Le péché
Dans un autre enseignement, nous avons parlé de la liberté. L’usage de la liberté peut nous conduire au péché, thème que nous allons approfondir aujourd’hui.
Définitions
Dictionnaire Le Robert : Acte conscient par lequel on fait ce qui est interdit par la loi divine.
Larousse : Transgression consciente et volontaire de la loi divine, des impératifs religieux.
La Croix : Le péché se distingue de la culpabilité (notion psychologique) ou de la faute (notion juridique). Le chrétien a le sentiment d’avoir péché quand, à l’occasion d’un acte, il prend conscience de la distance prise avec l’amour de Dieu ; quand il reconnaît, sous le regard de Dieu, ou à la lumière de sa Parole, que son acte est un manque à cet amour de Dieu. C’est donc devant Dieu que la reconnaissance de la faute devient reconnaissance du péché. Le pardon de Dieu est premier. C’est sa révélation qui nous permet de nous reconnaître pécheurs.
Site de l’Église catholique : Le péché est une offense faite à Dieu : « Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait » (Ps 51, 6). Le péché se dresse contre l’amour de Dieu pour nous, et en détourne nos cœurs. Catéchisme de l’Église catholique (§ 1849, 1850).
Le péché est un manque d’amour envers Dieu, envers son prochain et envers soi-même. C’est une action, ou une intention, voire une parole dite, en toute liberté, pour commettre le mal. Il entraîne, pour celui qui l’a commis un éloignement de la justice, de la vérité, de Dieu qui est amour.
Augustin : Le péché est une faute contre la raison, la vérité, la conscience droite ; il est un manquement à l’amour véritable, envers Dieu et envers le prochain, à cause d’un attachement pervers à certains biens. Il blesse la nature de l’homme et porte atteinte à la solidarité humaine. Il a été défini comme une parole, un acte ou un désir contraires à la loi éternelle. (Augustin, Contra Faust. 22).
Pierre Rémy : Le péché est une notion religieuse. Il est toujours devant Dieu et devant Dieu qui interpelle. D’où la différence avec la faute. Celle-ci est devant les hommes, elle concerne le domaine éthique. Le péché n’a de sens qu’au niveau de la relation de l’homme à Dieu. Le chrétien ne peut le déterminer qu’en allant à la personne de Jésus, à son dire, à son faire, confessés dans la foi comme parole de Dieu.
Une faute devient « péché » quand le chrétien prend conscience, sous le regard de la parole de Dieu, que son acte est un manque à l’amour de Dieu.
La culpabilité naît en nous de la conscience d’une transgression par rapport à une loi (sociale, nationale, religieuse, familiale). Cette transgression ne devient « péché » que pour ceux qui vivent une relation d’Alliance avec Dieu : le péché est la rupture de cette Alliance.
Contre toi, toi seul, j’ai péché. Ce qui est mal à tes yeux, je l’ai fait (Ps 51, 6).
La bible affronte cette réalité du péché avec un objectif très clair, celui de nous libérer définitivement à la fois de la culpabilité et du péché. Dans ce but, la révélation biblique sur le péché est double : pour commencer, elle le démasque (l’origine du péché), ensuite elle annonce notre libération (le salut).
Distinguer l’erreur, la faute et le péché
L’erreur est humaine. Dans l’erreur, il n’y a pas intention de faire du mal. Notre responsabilité n’est pas engagée. Nous sommes appelés à les reconnaître et à en retirer un enseignement pour apprendre et ne plus recommencer. Y a-t-il un manquement ou une ignorance à pardonner dans une erreur ? Faut-il pardonner à quelqu’un de ne pas savoir écrire le mot « logorrhée » ? Est-ce que cela ne relève pas plutôt de l’excuse ?
Une faute a une connotation morale et/ou juridique. Elle se définit par rapport à une loi. Elle se situe au niveau de la conscience personnelle.
Elle engage notre responsabilité. La différence entre l’erreur et la faute n’est pas toujours évidente à définir. Se tromper dans l’administration d’un médicament. Est-ce une erreur ou une faute ?
Il faut distinguer le péché de la faute. Le péché est devant Dieu alors que la faute est devant l’homme.
Dieu nous révèle notre péché à travers sa parole.
Mais où commence le péché ? Quelle est l’instance qui me dit « tu as péché » ? L’Église est là pour nous donner des points de repère et en dernier recours c’est la conscience personnelle qui parle. Il n’est peut être pas nécessaire de demander le sacrement de réconciliation pour un pot de fleur cassé involontairement, ce qui est de l’ordre de l’erreur, mais certainement pour une infidélité qui est de l’ordre de la faute pour la personne et du péché pour le croyant. Mais la frontière n’est pas toujours évidente à établir.
Enfin, soulignons que la loi religieuse fournit la "matière" du péché, mais la morale tient aussi compte de l’intention et de la liberté. Par exemple, si la loi précise qu’une relation sexuelle en dehors du mariage est un péché, seule l’intention et la liberté des personnes permettent de déterminer si les contractants sont pécheurs. Ne tenir compte que de la loi revient à enfermer les personnes dans un pseudo-pharisianisme.
Voir l’étude sur la conscience.
Le péché dans l’Ancien Testament
Le mot le plus important en hébreu est « hatta't ». Il signifie « manquer sa cible », à l’image d’une flèche qui rate son but ou sa destination.
Le mot hatta't est utilisé autant dans le monde profane que dans le monde de la religion. Il est utilisé dans le cadre d’une conception dynamique de l’existence. Il suppose un lien étroit entre l’individu et la communauté, de même qu’entre la transgression et la condamnation. Il y a manquement, hatta't, dès qu’une relation communautaire est lésée : un homme peut manquer vis-à-vis un autre homme ou vis-à-vis Dieu. À partir du moment qu’un rapport communautaire implique des normes de conduite, on contrevient à un tel rapport en transgressant les normes. On manque donc l’objectif que la communauté s’était fixé.
Cette conception du péché comme manquement aux exigences de la vie communautaire exprime, malgré son apparence juridique, l’importance de la relation entre les individus. Le terme hatta' t conviendra bien pour exprimer le manquement aux exigences de l’Alliance, l’infidélité à la parole donnée de suivre les voies du Seigneur. Puisque le peuple de Dieu tire son existence de l’Alliance, ces manquements sont une atteinte non seulement à la volonté de Dieu mais à l’identité même du peuple. Le péché, c’est le comportement qui fait passer à côté du projet de Dieu pour son peuple. Les prophètes insistent pour montrer que le péché ne situe pas seulement au niveau religieux. Il y a aussi transgression de l’Alliance quand on passe à côté de ses devoirs de respect, de soutien, de justice envers les membres du peuple. Ce sont également les prophètes qui approfondiront la dimension morale du péché, en montrant que la tendance à manquer aux exigences de la vie de foi a son siège dans le cœur de l’être humain. Le meilleur exemple de cet approfondissement du sens du péché est donné par le psaume 51. Les expressions de la reconnaissance du péché sont nombreuses et variées ; elles côtoient aussi des affirmations sur la bonté, la fidélité et la miséricorde de Dieu. Toute la prière est orientée vers la demande du pardon qui est perçu comme une re-création du cœur. Yves Guillemette.Voir le lien dans la bibliothèque.
Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté,
en ta grande tendresse efface mon péché,
lave-moi tout entier de mon mal
et de ma faute purifie-moi […]
Dieu, crée pour moi un cœur pur,
restaure en ma poitrine un esprit ferme…
Psaume 51, 3-4. 12
Genèse 18:20 Et l’Éternel dit : Le cri contre Sodome et Gomorrhe s’est accru, et leur péché (Chatta'ah) est énorme.
Nombres 5:7 Il confessera son péché (Chatta'ah), et il restituera dans son entier l’objet mal acquis, en y ajoutant un cinquième ; il le remettra à celui envers qui il s’est rendu coupable.
Esaïe 44:22 J’efface tes transgressions comme un nuage, Et tes péchés (Chatta'ah) comme une nuée ; Reviens à moi, Car je t’ai racheté.
Amos 5:12 Car, je le sais, vos crimes sont nombreux, Vos péchés (Chatta'ah) se sont multipliés ; Vous opprimez le juste, vous recevez des présents, Et vous violez à la porte le droit des pauvres.
Le péché dans le Nouveau Testament
Dans le Nouveau Testament, le péché de dit ἁμαρτία (hamartia), de hamartanô : manquer le but, faire fausse route, puis : commettre une faute. l est utilisé 173 fois dont 48 fois dans la seule épître aux Romains.
-
Le terme est compris selon trois orientations principales :
- comme acte précis contraire à la Loi ou volonté de Dieu. Ainsi Ac 7, 60 ou les nombreux cas où le mot est utilisé au pluriel. C’est peut-être le sens qui se rapproche le plus de notre usage actuel lié à la notion de responsabilité.
- il peut désigner, et c’est bien plus dramatique, une situation de rupture d’alliance. Saint Paul évoque en Rm 6, 1-2 une telle situation. Il la déclare incompatible avec l’existence normale d’un baptisé qui est mort au péché et appelé à vivre dans la nouveauté de la grâce.
- le terme peut enfin désigner une puissance maléfique ennemie de Dieu. C’est fréquemment le cas chez saint Paul, en particulier dans le célèbre texte de Rm 5, 12 et ss. qui oppose Adam et Jésus Christ, l’obéissant et le désobéissant. Grégoire Rouiller. https://www.aasm.ch/pages/echos/ESM083021.pdf
Marc 1 : 4 Jean parut, baptisant dans le désert, et prêchant le baptême de repentance, pour la rémission des péchés (hamartia).
Marc 1 : 5 Tout le pays de Judée et tous les habitants de Jérusalem se rendaient auprès de lui ; et, confessant leurs péchés (hamartia), ils se faisaient baptiser par lui dans le fleuve du Jourdain.
Marc 2 : 5 Jésus, voyant leur foi, dit au paralytique : Mon enfant, tes péchés (hamartia) sont pardonnés.
Marc 2 : 7 Comment cet homme parle-t-il ainsi ? Il blasphème. Qui peut pardonner les péchés (hamartia), si ce n’est Dieu seul ?
Luc 7 : 47-48 C’est pourquoi, je te le dis, ses nombreux péchés (hamartia) ont été pardonnés : car elle a beaucoup aimé. Mais celui à qui on pardonne peu aime peu. Et il dit à la femme : Tes péchés (hamartia) sont pardonnés.
Jean 1 : 29 Le lendemain, il vit Jésus venant à lui, et il dit : Voici l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché (hamartia) du monde.
Ac 7, 59 Tandis qu’ils le lapidaient, Etienne prononça cette invocation : « Seigneur Jésus, reçois mon esprit. » 60Puis il fléchit les genoux et lança un grand cri : « Seigneur, ne leur compte pas ce péché. » Et sur ces mots il mourut.
Ro 5,12 Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort a atteint tous les hommes : d’ailleurs tous ont péché. 13car, jusqu’à la loi, le péché était dans le monde et, bien que le péché ne puisse être sanctionné quand il n’y a pas de loi, 14 pourtant, d’Adam à Moïse la mort a régné, même sur ceux qui n’avaient pas péché par une transgression identique à celle d’Adam, figure de celui qui devait venir.
Ro 6,1 Qu’est-ce à dire ? Nous faut-il demeurer dans le péché afin que la grâce abonde ? 2Certes non ! Puisque nous sommes morts au péché, comment vivre encore dans le péché ?
Origine du péché
Les premiers chapitres de la Genèse (2-3), nous enseignent que nous sommes des êtres de relation : relation avec Dieu, relation avec la nature, relation homme-femme, etc. Ces textes nous rappellent aussi notre condition de créature limitée. Pour grandir dans notre humanité, nous devons apprendre et donc recevoir une parole d’un plus grand que nous. Adam et Ève reçoivent une parole de Dieu. Mais ils la rejettent parce qu’ils veulent se positionner comme l’unique point de référence ; ils veulent faire leur propre loi, leurs propres règles. Ils se placent au centre du monde. Ils succombent à cette tentation énoncée par le serpent : « Vous serez comme des dieux » (Gen 3, 5).
Voir l’étude sur le texte de la Genèse
Telle est la nature profonde du péché : l’homme et la femme s’arrachent à la vérité, mettant leur volonté au-dessus d’elle. Nous avons vu que la vérité nous rend libres. En voulant s’affranchir de Dieu et être des dieux, l’homme et la femme se trompent et se détruisent.
Dans la Bible, le péché personnel se définit en référence à la loi. Dans l’Ancien Testament, est pécheur celui qui ne respecte pas l’un des 613 préceptes de la loi mosaïque. Le texte le plus emblématique est celui du décalogue. Dans le Nouveau Testament, Jésus subordonne la loi au commandement de l’amour.
1 Jean 3:4 Tous ceux qui pratiquent le péché violent la loi, puisque le péché, c’est la violation de la loi.
Pourquoi est-ce que je commets le mal alors que je sais pertinemment que ce n’est pas un bien. Paul résume cette situation paradoxale :
Ro 7,19 Car je ne fais pas le bien que je veux, et je fais le mal que je ne veux pas.
Une force nous pousse à commettre le mal, car elle nous donne l’illusion de croire que c’est un bien.
Dans le livre de la Genèse, cette force du mal prend la figure du serpent qui susurre à l’oreille d’Ève : « vous ne mourrez pas, mais vous serez comme des dieux ». Plus loin dans la bible, ce serpent deviendra le Satan, c’est-à-dire l’adversaire de Dieu, et ensuite le diable, c’est-à-dire celui qui divise (du grec diabolos).
La bible le nomme aussi le tentateur et nous sommes continuellement soumis à des tentations. La tentation du pouvoir : devenir tout-puissant ; la tentation de
l’avoir : posséder toujours plus ; la tentation de la jouissance : du plaisir immédiat, sans entraves et sans limites.
Ces tentations nous font lorgner un poste à responsabilité pour se valoriser soi-même ; elles nous poussent à une consommation effrénée au détriment d’une sobriété heureuse ; elles nous font désirer la femme ou le mari du voisin parce qu’il/elle paraît bien séduisant(e). L’herbe est toujours plus verte ailleurs.
Jésus lui-même est soumis à la tentation (Mt 4,1-11). Satan lui propose de transformer des pierres en pain, parce qu’il a faim ; il lui demande de se jeter du haut du temple pour voir des anges empêcher sa chute ; il lui promet un royaume s’il se prosterne devant lui. Jésus résiste et nous invite à faire de même à traves la prière du Notre Père : Ne nous laisse pas entrer en tentation.
Parfois nous succombons à la tentation, mais la bible nous rappelle que le péché, quelle que soit sa forme, n’est pas une fatalité. Jésus nous offre un chemin de salut.