Les ministres du sacrement de mariage

L'homme et la femme se donnent le sacrement

La racine du mot « ministre » d’où sont tirés « minus » et « mini » nous rappelle qu’un ministre est quelqu’un de petit au service des autres. L’homme et la femme sont effectivement au service l’un de l’autre à travers leur sous-mission réciproque. Dans une perspective religieuse, ils sont les ministres de leur sacrement de mariage de par leur baptême. Ils se donnent l’un à l’autre la parole sacramentelle qui fonde leur union. Ils sont les ministres de la grâce du Christ.

« Dans l’Église latine, on considère habituellement que ce sont les époux qui, comme ministre de la grâce de Christ, se confèrent mutuellement le sacrement du mariage en exprimant devant l’Église leur consentement ».

« Dans les liturgies orientales (et il ne s’agit ici des orthodoxes, mais des catholiques de rites orientaux), le ministre du sacrement (appelé ’couronnement’) est le prêtre ou l’évêque qui, après avoir reçu le consentement réciproque des époux, couronne l’époux et l’épouse en signe de l’alliance ». (Catéchisme de l’Eglise Catholique, n° 1623)

Il ne s’agit donc pas uniquement de devenir époux et épouse, mais bien de se donner le sacrement l’un à l’autre, l’un par l’autre.

Å travers cette vocation ministérielle au mariage, les époux sont investis d’une mission de prêtres, prophètes et rois. Comme le souligne la Constitution dogmatique sur l’Église, les laïcs sont

participants à leur manière de la fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ (Concile œcuménique Vatican II, Lumen gentium, 31).

La charge sacerdotale des époux se comprend dans l’offrande sacrée que chacun accomplit à travers le don de son corps à son partenaire. La charge prophétique se réalise dans la mission d’être l’un pour l’autre et pour le monde des témoins de la foi et de l’amour du Christ. Enfin, la charge royale se manifeste dans le service du prochain qui se trouve de fait à côté de soi. Ce ministère conjugal dure toute la vie.

À partir de l’échange sacramentel de dons dans la foi, cette mission consiste avant tout à rayonner l’amour du Christ pour l’Église dans le commerce charnel des époux, l’ouverture à la vie, l’éducation des enfants et les multiples services à la société (Marc OUELLET, La célébration du sacrement du Mariage dans la mission de l'Église, La Documentation catholique, 2001, n. 2259) .

Quel est le rôle du prêtre ou du diacre dans la célébration du mariage. Vu de l’extérieur, il se présente comme le chef d’orchestre qui officie la cérémonie. Selon la terminologie du Code de droit canonique, il est l’assistant du mariage (canon 1108). Il reçoit le consentement des époux. Il est le témoin de l’Église et fait vivre le sacré de par son « sacer-doce » en accordant la bénédiction nuptiale au couple. Il est le « lieu-tenant » du Christ ainsi que le médiateur de la parole de Dieu par le souffle de l’Esprit.

Sa présence n’est pas absolument obligatoire. En l’absence de prêtre ou de diacre, l’évêque diocésain, sur avis favorable de la conférence des Évêques et avec l’autorisation du Saint-Siège, peut déléguer des laïcs pour assister aux mariages (canon 1112). Dans l’impossibilité de trouver un assistant dans le mois ou en cas de danger de mort, le droit canonique reconnaît la validité des mariages célébrés uniquement devant deux témoins (canon 1116). Un autre cas permet de se dispenser d’un assistant et même de toute la cérémonie. En effet l’Église reconnaît la validité d’un mariage civil ou coutumier entre deux non baptisés. Et lorsque l’homme et la femme se font baptiser,

il n’est pas nécessaire qu’ils renouvellent la promesse matrimoniale et il suffit qu’ils ne la rejettent pas, puisque par le baptême qu’ils reçoivent cette union devient automatiquement sacramentelle (Pape FRANÇOIS, La joie de l’amour, 2016, 75).

Cette exception pose néanmoins la question de la nécessité d'un rite qui atteste de la réalité sacramentelle du mariage.

Voir l'étude sur le rite

L'ecclésialité du mariage sacramentel

    Un sacrement est un acte d’Église qui commémore et manifeste le don que Dieu fait à son peuple. Le mariage le fait de différentes manières :
  • Puisque « l’amour est la vocation fondamentale et innée de tout être humain »[1], et que la capacité à aimer est un don que Dieu fait à tous, on peut admettre que le mariage sacramentel – monogame et indissoluble – constitue la forme conjugale la plus apte à réaliser cette vocation. Et puisque Jésus a donné par toute sa vie, sa mort et sa résurrection, un exemple inégalé du don de soi par amour, les chrétiens, ses disciples, s’engagent à suivre ce chemin de don de soi dans le mariage. Ainsi, leur amour conjugal n’est pas un épisode isolé de l’histoire du monde, mais un lieu où se manifeste concrètement l’amour inconditionnel de Dieu pour l’humanité.
  • Pour réaliser le don de soi dans le mariage, les époux reçoivent l’aide de l’Esprit, grâce d’amour donnée aux conjoints, qui les précède et les accompagne tout au long de leur vie.
  • La bénédiction nuptiale, ainsi que nous l’avons dit dans l’article précédent, est constituée d’un triple envoi en mission[2] : mission ecclésiale des époux, car c’est en tant que baptisés mariés qu’ils sont envoyés ; mission baptismale des chrétiens à accomplir en couple (aimer Dieu et son prochain, offrir sa vie au Père, annoncer l’Évangile, et lutter contre le mal sous toutes ses formes.
  • « Les époux sont pour l’Église le rappel permanent de ce qui est advenu sur la croix ». En les accompagnant et en célébrant des mariages, l’Église fait mémoire et célèbre en même temps l’inconditionnalité et la puissance de l’amour de Dieu, à l’œuvre dans un couple en particulier.

  • Article extrait de la revue Célébrer, n°336, mai-juin 2005, p 51-53.

Les ministères dans la célébration du mariage

Parler de « ministères » suppose un lien avec la sacramentalité de l’Église. C’est par rapport à la sacramentalité de l’Église que se positionnent les différents « ministères » qu’il importe de ne pas confondre.

1. Qu’est-ce que la sacramentalité de l’Église ? Le n°1 de la Constitution dogmatique sur l’Église (Lumen gentium) du concile Vatican II écrit que « l’Église est en quelque sorte, dans le Christ, le sacrement du salut, c’est-à-dire le signe et l’instrument de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ». Signe et instrument : par elle se vit le salut, à savoir l’union intime avec Dieu et l’unité de l’humanité.

2. En référence à la sacramentalité du salut se positionne immédiatement le ministère ordonné. Que fait le prêtre dans la liturgie ? Il « préside au rassemblement et accomplit l’acte sacramentel au nom du Christ » : il préside la célébration du mariage, dispense la Parole et l’explique ; il reçoit au nom de l’Église, qu’il représente, les consentements des époux, et confère la bénédiction nuptiale. Dans la théorie consensualiste pure (seul le consentement réalise le sacrement), la bénédiction était facultative (cf. le Rituel romain de 1614, avant la dernière réforme conciliaire) ; les dimensions ecclésiale, trinitaire et eucharistique étaient secondaires. On ne peut plus, aujourd’hui, penser de la même façon : « la bénédiction nuptiale ne doit jamais être omise » ! Nous avons eu l’occasion de dire qu’elle comportait toute la dimension sacramentelle du mariage. Elle a un statut identique à celui de toutes les grandes prières consécratoires dans la liturgie : la bénédiction des prêtres, celle de la consécration des vierges, des religieux (ses), celle de l’eau baptismale, la prière eucharistique elle-même… Si on prend en compte cette donnée, on doit réévaluer aussi le rôle de celui qui la prononce, et qui est en lien direct avec la sacramentalité de l’Église, au nom de laquelle il prononce cette bénédiction. Le ministre, en prononçant la bénédiction, et en le faisant au nom du Christ et de l’Église, est porteur et garant de la référence ecclésiale et trinitaire recherchée, par les couples et surtout par l’Église. Il y a donc bien autre chose qu’une simple raison de convenance pour que ce soit un ministre ordonné qui prononce la bénédiction.

3. Les époux : il est bien évident que sans eux, il n’y aurait pas matière à ce qu’il y ait sacrement. Sans leur consentement, pas de mariage, de la même façon que sans pain et sans vin, il n’y a pas d’eucharistie, et que sans eau, il n’y a pas de baptême. Le sacrement de mariage prend racine dans leur consentement mutuel à la communauté de vie et d’amour, et il sanctifie les conjoints en manifestant le don qu’ils ont reçu (l’Esprit), pour réaliser « leur vocation d’hommes et de chrétiens » dans le mariage. Le rôle des époux n’est donc pas négligeable ; faut-il cependant, pour le respecter, en faire un « ministère » ? Le consentement de conjoints à l’engagement conjugal relève du libre exercice de leur responsabilité chrétienne : accepter de collaborer à l’amour de Dieu par la construction du couple et de la famille. Ce n’est pas pour autant un ministère au sens sacramentel, pas plus (ou pas autrement) que le baptisé n’est ministre de son baptême.

4. Car le consentement n’est pas suffisant pour qu’il y ait sacrement ; pour acquérir sa dimension sacramentelle, ce consentement doit être relié à la foi au Dieu trinitaire qui est à l’origine de tout don. L’alliance conclue entre les époux se nourrit d’une relation vivante au Dieu d’amour qui les envoie et leur donne son Esprit. C’est bien, ainsi que nous l’avons dit, ce qu’exprime la bénédiction nuptiale. Cette dernière est prononcée par un ministre ordonné, au nom de l’Église, qu’il représente, car les époux ne peuvent eux-mêmes s’envoyer en mission, ni se donner l’un à l’autre l’Esprit pour accomplir cette mission. Devant le don de Dieu, l’attitude des croyants est celle d’une « réception active » de sa grâce dans leur vie, et d’un consentement à y collaborer chaque jour.

Article extrait de la revue Célébrer, n°336, mai-juin 2005, p 51-53