Le mariage signe pascal
Le sacrement de mariage est une mort/résurrection. Cet événement annonce et préfigure le passage définitif vers l'autre monde où les relations hommes/femmes se vivront sur un autre mode.
Le baptême donne à l'existence une dimension chrétienne. Le baptême fait de chaque sujet un chrétien, un membre de l'Eglise du Christ. Par le baptême chaque personne est plongée individuellement dans la mort et la résurrection du Christ. Chacun le reçoit personnellement. Par contre, le mariage est toujours donné et reçu en relation avec une personne de sexe opposée. Dans le mariage, l'homme et la femme sont immergés ensemble dans le mystère pascal. L'homme donne à la femme le sacrement; la femme donne à l'homme le sacrement; ainsi l'un et l'autre sont entraînés mutuellement à la suite du Christ. La réciprocité de l'échange projette l'homme et la femme dans une mort commune. Leur «oui» est un «oui» au Christ, et cet acquiescement est source de résurrection. L'échange des consentements pourrait se formuler : «Oui, je veux devenir ton époux dans le Christ» : changement radical de perspective, car il s'agit d'une voie qui mène à la mort/résurrection.
Le sacrement de mariage s'enracine dans la mort et la résurrection du Christ. Il participe au mystère pascal. L'homme et la femme sont plongés dans la mort/résurrection du Christ par leur parole et en leur corps. Le consentement donné à l'autre réitère symboliquement la volonté du Christ d'accomplir le dessein de son Père : «Que ce ne soit pas ma volonté mais la tienne qui se réalise (Lc 22, 42).» Le don de soi à l'autre se fonde dans un don radical, unique. Dans le don mutuel, l'homme et la femme ne s'appartiennent plus et la conjonction de l'homme et de la femme symbolise le don total du Christ.
Le don du Christ traverse le temps et l'espace au-delà de toutes les errances et contingences humaines. La croix est le symbole du don total et gratuit. Mais cette folie n'est supportable que parce qu'elle conduit à la résurrection. Le sacrement invite à mourir à soi même pour ressusciter en Christ. La parole échangée consent à la mort du corps. Mais cette mort mène à l'étonnement, à l'émerveillement et à la joie, comme le vécurent les premiers témoins de la résurrection (Lc 24, 1-12). La mort n'est acceptable que parce quelle n'est pas une fin, mais un passage. Le rite du mariage permet de vivre le passage sur un plan anthropologique, psychologique et sociologique. Le sacrement donne à ce passage une dimension pascale. L'homme et la femme meurent en tant que célibataires pour renaître en tant que mariés. Ils renaissent également et surtout de la vie du Christ, dans leur vie de couple.
La mort est le passage obligé pour porter du fruit. «Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul; s'il meurt, il porte beaucoup de fruits (Jn 12, 24).» Les renoncements à soi sont des actes qui symbolisent la mort/résurrection. Il faut mourir à soi-même pour que le couple puisse s'épanouir. La vie conjugale implique
cette souffrance fondamentale de devoir mourir pour renaître, cette nécessaire transformation de soi qui fait de tout amour une passion (X. LACROIX, Le mariage, Les éditions de l'Atelier, 1994, p. 90).
Le couple participe symboliquement à la passion du Christ. Les souffrances liées aux renoncements se transforment en joies dans le mystère de la résurrection. Les renoncements n'occultent pas le «je» de la relation. Il n'est pas de relation hors de la sphère du «je» qui s'adresse à un «tu». Lorsque Jésus dit dans un dernier soupir : «Père, entre tes mains je remets mon esprit (Lc 23, 46.)», il s'abandonne dans la confiance. Et cet abandon ne se réalise que parce que précisément le «je-tu» est maintenu dans son ouverture dialogale. Le «je» de la relation renonce au «moi» pour se donner au «tu». Ainsi, le Christ s'offre à l'humanité dans le don suprême de sa vie. Ce don fonde toute alliance en son nom.L'expérience pascale reste le sommet de l'amour. Elle invite à un don total, sans réserve. Mais ce don n'est possible que dans la confiance et la fidélité. Un don qui mène non pas à la mort inéluctable et définitive, mais à la mort/résurrection. Dans un couple où chacun se donne totalement l'un à l'autre sans réserve, la Pâque conduit à la fécondité. La fécondité constitue en soi un signe pascal. «Le fait que naît un homme... constitue un signe pascal (JEAN-PAUL II, La dimension mystique du langage du corps, Audience générale du 4 juillet 1984).» La souffrance attachée à la procréation se transforme en joie face à la présence d'une nouvelle vie : «Lorsque la femme enfante, elle est dans l'affliction puisque son heure est venue; mais lorsqu'elle a donné le jour à l'enfant, elle ne se souvient plus de son accablement, elle est toute dans la joie d'avoir mis un homme au monde (Jn 16, 21).»
Le sacrement de mariage révèle l'alliance pascale du Christ dans une triple dimension temporelle. Il est mémoire, présence et prophétie. Les époux par leur mariage, rappellent l'amour de Dieu pour son peuple et celui du Christ pour son Eglise; ils opèrent et actualisent cet amour dans le présent; ils annoncent les noces parfaites et éternelle de l'Agneau avec l'Eglise. A travers la famille qu'ils fondent,
ils proclament hautement à la fois les vertus actuelles du royaume de Dieu et l'espoir de la vie bienheureuse (Concile oecuménique Vatican II, Lumen gentium, § 35, Centurion, 1967, p. 72).
Extrait de la thèse.