L'avarice
L'avare pense constamment à l'argent et aux richesses. Les désirs qui naissent de sa pensée ainsi orientée l'obsèdent. C'est un obsédé de l'argent et des biens matériels.
St-Jean Chrysostome : L'avarice est un horrible, oui, un horrible fléau : elle ferme les yeux, elle bouche les
oreilles de celui qui en est possédé et le rend plus cruel que les bêtes féroces : elle ne lui permet d'avoir nulle
attention, nulle considération pour quoi que ce soit, ni pour la conscience, ni pour l'amitié, ni pour la société, ni
pour son propre salut ; elle le détache de tout pour l'asservir au joug pesant de sa propre autorité. Et ce qu'il y a
de pire dans cet esclavage, c'est qu'elle persuade à ceux dont elle fait ses esclaves qu'ils sont ses obligés ; c'est
qu'on s'y complaît d'autant plus qu'on est plus asservi. Voilà par où l'avarice devient une maladie incurable :
voilà par où cette bête sauvage est si difficile à prendre et à apprivoiser. Par elle, Giézi, de disciple et de
prophète, devint lépreux ; elle perdit Ananie, elle fît un traître de Judas. L'avarice a corrompu les princes des
prêtres et les sénateurs, leur a fait recevoir des présents, et les a mis au rang des voleurs : elle a engendré une
multitude de maux, inondé les chemins de sang, rempli les villes de pleurs et de gémissements : c'est elle qui
souille les repas et y introduit les mets défendus. Voilà pourquoi saint Paul appelle l'avarice une idolâtrie
(Éphés, v.5) : et encore, par cette qualification, il n'en a point détourné les hommes.
Mais pourquoi l'apôtre appelle-t-il l'avarice une idolâtrie ? C'est parce que bien des riches n'osent se servir de
leurs richesses, qu'ils les gardent précieusement et les remettent à leurs neveux et à leurs héritiers sans y avoir
touché, qu'ils n'osent même pas y toucher, comme à des offrandes faites à Dieu. Et s'ils sont quelquefois
obligés de s'en servir, ils le font avec réserve et avec respect, comme s'ils touchaient à des choses sacrées
auxquelles il ne leur serait point permis de toucher. Mais encore comme un idolâtre garde et honore son idole,
vous de même vous enfermez votre or sous de bonnes portes et de fortes serrures; votre coffre, vous vous en
faites un temple, vous vous en faites un autel où vous déposez votre trésor et le mettez dans des vases d'or.
Vous n'adorez pas l'idole comme lui, mais vous lui prodiguez les mêmes soins. Un homme ainsi préoccupé de
la passion d'avarice, donnera plutôt ses yeux et sa vie que son idole. Voilà ce que font les avares qui sont
passionnés pour l'or.
Mais, direz-vous, je n'adore point l'or. Le gentil non plus n'adore point l'idole, mais le démon qui demeure en
elle. Vous, de même, vous n'adorez pas votre or; mais le démon qui, par vos yeux avidement fixés sur l'or et
par votre cupidité, est entré dans votre âme, vous l'adorez. Car l'amour des richesses est pire que le démon :
c'est un dieu à qui plusieurs obéissent avec plus de zèle que les gentils n'obéissent à leurs idoles. Ceux-ci
n'obéissent pas aux leurs en bien des choses, mais les autres leur sont soumis en tout, et font aveuglément tout
ce qu'elles leur prescrivent.
Que commande l'avarice? Soyez, dit-elle, ennemi de tout le monde, oubliez les devoirs de la nature, négligez
le service de Dieu : vous-même, sacrifiez-vous à moi : et ils lui obéissent en tout. On immole aux idoles des
boeufs et des moutons ; mais l'avarice veut un autre sacrifice ; elle dit : immolez-moi votre âme, et l'avare lui
immole son âme. Ne voyez-vous pas quels autels on élève à l'avarice, quels sacrifices elle reçoit? Les avares
ne seront point héritiers du royaume de Dieu (I Cor. VI, 10) ; et ils ne craignent et ils ne tremblent point. Mais
toutefois cette passion est la plus faible de toutes : elle n'est point née avec nous, elle ne nous est point
naturelle : si elle venait de la nature, elle aurait établi son règne dès le commencement du monde. Or, au
commencement il n'y avait point d'or, personne n'aimait l'or.
Mais voulez-vous savoir d'où naît cette passion? comment elle a crû, comment elle s'est étendue? Le mal s'est
propagé parce que les hommes ont porté envie aux riches qui avaient vécu avant eux, et le spectacle de la
prospérité d'autrui a stimulé jusqu'à l'indifférence. Voyant que d'autres ont eu de magnifiques maisons, de
vastes domaines, des troupes de valets, des vases d'argent, des armoires pleines d'habits, on n'épargne rien pour
les surpasser ; de sorte que les premiers venus irritent la cupidité des seconds, et ainsi de suite. Mais, si les
premiers avaient voulu vivre dans la modération et dans la frugalité, ils n'auraient pas servi de maîtres et de
modèles à ceux qui sont venus après eux. Toutefois, ceux qui les suivent, et qui imitent leur luxe, ne sont pas
pour cela excusables, ils ont d'autres modèles ; il se trouve encore des gens qui méprisent les richesses. Et qui
est-ce qui les méprise? direz-vous. Effectivement, ce qui est le plus fâcheux, c'est que ce vice a tant de force et
d'empire qu'il semble invincible : on croit que tout est soumis à ses lois, et qu'il n'est personne qui suive la
vertu contraire, je veux dire la modération, la tempérance.
Je pourrais néanmoins, en compter plusieurs, et dans les villes et sur les montagnes : mais de quoi cela vous
servirait-il? Vous ne changeriez point, vous n'en deviendriez pas meilleurs. De plus, je ne me suis pas proposé
de traîter aujourd'hui cette matière, et je ne dis pas qu'il faille répandre ses richesses et s'en dépouiller. Je le
voudrais pourtant bien, mais parce que cela paraît trop difficile, je ne vous y obligerai pas. Seulement je vous
exhorte à ne point désirer le bien d'autrui, et à faire part aux pauvres des biens que vous possédez. Jean
Chrysostome, Commentaire sur Saint-Jean, Homélie LXV,3.
Saint François de Sales : Hélas, Philothée, écrit-il, jamais nul ne confessera d'être avare ; chacun désavoue cette bassesse et vilité de cœur : on s'excuse sur la charge des enfants qui presse, sur la sagesse qui requiert qu'on s'établisse en moyens ; jamais on n'en a trop, il se trouve toujours certaines nécessités d'en avoir davantage ; et même les plus avares, non seulement ne confessent pas de l'être, mais ils ne pensent pas en leur conscience de l'être : non car l'avarice est une fièvre prodigieuse qui se rend d'autant plus insensible qu'elle est plus violente et ardente. Moïse vit le feu sacré qui brûlait un buisson, et ne le consumait nullement : mais au contraire le feu profane de l'avarice consume et dévore l'avaricieux, et ne brûle aucunement; au moins au milieu de ses ardeurs et chaleurs plus excessives, il se vante de la plus douce fraîcheur du monde, et tient que son altération insatiable est une soif toute naturelle et suave. Si vous désirez longuement, ardemment, et avec inquiétude les biens que vous n'avez pas, vous avez beau dire que vous ne les voulez pas avoir injustement, pour cela vous ne cesserez pas d'être vraiment avare. Celui qui désire ardemment, longuement et avec inquiétude de boire, quoiqu'il ne veuille pas boire que de l'eau, ne témoigne-t-il pas d'avoir la fièvre ? (Introduction à la vie dévote, 3o partie, ch. XIV).
Lc 18,24. En le voyant, Jésus dit : « Comme il est difficile à ceux qui ont des richesses de pénétrer dans le Royaume de Dieu ! 25. Oui, il est plus facile à un chameau de passer par un trou d'aiguille qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu ! »
Lc 12,16-21. Il leur dit alors une parabole : Il y avait un homme riche dont les terres avaient beaucoup rapporté. Et il se demandait en lui-même : « Que vais-je faire ? car je n'ai pas où recueillir ma récolte. Puis il se dit : Voici ce que je vais faire : j'abattrai mes greniers, j'en construirai de plus grands, j'y recueillerai tout mon blé et mes biens, et je dirai à mon âme : Mon âme, tu as quantité de biens en réserve pour de nombreuses années ; repose-toi, mange, bois, fais la fête. Mais Dieu lui dit : Insensé, cette nuit même, on va te redemander ton âme. Et ce que tu as amassé, qui l'aura ?» Ainsi en est-il de celui qui thésaurise pour lui-même, au lieu de s'enrichir en vue de Dieu.
Mt 16,26 Que sert à l'homme de gagner l'univers entier, s'il vient à perdre son âme? L'homme, que peut-il donner en échange de son âme ?.
Lc 16,13 Nul serviteur ne peut servir deux maîtres : ou il haïra l'un et aimera l'autre, ou il s'attachera à l'un et méprisera l'autre. Vous ne pouvez servir Dieu et l'Argent.