Au commencement

Comment parler du commencement absolu de l'univers qui échappe à toute observation ? Personne n’est présent en cet instant où la lumière envahit l’espace. Les télescopes les plus performants n’ont pas encore dévoilé les secrets du commencement absolu. La raison achoppe sur cet instant zéro de l’univers. Les équations les plus complexes approchent cet instant, mais ne l’atteindront jamais, car il est hors science. Le commencement absolu est hors histoire et pourtant il inaugure l’histoire. Ne sommes-nous pas pris de vertige en tentant de l’imaginer ?

La bible déroute le lecteur qui y cherche une réponse rationnelle. Elle nous parle de l'origine de la création. Elle dit dans un langage imagé que l'univers jaillit de la volonté de Dieu.

Seul Dieu est commencement et fin, le premier et le dernier. L’origine et le terme sont soustraits à l’humain. Il n’y accède qu’obliquement, qu’après-coup. C’est ce que nous apprend le cosmologue se risquant à parler, sous les traits imagés du big-bang, de l’explosion qui se serait produite « au commencement », le biologiste s’interrogeant sur les débuts de la vie, l’anthropologue remontant vers les origines tout aussi fuyantes de l’être humain, l’historien enquêtant sur la naissance de telle ou telle nation ou le psychanalyste remontant vers la scène primitive ou originaire. L’après-coup est la démarche même de l’homme de science. David Banon, Création et origine, https://shs.cairn.info/revue-pardes-2001-2-page-59?lang=fr

Interrogeons-nous sur le commencement des choses à travers la parole qui nous est offerte dans la Bible. Deux textes nous disent clairement que la parole est au commencement : le récit sacerdotal de la Genèse (Gn 1,1-3) et le prologue de l’évangile de saint Jean (Jn 1,1-4).
Le mot commencement se dit bereshit en hébreu et arkhêi en grec. Ce mot bereshit est le lieu de la méditation. La première lettre bet désigne la maison, c'est pourquoi nous pouvons dire que c'est le lieu de méditation. Reshit signifie commencement, mais la racine de ce mot est rosh qui signifie tête. Ce double sens est implicitement dans le mot bereshit, il sera développé dans le mot grec arkhê.

Les Grecs ont le mot arkhê qui dit à la fois commencement et commandement. Nous trouvons ici le premier sens, commencement (l'en tête), et le deuxième sens « être à la tête de ». L'idée de commencement, se trouve dans le mot archéologie ; dans l'autre série se trouvent des mots comme monarchie, hiérarchie.

De façon tout à fait pratique, et c'est sans doute ce qu'il vous faudra retenir, la différence entre, d'une part ce que nous appelons le commencement (ou le début) et, d'autre part le mot arkhê est celle-ci : le début ouvre quelque chose puis disparaît, après ce n'est plus le début ; alors que l'arkhê ouvre quelque chose et continue à régir, fut-ce secrètement, ce qui est ainsi ouvert. Donc l'arkhê ouvre et tient, fût-ce secrètement, et maintient ce qui a été ainsi ouvert. L'arkhê ne disparaît pas, le début disparaît. (Nous nous appuyons ici sur une étude de Jean-Marie MARTIN)

Il serait question du "reshit" quand il est question du don, de ce que l’on prélève sur ses possessions et que l’on offre. Il en découle que la création est à penser sur le mode du don gracieux, ce don que les prélèvements rituels prévus par les rites ravivent de façon permanente. Shmuel Trigano. https://shs.cairn.info/revue-pardes-2001-2-page-9?lang=fr