La séparation des époux

Indissolubilité

Le mariage sacramentel et consommé est indissoluble, ce qui a pour conséquence l'impossibilité pour l'homme et la femme de se remarier religieusement en cas de rupture conjugale.

L'homme et la femme sont donc mariés « pour toute la vie ». Cette formule souffre néanmoins de plusieurs exceptions : la séparation, la dissolubilité sous la forme de dispense et la nullité. La première signifie que les époux vivent séparément, mais demeurent mariés ; la seconde, que les époux sont mariés jusqu’à la date de dissolution ; la troisième que le mariage n’a jamais existé.

Pourquoi l’Église ne peut dissoudre un mariage « ratum et consummatum » Cette vision christologique du mariage chrétien permet encore de comprendre pourquoi l’Église ne se reconnaît aucun droit de dissoudre un mariage ratum et consummatum, c’est-à-dire un mariage sacramentellement contracté dans l’Église et ratifié par les époux eux-mêmes dans leur chair. En effet, l’entière communion de vie, qui humainement parlant définit la conjugalité, évoque à sa manière le réalisme de l’Incarnation où le Fils de Dieu ne fait plus qu’un avec l’humanité dans la chair. En s’engageant l’un pour l’autre dans la tradition sans réserve d’eux-mêmes, les époux signifient leur passage effectif à la vie conjugale, où l’amour devient un partage aussi absolu que possible de soi-même avec l’autre. Ils entrent ainsi dans la conduite humaine dont le Christ a rappelé le caractère irrévocable et dont il a fait une image révélatrice de son propre mystère. L’Église ne peut donc rien sur la réalité d’une union conjugale qui a passé au pouvoir de Celui dont elle doit annoncer et non pas résorber le mystère. Thèses de Gustave Martelet, reprises par la Commission théologique internationale. Voir le lien dans la bibliothèque.

La séparation avec maintien du mariage

La communauté de vie et d’amour n’est pas indestructible. Certains couples cèdent à la facilité et se séparent parce que l’herbe paraît plus verte ailleurs. D’autres vivent des situations dramatiques et l’Église le reconnaît. La séparation est alors la seule issue. Elle concerne les situations où la vie en couple devient impossible, en cas de violence et de viol, lorsque l’intégrité physique et morale de l’un des partenaires, voire des enfants est mise en danger (canon 1151-1155). L’Église admet d’ailleurs le divorce civil lorsque cette procédure est l’ultime recours pour garantir certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense du patrimoine.

CEC 2383 : La séparation des époux avec maintien du lien matrimonial peut être légitime en certains cas prévus par le Droit canonique (cf. CIC, cann. 1151-1155 ci-dessous).
Si le divorce civil reste la seule manière possible d’assurer certains droits légitimes, le soin des enfants ou la défense du patrimoine, il peut être toléré sans constituer une faute morale.

Le conjoint qui, constatant que la relation conjugale n’est plus une expression d’amour, décide de se séparer de qui menace la paix ou la vie des membres de sa famille, ne pose pas alors un acte contraire au mariage ; au contraire, il atteste, paradoxalement, de la beauté et de la sainteté du lien, précisément en constatant que celui-ci ne réalise pas pleinement son sens dans des conditions d’injustice et d’infamie. Commission Biblique Pontificale, Qu’est-ce que l’homme, 16/12/2020. Cité par le journal La Croix.

Il est vrai, d’autre part, qu’il y a des cas où la séparation est inévitable. Parfois, elle peut devenir moralement nécessaire, lorsque justement, il s’agit de soustraire le conjoint le plus faible, ou les enfants en bas âge, aux blessures les plus graves causées par l’abus et par la violence, par l’avilissement et par l’exploitation, par l’extranéité et par l’indifférence (Pape François, Audience générale du 24 juin 2015).

Divers motifs, tels que l'incompréhension réciproque, l'incapacité de s'ouvrir à des relations interpersonnelles, etc., peuvent amener à une brisure douloureuse, souvent irréparable, du mariage valide. JEAN-PAUL II, Familiaris consortio, § 83, Tâches familiales, 1982, p. 95.

Le couple séparé ne peut néanmoins pas se remarier en Église, ni même avoir des relations sexuelles avec un tiers, sous peine d’adultère. Est-ce humainement recevable ?

Can. 1151 - Les conjoints ont le devoir et le droit de garder la vie commune conjugale, à moins qu'une cause légitime ne les en excuse.
Can. 1152 - § 1. Bien qu'il soit fortement recommandé que le conjoint, mû par la charité chrétienne et soucieux du bien de la famille, ne refuse pas son pardon à la partie adultère et ne rompe pas la vie conjugale, si cependant il n'a pas pardonné la faute de manière expresse ou tacite, il a le droit de rompre la vie commune conjugale, à moins qu'il n'ait consenti à l'adultère, n'en soit la cause ou n'ait commis lui aussi l'adultère.
Can. 1153 - § 1. Si l'un des conjoints met en grave danger l'âme ou le corps de l'autre ou des enfants, ou encore si, d'une autre manière, il rend la vie commune trop dure, il donne à l'autre un motif légitime de se séparer en vertu d'un décret de l'Ordinaire du lieu et même, s'il y a risque à attendre, de sa propre autorité.
§ 2. Dans tous les cas, dès que cesse le motif de la séparation, la vie commune conjugale doit être reprise, à moins que l'autorité ecclésiastique n'en ait décidé autrement.

La dissolution du mariage

Dissoudre signifie « mettre légalement fin ». La dissolution met fin au contrat et au sacrement, ce que l’Église rejette.

Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas... Si quelqu'un répudie sa femme – sauf en cas d'union illégale (porneia) – et en épouse une autre, il est adultère. » (Mt 19,6-9).

Le contexte social de ce précepte montre que Jésus défend la cause des femmes. La femme ne dispose en effet d’aucune autonomie. Elle passe de l’autorité du père à celle de son mari qui dispose d’un pouvoir de répudiation. Or la répudiation condamne inexorablement la femme à la rue, voire à la prostitution. En interdisant la répudiation, Jésus place l’homme et la femme sur une égalité conjugale qui mettra des siècles à se concrétiser. Les disciples de Jésus pensent d’ailleurs tout haut qu’il vaut mieux ne pas se marier dans ces conditions (Mt 19,10). Le mot "porneia" difficilement traduisible se rencontre 56 fois sous différentes formes dans le Nouveau Testament. Il prend le sens de fornication, d’adultère, de débauche, d’impudicité, en somme de toute forme d’union illégitime. Les Églises protestantes et orthodoxes admettent la dissolution pour ces cas.

Pour l’Église catholique, cette incise matthéenne fonde le principe d’indissolubilité du mariage. Elle a fait couler beaucoup d’encre et de nombreux couples séparés ne la comprennent pas. Une parole donnée ne peut effectivement pas être reprise ; elle reste à jamais gravée dans les mémoires. De même, les relations sexuelles demeurent inscrites dans les corps comme un sceau inaltérable. Le sens théologique confirme ce principe d’indissolubilité. Dieu demeure éternellement fidèle à ses engagements. Le Christ se donne pour toujours à son Église.

L’Église prévoit néanmoins trois cas bien précis de dissolution avec dispense : le privilège paulin, le privilège pétrinien et la non consommation.

Rappelons que l’Église reconnait le mariage civil comme un mariage naturel pour les non-catholiques. Mais, pour les catholiques « seuls sont valides les mariages contractés devant » un prêtre ou un diacre. Canoniquement, si le mariage civil a lieu avant le mariage religieux, il est un « mariage nul pour défaut de forme ». S’il a lieu après le mariage religieux, il serait plutôt qualifié de renouvellement non canonique du consentement. Edouard Castellan. Voir le lien dans la bibliothèque.

Le privilège paulin

Le privilège paulin (qu’il soit consommé ou non) : il s’agit en ce cas d’un mariage valide aux yeux de l’Église entre deux non-baptisés dont l’un a reçu le baptême après ce mariage - ce dernier, nouvellement baptisé, pourra contracter un nouveau mariage si son conjoint refuse le baptême ou en l’absence de baptême, refuse une cohabitation pacifique avec lui.

Cette règle se fonde sur les propos de Paul :

Si un frère a une femme non croyante et qu'elle consente à vivre avec lui, qu'il ne la répudie pas. Et si une femme a un mari non croyant et qu'il consente à vivre avec elle, qu'elle ne le répudie pas. Car le mari non croyant est sanctifié par sa femme, et la femme non croyante est sanctifiée par son mari. S'il en était autrement, vos enfants seraient impurs, alors qu'ils sont saints. Si le non-croyant veut se séparer, qu'il le fasse ! Le frère ou la sœur ne sont pas liés dans ce cas : c'est pour vivre en paix que Dieu vous a appelés. En effet, sais-tu, femme, si tu sauveras ton mari ? Sais-tu, mari, si tu sauveras ta femme ? (1Co 7,12s)

Can. 1143 - § 1. Le mariage contracté par deux non-baptisés est dissous en vertu du privilège paulin en faveur de la foi de la partie qui a reçu le baptême, par le fait même qu'un nouveau mariage est contracté par cette partie, pourvu que la partie non baptisée s'en aille.
§ 2. La partie non baptisée est censée s'en aller si elle refuse de cohabiter ou de cohabiter pacifiquement sans injure au Créateur avec la partie baptisée, à moins que cette dernière après la réception du baptême ne lui ait donné une juste cause de départ.

Le privilège pétrinien

Un mariage entre catholique et non-croyant est valide, mais il n'est pas sacramentel. Car un non-baptisé ne peut pas recevoir un sacrement et le mariage ne peut être sacramentel que pour les deux époux. C'est ce qu'on appelle aujourd'hui un mariage «avec disparité de culte».

Par le privilège pétrinien, il est possible d’obtenir du Pape (d'où le nom "pétrinien"), la dispense ou la dissolution d’un mariage entre une partie baptisée et une partie non-baptisée d’un mariage dit "dispar", c’est-à-dire conclu entre une partie baptisée et une partie non-baptisée.

La non consommation

Can. 1061 - § 1. Le mariage valide entre baptisés est appelé conclu seulement, s'il n'a pas été consommé; conclu et consommé, si les conjoints ont posé entre eux, de manière humaine, l'acte conjugal apte de soi à la génération auquel le mariage est ordonné par sa nature et par lequel les époux deviennent une seule chair.
§ 2. Une fois le mariage célébré, si les conjoints ont cohabité, la consommation est présumée, jusqu'à preuve du contraire.

Seul un mariage consommé est indissoluble. Mais la clause canonique de non consommation se justifie-t-elle encore aujourd’hui alors que de nombreux couples ont des relations sexuelles avant le mariage ? Sa suppression sur un plan juridique n’enlèverait rien à la dimension anthropologique et théologique du don du corps. Par ailleurs, l’acte sexuel relève-t-il du juridique ? S’il convient de définir des normes éthiques, la sexualité se saurait être enfermée dans un code de droit religieux uniforme pour l’ensemble des peuples. Enfin, suffit-il que le mari pénètre la femme pour constater la consommation ? Le code de droit canonique pose simplement la condition que l’acte soit réalisé de « manière humaine » (canon 1061). Faut-il que les deux époux jouissent ensemble ? À supposer que le couple n’a jamais vécu de relation sexuelle avant le mariage, il est fort probable que la première conjonction charnelle soit plus une découverte parsemée d’hésitations et d’interrogations, qu’un don total corps et esprit. La perte de la virginité, si elle a lieu, appose un sceau, mais l’acte ne signifie pas pour autant ce qu’il réalise. Seul l’engagement dans l’amour lui donne le sens de don total et la prise de conscience de ce sens ne se fait pas en une nuit.

Dans cette perspective, comment juger un couple dont l’un des conjoints refuse définitivement de se donner au bout d’un certain nombre d’années de mariage ? N’est-ce pas une cause de dissolution, car une telle attitude risque fort de tenter le conjoint délaissé de se jeter dans les bras d’un nouveau partenaire, comme le remarque Paul ?

Serait-il également envisageable d’admettre une dissolution du lien pour les motifs de séparation citée ci-dessus ou pour la pornéia dont parle Jésus (Mt 19,9)  ? Enfin, ne serait-il pas possible de différencier le coupable de l’innocent, dans les cas où celui-ci est clairement identifié ?

On se souvient que, dans cet esprit, Mgr Zoghby, vicaire patriarcal melkite d’Égypte, a proposé, lors d’une séance du concile Vatican II, que l’Église catholique admette une dispense de l’indissolubilité en faveur du conjoint innocent (Paul de CLERCK, Un deuxième mariage sacramentel) .

En résumé, n’est indissoluble que le mariage consommé entre deux baptisés. Tous les autres mariages valides peuvent être dissous. Les ex-époux obtiennent alors une dispense pour se remarier en Église.

Can. 1141 - Le mariage conclu et consommé ne peut être dissous par aucune puissance humaine ni par aucune cause, sauf par la mort.
Can. 1142 - Le mariage non consommé entre des baptisés ou entre une partie baptisée et une partie non baptisée peut être dissous par le Pontife Romain pour une juste cause, à la demande des deux parties ou d'une seule, même contre le gré de l'autre.

Religion orthodoxe

Dans la religion orthodoxe, le mariage est un sacrement. Les orthodoxes défendent son indissolubilité et son unicité. Mais ils peuvent autoriser les divorcés à se remarier une deuxième fois et, dans de très rares cas, une troisième fois, sachant que le remariage n’est pas sacramentel. Cette différence avec les catholiques repose sur un principe : l’économie. Les orthodoxes parlent de l'école de la "deuxième chance".

Le moraliste Bernhard Hâring explique, dans son livre Plaidoyer pour les divorcés remariés, la spiritualité et la pratique de « l'économie » (en grec oikonomia) chez les orthodoxes3. Il la définit ainsi : « Ensemble du projet de Dieu pour le monde qu'il veut mener au salut en bon Père de famille qu'il est. » Selon lui, cette spiritualité se caractérise par « la louange rendue à l'»administrateur» très miséricordieux de l'Eglise » ; « la foi au Bon Pasteur », qui n'hésite pas à partir à la recherche de la brebis perdue ; une « foi débordante de confiance dans l'Esprit Saint » et « une foi inébranlable dans la vocation de tous à la sainteté ». Pour B. Hâring, l'oikonomia laisse une grande place à cette parole du Christ : « Le sabbat a été fait pour l'homme et non l'homme pour le sabbat » (Mc 2,27). Autrement dit, « la loi et les préceptes sont pour le bien de l'homme, et non l'homme pour les préceptes comme tels (4) ». Ainsi, « ce principe d'économie, spécifique à l'Église orthodoxe, (...) se veut une image de la miséricorde divines ».
Selon B. Hâring (6) , les orthodoxes prennent en compte le concept de « mort morale d'un mariage » : « on considère qu'il y a mort morale quand le mariage en question ne laisse plus rien apparaître du caractère salvifique qu'il devrait avoir ; plus encore, quand la vie commune peut être préjudiciable au salut et à l'intégrité de l'un des conjoints. (...) La mort morale n'est diagnostiquée - dans la perspective économique - que lorsqu'il n'est plus possible d'espérer, au vu de la réalité, un nouveau réveil de ce mariage sur le plan économique salvifique. Dans cette perspective, on n'imagine donc pas l'hypothèse d'un second mariage à la hâte. On demande un temps de recueillement, un intervalle pour guérir les blessures ». Un temps de deuil et de pénitence est donc requis. Jean Meyendorff, théologien orthodoxe, précise que depuis saint Basile le Grand (mort en 379), « les personnes qui contractent un second mariage, après veuvage ou divorce, doivent subir une pénitence, c'est-à-dire s'abstenir de la communion pendant un ou deux ans.
3 B. Fering, Plaidoyer pour les divorcés remariés, Paris, Cerf, 1995, chapitre fil, p. 45-60.
4 Ibid. p. 48.
5 Nicolas Senèze, « L'Eglise orthodoxe applique le principe de miséricorde », La Croix, 11 avril 2008.
6 B. Fering, Plaidoyer pour les divorcés-remariés Op. Cit. p. 51sq.
Zoé Vandermersch, https://www.assomption.org/wp-content/uploads/2021/02/RIA-56-mariage-orthodoxe.pdf

La possibilité de se remarier n’est pas accordée systématiquement. Elle fait l’objet d’un véritable discernement. C’est l’évêque qui tranche après avoir rencontré la personne divorcée : « Une commission composée de plusieurs prêtres et de canonistes remet un avis. L’évêque prend sa décision après avoir consulté ce dossier et entendu l’argumentaire des personnes. »

Un prêtre catholique raconte : « Dans un congrès œcuménique, je me suis retrouvé avec des orthodoxes. J’étais en train de me dire que nous étions au point sur l’indissolubilité, mais pas vraiment sur la miséricorde quand un prêtre orthodoxe m’a interpellé en me disant : “Nous sommes bons sur la miséricorde mais nous avons un peu de mal avec l’indissolubilité.” »

Les divorcés remariés peuvent aussi se confesser et communier.
https://www.lavie.fr/christianisme/chez-les-orthodoxes-lrsquoeacutecole-de-la-deuxiegraveme-chance-19601.php