Pourquoi prier ?
Les réflexions ci-dessous sont tirées du livre Dieu tout-puissant, mythe ou réalité ?
Le silence de Dieu
La prière revêt de multiples formes : récitation, louange, plainte, action de grâce, méditation, adoration, etc. Elle se définit comme un acte de foi qui nous relie à Dieu. Elle incarne la respiration du chrétien. Lors d’une épreuve, elle se fait demande instante pour trouver un refuge, une force, une solution, voire une intervention miraculeuse. La prière est l’ultime abandon lorsque toutes les ressources humaines sont épuisées.
La prière de demande est la plus familière, non pas parce que nous oublions de remercier Dieu pour ses bienfaits, mais parce que des soucis et, pour certains, de tragiques souffrances jalonnent le cours des jours et des nuits. Alors nos pensées et nos cris se tournent spontanément vers Dieu dans l’espoir d’un remède. Même la prière universelle de nos messes se fait supplication pour l’Église, le monde, les malades, les pauvres et les exclus, ainsi que pour la communauté paroissiale. À travers toutes ces attitudes, nous rejoignons l’invitation de Jésus :
Et moi, je vous dis : demandez, et l’on vous donnera ; cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l’on vous ouvrira. (Lc 11, 9). Tout ce que vous demanderez avec foi par la prière, vous le recevrez. (Mt 21,22).
Ces propos laissent supposer que Dieu exauce nos demandes formulées dans la foi. Dieu entendrait nos prières, quels que soient leurs formes et leurs objets. Mais est-ce si sûr ?
Dans la bible, de nombreux orants se plaignent à de multiples reprises de la surdité de Dieu :
Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? (Ps 22,1).
Réveille-toi ! Pourquoi dors-tu, Seigneur ? Réveille-toi ! Ne nous repousse pas à jamais ! Pourquoi caches-tu ta face ? Pourquoi oublies-tu notre misère et notre oppression ? (Ps 44,23-24).
Éternel ! Écoute ma voix, je t’invoque : Aie pitié de moi et exauce-moi ! (Ps 27,7).
Ô Dieu ! Prête l’oreille à ma prière, et ne te dérobe pas à mes supplications ! Écoute-moi, et réponds-moi ! J’erre çà et là dans mon chagrin et je m’agite ! (Ps 55,1-2).
Jusqu’à quand, ô Éternel... ? J’ai crié, et tu n’écoutes pas ! J’ai crié vers toi à la violence, et tu ne secours pas ! (Ha 1,2).
Ces plaintes retentissent encore aujourd’hui comme une litanie.
Nos prières sont-elles toujours ajustées à Dieu ? Ne reflètent-elles pas plutôt une soif de puissance humaine ? Dans les prières, nous formulons à la fois les questions et les réponses. Nos demandes contiennent le remède. Nous nous présentons devant le médecin avec le diagnostic et la liste des médicaments. Le dieu thaumaturge n’a plus qu’à appuyer sur un bouton pour la délivrance de la prescription.
L'efficacité de la prière
La prière n’en demeure pas moins efficace parce qu’elle est un temps de rencontre intime avec Dieu, un moment de grâce. Qu’il s’agisse de la récitation du chapelet, de la méditation d’un texte, d’une supplication, d’une participation à un office religieux, la prière nous met en chemin avec Dieu. Elle est l’expression de notre humilité ; elle signe la reconnaissance de notre pauvreté et de nos limites.
L’efficacité de la prière est à chercher ailleurs que dans la satisfaction immédiate de nos manques. Dieu nous « ex-hausse », bien plus qu’il ne nous exauce.
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Résumons son efficacité à travers quatre grandes fonctions.
- La première fonction est psychologique et somatique. Parler nous décentre de nous-mêmes et nous libère d’un poids. Porter notre plainte devant Dieu témoigne d’une prise de conscience de nos limites et de nos faiblesses. La prière est en ce sens un lâcher-prise de quelque chose, voire un abandon à quelqu’un. Toujours dans une perspective psychologique et somatique, la prière est un lieu de ressourcement et de paix, tout particulièrement dans la méditation.
- La seconde fonction est d’ordre relationnel. La prière nous met en relation avec Dieu et éventuellement avec autrui. Concernant la relation avec Dieu, il ne s’agit pas d’informer Dieu sur notre situation qu’il connaît déjà, mais de communier à sa divinité. La prière nourrit la relation à Dieu et nous donne une force spirituelle pour affronter les épreuves. Elle entretient le dialogue même si parfois nous avons la vague impression de parler dans le vide. À travers ce face-à-face, nous nous ajustons à Dieu en nous laissant façonner comme la glaise de la Genèse.
- La troisième fonction relève de l’inspiration. Elle réclame silence et écoute. Si Dieu n’exauce pas directement toutes nos prières, il n’en demeure pas moins attentif et nous parle sous la forme d’un souffle ténu que nous avons bien du mal à entendre tant nos distractions sont grandes. Dieu nous inspire à travers notre conscience tout en nous laissant face à nos responsabilités.
- La quatrième fonction de la prière est ecclésiale. Un chrétien ne prie jamais seul, mais toujours en Église, même lorsqu’il s’isole dans sa chambre dans un face-à-face avec Dieu.
La prière est donc un acte de confiance en un Dieu qui nous précède. Dieu nous offre sa présence et nous envoie en mission dans le monde pour que nous transformions le monde. La prière porte des fruits parce qu’elle est fondamentalement une rencontre entre deux êtres qui se cherchent et finissent par se trouver dans le creuset d’une joie ou d’une souffrance. Lorsque la prière se fait grâce, alors elle nous aide à porter le fardeau de nos souffrances :
La grâce n’enlève donc nullement les épreuves qui surgissent en toute vie humaine, mais permet de les vivres autrement, avec plus de légèreté, comme traversées par la lumière. Elle donne à qui l’accueille de s’accepter « inacceptable », non de se justifier, mais d’oser regarder en face ses zones d’ombre pour voir aussi ses zones de lumière et avancer humblement, courageusement (Marie-Jo THIEL, La santé augmentée, réaliste ou totalitaire, Bayard, 2014, p. 264).