Marie, mère de Dieu

Introduction

Marie, mère de Dieu : cette expression, au cœur de la tradition chrétienne depuis les premiers siècles, résume à elle seule une des figures les plus vénérées de l’histoire religieuse. À la fois mère de Jésus et symbole de foi, Marie occupe une place unique dans la théologie, la spiritualité et la culture. Son titre de Theotokos — « celle qui enfante Dieu » — proclamé solennellement au concile d’Éphèse en 431, marque un tournant christologique et marial, tout en soulevant des questions qui traversent les siècles : comment une créature humaine peut-elle être associée à la divinité ? Quel rôle joue-t-elle dans le mystère de l’Incarnation ? Et comment son culte s’est-il développé, entre dévotion populaire et élaborations dogmatiques ?

Cette étude se propose d’explorer la figure de Marie sous un angle exégétique, historique, théologique et culturelle. Nous interrogerons d’abord les sources scripturaires, en analysant les récits évangéliques qui fondent son identité : l’Annonciation, la Nativité, et les épisodes où elle apparaît comme témoin privilégié de la mission de son fils. Nous examinerons ensuite le développement dogmatique de la mariologie, depuis les débats christologiques des IVe et Ve siècles jusqu’aux définitions modernes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption, en passant par les controverses qui ont façonné sa place dans la foi chrétienne. Enfin, une attention particulière sera également portée à la réception de Marie dans la tradition, qu’elle soit liturgique, artistique ou spirituelle, ainsi qu’aux enjeux contemporains qu’elle soulève, notamment dans le dialogue œcuménique et les débats féministes.

En définitive, cette étude vise à montrer comment Marie, bien plus qu’une figure historique, incarne un paradoxe théologique : celui d’une humanité appelée à participer au divin, et d’une maternité qui dépasse les limites du temps et de l’espace. À travers elle, c’est toute la question du rapport entre Dieu et l’homme qui se trouve posée, invitant à une réflexion renouvelée sur l’Incarnation et la place de l’humain dans le salut.

1. Les sources scripturaires : Marie dans les Évangiles

La figure de Marie trouve son fondement dans les Évangiles canoniques, où elle apparaît principalement dans les récits de l’enfance de Jésus (Matthieu et Luc) et dans quelques épisodes clés de sa vie publique (notamment chez Jean). Ces textes, bien que laconiques, posent les bases de sa représentation comme mère du Messie et modèle de foi. Une analyse exégétique permet de dégager les traits essentiels de sa personnalité et de son rôle dans le mystère de l’Incarnation.

1.1. Les récits de l’enfance : Matthieu et Luc

a) L’Annonciation (Luc 1,26-38)

Le récit lucanien de l’Annonciation est central pour comprendre la mission de Marie. L’ange Gabriel la salue comme « pleine de grâce » (κεχαριτωμένη, kecharitōmenē), une expression unique dans le Nouveau Testament, qui suggère une faveur divine exceptionnelle. Sa réponse, « Qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1,38), est traditionnellement interprétée comme un acte de consentement libre et total à la volonté de Dieu. Ce passage soulève plusieurs questions exégétiques : Le sens de « pleine de grâce » : s’agit-il d’une qualité morale ou d’une intervention divine ? Les exégètes comme Raymond E. Brown y voient une indication de la grâce prévenante de Dieu, préparant Marie à son rôle (Brown, La naissance du Messie, p. 342). La virginité de Marie (Luc 1,34) : « Comment cela sera-t-il, puisque je ne connais pas d’homme ? » Ce verset a nourri les débats sur la virginité perpétuelle et la réalité historique de l’Incarnation. Les Pères de l’Église, comme Augustin, y ont vu un signe d’une consécration (De virginitate, 4,4) :

Ce qui rehausse le mérite de sa virginité, ce n'est point que Jésus-Christ, en descendant en elle, s'en soit fait le gardien avant tout contact avec son époux, c'est que cette virginité était déjà par elle consacrée à Dieu avant que le Sauveur la choisît pour sa Mère. C'est là ce que Marie nous fait entendre dans sa réponse à l'ange qui lui annonçait l'Incarnation. « Comment, dit-elle, cela pourra-t-il se faire, puisque je ne connais pas d'homme (Matt. XII, 48-50) ? » Ces paroles supposent clairement que Marie avait déjà voué à Dieu sa virginité. Mais parce qu'un tel vœu était alors contraire aux mœurs des Juifs, elle dut se marier avec un homme juste, lequel devait, non pas lui ravir par violence, mais lui conserver contre toute violence la virginité qu'elle avait vouée. D'ailleurs elle pouvait se contenter de dire : « Comment cela pourra-t-il se faire ? » sans ajouter : puisque « je ne connais point d'homme ». Si elle était mariée dans l'attention d'user du mariage, eût elle demandé comment elle pourrait enfanter le Fils qui lui était promis ?

Dès que, par un prodige éclatant, le Fils de Dieu devait revêtir en elle la forme d'esclave, elle pouvait bien recevoir l'ordre de rester vierge ; mais comme Marie devait servir de modèle aux autres vierges, Dieu ne voulut pas laisser croire que celle-là seule devait rester vierge, qui tout en restant Vierge aurait mérité de devenir mère. Marie voua donc sa virginité quand elle ignorait encore son futur et miraculeux enfantement. Ainsi devait-elle, en imitant la vie des anges dans un corps mortel, être fidèle à un vœu et non pas à un commandement, faire un choix dicté par l'amour et non obéir en esclave. Dès lors, en naissant d'une Vierge qui, avant de connaître sa maternité future, avait voué la virginité, Jésus-Christ montra qu'il préférait approuver la virginité plutôt que de l'imposer. Ainsi voulut-il que la virginité fût libre jusque dans la femme qu'il prit pour sa Mère en se faisant esclave.

La comparaison avec l’Annonciation à Zacharie (Luc 1,5-25) met en lumière le contraste entre la méfiance du prêtre et la foi de Marie, soulignant son rôle exemplaire dans l’économie du salut.

Voir l'étude sur l'évangile de Matthieu.
Voir l'étude sur l'évangile de Luc.

b) La Visitation (Luc 1,39-56) et le Magnificat

La scène de la Visitation, où Marie se rend chez sa cousine Élisabeth, est marquée par le chant du Magnificat (Luc 1,46-55), un cantique qui mêle action de grâce et prophétie. Ce texte, inspiré des psaumes et des prophètes (notamment 1 Samuel 2,1-10), présente Marie comme une figure de l’Israël pauvre et fidèle, tout en annonçant les thèmes de la justice et de la miséricorde divine. Le Magnificat est souvent lu comme un manifeste spirituel, où Marie devient la voix des humbles (Schüssler Fiorenza, In Memory of Her, p. 134). Certains exégètes, comme Joseph Ratzinger, insistent sur le caractère ecclésial de ce cantique : « Marie parle ici au nom de tous les pauvres de Yahvé, dont elle est la représentante » (Ratzinger, Fille Sion, p. 56). Voir l'étude sur la Magnificat.

c) La Nativité (Luc 2,1-20) et la Présentation au Temple (Luc 2,22-38)

Dans le récit de la Nativité, Marie apparaît comme une mère contemplative : « Elle gardait toutes ces choses en son cœur » (Luc 2,19). Ce motif de la méditation réapparaît lors de la Présentation au Temple, où Syméon annonce que « son âme sera transpercée » (Luc 2,35), préfigurant sa souffrance au Calvaire. Ce verset a été interprété comme une référence à sa compassion (littéralement, « souffrir avec ») dans la Passion du Christ.

La tradition patristique, notamment chez Ambroise de Milan, voit dans ce passage une annonce de la co-rédemption, bien que ce terme ne soit pas utilisé dans les Écritures.

Voir l'étude sur Marie co-rédemptrice.

1.2. Marie dans la vie publique de Jésus

a) Les noces de Cana (Jean 2,1-12)

Le seul récit où Marie intervient activement dans le ministère de Jésus est celui des noces de Cana. Sa demande, « Ils n’ont pas de vin » (Jean 2,3), et l’injonction « Faites tout ce qu’il vous dira » (Jean 2,5), ont été lues comme une intercession et un acte de foi en son fils. Ce passage est souvent cité pour illustrer son rôle de médiatrice, bien que le terme soit absent du texte. La réponse de Jésus, « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue » (Jean 2,4), a fait l’objet de nombreuses interprétations. Certains y voient une distance respectueuse (Ratzinger, Jésus de Nazareth, p. 280), d’autres une révélation progressive de son identité messianique.

b) Marie au Calvaire (Jean 19,25-27)

La scène du Calvaire, où Jésus confie Marie à Jean (« Voici ton fils »), est chargée de symbolisme. La tradition y voit la naissance de l’Église, Marie devenant mère des croyants. Ce passage est central dans la théologie de la maternité spirituelle, développée notamment par Jean-Paul II (Redemptoris Mater, 24). L’absence de Marie dans les Évangiles synoptiques (hors de la scène de la Passion chez Marc 15,40) a suscité des hypothèses : certains y voient un silence volontaire, mettant l’accent sur la primauté du Christ (Meier, Un certain Juif, p. 412).

1.3. Silences et absences : une figure discrète

Marie est étrangement absente des récits de la Résurrection, à l’exception d’une mention indirecte en Actes 1,14. Ce silence a nourri des débats :

Pourquoi les Évangiles ne mentionnent-ils pas Marie après la Pentecôte ? Certains exégètes, comme Daniel Marguerat, y voient un choix théologique : « Marie n’est pas un personnage de la prédication apostolique, mais un symbole de l’attente et de la foi » (Les chrétiens et la Bible, p. 189).

L’historicité des récits : Les récits de l’enfance, propres à Matthieu et Luc, sont souvent considérés comme des constructions théologiques plutôt que des récits historiques au sens moderne. Leur valeur réside dans leur portée symbolique (Theissen, Le mouvement de Jésus, p. 45). Ces textes fondateurs, bien que fragmentaires, ont suffi à alimenter une réflexion théologique riche, qui culmine dans les définitions dogmatiques des premiers conciles. C’est ce développement que nous allons maintenant explorer, en nous intéressant particulièrement au titre de Theotokos et à ses implications christologiques.

2. Le développement dogmatique : Marie, Theotokos (Mère de Dieu)

La proclamation de Marie comme Theotokos (« Mère de Dieu ») au concile d’Éphèse en 431 marque un tournant décisif dans l’histoire de la théologie chrétienne. Ce titre, loin d’être une simple dévotion, est au cœur des débats christologiques des IVe et Ve siècles, qui cherchaient à définir la nature du Christ et son rapport à Dieu. Cette partie explore les enjeux théologiques, les controverses et les implications de ce dogme, en s’appuyant sur les textes conciliaires, les écrits des Pères de l’Église et les interprétations contemporaines.

2.1. Les débats christologiques des IVe-Ve siècles

a) Le contexte : l’émergence des hérésies

Marie est-elle mère de Dieu ? La question est avant tout christologique et tourne autour de l’humanité et de la divinité de Jésus. Des hérésies apparaissent durant les premiers siècles de l’Eglise et les Pères de l’Eglise doivent défendre et argumenter la vrai nature du Christ : vrai Dieu et vrai homme sans confusion ni séparation. C’est à partir de ces réflexions qu’ils s’intéressent à Marie puisque c’est elle qui met au monde Jésus. La question qui se pose alors : met-elle au monde uniquement un petit garçon ou également le fils de Dieu ?

    Au IVe siècle, les discussions sur la nature du Christ s’intensifient, opposant notamment :
  • L’arianisme (Arius, début IVe siècle) : Le Christ est une créature, subordonnée au Père.
  • L’apollinarisme (Apollinaire de Laodicée) : Le Christ n’a pas d’âme humaine, sa divinité remplace son esprit.
  • Le nestorianisme (Nestorius, Ve siècle) : Marie ne peut être appelée Theotokos, car elle n’a enfanté que l’homme Jésus, et non le Verbe divin.

Ces controverses révèlent une tension fondamentale : comment concilier l’humanité et la divinité du Christ sans tomber dans le monophysisme (une seule nature) ou le dyophysisme (deux natures séparées) ?

Nestorius, patriarche de Constantinople, s’oppose à l’usage du terme Theotokos, qu’il juge anthropomorphique et susceptible de confondre les natures. Il propose à la place Christotokos (« Mère du Christ »), ce qui déclenche une crise théologique majeure (McGuckin, Saint Cyrille d’Alexandrie, p. 210).

b) Cyrille d’Alexandrie et la défense de la maternité divine

Cyrille d’Alexandrie (376-444) joue un rôle clé dans la défense du titre Theotokos. Pour lui, ce terme est indispensable pour affirmer l’unité du Christ et la réalité de l’Incarnation :

« Si Marie n’est pas Theotokos, alors le Verbe n’a pas vraiment assumé la nature humaine, et le salut est compromis. » (Deuxième lettre à Nestorius, 430).

« Celui, en effet, qui a été engendré par le Père, est dit né d’une femme selon la chair, non pas dans le sens qu’il ait reçu le début de son existence dans la sainte Vierge, mais parce que, en ayant uni à soi la nature humaine selon l’hypostase, il est né d’une femme. C’est pourquoi on dit souvent qu’il est né selon la chair. Voici ce qu’enseigne la doctrine de la foi plus sûre, ce qu’avaient retenu les saints Pères : en effet ils n’ont pas craint d’appeler la sainte Vierge Theotokos (mère de Dieu), non pas en ce sens que la nature du Verbe et sa divinité ait eu de la sainte Vierge le début de son origine, mais qu’en ayant tiré d’elle ce corps sacré perfectionné par l’âme intelligente à qui il était uni selon l’hypostase, se déclare né selon la chair. » (Deuxième lettre à Nestorius, 430).

Il insiste sur l’unité hypostatique : en Marie, le Verbe s’est fait chair, donc elle est bien mère de Dieu.

Cyrille s’appuie sur une lecture patristique des Écritures, notamment sur Athanase d’Alexandrie, pour qui « Dieu s’est fait homme pour que l’homme devienne Dieu » (De Incarnatione, 54). Cette idée de divinisation (théosis) est centrale pour comprendre la portée du dogme marial.

L'hypostase désigne une subsistance fondamentale, un principe premier. L'étymologie donne, pour le mot grec hupostasis : hupo = « dessous » et stases = « station, position ». Les hypostases sont des principes premiers, des réalités fondamentales, dont l'étude relève de la métaphysique ou de la théologie.

2.2. Le concile d’Éphèse (431) : la proclamation solennelle

Grégoire de Naziance (329-390) pose les bases de la réflexion qui seront développées au Concile d'Éphèse :

Si quelqu'un ne croit pas que sainte Marie est Mère de Dieu, il est séparé de la divinité. Si quelqu'un vient à dire que le Christ est passé à travers la Vierge comme à travers un canal sans avoir été formé en elle d'une manière à la fois divine, parce que ce fut sans l’action d’un homme, et humaine, parce que ce fut selon le processus normal de la grossesse -, celui-là est tout aussi bien étranger à Dieu. Si quelqu'un vient à dire que l’homme a d’abord été formé et qu’ensuite Dieu s’est glissé en lui, il est digne de condamnation. […] Si quelqu'un introduit deux Fils, l’un étant celui du Dieu et Père et le second étant celui de la mère, au lieu d’un seul et même Fils, que celui-là soit déchu de l’adoption promise aux hommes qui ont la foi droite. Les natures, en effet, sont au nombre de deux, celle de Dieu et celle de l’homme […] mais il n’y pas deux fils. Lettre 101, (PG 36, 181, dans sources chrétiennes 208, par M.JOURJON, Paris, Cerf, 1974, pp. 43-51).

a) Le déroulement du concile

    Réuni en 431 sous l’impulsion de l’empereur Théodose II, le concile d’Éphèse a pour objectif de trancher la controverse nestorienne. Les débats sont vifs :
  • Les partisans de Cyrille (dont les légats du pape Célestin Iᵉʳ) défendent Theotokos.
  • Les nestoriens, soutenus par l’évêque Jean d’Antioche, proposent un compromis : Theotokos pourrait être accepté, mais avec des restrictions.

Le concile d’Éphèse n’est pas centré sur une approche mariale mais christologique : l’enjeu est de tenir la réalité de l’union des natures – divines et humaines – dans le Christ face à une pensée nestorienne cherchant à distinguer le Verbe de Dieu de l’homme Jésus. En effet pour Nestorius Marie ne pouvait pas être Θεοτόκος (théotokos) mais seulement Chritotokos (« mère du Christ »), c’est à dire mère de l’homme en qui a résidé le logos :

Le concile d'Ephèse (431) entérine que Marie est "théotokos". Lors de ce concile, deux points de vue s’opposent, l’un soutenu par le patriarche Nestorius de Constantinople, l’autre par Cyril d’Alexandrie. Nestorius estime que Marie devait être appelée Christotokos, “Mère du Christ” (litt. “Celle qui porta le Christ” ou “Celle qui engendra le Christ”). Nestorius employait là un terme qui laissait entendre que le Christ était constitué de deux entités distinctes, l’une divine et l’autre humaine. Dès lors, la Vierge Marie, en donnant chair à Jésus, devait être appelée Mère du Christ mais pas Mère de Dieu. Cyril et de nombreux évêques considèrent que le terme adéquat pour désigner la Vierge devait être Theotokos, la Mère de Dieu. La terminologie permet d’attester que Jésus est bien “une personne de deux natures qui sont unies”. Une écrasante majorité se prononce en faveur de l’appellation Theotokos et Nestorius est déchu de son statut de patriarche de Constantinople.

« Si quelqu’un répartit entre deux personnes les paroles contenues dans les évangiles […] et lui attribue les unes comme à un homme considéré séparément à part du Verbe issu de Dieu, et les autres au seul Verbe issu du Dieu Père parce qu’elles conviennent à Dieu, qu’il soit anathème. » Anathème 4 du Concile d’Ephèse.

Le concile aboutit à la condamnation du nestorianisme et à l’adoption d’une formule claire : « Nous confessons que le Verbe de Dieu, né du Père avant les siècles, s’est incarné et s’est fait homme, et que la Vierge Marie est Theotokos, car elle a enfanté selon la chair le Verbe fait chair. » (Canon 1 du concile d’Éphèse).

La divinité du Verbe n’a pas son début en Marie, mais il a pris d’elle et en elle cette nature humaine complète qu’il avait fait sienne selon l’hypostase. Theotokos, donc, ne signifie pas théologiquement "mère de la divinité" mais "mère du Verbe incarné." Etymologiquement théotokos désigne « celle qui enfante Dieu »

Cette décision est confirmée par le pape Sixte III (432-440), qui érige à Rome la basilique Sainte-Marie-Majeure en l’honneur de Marie Theotokos, symbolisant l’unité de l’Église autour de ce dogme.

b) Les implications théologiques

La proclamation de Marie comme Theotokos a des conséquences majeures :

    Pour la christologie :
  • Elle affirme l’unité de la personne du Christ : en Marie, c’est bien le Verbe qui s’incarne, et non une simple association entre un homme et Dieu.
  • Elle rejette toute forme de séparation des natures (dyophysisme radical) ou de confusion (monophysisme).

Pour la mariologie : Marie n’est pas seulement la mère de Jésus, mais elle est associée au mystère de l’Incarnation. Il ne faut pas comprendre ce titre au sens d'une origine divine de Marie sur Dieu, mais comme la reconnaissance de la foi chrétienne que Jésus, fils de Marie, est l’unique Personne du Fils, Dieu éternellement.

Ce titre ouvre la voie à une dévotion mariale plus développée, notamment en Orient, où Marie devient une figure centrale de la piété.

Le concile de Chalcédoine (451) précise :

"Un seul même Christ, Fils, Seigneur, Monogène, reconnu en deux natures, sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation, la différence des deux natures n'étant nullement supprimée à cause de l'union, la propriété de l'une et l'autre nature étant bien plutôt sauvegardée et concourant à une seule personne et une seule hypostase, un Christ ne se fractionnant ni se divisant en deux personnes, mais en un seul et même Fils, unique engendré, Dieu Verbe, Seigneur Jésus-Christ."

2.3. Les développements postérieurs : Immaculée Conception et Assomption

a) L’Immaculée Conception (dogme de 1854)

La question de la sanctification de Marie dès sa conception émerge dès le Moyen Âge, mais elle devient un débat théologique majeur à l’époque moderne. En 1854, le pape Pie IX proclame le dogme de l’Immaculée Conception dans la bulle Ineffabilis Deus : « La bienheureuse Vierge Marie a été préservée, par une grâce et un privilège singulier de Dieu Tout-Puissant, de toute souillure du péché originel, dès le premier instant de sa conception. »

Ce dogme s’appuie sur une lecture typologique de Genèse 3,15 (« Je mettrai une hostilité entre toi et la femme »), interprétée comme une annonce de Marie (Lumen Gentium, 55). Il suscite cependant des résistances, notamment chez les théologiens dominicains, qui y voient une innovation (Congar, Je crois en l’Esprit-Saint, p. 312).

Des théologiens comme Karl Rahner proposent une lecture symbolique : « L’Immaculée Conception exprime la grâce de Dieu qui précède toute faute » (Théologie de la grâce, p. 210).

Voir l'étude sur Immaculée Conception.

b) L’Assomption (dogme de 1950)

Le dogme de l’Assomption, proclamé par Pie XII en 1950 (Munificentissimus Deus), affirme que : « Marie, après avoir achevé le cours de sa vie terrestre, a été élevée corps et âme à la gloire céleste. »

Ce dogme repose sur une tradition ancienne (notamment en Orient, où la Dormition est célébrée dès le VIe siècle), mais il ne fait pas l’unanimité chez les théologiens. Certains, comme Karl Rahner, soulignent son caractère symbolique : « L’Assomption exprime l’espérance de l’Église en la résurrection des corps » (Théologie de la mort, p. 189).

L’Assomption ne repose pas sur un passage scripturaire explicite, mais sur une tradition ecclésiale et une logique théologique (Marie, associée à la victoire du Christ sur la mort).

Le pape Benoît XVI y voit un « signe d’espérance » pour l’humanité (Audience générale, 2006).

Le cardinal Christoph Schönborn suggère que ces dogmes doivent être compris comme des « vérités poétiques », plutôt que comme des faits empiriques (Dieu a envoyé son Fils, p. 156).

Voir l'étude sur l'Assomption.

2.4. Controverses et réceptions œcuméniques

a) Les résistances protestantes

La Réforme protestante (XVIe siècle) rejette les dogmes mariologiques, jugés sans fondement scripturaire :

Luther accepte le titre Theotokos (dans ses Commentaires sur le Magnificat), mais rejette les développements ultérieurs.

Calvin critique la « superstition mariale » (Institution de la religion chrétienne, IV, 9). Le dialogue œcuménique contemporain (notamment depuis Vatican II) a permis un rapprochement sur la figure de Marie, en insistant sur son rôle de modèle de foi plutôt que sur les dogmes (Document de Lima, 1982).

b) Les débats féministes

Depuis le XXe siècle, des théologiennes féministes, comme Elizabeth Schüssler Fiorenza, interrogent la figure de Marie : Est-elle un modèle d’émancipation ou un archétype de soumission ? Son culte a-t-il renforcé les stéréotypes de genre dans l’Église ?

Certaines, comme Ivone Gebara, proposent une relecture de Marie comme « femme de la Libération », soulignant son Magnificat comme un chant de justice sociale (Marie, mère de Dieu, mère des pauvres, p. 45).

Ces développements dogmatiques montrent comment Marie, d’une figure discrète des Évangiles, est devenue un symbole central de la foi chrétienne. Mais au-delà des débats théologiques, c’est dans la tradition liturgique, artistique et spirituelle que son influence s’est le plus profondément enracinée. C’est ce que nous explorerons dans la prochaine partie.

3. Marie dans la tradition et la spiritualité chrétienne

La figure de Marie ne se limite pas aux débats théologiques ou aux définitions dogmatiques. Elle s’incarne aussi dans la piété populaire, la liturgie, l’art, et la culture, où elle devient un symbole universel de foi, de compassion et d’espérance. Cette partie explore comment Marie a inspiré et continue d’inspirer la spiritualité chrétienne à travers les siècles, en s’attachant à ses expressions liturgiques, artistiques et dévotionnelles.

3.1. La dévotion mariale dans l’Église latine et orientale

a) Les fêtes mariales : un calendrier liturgique marqué par Marie

Marie occupe une place centrale dans le calendrier liturgique, avec des fêtes qui ponctuent l’année chrétienne. Parmi les plus importantes :

    En Occident :
  • 8 décembre : Immaculée Conception (dogme de 1854).
  • 25 mars : Annonciation (fête de l’Incarnation).
  • 15 août : Assomption (ou Dormition en Orient).
  • 8 septembre : Nativité de la Vierge.
    En Orient :
  • 21 novembre : Présentation de Marie au Temple (fête de la Theotokos).
  • 1er janvier : Maternité divine de Marie (octave de Noël).
    Ces fêtes reflètent des sensibilités théologiques distinctes :
  • L’Occident insiste sur les dogmes (Immaculée Conception, Assomption).
  • L’Orient met l’accent sur les mystères (Dormition, Présentation au Temple), avec une dimension plus cosmique et eschatologique (Laurentin, Dictionnaire des apparitions de la Vierge, p. 123).

b) Les apparitions mariales : entre piété populaire et reconnaissance ecclésiale

Les apparitions de Marie, souvent liées à des lieux de pèlerinage, ont marqué l’histoire de la dévotion mariale. Parmi les plus célèbres :

Lieu Pays Date Effet
Notre-Dame de Guadalupe Mexique 1531 Unité des peuples, conversion des Amérindiens.
Rue du Bac (Paris) France 1830 Diffusion de la Médaille miraculeuse (« Ô Marie conçue sans péché… »).
Lourdes France 1858 Appel à la prière, à la pénitence et à la foi en l’Immaculée Conception.
Fatima Portugal 1917 Conversion des pécheurs, dévotion au Cœur Immaculé, prière du Rosaire.

Ces apparitions, souvent validées par l’Église après enquête, ont un impact social et politique : Lourdes devient un symbole de réconciliation après les divisions de la Révolution française. Fatima est interprétée comme un appel à la paix pendant la Première Guerre mondiale (Laurentin, Les apparitions de la Vierge, p. 45).

3.2. Marie dans l’art et la culture : une icône universelle

a) L’iconographie mariale : symboles et représentations

    Marie est l’un des sujets les plus représentés dans l’art chrétien. Ses représentations évoluent selon les époques et les cultures :
  • Vierge à l’Enfant (Byzance, Moyen Âge) : Symbole de la tendresse maternelle et de l’Incarnation. Exemple : La Vierge de Vladimir (XIIe siècle), icône byzantine célèbre pour son lyrisme et sa profondeur spirituelle.
  • Pietà (Renaissance) : Marie tenant le Christ mort, comme dans la Pietà de Michel-Ange (1499). Cette représentation exprime la compassion de Marie, associée à la souffrance du Christ (Schiller, Iconographie de l’art chrétien, p. 112).
  • Immaculée Conception (Baroque) : Marie écrasant le serpent (allusion à Genèse 3,15), comme dans L’Immaculée Conception de Murillo (1678). Cette imagerie reflète la théologie de la Rédemption et la victoire sur le péché.

b) Marie dans la littérature et la musique

Marie inspire aussi la création artistique au-delà des arts visuels :

    Littérature :
  • Dante, dans La Divine Comédie (Paradis, Chant XXXIII), décrit Marie comme « la Vierge Mère, fille de son Fils », soulignant son rôle unique dans l’économie du salut.
  • Paul Claudel, dans Le Soulier de satin, fait de Marie une figure de l’amour et du sacrifice.
    Musique :
  • Le Magnificat de Bach (BWV 243) : une œuvre baroque qui célèbre la joie mariale.
  • Ave Maria de Schubert : une prière musicale devenue universelle.
  • Ces œuvres montrent comment Marie transcende les frontières confessionnelles, devenant un symbole de beauté et d’espérance.

3.3. La spiritualité mariale : prières et dévotions

a) Le Rosaire : une prière mariale par excellence

    Le Rosaire, popularisé au Moyen Âge, est une méditation des mystères du Christ à travers le regard de Marie. Il se structure en :
  • Mystères joyeux : Annonciation, Visitation, Nativité, Présentation de Jésus au Temple, Recouvrement de Jésus au Temple.
  • Mystères douloureux : Passion, Flagellation, Couronnement, Port de la croix, Crucifixion.
  • Mystères glorieux : Résurrection, Ascension, Pentecôte, Assomption, Couronnement de Marie.

Jean-Paul II ajoute les Mystères lumineux en 2002 (Rosarium Virginis Mariae), pour insister sur la dimension missionnaire de la foi : Baptême de Jésus, Noces de Cana, Annonce du royaume, Transfiguration, Institution de l’eucharistie.

b) Les prières mariales : du Je vous salue Marie à l’Acathiste

Le Je vous salue Marie : Issu de la tradition médiévale, il combine des éléments bibliques (Luc 1,28.42) et une supplique (« Priez pour nous, pécheurs »). Cette prière est souvent associée à la médiation de Marie, bien que le dogme ne l’ait jamais définie comme co-rédemptrice (Congar, Je crois en l’Esprit-Saint, p. 321).

L’Acathiste (Orient) : Hymne byzantin du VIe siècle, célébrant Marie comme « Championne des fidèles ». Ce texte, chanté debout (a-kathistos = « sans s’asseoir »), est un chef-d’œuvre de la poésie théologique.

… Réjouis-roi ineffable Mère de la Lumière
Réjouis-toi tu as gardé en ton coeur le Mystère
Réjouis-toi en qui est dépassé le savoir des savants
Réjouis-toi en qui est illuminée la foi des croyants…

3.4. Marie et l’écologie : une figure pour notre temps ?

Depuis le XXe siècle, Marie est aussi invoquée comme patronne de l’écologie, notamment depuis l’encyclique Laudato Si’ du pape François (2015). Son titre de « Reine de la création » (Lumen Gentium, 60) est relu comme un appel à protéger la Terre. Des mouvements comme « L’Écologie intégrale » s’appuient sur Marie pour promouvoir une spiritualité de la création (Boff, Marie, mère de la Terre, p. 89).

Marie, à travers ces expressions culturelles et spirituelles, apparaît comme une figure de dialogue entre les Églises, entre les cultures, et même entre les religions. Mais cette universalité ne va pas sans controverses, notamment dans les débats contemporains sur son rôle et sa représentation. C’est ce que nous aborderons dans la dernière partie.

4. Les controverses et les débats contemporains

La figure de Marie, bien qu’universellement vénérée dans le christianisme, reste un sujet de débats théologiques, œcuméniques et sociétaux. Ces controverses touchent à son rôle dans la foi, à sa représentation dans l’Église, et à son interprétation dans un monde en mutation. Cette partie examine les tensions persistantes autour de Marie, en mettant l’accent sur les enjeux œcuméniques, les critiques féministes, et les défis posés par la modernité.

4.1. Marie dans le dialogue œcuménique : un point de division ou de rencontre ?

a) Les différences entre catholiques, orthodoxes et protestants

Marie est un marqueur confessionnel qui révèle les divergences entre les traditions chrétiennes :

    Catholicisme
  • Dogmes de l’Immaculée Conception et de l’Assomption. Dévotion mariale développée.
  • Accusations de « mariolâtrie » (culte excessif) de la part des protestants.
    Orthodoxie
  • Vénération de la Theotokos, mais rejet des dogmes latins postérieurs à 1054.
  • Désaccord sur l’Immaculée Conception (comprise comme purification, non comme préservation du péché originel).
    Protestantisme
  • Rejet des dogmes mariologiques. Marie vue comme un modèle de foi, mais sans culte.
  • Critique de l’absence de fondement scripturaire pour les dogmes mariaux.

Le dialogue œcuménique a progressé depuis Vatican II, notamment avec le document « Marie dans le dessein de Dieu » (1973), qui cherche un langage commun sur Marie comme « figure de l’Église ».

b) Les avancées du dialogue

    Accords partiels :
  • Les luthériens et les catholiques ont publié en 1990 un texte commun sur « La justification par la foi », qui mentionne Marie comme « modèle de la réponse humaine à la grâce ».
  • Les orthodoxes et les catholiques reconnaissent ensemble le titre Theotokos comme essentiel pour la christologie.
    Défis persistants : La médiation mariale (rôle d’intercession) reste un sujet de désaccord. Les apparitions mariales (comme Lourdes ou Fatima) sont souvent perçues comme des obstacles par les protestants.

Le pape François, dans Evangelii Gaudium (2013), insiste sur Marie comme « icône de l’évangélisation », une approche qui pourrait faciliter le dialogue.

4.3. Marie et l’islam : un pont entre les religions ?

Marie (Maryam) est la seule femme nommée dans le Coran (Sourate 19), où elle est présentée comme « élue parmi les femmes » (3:42). Ce point commun ouvre des pistes de dialogue interreligieux :

    Points de convergence :
  • Virginité de Marie et naissance miraculeuse de Jésus (‘Isa).
  • Rôle de Marie comme symbole de pureté et de soumission à Dieu.
    Différences :
  • L’islam rejette la divinité du Christ, donc le titre Theotokos.
  • Marie n’a pas de rôle intercesseur dans l’islam.

Des initiatives comme « Le Rosaire pour la paix » (Assise, 1986) ont utilisé la figure de Marie pour rapprocher chrétiens et musulmans.

Le sociologue Danièle Hervieu-Léger observe que Marie incarne une « religion invisible », où le sacré persiste en dehors des institutions (Le pèlerin et le converti, p. 189).

Conclusion

Marie, « Mère de Dieu » et « mère des hommes », reste une figure à la fois unifiante et clivante. Son histoire théologique, de l’Évangile aux dogmes contemporains, révèle les tensions entre tradition et modernité, entre foi et raison, entre dévotion et critique. Pourtant, son universalité, traversant les cultures, les confessions et même les religions en fait un symbole intemporel de l’espérance humaine.

    À l’heure où l’Église cherche à se renouveler, Marie pourrait bien être une clé pour repenser :
  • Le rôle des femmes dans la théologie et la société.
  • Le dialogue entre les chrétiens, mais aussi avec l’islam et le judaïsme.
  • La place de la spiritualité dans un monde sécularisé.

Et si Marie, plutôt que d’être un objet de controverse, devenait un lieu de rencontre entre le ciel et la terre, entre les hommes et Dieu, entre les traditions et l’avenir ?

Annexes

Puisqu’il n’y a en Jésus-Christ qu’une seule personne, Marie est la mère de cette personne, et puisque cette personne est la mère du fils de Dieu, Marie est véritablement Mère de Dieu. À l’instant même où elle acquiesça à la parole de l’archange, le Saint-Esprit forma de sa chair virginale une chair capable de recevoir une âme humaine et, à ce même instant, cette chair, vivifiée par cette âme raisonnable, fut unie substantiellement au Verbe divin. Puisque la nature humaine du Seigneur entra ainsi, dès que formée au sein de Marie, dans la personne du Verbe, cette personne est née de Marie. Certes, Marie n’a pas enfanté la nature divine du Verbe incarné, ce qui n’empêche pas, qu’à cause de l’unité de la personne de Jésus-Christ, le Père a pu dire de l’homme que Jean-Baptiste baptisait dans les eaux du Jourdain : Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui j’ai mis toute ma faveur. Christian-Philippe Chanut, « Marie, Mère de Dieu », https://claves.org/saint-cyrille-dalexandrie-defenseur-de-la-maternite-divine/

"Je trouve très surprenant qu’il y ait des gens pour se demander vraiment si la Sainte Vierge doit être appelée Mère de Dieu. Car si notre Seigneur Jésus est Dieu, comment la Vierge qui l’a engendré ne serait-elle pas la Mère de Dieu ? Telle et la foi que nous ont transmise les saints Apôtres, même s’ils n’ont pas employé cette expression. C’est l’enseignement que nous avons reçu des saints Pères, en particulier notre Père de glorieuse mémoire, Athanase […] Au troisième livre de l’ouvrage qu’il a composé sur la Trinité sainte et consubstantielle, il donne constamment à la Sainte Vierge le titre de Mère de Dieu. Je dois citer ses propres paroles. Les voici : "La sainte Ecriture, nous l’avons fait remarquer bien souvent, se caractérise principalement en ceci, qu’elle présente, au sujet du Sauveur, une double affirmation : d’une part qu’il est le Dieu éternel, le Fils, le Verbe, le Resplendissement et la Sagesse du Père ; d’autre part que dans les derniers temps, pour notre salut, il a pris chair de la Vierge Marie, Mère de Dieu, et s’est fait homme." […] On doit donc confesser que l’Emmanuel est constitué de deux éléments : la divinité et l’humanité. Cependant, il y a un seul Seigneur, Jésus Christ, un seul vrai Fils, qui est tout ensemble Dieu et homme ; non pas un homme divinisé, comme ceux qui le sont par la grâce, mais vrai Dieu qui s’est manifesté dans la forme humaine pour notre salut. C’est ce que nous affirme à ce sujet le bienheureux Paul : Lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé son Fils ; il est né d’une femme, il a été sujet de la Loi juive pour racheter ceux qui étaient sujets de la Loi et pour faire de nous des fils adoptifs." (Lettre attribuée à St Cyrille à tous les moines d’Egypte avant le concile d’Ephèse (431), Livre des Jours, pp. 1464-1465)

St Jean Damascène († vers 750). Comme celui que nous adorons est Dieu, [...] qui dépasse toute cause, parole, idée soit de temps soit de nature, c'est la Mère de Dieu que nous honorons et vénérons…Et s'incarnant, il naît de cette Vierge sacrée sans union humaine, restant lui-même Dieu tout entier, et tout entier devenu homme, pleinement Dieu avec sa chair, et pleinement homme avec son infinie divinité. Nous ne l'appelons pas une déesse - loin de nous ces fables de l'imposture grecque - puisque nous annonçons aussi sa mort. Mais nous la reconnaissons pour la Mère de Dieu incarné. Qu'y a-t-il de plus glorieux que d'avoir donné accueil au dessein de Dieu ?

Dans la foi de l’Ancien Testament, la femme ne tient positivement aucune place, a-t-on conclu ; une théologie de la femme n’existe pas ou ne peut pas exister, puisque bien plus il s’agit précisément d’exclure la femme de la théo-logie, du discours sur Dieu. La mariologie ne serait alors considérée que comme l’intrusion d’un modèle non biblique. Par conséquent, le Concile d’Éphèse (431) qui confirma le titre de Marie comme Mère de Dieu et le défendit, a assuré en réalité une place dans l’Église à la grande génitrice de la piété païenne, autrefois repoussée. Mais précisément,les présupposés vétérotestamentaires de cette approche sont erronés, car si la foi prophétique refuse le modèle de « Syzygies », c’est à dire des divinités représentées en couple et de leur correspondance cultuelle dans la prostitution sacrée, elle attribue cependant à sa façon, par son modèle de foi et de vie, une place indispensable à la femme, correspondant au mariage dans la vie humaine (Zur théologie der Ehe, in GREEVEN, RATZINGER, SCHNAKENBURG, WENDLAND, Theologie der Ehe, Ratisbonne-Göttingen, 1969).

Marie est la seule mère qui ait pu, librement, en pleine connaissance, choisir l’enfant que Dieu voulait lui donner. Et le Très-Haut a attendu son fiat, son consentement pour lui accorder son Fils... Si Marie a choisi son Fils, il est encore beaucoup plus vrai de dire que le Fils a choisi sa Mère et ce choix est souverainement libre. Comme nous l’avons déjà noté, la Maternité divine se distingue des autres maternités, car elle ne se termine pas seulement à une âme créée directement par Dieu, mais à une Personne divine préexistante. Thomas Philippe, Des Ressources incomparables de la Maternité divine, https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1948-v4-n1-ltp0932/1019801ar.pdf