La hiérarchie dans l'Église
Les racines dans l'Ancien Testament
Dans l'Ancien testament, le prêtre est appelé Cohen et le Grand Prêtre, Cohen Gadol. Aaron, le frère de Moïse, est le premier Grand Prêtre. Les grands-prêtres, comme d'ailleurs tous les prêtres, appartenaient à la lignée d'Aaron. La fonction de grand-prêtre disparait avec la destruction du Second Temple.
Les prêtres recevaient le peuple dans le Temple. Ils s’occupaient des sacrifices, ils entretenaient le Temple et le feu perpétuel.
Le Grand Prêtre supervisait tout. Il était chargé d’allumer la ménora (le grand candélabre du Temple) et de fabriquer l’huile pure. Il bénissait le peuple. Il entrait dans le Saint des Saints le jour de Yom Kippour pour intercéder auprès de Dieu en faveur du peuple.
Ex 28,1-2; « Prends aussi près de toi ton frère Aaron et ses fils avec lui, du milieu des fils d’Israël, pour qu’il exerce mon sacerdoce – Aaron, Nadav et Avihou, Eléazar et Itamar, fils d’Aaron. Tu feras pour ton frère Aaron des vêtements sacrés, en signe de gloire et de majesté.
Ex 29,4 Tu présenteras Aaron et ses fils à l’entrée de la tente de la rencontre et tu les laveras dans l’eau. 5 Tu prendras les vêtements, tu revêtiras Aaron de la tunique, de la robe de l’éphod, de l’éphod et du pectoral ; tu le draperas dans l’écharpe de l’éphod, 6tu poseras le turban sur sa tête, tu mettras l’insigne de consécration sur le turban ; 7puis tu prendras l’huile d’onction, tu la lui verseras sur la tête et tu l’oindras. 8 Ayant présenté ses fils, tu les revêtiras de tuniques, 9tu les ceindras d’une ceinture – Aaron et ses fils – tu les coifferas de tiares et le sacerdoce leur appartiendra en vertu d’une loi immuable. Tu conféreras l’investiture à Aaron et à ses fils.
Le diaconat
Le mot dans le NT
Luc 10 : 40 Marthe, occupée à divers soins domestiques (diakonia), survint et dit : Seigneur, cela ne te fait-il rien que ma soeur me laisse seule pour servir (diakoneo) ? Dis-lui donc de m'aider.
Actes 6 : 1 En ce temps-là, le nombre des disciples augmentant, les Hellénistes murmurèrent contre les Hébreux, parce que leurs veuves étaient négligées dans la distribution (diakonia) qui se faisait chaque jour.
Actes 6 : 4 Et nous, nous continuerons à nous appliquer à la prière et au ministère (diakonia) de la parole.
Actes 11 : 29 Les disciples résolurent d'envoyer, chacun selon ses moyens, un secours (diakonia) aux frères qui habitaient la Judée.
Actes 12 : 25 Barnabas et Saul, après s'être acquittés de leur message (diakonia), s'en retournèrent de Jérusalem, emmenant avec eux Jean, surnommé Marc.
1 Corinthiens 12 : 5 diversité de ministères (diakonia), mais le même Seigneur.
L’institution des 7
Act 6,1 En ces jours-là, le nombre des disciples augmentait, et les Hellénistes se mirent à récriminer contre les Hébreux parce que leurs veuves étaient oubliées dans le service quotidien. 2 Les Douze convoquèrent alors l’assemblée plénière des disciples et dirent : « Il ne convient pas que nous délaissions la parole de Dieu pour le service des tables. 3 Cherchez plutôt parmi vous, frères, sept hommes de bonne réputation, remplis d’Esprit et de sagesse, et nous les chargerons de cette fonction. 4 Quant à nous, nous continuerons à assurer la prière et le service de la Parole. » 5 Cette proposition fut agréée par toute l’assemblée : on choisit Etienne, un homme plein de foi et d’Esprit Saint, Philippe, Prochore, Nicanor, Timon, Parménas et Nicolas, prosélyte d’Antioche ; 6 on les présenta aux apôtres, on pria et on leur imposa les mains. 7 La parole de Dieu croissait et le nombre des disciples augmentait considérablement à Jérusalem ; une multitude de prêtres (sacrificateurs - hiereus) obéissait à la foi.
L’institution des Sept, qu’il faut identifier avec les premiers diacres, est le résultat d’une tension, qui se produit dans la communauté primitive de Jérusalem, entre les juifs de langue et de culture araméenne, et ceux qui étaient de langue grecque. Ceux-ci se plaignaient que les veuves de leur groupe assistées par l’Église étaient négligées.
Les Apôtres agissent en chefs de communauté et prennent l’initiative de créer cette nouvelle institution, pour donner satisfaction aux « hellénistes ». Car ils ne peuvent abandonner le ministère de la prédication pour s’acquitter du service des tables, qui est une fonction subalterne. Ni la fonction, ni le titre de diacre, διακονός, c’est-à-dire de serviteur, qui plus tard y sera attaché, ne paraissent empruntés à une institution juive ou hellénistique.
Les Apôtres ne veulent pas désigner les Sept d’autorité : ici aussi, comme pour le choix du douzième Apôtre, ils se montrent fidèles aux habitudes communautaires pratiquées dans les confréries juives et demeurées vivaces chez leurs compatriotes. Ils confient ce soin à la communauté de Jérusalem : celle-ci tient donc un rôle actif, qui n’est pas négligeable, tout en demeurant subalterne.
Mais les Douze fixent eux-mêmes les qualités que devront présenter les Sept, et ils se réservent le pouvoir de les instituer. Cela implique le droit de contrôler l’idonéité des nouveaux élus, et c’est marquer que des Apôtres seuls procèdent les pouvoirs spirituels. La part de la communauté et celle de la hiérarchie sont ainsi nettement délimitées.
Le rite de l’institution est l’imposition des mains, empruntée à l’Ancien Testament et au judaïsme rabbinique, geste qui marque la bénédiction ou encore la transmission des pouvoirs et qui prend une signification spirituelle nouvelle.
Le profil
1Tim 3,8 Les diacres, pareillement, doivent être dignes, n’avoir qu’une parole, ne pas s’adonner au vin ni rechercher des gains honteux. 9 Qu’ils gardent le mystère de la foi dans une conscience pure. 10 Qu’eux aussi soient d’abord mis à l’épreuve ; ensuite, si on n’a rien à leur reprocher, ils exerceront le ministère du diaconat… 12 Que les diacres soient maris d’une seule femme, qu’ils gouvernent bien leurs enfants et leur propre maison. 13 Car ceux qui exercent bien le ministère de diacre s’acquièrent un beau rang ainsi qu’une grande assurance fondée sur la foi qui est dans le Christ Jésus.
Les épiscopes
Le mot
Luc 19 : 44 ils te détruiront, toi et tes enfants au milieu de toi, et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n'as pas connu le temps où tu as été visitée (episkope).
Actes 1 : 20 Or, il est écrit dans le livre des Psaumes : Que sa demeure devienne déserte, Et que personne ne l'habite ! Et : Qu'un autre prenne sa charge (episkope) !
1 Timothée 3 : 1 Cette parole est certaine : Si quelqu'un aspire à la charge d'évêque (episkope), il désire une oeuvre excellente.
1 Pierre 2 : 12 Ayez au milieu des païens une bonne conduite, afin que, là même où ils vous calomnient comme si vous étiez des malfaiteurs, ils remarquent vos bonnes oeuvres, et glorifient Dieu, au jour où il les visitera (episkope).
Hébreux 12 : 15 Veillez (episkopeo) à ce que nul ne se prive de la grâce de Dieu; à ce qu'aucune racine d'amertume, poussant des rejetons, ne produise du trouble, et que plusieurs n'en soient infectés.
1 Pierre 5 : 2 Paissez le troupeau de Dieu qui est sous votre garde (episkopeo), non par contrainte, mais volontairement, selon Dieu; non pour un gain sordide, mais avec dévouement.
Actes 10, 28-30 Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis les gardiens (épiscopes)...
Philippiens 1 : 1 Paul et Timothée, serviteurs de Jésus-Christ, à tous les saints en Jésus-Christ qui sont à Philippes, aux évêques (episkopos) et aux diacres
1 Timothée 3 : 2 Il faut donc que l'évêque (episkopos) soit irréprochable, mari d'une seule femme, sobre, modéré, réglé dans sa conduite, hospitalier, propre à l'enseignement.
Tite 1 : 7 Car il faut que l'évêque (episkopos) soit irréprochable, comme économe de Dieu; qu'il ne soit ni arrogant, ni colère, ni adonné au vin, ni violent, ni porté à un gain déshonnête;
1 Pierre 2 : 25 Car vous étiez comme des brebis errantes. Mais maintenant vous êtes retournés vers le pasteur et le gardien (episkopos) de vos âmes.
Le mot épiscope est traduit en français par évêque. Littéralement, il veut dire : le surveillant. À la fin du premier siècle, l’épiscope n’était pas nécessairement un ministère particulier, mais il désignait une tâche à faire par les responsables des communautés chrétiennes. Ils devaient surveiller et protéger la communauté devant les menaces de certains prédicateurs hérétiques. Par exemple, les Actes des Apôtres font dire à Paul lorsqu’il dit adieu aux anciens d’Éphèse : Prenez soin de vous-mêmes et de tout le troupeau dont l’Esprit Saint vous a établis les gardiens (épiscopes)... Au deuxième siècle, l’épiscope est devenu un titre donné au responsable principal d’une communauté chrétienne. Dans ce sens, les épiscopes sont les ancêtres des évêques qui, encore aujourd’hui, sont les responsables des diocèses.
Le profil
1Tim 1 Elle est digne de confiance, cette parole : si quelqu’un aspire à l’épiscopat, c’est une belle tâche qu’il désire. 2Aussi faut-il que l’épiscope soit irréprochable, mari d’une seule femme, sobre, pondéré, de bonne tenue, hospitalier, capable d’enseigner, 3ni buveur, ni batailleur, mais doux ; qu’il ne soit ni querelleur, ni cupide. 4Qu’il sache bien gouverner sa propre maison et tenir ses enfants dans la soumission, en toute dignité : 5quelqu’un, en effet, qui ne saurait gouverner sa propre maison, comment prendrait-il soin d’une Eglise de Dieu ? 6Que ce ne soit pas un nouveau converti, de peur qu’il ne tombe, aveuglé par l’orgueil, sous la condamnation portée contre le diable. 7Il faut de plus que ceux du dehors lui rendent un beau témoignage, afin qu’il ne tombe pas dans l’opprobre en même temps que dans les filets du diable.
Le sacrificateur
Le mot
Actes 4 : 1 Tandis que Pierre et Jean parlaient au peuple, survinrent les sacrificateurs (hiereus), le commandant du temple, et les sadducéens,
Actes 6 : 7 La parole de Dieu se répandait de plus en plus, le nombre des disciples augmentait beaucoup à Jérusalem, et une grande foule de sacrificateurs (hiereus) obéissaient à la foi.
Actes 14 : 13 Le prêtre (hiereus) de Jupiter, dont le temple était à l'entrée de la ville, amena des taureaux avec des bandelettes vers les portes, et voulait, de même que la foule, offrir un sacrifice.
Remarquons que les premières communautés chrétiennes n’ont jamais donné aux membres de leur clergé l’appellation de prêtre/sacificateur : en hébreu kôhên, qu’on retrouve dans le syriaque kàhnâ, en grec ίερεύς. Dans le Nouveau Testament, ίερεύς ne s’applique que pour désigner un prêtre juif ou un prêtre païen. Cela tient à ce que la notion du sacerdoce chrétien est toute différente. Le kôhên juif est avant tout un sacrificateur, comme du reste le prêtre païen. Il n’exerce pas un rôle de gouvernement, sinon de façon accessoire (le tiers du Sanhédrin était composé de prêtres). Au contraire le prêtre chrétien a pour mission essentielle de diriger l’assemblée chrétienne ; ses fonctions de gouvernement et d’apostolat sont prépondérantes. Il célèbre l’Éucharistie, qui renouvelle le sacrifice de la Croix ; mais cet aspect sacrificiel de son rôle n’apparaît pas comme le plus en relief. C’est parce qu’il assume avant tout une fonction de direction dans la communauté qu’on lui a appliqué ce vocable d’ancien, πρεσβύτερος, usité dans les communautés juives.
Le presbytre
Le mot
Actes 14 : 23 Ils firent nommer des anciens (presbuteros) dans chaque Eglise, et, après avoir prié et jeûné, ils les recommandèrent au Seigneur, en qui ils avaient cru.
Actes 15 : 2 Paul et Barnabas eurent avec eux un débat et une vive discussion; et les frères décidèrent que Paul et Barnabas, et quelques-uns des leurs, monteraient à Jérusalem vers les apôtres et les anciens (presbuteros), pour traiter cette question.
Actes 15 : 4 Arrivés à Jérusalem, ils furent reçus par l'Eglise, les apôtres et les anciens (presbuteros), et ils racontèrent tout ce que Dieu avait fait avec eux.
Actes 15 : 6 Les apôtres et les anciens (presbuteros) se réunirent pour examiner cette affaire.
Actes 15 : 22 Alors il parut bon aux apôtres et aux anciens (presbuteros), et à toute l'Eglise, de choisir parmi eux et d'envoyer à Antioche, avec Paul et Barnabas, Jude appelé Barsabas et Silas, hommes considérés entre les frères.
Matthieu 15 : 2 Pourquoi tes disciples transgressent-ils la tradition des anciens (presbuteros) ? Car ils ne se lavent pas les mains, quand ils prennent leurs repas.
Matthieu 26 : 3 Alors les principaux sacrificateurs et les anciens (presbuteros) du peuple se réunirent dans la cour du souverain sacrificateur, appelé Caïphe;
Apocalypse 7 : 11 Et tous les anges se tenaient autour du trône et des vieillards (presbuteros) et des quatre êtres vivants; et ils se prosternèrent sur leurs faces devant le trône, et ils adorèrent Dieu,
1 Timothée 5 : 2 les femmes âgées (presbuteros) comme des mères, celles qui sont jeunes comme des soeurs, en toute pureté.
Ce terme de πρεσβύτεροι, « anciens », qui désigne les dirigeants de l’Église de Jérusalem et des Églises locales, est un emprunt au judaïsme orthodoxe. C’est un terme d’une haute antiquité chez les juifs. Les anciens, zeqénim, πρεσβύτεροι, sont les notables, qui ont pris la place des chefs de tribu et qui représentent l’aristocratie laïque, urbaine et terrienne.
Dans les villes de la Palestine et de la Diaspora, chaque communauté juive a d’ordinaire à sa tête un collège d’anciens, élus à vie par elle. Il en est ainsi à Caphamaüm, où ceux-ci sont mentionnés par saint Luc (7,3).
Mais les « anciens » ne participaient aucunement à l’organisation du culte public ; ils n’avaient à cet égard pas d’autre fonction liturgique que celle que les simples fidèles pouvaient accomplir dans le culte synagogal. Les « anciens » étaient dotés de fonctions civiles, à la fois administratives, judiciaires et financières. Leur tâche principale consistait à enseigner et à expliquer la Tora(h).
Dans l’organisation chrétienne, ce terme de πρεσβύτεροι désigne les membres des collèges qui dirigent les communautés locales (notons qu’il ne s’est jamais appliqué aux auxiliaires itinérants des Apôtres, qui étaient pourtant dotés de pouvoirs semblables et même plus étendus). Mais il n’y a pas eu décalque de l’institution juive. Les presbytres chrétiens constituent, avec ces auxiliaires itinérants des Apôtres, le sacerdoce de la Nouvelle Loi, en même temps qu’ils gouvernent les communautés. Les institutions chrétiennes ont une allure nouvelle et présentent une originalité certaine, même quand il y a emprunt d’un vocable.
Sacerdoce et prêtrise
1P 2 « Vous êtes un sacerdoce royal et une royauté sacerdotale » 1P 5,14 « J’exhorte donc les presbytres qui sont parmi vous, moi qui suis presbytre avec eux et témoin des souffrances du Christ, moi qui aie part à la gloire qui va être révélée : Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu ; non par cupidité, mais par dévouement ; n’exerçant pas un pouvoir autoritaire sur ceux qui vous sont échus en partage, mais devenant les modèles du troupeau. Et quand paraîtra le souverain berger, vous recevrez la couronne de gloire qui ne se flétrit pas. »
On voit bien par ce texte ce qu’est la notion de « presbytérat ». Ceux auxquels Pierre s’adresse sont les chefs de la communauté, ses « pasteurs ». Ils ont reçu de Dieu, l’autorité pastorale sur le troupeau du Christ, comme Pierre, « presbytre avec eux », l’a reçue du Christ ressuscité, quand il lui a dit : « Sois le berger de mes brebis » (Jn 21,15.16.17). Cette autorité, ils ne doivent pas l’exercer de manière autoritaire ou cupide, mais ils l’ont effectivement reçue, et personne d’autre ne doit l’usurper, car c’est à eux que le troupeau de Dieu est confié. Ils sont les pasteurs visibles qui tiennent la place du souverain berger invisible, auquel ils devront rendre des comptes.
Le vocabulaire employé pour le « sacerdoce » et le « presbytérat » n’est pas du tout le même en grec. La « communauté sacerdotale » se dit en grec hiérateuma, d’un mot dérivé de hiéreus, le sacrificateur, l’immolateur, l’homme du sacré. La fonction du sacrificateur est d’immoler les victimes et de les présenter à Dieu. Dans un tout autre sens, le « presbytre » (en grec presbutéros, le plus âgé) est l’aîné de la communauté, son « sénateur », celui qui a reçu l’autorité pour la diriger. Le mot presbutéros, transposé en latin sous la forme presbyter, a donné naissance dans nos langues modernes à l’expression « prestre », devenue « prêtre » en français, « priester » en allemand, « priest » en anglais, « prete » en italien, etc. Il y a donc une grande différence étymologique entre le « sacerdoce », habilitation à offrir des sacrifices, et la « prêtrise », habilitation à diriger une communauté. Yvan Rheault, à lire en ligne
Disparition des anciennes appellations
De apôtre, prophète, docteur, on passe à épiscope, presbytre, diacre
Eph 4,11-13 Et il a donné les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs, pour le perfectionnement des saints en vue de l’oeuvre du ministère et de l’édification du corps de Christ, jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi ...
Un constat : la réduction du titre d’apôtre aux Douze et à Paul à la fin du siècle. Il s’agit de lutter contre les abus de ceux qui prétendaient compléter la révélation. On s’achemine vers une révélation close. Donc, le terme d’apôtre, très ouvert à l’origine, va de plus en plus être réservé aux Douze avec une exception pour Paul « docteur des nations » ( 1Tm 2,7).
Le terme de prophète est évité, puisqu’il s’agit de ne pas donner prise à la tendance à ajouter à la révélation. Le terme dans les pastorales n’est appliqué qu’à un prophète païen (Tt 1,12).
Le terme docteur connaît au contraire un engouement, mais il s’agit de perpétuer l’enseignement des apôtres. Le plus grand emploi de ce terme compense la disparition de celui de la prophétie. Le contexte d’une multitude d’enseignements déviants explique aussi qu’on y attache la plus grande importance. C’est dans les pastorales qu’apparaît la première fois le mot « hérétique » Tt 3,10. Le docteur, comme le prophète, est un ministre de la parole ; mais celui-ci parle sous l'action de l'Esprit, tandis que le docteur parle d’après une science acquise par les études.
Cette triade apôtre-prophète-docteur s’estompe lorsqu’il s’agit moins d’évangéliser que de faire vivre une communauté déjà établie. Dans les Pastorales, retenues par la majorité des exégètes comme les lettres les plus tardives du corpus paulinien, la préoccupation devient clairement d’organiser des communautés pour qu’elles résistent aux excès, débordements, élucubrations qui mettraient en péril la foi enseignée par Paul. Il faut donc des ministères destinés à encadrer les chrétiens.
Une autre organisation se met alors en place : la triade épiscopes – presbytres - diacres. À l’époque des Pastorales, on aboutit à une organisation qui comprend donc des épiscopes, des anciens et des diacres, sans que la distinction entre épiscopes et anciens soit très claire.
Quant aux diacres, il faut se souvenir que le mot grec signifie « serviteurs » et que c’est le même mot qui a donné « ministre » en latin. Tout homme qui exerce un ministère dans l’Église est donc « diacre ». Le mot « diacre » peut renvoyer au ministère en général. Ainsi Timothée doit être un bon « diakonos » de Jésus Christ (1 Tm 4,6).
En 60 ans environ – c’est très court – on a l’évolution et la stabilisation rapide des ministères. L’évolution se fait sous l’effet de certains facteurs. Les Douze, en tant que groupe, disparaissent. Dès 42, Jacques, frère de Jean, assassiné n’est pas remplacé (Ac 12,1-2). Les Sept, groupe dont la structure est calquée sur l’administration des cités d’Israël, n’a pas de suite. Au temps de la Didachè, au début du II ème siècle en milieu judéo-chrétien de Syrie ou Palestine, les prophètes chrétiens s’effacent. En effet la prophétie risque de s’égarer et l’itinérance prophétique disparaît au profit des dirigeants locaux. L’évolution se fait différemment suivant les lieux ; alors qu’à Jérusalem on trouve des presbytres locaux associés aux apôtres (Ac 11,30 ; 15,6 ; 16,4), à Antioche on trouve des prophètes et des docteurs (Ac 12,17 ; 21,18). Les prophètes et les docteurs vont faire place aux presbytres-épiscopes et aux diacres. Après la disparition des garants de la tradition il faut parer à la perte de zèle due au retard de la Parousie et il faut garder le dépôt de la foi contre tous les risques d’hérésie (1Tm 6,20 ; 2Tm 1,12-14). Un autre facteur intervient aussi dans l’évolution des ministères, c’est la pratique de l’Eucharistie. Dans les Actes le service de la parole est dissocié du service de la table communautaire (Ac 6). La table communautaire est fixée à un lieu, alors que le ministère de la parole missionnaire exige d’être tourné vers l’extérieur. Dans les ministères il faudra toujours trouver l’équilibre entre les services de gestion des communautés et le ministère de la parole.
À la fin du Ier siècle, vers 96-98, alors que Clément de Rome écrit à l’Église de Corinthe, celle-ci a encore à sa tête un collège de presbytres, sans qu’apparaisse un évêque monarchique. De même la Didaché, première moitié du IIe siècle, ne connaît qu’une hiérarchie à deux degrés : « Élisez-vous des épiscopes et des diacres dignes du Seigneur, car eux aussi exercent pour vous le ministère des prophètes et des docteurs ».
On remarque aussi que Polycarpe, évêque de Smyrne, vers 110, ne fait pas mention d’un évêque. Il exhorte les jeunes gens à être soumis aux presbytres et aux diacres, comme à Dieu et au Christ. À moins que le siège épiscopal ait été vacant, il semble bien que cette Église ait encore conservé un gouvernement collégial.
En somme, si l'on considère dans son ensemble cette hiérarchie ecclésiastique de la seconde moitie du Ier siècle, que nous décrit la Doctrine des douze apôtres (Didachè), elle nous apparait comme presque toujours en mouvement. L’apôtre, le prophète, le docteur, en somme le ministre itinérant, occupe plus souvent la scène que la hiérarchie, le clergé sédentaire, qui cependant a la charge de le surveiller et de le contrôler. Le missionnaire est plus en vue que le simple prêtre et que l’évêque ; c'est autour du missionnaire que les foules se groupent ; c'est a lui que vont les offrandes du peuple ; dans le service divin lui-même, le prophète intervient plus d'une fois.
Mais a mesure que les églises particulières s'organisent d'une manière stable, l'autorité de l’évêque émerge avec plus de relief. Bientôt l’évêque aura absorbé en sa fonction pastorale toutes les fonctions de l’apôtre, du prophète et du docteur. Au IIe siècle, ceux-ci disparaitront de la hiérarchie, ou ils n'auront occupe qu'un rôle transitoire.
La hiérarchie de ces communautés chrétiennes s’organise au IIème siècle comme en témoigne ces lettres d’Ignace d’Antioche :
« Aussi convient-il de marcher d’accord avec la pensée de votre évêque, ce que d’ailleurs vous faites, écrit-il à l’Église d’Éphèse16. Votre presbyterium justement réputé, digne de Dieu, est accordé à l’évêque comme les cordes à la cithare ». Lettre à l’Église d’Éphèse, 4, 1.
« Il est bon de reconnaître Dieu et l’évêque. Celui qui honore l’évêque est honoré de Dieu ; celui qui fait quelque chose à l’insu de l’évêque sert le diable » Lettre à l’Église de Smyrne, 9, 1
« Attachez-vous à l’évêque pour que Dieu s’attache à vous. J’offre ma vie pour ceux qui se soumettent à l’évêque, aux prêtres, aux diacres » Lettre à Polycarpe, évêque de l’Église de Smyrne
« Ayez à cœur de faire toutes choses dans une divine concorde, sous la présidence de l’évêque qui tient la place de Dieu, des presbytres qui tiennent la place du Sénat des Apôtres et des diacres, qui me sont si cher, à moi à qui a été confié le service de Jésus-Christ » Lettre à l’Église de Magnésie du Méandre, 6, 1.
Ainsi donc, autour de l’évêque, le presbyterium forme un collège, qui constitue son conseil, qui l’assiste, qui éventuellement le supplée, et qui doit agir en parfait accord avec lui. Les presbytres siègent dans les assemblées autour de l’évêque ; en son absence, celui-ci leur confie la mission de présider les assemblées et de consacrer l’Eucharistie. Les diacres, qui ne forment pas un collège, aident l’évêque dans le service de la communauté, l’assistent dans la célébration de l’Eucharistie et le secondent dans le ministère de la parole de Dieu.
article sur l'origine de la hierarchie
Réflexions
« Je pense que les communautés chrétiennes sont en voie de se reconstituer en communautés de lecture de l'Évangile, autrement donc qu'en communautés de célébrations; on n'est plus dans la situation où les fidèles ne pouvaient entendre l'Évangile que dans l'acte hiérarchique du clerc qui leur en faisait la lecture et leur dictait ce qu'ils devaient en comprendre. Ils sont en voie de prendre la responsabilité de leur être chrétien, de se définir par rapport à l'Évangile et de prendre aussi la responsabilité de leur être en Église : ils font Église du fait de lire ensemble l'Évangile comme la parole que Jésus leur adresse en ce moment même parce qu'ils sont réunis autour de lui et pour qu'ils se communiquent sa parole les uns aux autres par leurs échanges mutuels.
Je sais bien que ça ne résout pas tout. Comme je le disais tout à l'heure : ils sont chrétiens dans la mesure où ils sont reliés à d'autres communautés et reliés au passé de la foi. En tenant compte de cela, et en écartant toute intention de rompre ces liens en se dotant d'un autre credo, la volonté des fidèles de se comporter et d'être traités en personnes responsables de leur être-chrétien et de leur être-ecclésial crée une situation toute nouvelle dont l'autorité pastorale doit dès aujourd'hui se préoccuper, sous peine d'aller au-devant d'une nouvelle et irrémédiable perte de substance de l'Église.
Qu'est-ce qui empêcherait qu'on conçoive une égalité radicale entre clercs et laïcs, et même qu'on aille vers une Église sans ministres - en tout cas au sens exclusivement clérical du terme ? »
« Le rôle du sacerdoce chrétien (ministériel) tel que je l'envisage, c'est de maintenir le lien avec l'événement historique de Jésus, et je n'en fais pas une question de pouvoir - j'évite personnellement d'utiliser la notion de pouvoir en théologie sacramentelle. (...) Ce que je vois dans le rôle du prêtre, c'est premièrement de maintenir le lien à l'événement historique de Jésus; c'est de garder le sens que le sacrement est un don ; autrement dit, ce serait bien qu'on retire au prêtre l'exclusivité du sacrement, mais attention à ne pas voir des laïcs s'arroger le pouvoir dans leurs communautés, et un pouvoir qui serait le même, aussi omnipotent que celui des curés du passé - vous le verrez si vous ne le voyez déjà... Faisons attention à cela et évitons de dire qu'on va enlever du pouvoir aux curés pour le donner à des laïcs.
Il faut éviter de poser la question en termes de pouvoir; que le prêtre comprenne son ministère vraiment en termes de service et non pas de pouvoir sur des personnes est une chose que je trouve très bonne. Attention à ne pas dire : « On va transférer les pouvoirs du prêtre à des laïcs », même choisis par des communautés ! Mais cela ne veut pas non plus dire qu'une communauté où il n'y aurait que des laïcs serait dépourvue de sacre-ments. Je pense qu'elle pourra inventer ses rites (non ses sacrements), en union avec l'évêque, dont la charge est de maintenir une certaine forme d'universalité, d'ouverture sur l'universel.
Pour moi, c'est ça la véritable utilité de la hiérarchie : garder le regard ouvert sur l'universel; quelques évêques savent le faire. Alors que trop souvent le pouvoir épiscopal est au contraire enfermant ! Aussi faut-il éviter que les communautés chrétiennes ne se renferment sur le local.
Maintenir une visée universaliste de l'Église et inventer en même temps, concurremment, une certaine organisation démocratique, cela ne se fera pas du jour au lendemain, cela ne se fera pas sans danger, mais c'est un noble idéal à poursuivre, qui sera peut-être le salut de l'Église. Car, quand je parle d'un regard ouvert sur l'universel, (...) je pense tout autant à l'universel humain » (Joseph Moingt, Croire quand même, p. 190-192).