 Puisque beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements accomplis parmi nous, d'après ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins oculaires et qui sont devenus serviteurs de la parole, il m'a paru bon, à moi aussi, après m'être soigneusement informé de tout à partir des origines, d'en écrire pour toi un récit ordonné, très honorable Théophile, afin que tu puisses constater la solidité des enseignements que tu as reçus.
Jean 20,30-31 : Jésus a opéré sous les yeux de ses disciples bien d'autres signes qui ne sont pas rapportés dans ce livre. Ceux-ci l'ont été pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour que, en croyant, vous ayez la vie en son nom.
Les évangélistes n'ont pas cherché à écrire a posteriori une biographie de Jésus. Les disciples ont d'abord vécu des moments forts avec Jésus, puis ont transmis oralement les faits marquants qu'ils n'ont véritablement compris qu'après la résurrection et la Pentecôte.
En quelle année ?
Mt 2,1 Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode
Lc 2,1 Or, en ce temps-là, parut un décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. Ce premier recensement eut lieu à l'époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. 3 Tous allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville ; 4 Joseph aussi monta de la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David qui s'appelle Bethléem en Judée, parce qu'il était de la famille et de la descendance de David, 5pour se faire recenser avec Marie son épouse, qui était enceinte. 6 Or, pendant qu'ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva.
L’année de la naissance de Jésus n'est pas l'an zéro. Les évangiles de Matthieu et Luc nous disent que Jésus est né sous le règne d’Hérode le Grand, qui, paradoxalement, est mort au printemps en 4 avant J.-C. Lorsque le calendrier chrétien a été établi à partir de la naissance de Jésus, on situait cette naissance par rapport à la fondation de Rome. Le moine qui travailla sur ce calendrier, Denys le Petit (5ème siècle), s’est trompé de 5 ou 6 ans pour fixer l’an 1. Nous pouvons en conclure que Jésus serait né entre –7 à –4.
Concernant le recensement de César Auguste, si plusieurs recensements locaux de date augustéenne sont bien attestés, les historiens ne connaissent aucun édit d’Auguste allant dans le sens d’un recensement global de l’empire. Par ailleurs, les informations extrabibliques fournies sur le gouverneur de Syrie (Quirinius pour Luc, Publius Sulpicius Quirinius dans la prosopographie romaine, Cyrénius pour Flavius Josèphe) signalent bien un recensement organisé en Judée, mais elles le placent en l’an 6 de notre ère. Cette donnée cherche surtout à ancrer Jésus dans l'histoire. Luc mentionne un recensement dans son récit des Actes des Apôtres (5,37). Une étude de Jacques Poucet à lire.
Les sources qui pourraient nous permettre de dire quoi que ce soit sur la naissance de Jésus, sa famille, son éducation, peuvent être qualifiées au mieux de très minces (J.-P. Meier, Jésus, I, 2004, p. 127).
A Bethléem ?
Jésus nait à Béthléem en Judée selon la bible et la Tradition. Selon certains théologiens, l’évocation par Luc du recensement de Quirinius et du voyage de Joseph à Bethléem, la ville de David, serait une forme littéraire qui inscrit le nouveau-né dans une perspective messianique davidique. On parle de Jésus le Nazaréen (celui qui est de Nazareth ou qui en est issu), un enfant de la Galilée. Bethléem serait surtout un concept théologique. En le définissant comme le Messie, Jésus s’inscrit dans la lignée de David, alors il doit être né à Bethléem. Le choix de Bethléem vise donc à donner à Jésus une légitimité royale et messianique. Selon cette hypothèse, Jésus serait né tout simplement dans la maison de Joseph à Nazareth, là où il passera son enfance et son adolescence dans la plus totale discrétion historique.
Michée 5,1 Et toi, Bethléem Éfrata, dit le Seigneur, tu es une localité peu importante parmi celles des familles de Juda. Mais de toi je veux faire sortir celui qui doit gouverner en mon nom le peuple d'Israël, et dont l'origine remonte aux jours d'autrefois, aux temps les plus anciens.
Pour moi (Thomas Römer), il est né à Nazareth. Bethléem fait partie de ces éléments censés montrer qu’en Jésus s’accomplissent un certain nombre de prophéties. Or, pour la tradition juive, le Messie vient de la lignée de David. Jésus est d’ailleurs souvent appelé « fils de David ». David venant de Bethléem, et Jésus étant le nouveau David, il fallait donc qu’il vienne lui aussi de Bethléem. Mais je suis à peu près convaincu que le Jésus historique est né à Nazareth. Thomas Römer, La Croix, 22/12/2024.
Néanmoins, tous les témoignages de la tradition avalisent les données évangéliques. Saint Justin, né en Palestine vers l’an 100 a.J.C, mentionne, cinquante ans plus tard, que Jésus est né dans une grotte près de Bethléem (Dialogue, 78 : « L’enfant étant né à Bethléem, comme Joseph n’avait pas où loger dans ce village, il logea dans une grotte voisine du village. Et alors, comme ils étaient là, Marie enfanta le Christ et le plaça dans une crèche »). Orígène en témoigne lui aussi (Contra Celse I, 51 : « À Bethléem, on peut voir la grotte où [Jésus] est né. » ). Les évangiles apocryphes abondent dans ce sens (Pseudo-Matthieu, 13 ; Proto évangile de Jacques, 17 et svts ; Évangile de l’enfance, 2-4).
Enfin, les fouilles archéologiques ne trouvent aucune trace de sa naissance dans Bethléem. Les recherches dans la basilique de la Nativité, construite au niveau de l’étable, n’ont révélé ni objet de l’époque, ni indice suggérant que le site était consacré pour les premiers chrétiens. Le vieil adage de l’archéologie est plus que jamais d’actualité : « L’absence de preuve n’est pas la preuve de l’absence. »
Thomas Söding - Une étude en allemand sur le lieu de naissance (pdf à télécharger).
Mort en ?
Jésus est condamné à mort par Pilate, or celui-ci est préfet de Judée entre 26 et 36. Quant au jour, les indications données par les Évangiles sont assez précises : c'était un vendredi, le jour même de la pâque juive selon Marc, Matthieu et Luc ; la veille de la pâque selon Jean, soit le 14 Nissan, ce qui paraît plus crédible, car on n'exécutait normalement pas de condamnés un jour de fête. Les textes référencent aussi une éclypse de lune qui se serait déroulée soit le vendredi 7 avril de l’an 30, soit le vendredi 3 Avril de l’an 33. Toutes deux correspondent en effet au treizième jour du mois de Nisan.
Dans l'hypothèse d'une naissance en -4, Jésus serait décédé à l'âge de 34 ou 37 ans.