Tu aimeras ton prochain comme toi-même
Introduction
Les films et les romans, les chansons et les poèmes parlent d'amour sans que cet élan ne prenne la moindre ride. Tout le monde aspire à aimer et à être aimé, de la naissance jusqu’au linceul, comme si l'amour se conjuguait au même temps et au même mode que le verbe vivre.
La Bible confirme ce constat. Cette collection de 73 livres pourrait d'ailleurs s'intituler "Histoire d'amour de Dieu pour l'humanité". Les premières pages le la Genèse invitent expressément l'homme et la femme à ne former qu'une seule chair, une façon d'exprimer la vocation naturelle à l'amour. Le dernier livre de la Bible, l'Apocalypse, évoque un festin des noces, une manière festive de dépeindre cette vocation. Si la Bible ne donne pas de recette toute faite pour aimer, une formule se distingue par son originalité : « Aime ton prochain comme toi-même ! (Lv 19,18) ». Un tel commandement surprend, car se prendre pour exemple n'est pas vraiment chrétien. Nous pouvons donc nous demander s'il s'agit d'un idéal à suivre ou d'une utopie ?
Pour répondre à cette question, nous décrirons dans un premier temps les visages que peut prendre ce prochain dans la lignée du contexte biblique. Puis nous définirons les différences facettes de cet amour de soi-même. Enfin nous verrons les limites de cette invitation biblique.
I - Qui est mon prochain ?
1.1 – Le livre du Lévitique
L’injonction « Aime ton prochain (rea) comme toi-même (Lv 19,18) » nous est donnée dans le livre du Lévitique. Ce livre, de tradition sacerdotale, contient de nombreuses prescriptions. Le chapitre 19 contient une phrase clé sur laquelle s'appuie les autres recommandations : "Soyez saints comme je suis saint" (v. 2). Dieu se pose comme modèle de sainteté qu'il faut vivre au quotidien de l'existence.
Lv 18:20 Tu ne coucheras pas avec la femme de ton prochain pour te rendre impur avec elle.
Lv 19:13 Tu n’exploiteras pas ton prochain et tu ne prendras rien par violence. Tu ne garderas pas chez toi jusqu’au lendemain la paie d’un salarié.
Lv 19:15 Tu ne commettras pas d’injustice dans tes jugements: tu n’avantageras pas le faible et tu ne favoriseras pas non plus le grand, mais tu jugeras ton prochain avec justice.
Lv 19:16 Tu ne propageras pas de calomnies parmi ton peuple et tu ne t’attaqueras pas à la vie de ton prochain. Je suis l’Eternel.
Lv 19:17 Tu ne détesteras pas ton frère dans ton cœur, mais tu veilleras à reprendre ton prochain, ainsi tu ne te chargeras pas d’un péché à cause de lui.
Le décalogue rappelle aussi l'importance du respect du prochain :
Ex 20,16 Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain (rea).
Ex 20,17 Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain (rea), ni son esclave, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni quoi que ce soit qui lui appartienne.
A qui s’adresse l’injonction du verset 19,18 ? Le contexte du Lévitique offre une réponse :
" 17 Tu ne haïras pas ton frère dans ton cœur ; tu auras soin de reprendre ton compatriote, mais tu ne te chargeras pas d'un péché à cause de lui. 18 Tu ne te vengeras pas, et tu ne garderas pas de rancune envers les fils de ton peuple. Tu aimeras ton prochain comme toi-même ".
Le prochain prend ici la figure d'un compatriote. Qu'en-est-il de l'étranger ?
Lv 19,33 Quand un émigré viendra s'installer chez toi, dans votre pays, vous ne l'exploiterez pas ; 34 cet émigré installé chez vous, vous le traiterez comme un indigène, comme l'un de vous ; tu l'aimeras comme toi-même.
L'étranger prend ici la valeur d'un "prochain" ; "l'amour comme soi-même" reste la référence.
1.2 – Les évangiles
Les évangiles reprennent l'injonction du Lévitique et soulignent qu'il s'agit d'un commandement aussi important que l'amour envers Dieu.
"Mt 22,37 Jésus lui déclara : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée. 38 C'est là le grand, le premier commandement. 39 Un second est aussi important : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. 40 De ces deux commandements dépendent toute la Loi et les Prophètes."
Dans le Lévitique, la prescrition n'est qu'une mitzvah parmi les 613 préceptes que contient la loi mosaïque. Jésus l'érige à la première place et y subordonne toutes les autres lois. " S’il me manque l’amour, je ne suis rien " conclut Paul (1Co 13,2).
Qui est mon prochain dans les évangiles ? Un légiste pose la question à Jésus qui lui répond à travers la parabole du bon samaritain (Lc 10).
25Et voici qu'un légiste se leva et lui dit, pour le mettre à l'épreuve : « Maître, que dois-je faire pour recevoir en partage la vie éternelle ? » 26Jésus lui dit : « Dans la Loi qu'est-il écrit ? Comment lis-tu ? » 27Il lui répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force et de toute ta pensée, et ton prochain comme toi-même. » 28Jésus lui dit : « Tu as bien répondu. Fais cela et tu auras la vie. » 29Mais lui, voulant montrer sa justice, dit à Jésus : « Et qui est mon prochain ? » 30Jésus reprit : « Un homme descendait de Jérusalem à Jéricho, il tomba sur des bandits qui, l'ayant dépouillé et roué de coups, s'en allèrent, le laissant à moitié mort. 31Il se trouva qu'un prêtre descendait par ce chemin ; il vit l'homme et passa à bonne distance. 32Un lévite de même arriva en ce lieu ; il vit l'homme et passa à bonne distance. 33Mais un Samaritain qui était en voyage arriva près de l'homme : il le vit et fut pris de pitié. 34Il s'approcha, banda ses plaies en y versant de l'huile et du vin, le chargea sur sa propre monture, le conduisit à une auberge et prit soin de lui. 35Le lendemain, tirant deux pièces d'argent, il les donna à l'aubergiste et lui dit : “Prends soin de lui, et si tu dépenses quelque chose de plus, c'est moi qui te le rembourserai quand je repasserai.” 36Lequel des trois, à ton avis, s'est montré le prochain de l'homme qui était tombé sur les bandits ? » 37Le légiste répondit : « C'est celui qui a fait preuve de bonté envers lui. » Jésus lui dit : « Va et, toi aussi, fais de même. »
Rappelons que les Judéens et les Samaritains sont en conflit depuis le schisme vers 1000 av. J-C., entre le royaume du Nord (Israël avec pour capitale Samarie) et le royaume du sud (Juda avec pour capitale Jérusalem). La parabole nous montre un Samaritain pris de pitié pour un Judéen, alors qu'un prêtre et un Lévite passent à bonne distance. Pour ces deux derniers, le souci de la pureté prévaut sur l'assistance à personne en danger. Il en ressort que le prochain est celui qui est dans le besoin sur mon chemin quelles que soient sa race, sa culture et sa religion. L’Évangile nous invite à faire un pas de plus et à aimer aussi nos ennemis, comme un authentique prochain. Martin Luther King souligne : « Heureusement que Jésus ne m’a pas demandé de trouver mon ennemi sympathique. Je ne peux pas trouver sympathique celui qui envoie ses chiens sur moi et détruit ma maison. En revanche, je peux l’aimer. »
Ce qui, d'abord, est étonnant, c'est que Jésus répond à une question par une question, mais par une question qui s'est inversée par la vertu corrective du récit. le visiteur demandait : Qui est mon prochain, quelle espèce de vis-à-vis est mon prochain ? Jésus retourne la question en ces termes : Lequel de ces hommes s'est comporté comme prochain ? Le visiteur faisait une enquête sociologique, sur un certain objet social, sur une catégorie sociologique éventuelle, susceptible de définition, d'observation et d'explication. Il lui est répondu que le prochain n'est pas un objet social fût-il de la deuxième personne, mais un comportement en première personne. Le prochain, c'est la conduite même de se rendre présent. C'est pourquoi le prochain est de l'ordre du récit : il était une fois un homme qui devint le prochain d'un inconnu que des brigands avaient assommé. Le récit raconte une chaîne d'événements: une suite de rencontres manquées et une rencontre réussie ; et le récit de la rencontre réussie mûrit dans un ordre : « Va et fais de même. » La parabole a converti l'histoire racontée en paradigme d'action. Il n'y a donc pas de sociologie du prochain ; la science du prochain est tout de suite barrée par une praxis du prochain ; on n'a pas un prochain ; je me fais le prochain de quelqu'un. Paul Ricoeur, Histoire et vérité, Seuil, 2014, p. 114.
1.3 – Paul
Terminons cette approche biblique par une recommandation de Paul : aimer son conjoint comme son propre corps. Celui ou celle avec qui nous parageons notre vie, est le premier prochain. Au fil des ans s'installe une certaine routine et une distance. Ce prochain, trop proche prend la figure de l'étranger que je dois continuer à aimer comme mon propre corps. C'est tout l'enjeu de l'amour de soi-même que nous développerons dans la deuxième partie.
II – S’aimer soi-même
2.1 – Narcissisme ?
Le mythe de Narcisse
Ovide nous livre la version la plus connue du mythe de Narcisse. Lors de la naissance de Narcisse, le devin Tirésias, annonce que l'enfant n'atteindra un âge avancé que s'il ne se connaît pas. Les années passent et Narcisse se révèle d'une beauté exceptionnelle, mais aussi d'un ego démesuré. Il repousse de nombreux prétendants et prétendantes, dont la nymphe Écho. Une de ses victimes éconduites en appelle aux divinités pour se venger. La déesse Némésis l'exauce. Un jour, alors que Narcisse se désaltère à une source après une rude journée de chasse, il voit son reflet dans l'eau et en tombe amoureux. Il reste alors de longs jours à se contempler et à désespérer de ne jamais pouvoir conquérir sa propre image. Narcisse finit par mourir de cette passion qu'il ne peut assouvir. À l'endroit où l'on retire son corps, on découvre des fleurs blanches : ce sont les fleurs qui aujourd'hui portent le nom de narcisses.
Ce mythe montre un amour de soi poussé jusqu'au paroxysme de la mort. Toute forme d'égoïsme porte les traces d'une mort symbolique.
Devenir comme des dieux, des Apollons et des Vénus
Voir l'étude sur le texte de la Genèse
Le culte du corps
Le corps parfait est le dieu du XXIe siècle dans nos sociétés modernes. Nous lui vouons un culte digne des plus fastes rituels religieux. S’il faut s’aimer soi-même, alors nous sommes les champions de l’amour. Dieu nous invite certes à entretenir notre image, à nous aimer nous-mêmes, mais il rejette toute forme d’idolâtrie.
Nous cherchons le regard des autres à travers l’image que nous donnons. Reconnaissons que la beauté contribue à l’attirance. Dans la bible, Judith parvient à ses fins grâce à sa grande beauté. Elle n’hésite pas à se parer de ses plus beaux artifices pour faire succomber le général Holopherne. Avec l’aide de quelques verres de vin, elle finit par lui faire perdre la tête au sens propre comme au sens figuré grâce à ses charmes (Jdt 12-13).
Les magazines et les médias nous proposent un idéal de beauté, mince avec une belle poitrine pour une femme ; musclé et sans poil pour un homme. Hors de ces canons, point de salut. Tout laisse croire que sans ces critères, il est impossible de rencontrer l’âme sœur et le grand amour, ou tout simplement de réussir sa vie. La propagation d’un idéal de perfection nous empêche d’accepter notre propre image. La quête de bien-être cède la place à une idéologie du corps parfait, à un diktat du paraître au détriment de l’être. À l’instar du serpent de la Genèse, cette idéologie nous laisse penser que nous pouvons atteindre cet idéal de perfection, en somme être comme des dieux. Les mannequins défilent devant nos yeux et se présentent comme une réponse à notre quête d’un jardin d’Éden. Mais entre le rêve et la réalité poussent beaucoup de désillusions ; celles-ci nous rappellent que nous ne sommes ni des dieux ni des déesses.
Cette religion de l’image parfaite comporte ses temples et ses rituels. La peau lisse et les muscles tiennent lieu de parure. Pour plaire au dieu Apollon et la déesse Vénus, certains n’hésitent pas à passer de nombreuses heures dans des salles de sport et à compter les calories de chaque repas. Les plus passionnés font appel à la chirurgie esthétique pour gommer toute entrave à la norme. Le nez, la bouche, les seins, les fesses et même les parties intimes deviennent l’objet d’une attention diabolique. Le corps devient obsessionnel et la moindre imperfection est scrutée à la loupe. L’excès est l’ennemi du bien et ces pratiques poussées à l’extrême nous font plonger dans des dérives narcissiques. Le moi devient une idole au détriment de la relation aux autres.
Extrait du livre : Noël Higel, Dieu tout-puissant, mythe ou réalité, Bookedition.
2.2 – Comment aimer son corps et son esprit
S’aimer soi-même
S’aimer soi-même, c’est avant tout s'accepter tel que nous sommes, avec nos imperfections et nos limites, notre histoire avec ses hésitations et ses erreurs, nos cheminements avec ses choix et ses balbutiements, nos forces et nos faiblesses. C'est aussi prendre soin de soi-même, de notre bien-être, physique, émotionnel, psychique et spirituel. C'est enfin offrir son image aux autres avec fierté et humilité.
S'aimer, n'est-ce pas aussi exprimer sa gratitude envers soi-même et tout ce qui arrive de bien dans la vie.
Se donner des projets
Nous sommes des êtres de désir. En fait, «être c'est désirer ; persévérer dans son être, c'est s'efforcer de désirer (M. COLLIN, Désir et raison, Hatier, 1978, p. 50. ).» Celui qui n'a plus de désirs se réfugie dans son imaginaire narcissique. Le désir, au contraire, nous maintient constamment en éveil. Mais combler le désir demande du temps : un temps infini parce que le désir est infini.
Se pardonner
Il est humain de commettre des erreurs et des fautes. Se pardonner offre la possibilité de grandir et d’apprendre de nos expériences. Le pardon de soi est essentiel pour avancer et maintenir une relation saine avec soi-même. Mais le pardon à soi est un chemin difficile. Lévinas écrit dans Quatre Lectures talmudiques : "Peut– être que les maux qui doivent se guérir à l'intérieur de l'âme sans le secours d'autrui, sont précisément les maux les plus profonds (...) Qu'un mal exige une réparation de soi par soi, cela mesure la profondeur de la lésion."
2.3 – Pour grandir en humanité
A l’image de Dieu
Voir l'étude sur l'image de Dieu
III – Les limites
3.1 – Je donne ce que je suis
L’illusion de la toute puissance
La toute-puissance prend sa source dans un imaginaire où tout est possible, que tous les manques peuvent être satisfaits. Or nous sommes des êtres façonnés par un désir infini. La soif de toute puissance témoigne d’une incapacité à accepter que l’on ne peut pas tout avoir ou encore tout maîtriser. Notre existence est parsemée de chemins que nous choisissons ou que nous subissons. Nous ne contrôlons pas tous les virages et parfois nous finissons dans le fossé.
C’est au cœur de ces événements que nous mesurons toute notre impuissance. Lâcher prise, c’est cesser d’aborder l’existence avec un vouloir tout faire par soi-même, c’est taire son ego qui veut se dispenser des autres.
Dans notre rapport à nous-mêmes ou à l'autre, nous devons renoncer au voeu de toute puissance que nous suggère notre imaginaire. Car l'imaginaire veut tout. Il veut surtout que l'autre soit à notre propre image. Il projette en l'autre notre propre désir jusqu'à notre propre conscience, sans respect de la différence et de la distance. Le réel jaillit alors comme un terrain miné, impossible à parcourir.
L’alternative à la toute-puissance, n’est pas l’impuissance, mais l'humilité, l'accueil de l'autre dans son impossibilité à tout donner et l'acceptation de notre propre vulnérabilité.
La vulnérabilité comme force
La vulnérabilité a-t-elle une place dans un monde où règnent la performance et la compétitivité ? Tout nous pousse à afficher une assurance à toute épreuve, à cacher nos fragilités. Pourtant nous naissons dans le dénuement, totalement dépendants et inachevés. La vie nous rappelle constamment que nous avons besoin des autres, à commencer par nos parents et nos amis.
L’écrivain Jean-Claude Carrière souligne dans Fragilité : « Un personnage ne peut nous toucher, et toucher les autres, que lorsque nous avons trouvé en lui cette “essence de verre” que nous appelons vulnérabilité. Alors notre vulnérabilité, loin d’être une simple et irrémédiable faiblesse, devient, parce qu’elle nous est commune, le moteur de toute expression, de toute émotion et, souvent, de toute beauté ». https://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Personnalite/Articles-et-Dossiers/Nos-fragilites-sont-une-force.
Paul n'hésite pas à affirmer : Car, lorsque je suis faible, c'est alors que je suis fort (1Co 12,10). Paul refuse la gloire et les honneurs au profit d’une théologie qui s’exprime à travers la faiblesse, ce que le texte grec nomme l’asthénie.
Il n’y a, à vrai dire, pas d’amour sans vulnérabilité, c’est-à-dire sans cette possibilité d’être touché et façonné au risque des blessures. Nous jouissons et souffrons dans l’amour donné et reçu. La vulnérabilité est ce lieu secret et fragile que le partenaire investit dans la relation. Elle trahit notre faiblesse qui offre à l’autre la possibilité de manifester sa force. Noël Higel, Dieu tout-puissant, mythe ou réalité, BookEdition, p. 249.
Les textes bibliques développent une option préférentielle pour les anawin, les pauvres de Dieu qui prennent la figure des courbés, des affligés, des boiteux, des lépreux ... Les anawin sont ceux qui sont affamés de salut. C’est pourquoi ils sont les premiers à qui est annoncée la Bonne Nouvelle. « Heureux vous les pauvres, le royaume de Dieu est à vous », affirme Jésus sur le mont des Béatitudes. Jésus précise par ailleurs : « Ce ne sont pas ceux qui se portent bien qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler à la repentance des justes, mais des pécheurs (Lc 5,31-32). »
La parabole du jeune homme riche (Mc 10, 21-22) invite à ce nécessaire dépouillement pour aller à l'essentiel. Ce jeune homme respecte à la lettre les commandements divins concernant le respect dû au prochain et à ses parents. Il est d’ailleurs tout heureux d’en informer Jésus. Mais il lui manque visiblement une qualité une qualité pour entrer dans le royaume de Dieu : la pauvreté.
3.2 – Accueillir l’autre tel qu’il est
Le respect de la différence
3.3 - Renoncer à soi-même
L'exigence de l'amour du prochain va-t-il jusqu'à aimer l'autre plus que soi-même ? Charité bien ordonnée commence par soi-même. Dieu nous invite à des renoncements, mais non à des nuissances.
Lettre de Bernard de Clairvaux
au pape Eugène III. An 1149.
Comment peux-tu être vraiment présent pour
les autres si tu t’es perdu toi-même ? Si tu
passes toute ta vie en activités et si tu ne te
crées plus d’espace pour le silence, je ne te sou-
tiens pas. Commence à te découvrir, pour que tu
ne t’oublies pas en allant vers les autres. À quoi te
sert-il de gagner le monde entier si tu t’y perds ?
Comment peux-tu être pleinement humain, si tu
t’es perdu ? Toi aussi, tu es un être humain. Pour
que ta bonté soit parfaite, tu ne dois pas seulement
être là pour les autres, mais tu dois avoir un cœur
attentif à toi-même. À quoi cela te sert-il de gagner
le cœur des humains en t’y perdant ? Si toutes et
tous ont le droit d’avoir une part de toi, sois alors
aussi un homme qui a le droit de t’avoir. Pourquoi
serais-tu le seul qui n’ait rien de toi-même ? Com-
bien de temps encore offriras-tu ton attention à
tous, sauf à toi-même ?
Tu te sens proche des sages et des fous et tu ne
reconnais pas ce devoir d’être proche de toi-
même. Tout le monde puise dans ton cœur comme
si tu étais une fontaine publique et toi, tu restes
assoiffé à côté. Laisse ton eau couler tranquille-
ment à travers les places de Rome, mais avec tout
le monde, bois aussi de l’eau de ta source. N’es-tu
pas étranger à tous si tu restes étranger envers toi-
même ? Oui, celui qui est mal avec lui-même, avec
qui peut-il être bon ? N’oublie pas : offre-toi à toi-
même ! Je ne dis pas : fais-le toujours, mais je dis :
fais-le de temps à autre. Sois comme pour tous les
autres : présent pour toi aussi.
(De Consideratione,
lib. 1, cap. 5, n° 6 ;
182, 734 A)
Voir l'étude sur le "suis-moi" que lance Jésus.
Conclusion
Aimer son prochain comme soi-même ! Jésus reprend cette injonction du Lévitique pour en faire un commandement aussi important que l’amour de Dieu. Nous sommes invités à le vivre au quotidien comme un idéal de vie. Le prochain peut prendre le visage de mon conjoint, de mon collègue, de mon voisin, voire de mon ennemi.
Le comme soi-même donne la mesure de cet amour. Parfois nous nous haïssons, parfois nous nous aimons. L’exigence comporte donc une part d’utopie inhérente à notre humanité et à ses limites.
L’appel de Jésus annonce que le Royaume de Dieu est déjà là, mais pas encore abouti. Il est à construire dès à présent dans l’exercice quotidien de notre liberté.