Les divorcés remariés
La règle
Les développements sur la séparation montrent que l'indissolubilité souffre d'exceptions. Mais celles-ci répondent à des cas bien précis. En droit civil les mariés peuvent divorcer par consentement mutuel, sans qu'il soit nécessaire de chercher des motifs juridiques. En cas de remariage civil l'Eglise considère le (la) remarié en état d'adultère. La personne est par conséquent exclue des sacrements de réconciliation et de l'eucharistie, car ils vivent en état de péché permanent.
3. L’admission à l’Eucharistie ne peut pas leur être accordée. Pour cela, un double motif est mentionné : a) « leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie » ; b) « si l’on admettait ces personnes à l’Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l’indissolubilité du mariage ». Une réconciliation à travers le sacrement de la pénitence – qui ouvre la voie à la réception de l’Eucharistie – peut être accordée uniquement en cas de repentir sur ce qui a eu lieu, avec la disponibilité « à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage ». Cela signifie, concrètement, que lorsqu’il n’est pas possible de mettre un terme à la nouvelle union pour des raisons sérieuses – telle que l’éducation des enfants –, les deux partenaires doivent prendre « l’engagement de vivre en complète continence ». 4. Pour des raisons internes sacramentelles et théologiques, et non à cause d’une obligation légaliste, il est expressément interdit au clergé, tant que subsiste le premier mariage sacramentellement valide, de procéder à des « cérémonies d’aucune sorte » en faveur de divorcés qui se remarient civilement. Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée par Jean-Paul II le 22 novembre 1981.
Amoris Laetitia ouvre la possibilité d'accéder aux sacrements de la réconciliation et de l'Eucharistie lorsque, dans un cas particulier, il existe des limitations qui atténuent la responsabilité et la culpabilité. Il ne s'agit pas à proprement parler de "permissions" pour accéder aux sacrements, mais plutôt d'un processus de discernement accompagné par un pasteur.
Fruit du travail et de la prière de toute l'Église, avec la médiation de deux synodes et du Pape, l’exhortation apostolique Amoris Laetitia du Pape François s'appuie, rappelle le dicastère, sur le «magistère des précédents pontifes, qui reconnaissaient déjà la possibilité pour les divorcés de nouvelles unions d'accéder à l'Eucharistie», à condition qu'ils prennent «l'engagement de vivre dans la pleine continence, c'est-à-dire de s'abstenir des actes propres aux époux» comme l'avait proposé Jean-Paul II, ou bien de «s'engager à vivre leur relation... comme des amis» ainsi que le proposait Benoît XVI. François, s’il maintient «la proposition de la pleine continence pour les personnes divorcées et remariées dans une nouvelle union, mais admet qu'il peut y avoir des difficultés à la pratiquer et permet donc dans certains cas, après un discernement adéquat, l'administration du sacrement de réconciliation même si l'on ne peut pas être fidèle à la continence proposée par l'Église». https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2023-10/divorces-remaries-sacrements-doctrine-de-la-foi-mise-au-point.html
«Il nous coûte (...) de laisser de la place à la conscience des fidèles qui souvent répondent de leur mieux à l’Évangile avec leurs limites et peuvent exercer leur propre discernement dans des situations où tous les schémas sont battus en brèche. Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles » (pape François, Amoris Laetitia 36. 37).
L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. Pape François, La joie de l'Evangile, 47.
Enfermer celui qui a connu l’échec dans la continence et le péché revient à lui infliger une double peine.
Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile (Pape FRANÇOIS, La joie de l’évangile, 297) .
Dire que la personne divorcée remariée vit dans un état de péché permanent, c’est oublier que la miséricorde divine est éternelle et infinie. Que devient une goutte d’eau « impure » qui se déverse continuellement dans un brasier d’amour infini ? Elle s’évapore instantanément. L’Ancien Testament nous enseigne que l’amour est fort comme la mort (Ct 8,6). Jésus Christ nous montre que l’amour triomphe de la mort (1Co 15,55). La loi quel que soit son objet doit nous rendre libres d’aimer en vérité. La lettre tue si elle entrave le don alors que l’Esprit nous ouvre à la vie pour déposer en nous la puissance du don (2Co 3,6). N’oublions pas que le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (Mc 2,27). Si nous avons besoin de lois pour œuvrer ensemble, pour construire la société, pour faire vivre l’Église, le christianisme se réfère à une personne, Jésus Christ, sans laquelle toute pratique ecclésiale perd sa dimension sacrée, sans laquelle les sacrements se tarissent à la source.
À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive (Benoît XVI, Dieu est amour, 1).
Les critères de discernement pour l'accès à la communion.
- La reconnaissance de la volonté de Dieu sur le mariage, c’est-à-dire l’union d’un homme et d’une femme de manière indissoluble ; pour le dire autrement, la proclamation de la foi de l’Église, notamment sur le mariage.
- L’humilité de se reconnaître pécheur face à cet idéal du mariage et de la volonté de Dieu : je reconnais que je n’y corresponds pas aujourd’hui, mais je reconnais que Dieu m’y appelle ; je désire ce chemin.
- L’absence de scandale à une communion publique : en effet, je ne communie pas seulement pour moi-même, mais aussi pour l’édification de l’Église.
- Tout en reconnaissant les deux premiers critères, j’affirme et je discerne le pas que je peux faire, serait-ce dans l’ordre du désir (le désir du désir d’avancer est déjà un pas).
- L’acceptation de la médiation ecclésiale : on ne se donne jamais les sacrements à soi et on les reçoit de l’Église ; ainsi la personne ne discerne pas seule cet acte grave et fort. Cédric Burgun. Voir l'étude.
La bénédiction des divorcés remariés
Le document Fiducia supplicans autorise la bénédiction des divorcés remariés, ces couples n'ayant pas le "droit" au sens canonique de ce terme, de se remarier sacramentellement.
31. Il est possible de bénir les couples en situation irrégulière et les couples de même sexe, sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales, afin de ne pas créer de confusion avec la bénédiction propre au sacrement du mariage. Dans ces cas, on donne une bénédiction qui n'a pas seulement une valeur ascendante, mais qui est aussi l'invocation d'une bénédiction descendante de Dieu lui-même sur ceux qui, se reconnaissant indigents et ayant besoin de son aide, ne revendiquent pas la légitimité de leur propre statut, mais demandent que tout ce qui est vrai, bon et humainement valable dans leur vie et dans leurs relations soit investi, guéri et élevé par la présence de l'Esprit Saint. Ces formes de bénédiction expriment une supplication à Dieu pour qu'il accorde les aides qui proviennent des impulsions de son Esprit – que la théologie classique appelle « grâces actuelles » – afin que les relations humaines puissent mûrir et grandir dans la fidélité au message de l'Évangile, se libérer de leurs imperfections et de leurs fragilités et s'exprimer dans la dimension toujours plus grande de l'amour divin. https://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/documents/rc_ddf_doc_20231218_fiducia-supplicans_fr.html
La bénédiction ne constitue pas un mariage. Elle "dit du bien" sur une situation conjugale. La multiplication des séparations montre la fragilité des couples qui se fondent désormais sur les sentiments. La perspective de faire son chemin avec la même personne durant toute sa vie demeure tant que l'amour s'éprouve. Mais elle disparaît dès que la routine ou les épreuves s'installent dans le couple. Faut-il bénir les couples qui se recomposent et recherchent à nouveau le bonheur ? Ces couples désirent associer Jésus à leur vie conjugale et il serait inapproprié de les laisser au bord du chemin. Si le sacrement de mariage doit demeurer unique pour une personne, sauf nullité et dispense, alors l'Église se doit d'inventer d'autres rites pour accueillir tous les couples.