Esther - Reine de Perse
Contexte historique

Au VIe siècle, Nabuchodonosor envahit le royaume de Juda et déporte les juifs. Cyrus renverse l'empire babylonien en 539 av. J.-C. et fonde l’empire médo-perse. Il permet aux Juifs de revenir dans leur pays. Mais tous les Juifs déportés à Babylone ne sont pas rentrés à Jérusalem. Darius, son successeur, roi de Perse (522-486), consolide l'empire. C’est lui qui est mentionné dans les livres des prophètes Aggée et Zacharie. Xerxès (nom grec ; en perse = ‘Khshayarsha’, en hébreu = Assuérus) est son successeur (486- 465/4), et c’est pendant son règne que l’histoire biblique d’Esther se déroule, dans la capitale de l'empire Perse, Suse.
Aucune trace historique ne vient attester l'histoire d'Esther. Les exégètes admettent qu’il s’agit d’une simple histoire dont même les personnalités ne sont que de purs personnages de récit. Comme la plupart des récits historiques de la Bible hébraïque, dont le Livre de Judith, l’intrigue est basée sur l’oppression du peuple élu exilé de la Terre promise, avec une promesse de salut.
Rédaction
Le livre d'Esther comporte une version hébraïque et une version grecque, avec des différences notoires que nous présentons dans le plan ci-dessous.
La conclusion du texte grec évoque le règne d'un roi Ptolémée associé à une reine Cléopâtre. Il peut s'agir de Ptolémée VIII (vers -114) ou de Ptolémée XIV (vers -48). Le livre ne peut donc être postérieur à cette date, du moins dans sa version longue en grec.
Le texte hébreu ne comporte aucune mention de Dieu. Seul le texte grec incorpore une prière de Mardochée et d'Esther. Il a donc été considéré par le judaïsme comme un roman sans valeur religieuse, ce qui a beaucoup freiné son admission dans le canon des Écritures. C'est finalement sa popularité qui a forcé la main aux rabbins du IIe siècle.
Le Nouveau Testament ne cite jamais le livre d'Esther. Jérôme, l'inventeur de la bible latine, repousse le récit à la fin du Nouveau Testament. Le concile de Trente (1546) finira par l'admettre définitivement dans le canon.
Le livre d’Esther peut être qualifié de « roman de diaspora » dans la mesure où des techniques littéraires caractéristiques des œuvres romanesques (situation de départ, intrigue, dénouement, rebondissement etc.) y sont utilisées pour rapporter un épisode mettant en scène des Juifs vivant hors de leur terre. Le thème de l’anti-judaïsme joue un rôle important dans ce récit et est accompagné de réflexions sur la pertinence du dévoilement identitaire dans un contexte où prédomine un empire étranger dont le fonctionnement est difficilement maîtrisable. Jean-Daniel Macchi. « Le livre d’Esther : réflexions sur une littérature de diaspora dans le judaïsme de l’époque du deuxième Temple ». Voir le lien dans la bibliothèque.
Personnages

- Esther : D'après le Livre d'Esther, cette femme originaire de Judée s'appelle Hadassah, ce qui signifie « myrte » en hébreu. Le mot désigne aussi bien le myrte, que la forme de sa fleur, en « étoile ». Selon un Targoum de la tradition juive, elle était en effet aussi belle que « l'étoile de la nuit », appelée astara par les Grecs. Certains critiques du Livre d'Esther font dériver le nom d'Esther de celui d'Ishtar, la déesse mésopotamienne, parce que les consonnes sont les mêmes.
- Le roi : Le roi achéménide de Perse, Khshayarsha Ier (485-465), est connu sous le nom grec de Xerxès, et dans l’Ancien Testament sous le nom hébreu latinisé d’Assuérus (le nom hébreu du roi est Ahashwérosh). Son fils Artaxerxès lui succède.
- Aman : ministre du roi de Perse, il veut exterminer les juifs, mais il sera finalement exécuté sur le gibet qu'il avait prévu pour Mardochée.
- Mardochée : Le nom vient peut-être de Marduk, dieu mésopotamien. Cousin et père adoptif d’Esther, ses conseils permettront la reine Esther de sauver les Juifs de Suse et de l’Empire perse.
Esther et Joseph
Plan
Le livre d'Esther présente un certain nombre d'additions qui ne figurent que dans le texte grec. Ces additions sont indiquées en bleu dans le plan.
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I- Présentation de la situation
- Le songe de Mardochée
- La découverte du complot par Mardochée
- La disgrâce de Vasti par le roi perse Xerxès (1,1-22)
- Le remplacement de la reine par Esther (2,1-18)
- Mardochée dénonce un complot contre le roi (2,19-23)
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II- Le complot
- Aman et les juifs (3,1-15)
- Après 3,13, le texte grec donne le texte de l'édit royal contre les Juifs
- Mardochée décide Esther à intervenir auprès du roi. (4,1-17)
- Le texte grec ajoute une prière de Mardochée et une prière d'Esther
- Esther invite Aman à un banquet afin de le mettre en confiance (5,1-8)
- Le gibet pour Mardochée (5,9-14)
- Après 5,5, le texte grec indique comment Esther s'y prend pour approcher le roi
- Le roi ordonne la mise à l'honneur de Mardochée et charge Aman de cette mission (6)
- La chute d'Aman (7)
- Annulation des mesures antijuives (8)
- Texte de l'édit royal
- Exécution des ennemis (9,1-19)
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III- Célébration de la victoire
- La fête des Pourim est instituée pour commémorer l'événement (9,20-32)
- Mardochée devient un personnage important (10,1-3)
- Interprétation du songe de Mardochée et conclusion
L'histoire
Esther est une jeune juive de la diaspora, orpheline, élevée par son oncle Mardochée en territoire perse. Le roi Assuérus (Xerxès) règne sur l'empire. Sa femme Vasti organise un banquet et refuse de se rendre chez le roi ; elle est déchue. Le roi, séduit par la grande beauté d'Esther, la choisit pour épouse. Esther suit les conseils de son oncle et cache sa véritable identité.
Aman, le conseiller du roi, exige que Mardochée se prosterne devant lui, mais celui-ci refuse, car un juif ne peut s'abaisser que devant le Dieu unique ! Aman convainc alors le roi d'exterminer tous les juifs du royaume, à cause de leur mode de vie différent. Esther, la reine, est le dernier espoir du peuple juif. Mardochée supplie sa nièce : « Prie donc le Seigneur, et parle au roi pour nous ; sauve-nous de la mort ! ».
Esther laisse ses somptueux vêtements et ses bijoux. Sur sa tête, elle ne met pas de parfums, mais de la cendre, signe d'humilité et de pénitence. Par ce geste, elle montre qu'elle se tourne vers Dieu. Pendant trois jours, elle prie et demande à Dieu le courage d'intervenir auprès du roi.
12Esther la reine, en proie à un combat mortel, chercha refuge auprès du Seigneur. 13Après avoir enlevé ses habits d’apparat, elle revêtit des habits de détresse et de deuil ; à la place des parfums de luxe, elle se couvrit la tête de cendre et de saletés ; elle humilia durement son corps et, tout ce qu’elle paraît joyeusement, elle le recouvrit de ses cheveux emmêlés. 14Elle priait le Seigneur Dieu d’Israël en disant : « Mon Seigneur, notre Roi, Toi, tu es le Seul ! Porte-moi secours, à moi qui suis seule et n’ai d’autre secours que toi ;15car je vais jouer avec le danger. 16Moi, dès ma naissance, j’ai entendu dire dans la tribu de mes pères que toi, Seigneur, tu as pris Israël d’entre toutes les nations et nos pères d’entre tous leurs ancêtres pour qu’ils deviennent un patrimoine perpétuel, que tu as réalisé aussi pour eux tout ce que tu avais dit. 17Et maintenant, nous avons péché devant toi et tu nous as livrés aux mains de nos ennemis 18parce que nous avons glorifié leurs dieux. Tu es juste, Seigneur ! 19Mais maintenant, l’âpreté de notre esclavage ne leur a pas suffi ; au contraire, ils ont fait un pacte avec leurs idoles 20pour abolir ce que ta bouche a décrété, faire disparaître ton patrimoine, fermer la bouche de ceux qui te louent, éteindre la gloire de ta Maison ainsi que ton Autel, 21ouvrir la bouche des nations pour vanter du vide et admirer à perpétuité un roi mortel... 22Ne livre pas ton sceptre, Seigneur, à ceux qui n’existent pas ; qu’ils ne se moquent pas de notre chute. Mais retourne contre eux leur projet et, celui qui a pris la tête des opérations contre nous, inflige-lui un châtiment exemplaire. 23Rappelle-toi, Seigneur ; fais-toi connaître au moment de notre détresse. Quant à moi, donne-moi du courage, Roi des dieux et Maître de toute autorité. 24Mets dans ma bouche un langage mélodieux en présence du lion et change son cœur pour qu’il déteste celui qui nous fait la guerre, pour qu’il achève celui-ci ainsi que ses partisans. 25Arrache-nous à eux par ta main et porte-moi secours, moi qui suis seule et qui n’ai que toi, Seigneur.
En s'approchant de lui sans autorisation, elle sait qu'elle risque la mort... Devant le roi, Esther s'évanouit d'émotion. Mais la Bible raconte que Dieu changea en douceur le cœur du roi qui lui promet la moitié de son royaume.
4,8 Or Dieu changea l’esprit du roi pour l’amener à la douceur. Inquiet, celui-ci bondit de son trône et la prit dans ses bras jusqu’à ce qu’elle se remît. Il la réconfortait par des paroles apaisantes : 9 « Qu’y a-t-il, Esther ? Je suis ton frère : aie confiance ! lui dit-il. 10 Tu ne mourras pas ; notre ordonnance concerne le commun. 11 Approche ! » 12 Il leva alors le sceptre d’or, le lui posa sur le cou, puis il l’embrassa et dit : « Parle-moi. » 13 Elle lui répondit : « Je t’ai vu, Seigneur, tel un ange de Dieu, et mon cœur a été bouleversé de peur par ta gloire ; 14 car tu es admirable, Seigneur, et ton visage est plein de grâces. » 15 Mais, tandis qu’elle parlait, elle s’effondra de faiblesse. 16 Le roi était bouleversé et toute sa suite la réconfortait.
Esther demande que Aman vienne au banquet qu'elle organise, afin de lui tendre un piège :
7,1Le roi et Haman vinrent banqueter avec Esther, la reine. 2En ce second jour, à la fin du banquet, le roi redit à Esther : « Quelle est ta demande, Esther, ô reine ? Cela te sera accordé ! Quelle est ta requête ? Jusqu’à la moitié du royaume, ce sera fait ! » 3En réponse Esther, la reine, déclara : « Si j’ai rencontré ta bienveillance, ô roi, et s’il plaît au roi, que me soient accordées ma propre vie, telle est ma demande – et celle de mon peuple, telle est ma requête. 4En effet nous avons été vendus, moi et mon peuple : A exterminer ! à tuer ! à anéantir ! Bien sûr, si nous avions été vendus comme esclaves et comme servantes, je me tairais, car cette oppression-là ne mériterait pas qu’on importune le roi ! »
Le roi décide de protéger le peuple juif. C'est un retournement complet de situation : Aman est pendu, Mardochée est promu. Les juifs échappent à la mort. Ce sont eux qui vont exterminer leurs ennemis. Le récit des massacres est d'une grande violence.
9,5Les Juifs frappèrent alors tous leurs ennemis à coups d’épée, tuant et anéantissant. À ceux qui les détestaient, ils firent selon leur bon plaisir. 6A Suse-la-citadelle, les Juifs tuèrent, anéantissant cinq cents hommes ; 7et Parshândata, et Dalfôn, et Aspata, 8 et Porata, et Adalya, et Aridata 9et Parmashta, et Arisaï et Waïzata, 10les dix fils de Haman, le fils de Hammedata, l’oppresseur des Juifs, ils les tuèrent. Mais ils ne cherchèrent pas à mettre la main sur le butin. 11Le jour même le nombre des tués dans Suse-la-citadelle parvint jusqu’au roi. 12Le roi dit alors à Esther, la reine : « À Suse-la-citadelle, les Juifs ont tué, anéantissant cinq cents hommes plus les dix fils de Haman. Dans le reste des provinces royales, qu’est-ce qu’ils ont dû faire ! Mais quelle est ta demande ? Elle te sera accordée ! Quelle est encore ta requête ? Ce sera fait ! »
Une fête est instituée (Pourim/Destinées).
9,20Mardochée mit ces choses par écrit, et il envoya des lettres à tous les Juifs de toutes les provinces du roi Xerxès, aux plus éloignés comme aux plus proches, 21afin d’instituer pour eux la célébration annuelle du quatorze du mois d’Adar, ainsi que du quinze – 22comme jours où les Juifs avaient obtenu de leurs ennemis le repos et mois où il y avait eu pour eux le renversement de situation, le passage du tourment à la joie et du deuil à la fête : il en faisait des jours de banquet et de joie, avec envoi de portions les uns aux autres et de cadeaux aux pauvres... 26C’est pourquoi on a appelé ces jours-là : Destinées, du mot Destin. C’est pourquoi à cause de tous les termes de cette missive, de ce qu’ils avaient vu à ce sujet et de ce qui leur était arrivé, 27les Juifs en ont fait une institution et l’ont acceptée pour eux-mêmes, pour leur descendance et pour tous leurs adeptes : on ne manquera pas d’observer chaque année ces deux jours selon leurs prescriptions et selon leurs dates. 28Ces jours sont commémorés et observés de génération en génération, dans chaque famille, chaque province, chaque ville. Ces jours des Destinées ne s’effaceront pas du milieu des Juifs, et la commémoration en sera sans fin dans la race des Juifs.
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Le livre d'Esther montre
- que Dieu n'abandonne pas son peuple, même loin de ses terres
- que le mensonge ne saurait triompher de la vérité
- qu'un païen peut se laisser toucher par une juive