L’origine du couple

    L’histoire du mariage se structure en six étapes :
  • La naissance du couple et du mariage
  • Les trois premiers siècles après Jésus-Christ : Les chrétiens se marient comme les païens.
  • De Constantin à Charlemagne (IVe au IXe siècle) : Le prêtre est invité aux noces.
  • Le temps de la chrétienté (Xe au XVe siècle) : Le mariage devient un sacrement de l’Église.
  • Les temps modernes (XVIe au XXe siècle) : Mariage civil et mariage chrétien.
  • L’époque contemporaine : À chacun son histoire.

La Bible nous présente la naissance du couple à travers un langage symbolique. Dans le récit le plus ancien (Gn 2-3), un adam vit seul avec des animaux et ne trouve pas de partenaire qui corresponde à sa nature. Dieu décide alors de transformer cet adam originel en un couple. Il retire à l’adam une côte pour en faire une femme. Ainsi l’adam originel se découvre homme face à la femme. Les deux êtres différenciés sont appelés à ne former qu’une seule chair, c’est-à-dire une même vie.

Voir l’étude sur ish et isha.

La réalité historique est sans doute moins poétique, mais le récit de la création n’a pas pour vocation de décrire comment est né le couple.

L’ethnologie montre que le couple nait en même temps que la sédentarisation. Durant la période du Paléolithique supérieur (30000 à 10000 ans avant notre ère), les populations humaines vivent en groupes de plusieurs dizaines d’individus qui se déplacent en fonction de leurs besoins. Ces nomades vivent de la chasse et de la cueillette. Leur première préoccupation est la survie. La notion de couple leur est sans doute étrangère, même si des attachements particuliers ne sont pas à exclure. La prise de conscience de l’unicité de l’autre ne va se faire que très progressivement et il serait inopportun de reporter les catégories actuelles, sexuelles et sociales, dans un passé où l’homme et la femme n’ont pas encore conscience des valeurs conjugales et familiales.

L’existence même du couple serait contestable, si l’on pense que les sépultures collectives témoignent d’une vie clanique. Au contraire, elle semble indiscutable, si l’on étudie les fonds de cabane, dont la taille restreinte n’aurait pas permis la vie en groupes élargis. Un couple, alors, mais monogame ? Oui, si l’on songe que les grands singes, les loups, certains oiseaux s’unissaient déjà à des compagnes éternelles avant que l’homme ne songe à apparaître sur terre. Plutôt polygame, si l’on généralise l’exemple d’une tombe contenant deux squelettes féminins sacrifiés au squelette masculin qu’elles accompagnent. Matriarcal ? Comment aurait-il pu en être autrement, puisque les hommes ne pouvaient connaître le rôle du sperme dans la procréation ? Jean-Claude Bologne. Voir le lien dans la bibliothèque.

Une étape importante se franchit lors de la sédentarisation au Néolithique (-10000), avec l’invention de l’agriculture et de l’élevage. La propriété individuelle apparaît. Chacun doit désormais se prémunir contre les risques de vol. L’homme et la femme prennent aussi conscience de leur descendance. En observant les animaux copuler et mettre bas, ils apprennent à reconnaitre leur propre progéniture. Cette socialisation des relations, associée à la privatisation des biens, entraine aussi un autre regard sur la mort. L’homme et la femme ont désormais des biens à transmettre à leur descendance. Ainsi naissent le couple, la famille, la propriété et le droit qui s’y attache.

Les premiers "mariages" voient le jour durant cette époque du néolithique, sans qu’il soit possible de définir les termes juridiques d’une union, car aucune trace écrite ne nous a été transmise. L’écriture n’apparaît que vers -4000. Les textes juridiques les plus anciens découverts à ce jour forment le Code de Hammourabi (1750 av. J.-C.). Pour la Bible, les textes traitant du couple datent pour la plupart du Ve siècle av. J.-C.

Code d’Hammourabi Bible
§ 128. Si un homme a épousé une femme et n’a pas fixé les obligations de cette femme, cette femme n’est pas épouse.
§ 129. Si la femme d’un homme a été prise au lit avec un autre mâle, on les liera et jettera dans l’eau, à moins que le mari ne laisse vivre sa femme, et que le roi ne laisse vivre son serviteur.
§ 130. Si un homme a violenté la femme d’un homme qui n’a pas encore connu le mâle et demeure encore dans la maison paternelle, s’il a dormi dans son sein, et si on le surprend, cet homme est passible de mort, et cette femme sera relâchée.
§ 131. Si le mari d’une femme l’a incriminée, et si elle n’a pas été surprise dans la couche avec un autre mâle, elle jurera par le nom de Dieu, et elle retournera à sa maison.
§ 132. Si à propos d’un autre mâle, le doigt s’est levé contre la femme d’un homme, et si elle n’a pas été surprise avec un autre mâle dans la couche, à cause de son mari, elle se plongera dans le fleuve.
§ 133. Si un homme a été fait captif, et s’il y a de quoi manger dans sa maison, et si sa femme est sortie de la maison de son époux, est entrée dans une autre maison ; parce que cette femme n’a pas gardé son corps, et est entrée dans une autre maison, on la fera comparaître, et on la jettera dans l’eau.
§ 134. Si un homme a été fait captif, et s’il n’y a pas de quoi manger dans sa maison, et si sa femme est entrée dans une autre maison, cette femme est sans faute.
§ 135. Si un homme a été fait captif, et s’il n’y a pas dans sa maison de quoi manger, à sa disposition, si sa femme est entrée dans une autre maison, y a enfanté des enfants, et si ensuite son mari est revenu et a regagné sa ville, cette femme retournera avec son époux, les fils suivront leur père (respectif).
§ 136. Si un homme a abandonné sa ville, s’est enfui, et si, après lui, sa femme est entrée dans une autre maison, si cet homme revient et veut reprendre sa femme, parce qu’il a dédaigné sa ville et s’est enfui, la femme du fugitif ne retournera pas avec son mari.
§ 137. Si un homme s’est disposé à répudier une concubine qui lui a procréé des enfants ou bien une épouse qui lui a procréé des enfants, il rendra à cette femme sa cheriqtou, et on lui donnera l’usufruit des champ, verger et autre bien, et elle élèvera ses enfants. Après qu’elle aura élevé ses enfants, on lui donnera une part d’enfant de tout ce qui sera donné aux enfants, et elle épousera l’époux de son choix.
§ 138. Si un homme veut répudier son épouse qui ne lui a pas donné d’enfants, il lui donnera (tout l’argent) de sa tirhatou, et lui restituera intégralement la cheriqtou qu’elle a apportée de chez son père, et il la répudiera.
§ 139. S’il n’y a pas de tirhatou, il lui donnera une mine d’argent pour la répudiation.
§ 140. Si c’est un mouchkînou, il lui donnera un tiers de mine d’argent.
§ 141. Si l’épouse d’un homme qui demeure chez cet homme, était disposée à sortir, a provoqué la division, a dilapidé sa maison, négligé son mari, on la fera comparaître et si son mari dit : Je la répudie, il la laissera aller son chemin, et ne lui donnera aucun prix de répudiation. Si son mari dit : Je ne la répudie pas, son mari peut épouser une autre femme, et cette première femme demeurera dans la maison de son mari, comme esclave.
§ 142. Si une femme a dédaigné son mari et lui a dit : Tu ne me posséderas pas, son secret sur le tort qu’elle subit sera examiné, et si elle est ménagère, sans reproche, et si son mari sort et la néglige beaucoup, cette femme est sans faute ; elle peut prendre sa cheriqtou et s’en aller dans la maison de son père.
§ 143. Si elle n’est pas ménagère, mais coureuse, si elle dilapide la maison, néglige son mari, on jettera cette femme dans l’eau.
§ 144. Si un homme a épousé une femme, et si cette femme a donné à son mari une esclave qui a procréé des enfants, si cet homme se dispose à prendre une concubine, on n’(y) autorisera pas cet homme, et il ne prendra pas une concubine.
§ 145. Si un homme a pris une épouse et si elle ne lui a pas donné d’enfants, et s’il se dispose à prendre une concubine, il peut prendre une concubine, et l’introduire dans sa maison. Il ne rendra pas cette concubine l’égale de l’épouse.
§ 146. Si un homme a pris une épouse, et si celle-ci a donné à son mari une esclave qui lui procrée des enfants ; si ensuite cette esclave rivalise avec sa maîtresse, parce qu’elle a donné des enfants, sa maîtresse ne peut plus la vendre ; elle lui fera une marque et la comptera parmi les esclaves.
§ 147. Si elle n’a pas enfanté d’enfants, sa maîtresse peut la vendre.
§ 148. Si un homme a pris une épouse et si une maladie (?) l’a contractée, et s’il se dispose à en prendre une autre, il peut la prendre, mais il ne répudiera pas son épouse que la maladie (?) a contractée ; elle demeurera à domicile, et aussi longtemps qu’elle vivra, il la sustentera.
§ 149. S’il ne plaît pas à cette femme de résider dans la maison de son mari, il lui restituera intégralement la cheriqtou qu’elle a apportée de chez son père, et elle s’en ira.
§ 150. Si un homme a donné en noudounnou à son épouse champ, verger, maison, et lui a laissé une tablette ; après la mort de son mari, ses enfants ne lui contesteront rien ; la mère après sa mort le donnera à l’un des enfants qu’elle préfère, mais elle ne le donnera pas à un frère.
Lémec prit deux femmes : le nom de l’une était Ada, et le nom de l’autre Tsilla. (Gn 4,19).
Si un homme a deux femmes, l’une qu’il aime et l’autre qu’il n’aime pas. (Dt 21,15).
Saraï, femme d’Abram, ne lui avait pas donné d’enfants. Elle avait une servante égyptienne, du nom de Hagar. Et Saraï dit à Abram : voici que le Seigneur m’a empêchée d’enfanter. Va donc vers ma servante ; peut-être que par elle j’aurai un fils. Abram écouta la voix de Saraï… Il alla vers Hagar, et elle devint enceinte. (Gn 16,1-11).
S’il prend une autre femme, il ne retranchera rien pour la première à la nourriture, au vêtement, et au droit conjugal. (Ex 21,10).
David épousa encore d’autres femmes, de rang principal et de second rang, qui lui donnèrent d’autres fils et filles. (2S 5,12).
Salomon eut sept cents princesses pour femmes et trois cents concubines ; et ses femmes détournèrent son cœur. (1R 11,3).
Il prendra pour épouse une femme encore vierge. La veuve, la femme répudiée ou profanée par la prostitution, il ne les prendra pas pour épouses ; c’est seulement une vierge d’entre les siens qu’il prendra pour épouse. (Lv 21,13-14).
Si un homme séduit une vierge qui n’est point fiancée, et qu’il couche avec elle, il paiera sa dot et la prendra pour femme. (Ex 22,16).
Si un homme rencontre une jeune fille vierge non fiancée, lui fait violence et couche avec elle, et qu’on vienne à les surprendre, l’homme qui aura couché avec elle donnera au père de la jeune fille cinquante sicles d’argent ; et, parce qu’il l’a déshonorée, il la prendra pour femme, et il ne pourra pas la renvoyer, tant qu’il vivra. (Dt 22,28-29).
Lorsqu’un homme prend et épouse une femme, mais qu’un jour elle cesse de lui plaire, car il a quelque chose à lui reprocher, il rédige une attestation de rupture (un acte de répudiation), il la lui remet en main propre et la renvoie de chez lui. (Dt 24,1-4).
Quand un homme couche avec une femme de son père, il découvre la nudité de son père ; ils seront mis à mort tous les deux, leur sang retombe sur eux. Quand un homme couche avec sa belle-fille, ils seront mis à mort tous les deux ; ce qu’ils ont fait est de la dépravation, leur sang retombe sur eux. Quand un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ce qu’ils ont fait tous les deux est une abomination ; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux. Quand un homme prend pour épouses une femme et sa mère, c’est une impudicité ; on les brûle, lui et elles ; ainsi il n’y aura pas d’impudicité au milieu de vous. Quand un homme a des relations avec une bête, il sera mis à mort, et vous tuerez la bête. Quand une femme s’approche de quelque bête pour s’y accoupler, tu devras tuer la femme et la bête ; elles seront mises à mort, leur sang retombe sur elles. Quand un homme prend pour épouse sa sœur, fille de son père ou fille de sa mère, et qu’il voit sa nudité, et qu’elle voit sa nudité à lui, c’est une turpitude ; ils seront retranchés, sous les yeux des fils de leur peuple ; pour avoir découvert la nudité de sa sœur, il porte le poids de sa faute. Quand un homme couche avec une femme qui a ses règles et qu’il découvre sa nudité, puisqu’il a mis à nu la source du sang qu’elle perd, et qu’elle-même a découvert cette source, ils seront tous les deux retranchés du sein de leur peuple. Tu ne découvriras pas la nudité de la sœur de ta mère ou de la sœur de ton père ; puisqu’il a mis à nu celle qui est de la même chair que lui, ils portent tous deux le poids de leur faute. Quand un homme couche avec sa tante, il découvre la nudité de son oncle ; ils portent tous deux le poids de leur péché, ils mourront sans enfants. Quand un homme prend pour épouse la femme de son frère, c’est une souillure ; il a découvert la nudité de son frère, ils seront privés d’enfants.(Lv 20,11-21).
Si un homme a des relations sexuelles avec une femme et qu’il s’agisse d’une servante réservée à quelqu’un, mais ni rachetée ni affranchie, cela donne lieu à une indemnisation ; ils ne sont pas mis à mort, car elle n’était pas affranchie (Lv 19,20).
Quand un homme commet l’adultère avec la femme de son prochain, ils seront mis à mort, l’homme adultère aussi bien que la femme adultère. (Lv 20,10).
Tu ne commettras pas l’adultère. (Ex 20,14 ; Dt 5,18).
Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain. (Ex 20,17 ; Dt 5,21).

Les textes de loi ci-dessus organisent la vie en société, bien plus qu’ils ne précisent les modalités d’une vie de couple. L’adultère comme l’inceste sont des actes sévèrement punis.

La monogamie ne se conçoit que dans une relation d’unicité. Le code d’Hammourabi et la Bible attestent de l’existence de la polygamie (Lémec, Abraham, Jacob, David, Salomon) et la règle de la monogamie mettra des siècles à se formaliser. Le Coran admet toujours la possibilité pour un homme d’avoir quatre femmes. La loi française à l’instar des autres cultures occidentales, l’interdit. Mais rien n’empêche le trouple ou le polyamour. Les désirs et les pulsions gouvernent la raison.