Le péché

Dans un autre enseignement, nous avons parlé de la liberté. L’usage de la liberté peut nous conduire au péché, thème que nous allons approfondir aujourd’hui. Dans un premier temps, j’apporterai une courte définition du péché, puis nous verrons quelle est l’origine du péché ; enfin nous parlerons du salut.

1 - Définition

Augustin : Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite; il est un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle. (Augustin, Contra Faust. 22).

Pierre Rémy : Le péché est une notion religieuse. Il est toujours devant Dieu et devant Dieu qui interpelle. D’où la différence avec la faute. Celle-ci est devant les hommes, elle concerne le domaine éthique. Le péché n’a de sens qu’au niveau de la relation de l’homme à Dieu. Le chrétien ne peut le déterminer qu’en allant à la personne de Jésus, à son dire, à son faire, confessés dans la foi comme parole de Dieu.

Une faute devient « péché » quand le chrétien prend conscience, sous le regard de la parole de Dieu, que son acte est un manque à l’amour de Dieu.

La culpabilité naît en nous de la conscience d’une transgression par rapport à une loi (sociale, nationale, religieuse, familiale). Cette transgression ne devient « péché » que pour ceux qui vivent une relation d’Alliance avec Dieu : le péché est la rupture de cette Alliance.

Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait (Ps 51, 6).

La bible affronte cette réalité du péché avec un objectif très clair, celui de nous libérer définitivement à la fois de la culpabilité et du péché. Dans ce but, la révélation biblique sur le péché est double : pour commencer, elle le démasque (l’origine du péché), ensuite elle annonce notre libération (le salut).

2 - Origine du péché

Les premiers chapitres de la Genèse (2-3), nous enseignent que nous sommes des êtres de relation : relation avec Dieu, relation avec la nature, relation homme-femme, etc. Ces textes nous rappellent aussi notre condition de créature limitée. Pour grandir dans notre humanité, nous devons apprendre et donc recevoir une parole d’un plus grand que nous. Adam et Ève reçoivent une parole de Dieu. Mais ils la rejettent parce qu’ils veulent se positionner comme l’unique point de référence ; ils veulent faire leur propre loi, leurs propres règles. Ils se placent au centre du monde. Ils succombent à cette tentation énoncée par le serpent : « Vous serez comme des dieux » (Gen 3, 5).

Voir l'étude sur le texte de la Genèse

Telle est la nature profonde du péché : l’homme et la femme s’arrachent à la vérité, mettant leur volonté au-dessus d’elle. Nous avons vu que la vérité nous rend libres. En voulant s’affranchir de Dieu et être des dieux, l’homme et la femme se trompent et se détruisent.

Dans la Bible, le péché personnel se définit en référence à la loi. Dans l'Ancien Testament, est pécheur celui qui ne respecte pas l'un des 613 préceptes de la loi mosaïque. Le texte le plus emblématique est celui du décalogue. Dans le Nouveau Testament, Jésus subordonne la loi au commandement de l'amour.

1 Jean 3:4 Tous ceux qui pratiquent le péché violent la loi, puisque le péché, c'est la violation de la loi.

Pourquoi est-ce que je commets le mal alors que je sais pertinemment que ce n’est pas un bien. Paul résume cette situation paradoxale :

Ro 7,19 Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.

Une force nous pousse à commettre le mal, car elle nous donne l’illusion de croire que c’est un bien.

Dans le livre de la Genèse, cette force du mal prend la figure du serpent qui susurre à l’oreille d’Ève : « vous ne mourrez pas, mais vous serez comme des dieux ». Plus loin dans la bible, ce serpent deviendra le Satan, c’est-à-dire l’adversaire de Dieu, et ensuite le diable, c’est-à-dire celui qui divise (du grec diabolos). La bible le nomme aussi le tentateur et nous sommes continuellement soumis à des tentations. La tentation du pouvoir : devenir tout-puissant ; la tentation de l’avoir : posséder toujours plus ; la tentation de la jouissance : du plaisir immédiat, sans entraves et sans limites.

Ces tentations nous font lorgner un poste à responsabilité pour se valoriser soi-même ; elles nous poussent à une consommation effrénée au détriment d’une sobriété heureuse ; elles nous font désirer la femme ou le mari du voisin parce qu’il/elle paraît bien séduisant(e). L’herbe est toujours plus verte ailleurs.

Jésus lui-même est soumis à la tentation (Mt 4,1-11). Satan lui propose de transformer des pierres en pain, parce qu’il a faim ; il lui demande de se jeter du haut du temple pour voir des anges empêcher sa chute ; il lui promet un royaume s’il se prosterne devant lui. Jésus résiste et nous invite à faire de même à traves la prière du Notre Père : Ne nous laisse pas entrer en tentation.

Parfois nous succombons à la tentation, mais la bible nous rappelle que le péché, quelle que soit sa forme, n’est pas une fatalité. Jésus nous offre un chemin de salut.

3 - Le salut

Si le salut est un don de Dieu, nous sommes néanmoins appelés à nous convertir et une des vertus de ce chemin de conversion, c’est l’humilité.

L’humilité

L’humilité est la vertu qui s’oppose à l’orgueil, à la suffisance ou à l’arrogance. La personne humble est celle qui reconnaît ses limites et ses fragilités, comme en fait foi la prière de ce psalmiste :

Ps 131,1-2 Seigneur, je n’ai pas le cœur fier, ni le regard hautain. Je n’ai pas pris un chemin de grandeurs ni de prodiges qui me dépassent. Non, je me tiens en paix et en silence ; comme un petit enfant contre sa mère, comme un petit enfant, telle est mon âme en moi.

Yves Guillemette, bibliste nous précise la richesse de l’humilité.

« Nous apprenons l’humilité à partir des épreuves comme la maladie, l’échec, l’expérience du péché comme révélatrice de nos fragilités humaines. En prenant conscience de notre pauvreté intérieure et de notre fragilité, nous pouvons nous tourner vers les autres et vers Dieu avec confiance. L’humilité apparaît alors comme une attitude d’abandon confiant à Dieu. L’humble est quelqu’un qui cherche Dieu, non seulement pour vivre en communion avec lui, mais aussi pour atteindre l’unité et la cohérence de sa personne. L’humble sait qu’il ne peut compter seulement sur ses propres forces pour se réaliser et pour combattre le péché et le mal. Il a besoin d’assises, d’un roc solide sur lequel édifier sa vie. Et ce roc ne peut être que le Seigneur.

L’origine latine de notre mot “humilité” peut nous aider à nous débarrasser d’une fausse idée de l’humilité. En effet, le mot “humilité” vient du latin humus qui se traduit par “terre, sol”. On comprend alors que l’humilité chrétienne est cette qualité d’ouverture qui permet au croyant d’accueillir la Parole de Dieu avec joie, comme une semence qui donne à sa vie une dimension nouvelle. Être humble, c’est reconnaître que nous ne détenons pas tous les éléments qui répondent à notre recherche du sens de la vie ; c’est accepter que Dieu soit celui qui apporte cette réponse notamment à travers son Fils Jésus. L’humilité assure alors la fécondité de notre vie puisque la Parole de Dieu peut y être semée pour la transformer et lui faire porter des fruits de foi, d’espérance et d’amour, de bonté, de paix et de miséricorde, en somme les ingrédients pour combattre le péché et le mal. »

L’humilité est en ce sens le terreau dans lequel Dieu pourra nous délier du péché.

Se dé-lier des liens du péché

Le salut vient nous dé-lier de notre péché. Prenons un exemple symbolique dans le livre des Juges où la belle Dalila enchaîne Samson pour connaître le secret de sa force qui réside dans sa chevelure. Samson accorde sa confiance à cette femme. Il est aveuglé par sa passion. À la vue de Samson enchaîné, les Philistins jubilent, croyant à une proche victoire, mais l’Esprit intervient :

Jg 15,14 Quand Samson arriva à Léhi, les Philistins vinrent à sa rencontre avec des cris de triomphe. Alors l’Esprit du Seigneur s’empara de Samson : les cordes qui liaient ses bras et ses mains cédèrent aussi facilement que du fil de lin brûlé.

L’Esprit du Seigneur donne à Samson la force de se libérer des liens physiques qui le ligotaient.

Dans nos vies, nous ne sommes peut-être pas réellement liés par des cordes, mais beaucoup d’entre nous sont liés de bien d’autres manières : par l’addiction à la drogue, à l’alcool, à la pornographie, aux richesses matérielles, ou encore liés par le mensonge, la jalousie, la colère, la peur, des pensées destructrices... Toutes ces choses peuvent avoir une réelle emprise sur nos vies et nous enfermer. Mais quand l’Esprit de Dieu vient sur une personne, il lui donne le courage, la puissance de briser ces liens.

Un des plus grands enseignements bibliques est que nous pouvons être libérés de l’esclavage, du péché et de la mort.

Libérés de l’esclavage, du péché et de la mort

Le projet de Dieu pour l’humanité est un projet d’amour et de bonheur ; il prend la forme d’actes concrets de libération et de salut. Dans l’Ancien Testament, l’événement fondateur est celui de la libération du peuple d’Israël de la servitude en Égypte : Dieu rachète Israël de la servitude comme on rachète un esclave. Le salut, c’est la liberté et la vie, par opposition à l’esclavage et à la mort.

Dans les Psaumes nous voyons les orants assaillis par des forces du mal crier vers Dieu. Les images évoquent des ennemis réels, des maladies, des accidents ou encore la vieillesse et l’approche de la mort. Elles décrivent aussi des passions dévastatrices : la haine, le désir de vengeance. Le psalmiste supplie alors Dieu de lui pardonner et d’effacer son « péché ».

Ps 51,8-12 Voici, tu aimes la vérité dans les ténèbres, dans ma nuit, tu me fais connaître la sagesse. Ôte mon péché avec l’hysope, et je serai pur ; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige. Fais que j’entende l’allégresse et la joie, et qu’ils dansent, les os que tu as broyés. Devant mes péchés, détourne-toi, toutes mes fautes, efface-les. Crée pour moi un cœur pur, Dieu ; enracine en moi un esprit tout neuf.

Jésus vient accomplir ce mystère de salut. Il dénonce les forces de suspicion, de haine, de peur qui habitent en nous. Il ne cesse de secourir, de soulager, de guérir, à la fois les corps et les cœurs. Il pardonne les péchés.

Voir l'étude sur le pardon

Alors que les hommes se font de Dieu la fausse image d’un juge qui fait peur, Jésus révèle que Dieu n’est qu’amour et accueil, pardon et tendresse. Jésus nous sauve du péché et finalement de la mort.

Voir l'étude sur la résurrection

Roselyne Dupont-Roc, bibliste : Jésus montre en le vivant d’abord lui-même jusqu’au bout, que seul l’amour permet d’affronter la mort, et de la traverser. Par sa propre mort, il désarme la mort elle-même, car la mort change de sens ; au lieu d’être opaque et de conduire à la désintégration, elle devient un passage vers le Dieu qui ne cesse de donner et de redonner la vie. https://jesus.catholique.fr/questions/comment-jesus-nous-sauve-t-il/comment-jesus-nous-sauve-t-il/

Nous pouvons aussi citer ces propos de Paul :

Ro 8,2 La loi de l'Esprit qui donne la vie en Jésus-Christ m'a libéré de la loi du péché et de la mort.

En conclusion, le péché nous coupe de la vie même de Dieu. Il nous enferme dans la tristesse et le mensonge. Jésus nous propose des voies de guérison et de salut. Le pardon en est une.