La séparation des époux

Le mariage religieux est indissoluble, ce qui a pour conséquence l'impossibilité pour l'homme et la femme de se remarier religieusement en cas de rupture conjugale.

L'homme et la femme sont donc mariés « pour toute la vie ». Cette formule souffre néanmoins de plusieurs exceptions : la séparation, la dissolubilité sous la forme de dispense et la nullité. La première signifie que les époux vivent séparément, mais demeurent mariés ; la seconde, que les époux sont mariés jusqu’à la date de dissolution ; la troisième que le mariage n’a jamais existé.

La séparation avec maintien du mariage

La communauté de vie et d’amour n’est pas indestructible. Certains couples cèdent à la facilité et se séparent parce que l’herbe paraît plus verte ailleurs. D’autres vivent des situations dramatiques et l’Église le reconnaît. La séparation est alors la seule issue. Elle concerne les situations où la vie en couple devient impossible, en cas de violence et de viol, lorsque l’intégrité physique et morale de l’un des partenaires, voire des enfants est mise en danger (canon 1151-1155). L’Église admet d’ailleurs le divorce civil lorsque cette procédure est l’ultime recours pour garantir certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense du patrimoine.

CEC 2383 : La séparation des époux avec maintien du lien matrimonial peut être légitime en certains cas prévus par le Droit canonique (cf. CIC, cann. 1151-1155 ci-dessous).
Si le divorce civil reste la seule manière possible d’assurer certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense du patrimoine, il peut être toléré sans constituer une faute morale.

Le conjoint qui, constatant que la relation conjugale n’est plus une expression d’amour, décide de se séparer de qui menace la paix ou la vie des membres de sa famille, ne pose pas alors un acte contraire au mariage ; au contraire, il atteste, paradoxalement, de la beauté et de la sainteté du lien, précisément en constatant que celui-ci ne réalise pas pleinement son sens dans des conditions d’injustice et d’infamie. Commission Biblique Pontificale, Qu’est-ce que l’homme, 16/12/2020. Cité par le journal La Croix.

Il est vrai, d’autre part, qu’il y a des cas où la séparation est inévitable. Parfois, elle peut devenir moralement nécessaire, lorsque justement, il s’agit de soustraire le conjoint le plus faible, ou les enfants en bas âge, aux blessures les plus graves causées par l’abus et par la violence, par l’avilissement et par l’exploitation, par l’extranéité et par l’indifférence (Pape François, Audience générale du 24 juin 2015).

Le couple séparé ne peut néanmoins pas se remarier en Église, ni même avoir des relations sexuelles avec un tiers, sous peine d’adultère. Est-ce humainement recevable ?

Can. 1151 - Les conjoints ont le devoir et le droit de garder la vie commune conjugale, à moins qu'une cause légitime ne les en excuse.
Can. 1152 - § 1. Bien qu'il soit fortement recommandé que le conjoint, mû par la charité chrétienne et soucieux du bien de la famille, ne refuse pas son pardon à la partie adultère et ne rompe pas la vie conjugale, si cependant il n'a pas pardonné la faute de manière expresse ou tacite, il a le droit de rompre la vie commune conjugale, à moins qu'il n'ait consenti à l'adultère, n'en soit la cause ou n'ait commis lui aussi l'adultère.
Can. 1153 - § 1. Si l'un des conjoints met en grave danger l'âme ou le corps de l'autre ou des enfants, ou encore si, d'une autre manière, il rend la vie commune trop dure, il donne à l'autre un motif légitime de se séparer en vertu d'un décret de l'Ordinaire du lieu et même, s'il y a risque à attendre, de sa propre autorité.
§ 2. Dans tous les cas, dès que cesse le motif de la séparation, la vie commune conjugale doit être reprise, à moins que l'autorité ecclésiastique n'en ait décidé autrement.

La dissolution du mariage

Dissoudre signifie « mettre légalement fin ». La dissolution met fin au contrat et au sacrement, ce que l’Église rejette.

Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas. (Mt 19,6).

Le contexte social de ce précepte montre que Jésus défend la cause des femmes. La femme ne dispose en effet d’aucune autonomie. Elle passe de l’autorité du père à celle de son mari qui dispose d’un pouvoir de répudiation. Or la répudiation condamne inexorablement la femme à la rue, voire à la prostitution. En interdisant la répudiation, Jésus place l’homme et la femme sur une égalité conjugale qui mettra des siècles à se concrétiser. Les disciples de Jésus pensent d’ailleurs tout haut qu’il vaut mieux ne pas se marier dans ces conditions (Mt 19,10). Le mot "porneia" difficilement traduisible se rencontre 56 fois sous différentes formes dans le Nouveau Testament. Il prend le sens de fornication, d’adultère, de débauche, d’impudicité, en somme de toute forme d’union illégitime. Les Églises protestantes et orthodoxes admettent la dissolution pour ces cas.

Pour l’Église catholique, cette incise matthéenne fonde le principe d’indissolubilité du mariage. Elle a fait couler beaucoup d’encre et de nombreux couples séparés ne la comprennent pas. Une parole donnée ne peut effectivement pas être reprise ; elle reste à jamais gravée dans les mémoires. De même, les relations sexuelles demeurent inscrites dans les corps comme un sceau inaltérable. Le sens théologique confirme ce principe d’indissolubilité. Dieu demeure éternellement fidèle à ses engagements. Le Christ se donne pour toujours à son Église.

L’Église prévoit néanmoins trois cas bien précis de dissolution avec dispense : le privilège paulin, le privilège pétrinien et la non consommation.

Rappelons que l’Eglise reconnait le mariage civil comme un mariage naturel pour les non-catholiques. Mais, pour les catholiques « seuls sont valides les mariages contractés devant » un prêtre ou un diacre. Canoniquement, si le mariage civil a lieu avant le mariage religieux, il est un « mariage nul pour défaut de forme ». S’il a lieu après le mariage religieux, il serait plutôt qualifié de renouvellement non canonique du consentement.

Le privilège paulin

Le privilège paulin (qu’il soit consommé ou non) : il s’agit en ce cas d’un mariage valide aux yeux de l’Église entre deux non-baptisés dont l’un a reçu le baptême après ce mariage - ce dernier, nouvellement baptisé, pourra contracter un nouveau mariage si son conjoint refuse le baptême ou en l’absence de baptême, refuse une cohabitation pacifique avec lui.

Cette règle se fonde sur les propos de Paul :

Si un frère a une femme non croyante et qu'elle consente à vivre avec lui, qu'il ne la répudie pas. Et si une femme a un mari non croyant et qu'il consente à vivre avec elle, qu'elle ne le répudie pas. Car le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari. S'il en était autrement, vos enfants seraient impurs, alors qu'ils sont saints. Si le non-croyant veut se séparer, qu'il le fasse ! Le frère ou la sœur ne sont pas liés dans ce cas : c'est pour vivre en paix que Dieu vous a appelés. En effet, sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari ? Sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? (1Co 7,12s)

Un mariage entre chrétien et non-croyant est donc valide, mais il n'est pas sacramentel. Car un non-baptisé ne peut pas recevoir un sacrement et le mariage ne peut être sacramentel que pour les deux époux. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui un mariage «avec disparité de culte».

Can. 1143 - § 1. Le mariage contracté par deux non-baptisés est dissous en vertu du privilège paulin en faveur de la foi de la partie qui a reçu le baptême, par le fait même qu'un nouveau mariage est contracté par cette partie, pourvu que la partie non baptisée s'en aille.
§ 2. La partie non baptisée est censée s'en aller si elle refuse de cohabiter ou de cohabiter pacifiquement sans injure au Créateur avec la partie baptisée, à moins que cette dernière après la réception du baptême ne lui ait donné une juste cause de départ.

Le privilège pétrinien

Le privilège pétrinien : Il est possible d’obtenir du Pape (d'où le nom "pétrinien"), la dispense ou la dissolution d’un mariage entre une partie baptisée et une partie non-baptisée d’un mariage dit "dispar", c’est-à-dire conclu entre une partie baptisée et une partie non-baptisée. La dissolution en faveur de la foi (autre nom de ce privilège) permet la dissolution d'un mariage naturel (un mariage civil ou religieux, non catholique), lorsque celui-ci a eu lieu entre deux personnes non baptisées et que l'un des contractant reçoit le baptême. Cette expression désigne une extension du privilège paulin, à des cas non prévus par Paul, tels que la polygamie et les mariages dispars.

La non consommation

Can. 1061 - § 1. Le mariage valide entre baptisés est appelé conclu seulement, s'il n'a pas été consommé; conclu et consommé, si les conjoints ont posé entre eux, de manière humaine, l'acte conjugal apte de soi à la génération auquel le mariage est ordonné par sa nature et par lequel les époux deviennent une seule chair.
§ 2. Une fois le mariage célébré, si les conjoints ont cohabité, la consommation est présumée, jusqu'à preuve du contraire.

Seul un mariage consommé est indissoluble. Mais la clause canonique de non consommation se justifie-t-elle encore aujourd’hui alors que de nombreux couples ont des relations sexuelles avant le mariage ? Sa suppression sur un plan juridique n’enlèverait rien à la dimension anthropologique et théologique du don du corps. Par ailleurs, l’acte sexuel relève-t-il du juridique ? S’il convient de définir des normes éthiques, la sexualité se saurait être enfermée dans un code de droit religieux uniforme pour l’ensemble des peuples. Enfin, suffit-il que le mari pénètre la femme pour constater la consommation ? Le code de droit canonique pose simplement la condition que l’acte soit réalisé de « manière humaine » (canon 1061). Faut-il que les deux époux jouissent ensemble ? À supposer que le couple n’a jamais vécu de relation sexuelle avant le mariage, il est fort probable que la première conjonction charnelle soit plus une découverte parsemée d’hésitations et d’interrogations, qu’un don total corps et esprit. La perte de la virginité, si elle a lieu, appose un sceau, mais l’acte ne signifie pas pour autant ce qu’il réalise. Seul l’engagement dans l’amour lui donne le sens de don total et la prise de conscience de ce sens ne se fait pas en une nuit.

Dans cette perspective, comment juger un couple dont l’un des conjoints refuse définitivement de se donner au bout d’un certain nombre d’années de mariage ? N’est-ce pas une cause de dissolution, car une telle attitude risque fort de tenter le conjoint délaissé de se jeter dans les bras d’un nouveau partenaire, comme le remarque Paul ?

Serait-il également envisageable d’admettre une dissolution du lien pour les motifs de séparation citée ci-dessus ou pour la pornéia dont parle Jésus (Mt 19,9)  ? Enfin, ne serait-il pas possible de différencier le coupable de l’innocent, dans les cas où celui-ci est clairement identifié ?

On se souvient que, dans cet esprit, Mgr Zoghby, vicaire patriarcal melkite d’Égypte, a proposé, lors d’une séance du concile Vatican II, que l’Église catholique admette une dispense de l’indissolubilité en faveur du conjoint innocent (Paul de CLERCK, Un deuxième mariage sacramentel) .

En résumé, n’est indissoluble que le mariage consommé entre deux baptisés. Tous les autres mariages valides peuvent être dissous. Les ex-époux obtiennent alors une dispense pour se remarier en Église.

Can. 1141 - Le mariage conclu et consommé ne peut être dissous par aucune puissance humaine ni par aucune cause, sauf par la mort.
Can. 1142 - Le mariage non consommé entre des baptisés ou entre une partie baptisée et une partie non baptisée peut être dissous par le Pontife Romain pour une juste cause, à la demande des deux parties ou d'une seule, même contre le gré de l'autre.

Les divorcés remariés

Les développements cidessous montrent que la non séparation et l'indissolubilité souffrent d'exceptions. Mais celles-ci répondent à des cas bien précis. En droit civil les mariés peuvent divorcer par consentement mutuel, sans qu'il soit nécessaire de chercher des motifs juridiques. En cas de remariage civil l'Eglise considère le (la) remarié en état d'adultère. La personne est par conséquent exclue des sacrements de réconciliation et de l'eucharistie, car ils vivent en état de péché permanent.

3. L’admission à l’Eucharistie ne peut pas leur être accordée. Pour cela, un double motif est mentionné : a) « leur état et leur condition de vie est en contradiction objective avec la communion d’amour entre le Christ et l’Église, telle qu’elle s’exprime et est rendue présente dans l’Eucharistie » ; b) « si l’on admettait ces personnes à l’Eucharistie, les fidèles seraient induits en erreur et comprendraient mal la doctrine de l’Église concernant l’indissolubilité du mariage ». Une réconciliation à travers le sacrement de la pénitence – qui ouvre la voie à la réception de l’Eucharistie – peut être accordée uniquement en cas de repentir sur ce qui a eu lieu, avec la disponibilité « à une forme de vie qui ne soit plus en contradiction avec l’indissolubilité du mariage ». Cela signifie, concrètement, que lorsqu’il n’est pas possible de mettre un terme à la nouvelle union pour des raisons sérieuses – telle que l’éducation des enfants –, les deux partenaires doivent prendre « l’engagement de vivre en complète continence ». 4. Pour des raisons internes sacramentelles et théologiques, et non à cause d’une obligation légaliste, il est expressément interdit au clergé, tant que subsiste le premier mariage sacramentellement valide, de procéder à des « cérémonies d’aucune sorte » en faveur de divorcés qui se remarient civilement. Exhortation apostolique Familiaris consortio, publiée par Jean-Paul II le 22 novembre 1981.

Amoris Laetitia ouvre la possibilité d'accéder aux sacrements de la réconciliation et de l'Eucharistie lorsque, dans un cas particulier, il existe des limitations qui atténuent la responsabilité et la culpabilité. Il ne s'agit pas à proprement perler de "permissions" pour accéder aux sacrements, mais plutôt d'un processus de discernement accompagné par un pasteur.

Fruit du travail et de la prière de toute l'Église, avec la médiation de deux synodes et du Pape, l’exhortation apostolique Amoris Laetitia du Pape François s'appuie, rappelle le dicastère, sur le «magistère des précédents pontifes, qui reconnaissaient déjà la possibilité pour les divorcés de nouvelles unions d'accéder à l'Eucharistie», à condition qu'ils prennent «l'engagement de vivre dans la pleine continence, c'est-à-dire de s'abstenir des actes propres aux époux» comme l'avait proposé Jean-Paul II, ou bien de «s'engager à vivre leur relation... comme des amis» ainsi que le proposait Benoît XVI. François, s’il maintient «la proposition de la pleine continence pour les personnes divorcées et remariées dans une nouvelle union, mais admet qu'il peut y avoir des difficultés à la pratiquer et permet donc dans certains cas, après un discernement adéquat, l'administration du sacrement de réconciliation même si l'on ne peut pas être fidèle à la continence proposée par l'Église». https://www.vaticannews.va/fr/vatican/news/2023-10/divorces-remaries-sacrements-doctrine-de-la-foi-mise-au-point.html

«Il nous coûte (...) de laisser de la place à la conscience des fidèles qui souvent répondent de leur mieux à l’Évangile avec leurs limites et peuvent exercer leur propre discernement dans des situations où tous les schémas sont battus en brèche. Nous sommes appelés à former les consciences, mais non à prétendre nous substituer à elles » (pape François, Amoris Laetitia 36. 37).
L’Eucharistie, même si elle constitue la plénitude de la vie sacramentelle, n’est pas un prix destiné aux parfaits, mais un généreux remède et un aliment pour les faibles. Pape François, La joie de l'Evangile, 47.

Enfermer celui qui a connu l’échec dans la continence et le péché revient à lui infliger une double peine.

Personne ne peut être condamné pour toujours, parce que ce n’est pas la logique de l’Évangile (Pape FRANÇOIS, La joie de l’évangile, 297) .

Dire que la personne divorcée remariée vit dans un état de péché permanent, c’est oublier que la miséricorde divine est éternelle et infinie. Que devient une goutte d’eau « impure » qui se déverse continuellement dans un brasier d’amour infini ? Elle s’évapore instantanément. L’Ancien Testament nous enseigne que l’amour est fort comme la mort (Ct 8,6). Jésus Christ nous montre que l’amour triomphe de la mort (1Co 15,55). La loi quel que soit son objet doit nous rendre libres d’aimer en vérité. La lettre tue si elle entrave le don alors que l’Esprit nous ouvre à la vie pour déposer en nous la puissance du don (2Co 3,6). N’oublions pas que le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (Mc 2,27). Si nous avons besoin de lois pour œuvrer ensemble, pour construire la société, pour faire vivre l’Église, le christianisme se réfère à une personne, Jésus Christ, sans laquelle toute pratique ecclésiale perd sa dimension sacrée, sans laquelle les sacrements se tarissent à la source.

À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive (Benoît XVI, Dieu est amour, 1).

La bénédiction des divorcés remariés

Le document Fiducia supplicans autorise la bénédiction des divorcés remariés, ces couples n'ayant pas le "droit" au sens canonique de ce terme, de se remarier sacramentellement. Soulignons que dans la religion orthodoxe, un époux divorcé a le droit de se remarier religieusement. L’Église protestante accepte également la possibilité de bénir une nouvelle union (il n'y a pas de sacrement de mariage dans le protestantisme).

La bénédiction ne constitue pas un mariage. Elle "dit du bien" sur une situation conjugale. La multiplication des séparations montre la fragilité des couples qui se fondent désormais sur les sentiments. La perspective de faire son chemin avec la même personne durant toute sa vie demeure tant que l'amour s'éprouve. Mais elle disparaît dès que la routine ou les épreuves s'installent dans le couple. Faut-il bénir les couples qui se recomposent et recherchent à nouveau le bonheur ? Ces couples désirent associer Jésus à leur vie conjugale et il serait inapproprié de les laisser au bord du chemin. Si le sacrement de mariage doit demeurer unique pour une personne, sauf nullité et dispense, alors l'Église se doit d'inventer d'autres rites pour accueillir tous les couples.