La gourmandise

gourmandise

Les Pères appelaient ce désir désordonné de manger "le désir du ventre". Le gourmand ne mange plus pour vivre, mais on vit pour manger. Le ventre devient le dieu qui réclame la première place et qu'on sert.

Le glouton moderne est un boulimique. Il consomme jusqu’à saturer. Il remplit les manques sans avoir besoin d’autrui : il se nourrit seul. En se goinfrant à satiété sans laisser du manque pour la suite, il ne sait pas goûter le plaisir des choses, s’enivre et se gave au maximum dans une oralité sans fin. Il se fuit et ne sait pas désirer, comme le jeune enfant collé au sein maternel dont il devra pourtant se différencier. Il manifeste ainsi son absence d’autonomie et son peu de résistance aux frustrations inhérentes à l’existence.

Évagre le Pontique (346-399) explique que la gloutonnerie est le fait que l’estomac a pris les commandes et que la gourmandise ne consiste pas seulement en un désir de la nourriture elle-même, mais dans le désir du plaisir que l’on peut prendre à la consommer. L’abus ne consiste donc pas à se nourrir au-delà de ce qui est nécessaire, mais encore à rechercher autre chose, une solution à un mal-être. La nourriture finit par remplacer l’amour et le rapport avec celle-ci devient un moyen d’occulter la souffrance (Sœur Catherine Aubin, Journal La Croix du 02/03/2019). L'oeil du gourmand regarde aussi l'assiette de son voisin de table, et il la regarde d'un œil jaloux : ce qui est dans son assiette est forcément meilleur !

gourmand

Les anciens Pères donnaient au vice de la gourmandise le nom de "gastrimargie", terme que l'on peut traduire par "folie du ventre". La gourmandise est une "folie du ventre". Et il y a aussi ce proverbe qui dit qu'il faut manger pour vivre et non vivre pour manger. La gourmandise est un vice qui se greffe sur l'un de nos besoins vitaux, comme l’alimentation. Soyons prudents à ce sujet.

Si nous l’envisageons d'un point de vue social, la gourmandise est peut-être le vice le plus dangereux qui est en train de faire périr la planète. Car le péché de ceux qui cèdent devant une part de gâteau, somme toute, ne provoque pas de dommages importants, mais la voracité avec laquelle nous nous déchaînons, depuis quelques siècles, sur les biens de la planète, compromet l'avenir de tous. Nous nous sommes jetés sur tout, pour devenir maîtres de tout, alors que tout avait été confié à notre soin, et non à notre exploitation ! Voilà donc le grand péché, la fureur du ventre : nous avons abjuré le nom d'hommes, pour en prendre un autre, celui de "consommateurs". C'est ainsi que l'on dit aujourd'hui dans la vie sociale : "consommateurs". Nous ne nous sommes même pas aperçus que quelqu'un avait commencé à nous appeler ainsi. Nous sommes faits pour être des hommes et des femmes "eucharistiques", capables de rendre grâce, discrets dans l'utilisation de la terre, et au lieu de cela, le danger est de se transformer en prédateurs, et maintenant nous nous rendons compte que cette forme de "gloutonnerie" a fait beaucoup de mal au monde. Demandons au Seigneur de nous aider sur le chemin de la sobriété, et que les différentes formes de gourmandise n'envahissent pas nos vies. Pape François, Audience générale du 10/10/2024.