Le miracle
Nous sommes arrivés à destination sans prendre de PV ; c’est un vrai miracle...
Mon fils à dévalé la colline sans égratignure ; c’est un vrai miracle...
Il y a eu, une tornade, c’est un miracle qu’il n’y ait pas plus de dégâts...
C’est un miracle que nous ayons pu venir ce matin...
Nous avons tous prononcé ces formules pour exprimer notre étonnement devant l’issue favorable d’un événement.
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Les miracles nous aident-ils dans notre vie de foi ? Ces événements nous interpellent à plusieurs titres :
- Aujourd’hui, nous vivons dans un monde rationnel où tout doit trouver une explication, or le miracle dépasse notre intelligence.
- Le miracle, surtout les guérisons, s’adresse à des personnes en particulier. Pourquoi ? Est-ce une question de mérite ? De foi ?
- Quelle image de Dieu me donnent les miracles ? Celle d’un magicien ? D’un manipulateur ? Ou d’un Dieu qui révèle son dessein ?
- Est-ce que le miracle nourrit ma foi ou au contraire m’empêche-t-il de croire ? Préserve-t-il ma liberté de croire ?
Définition du miracle
Le mot « miracle » vient du latin "mirari" : s’étonner. Il désigne donc un événement qui provoque la stupéfaction, parce qu’il se soustrait au cours normal des choses. Le site de l’Église catholique de France définit le miracle en ces termes :
Fait extraordinaire et suscitant l’admiration en dehors du cours habituel des choses.
Manifestation de la puissance et de l’intervention de Dieu qui apporte une révélation de sa présence et de la liberté dont il use pour accomplir ses desseins. La Bible désigne les miracles en termes de puissance (Ex 9,16), de prodiges (Rom 1,19-20) de guérison (Jn 9,1-41) et de signes (Jn 3,2). Le miracle n’a pas son but en soi, il dirige nos regards plus loin en révélant la présence immédiate de Dieu. Le miracle n’est pas explicable scientifiquement. http://www.eglise.catholique.fr/glossaire/miracle.
Dans le miracle, Dieu bouleverse le cours naturel des choses tel qu’il ressort de nos observations humaines et scientifiques. Mais le dernier point de la définition de l’Église catholique mériterait d’être complété par la phrase « en l’état actuel des connaissances », car ce qui n’est pas explicable aujourd’hui le sera peut-être demain. Dans les traditions anciennes de la bible, la nature est un miracle permanent. La beauté de la création, les mouvements des astres dans le firmament, l’alternance des saisons, la pluie et le soleil, la fertilité du sol, la fécondité des bêtes et des hommes, toutes ces réalités sont perçues comme des prodiges. Les observateurs de cette époque se cantonnent à la recherche d’une cause première et ne s’intéressent pas aux causes secondes. Il suffit d’affirmer que Dieu est à l’origine de toute chose pour assister à un miracle permanent. Au Moyen Âge, une tempête apaisée pendant une procession du Saint-Sacrement est un miracle ; aujourd’hui c’est une coïncidence météorologique. Le rapport à la vérité s’est complexifié et enrichi. Les sciences fournissent désormais des explications rigoureuses qui interdisent de voir l’agir de Dieu en tout phénomène.
Mais une explication scientifique n’enlèverait pas au miracle sa dimension de signe . Il est primordial de distinguer le signifiant du signifié si nous ne voulons pas tomber dans le piège d’une approche purement rationaliste. Le signifiant désigne le fait objectif qui est mesurable et observable sur le plan scientifique. Le signifié donne le sens. Dans le cas du miracle, il renvoie à une transcendance que nous nommons Dieu. Le passage de l’un à l’autre relève de la foi et non de la démonstration. Que le miracle soit démontré ne supprime pas la transcendance, mais la purifie de toute velléité d’accaparement.
Le miracle nous dit que certains événements échappent à la science. Il annonce que tout ne relève pas des équations et des démonstrations rigoureuses. La science s'intéresse au comment alors que la philosophie et la théologie interrogent le pourquoi. Les deux domaines courent dans un registre différent, sans se contredire. Nous sommes plus qu’une matière soumise à des lois physiques ; l’univers s’étend au-delà de ses sphères célestes.
« Le danger, c’est de regarder le doigt quand on nous montre la lune: c’est de passer à côté du sens du miracle. Chaque miracle nous dit quelque chose de la puissance de Dieu et de sa compassion pour l’humanité ». Gérard Pella.
Croire au miracle, ce n'est donc pas nier l'existence des lois de la nature ou refuser
à la science toute capacité de les pénétrer. L'idée même de miracle présuppose celle d'un cours
normal de la nature intelligible à son propre niveau. Aussi le christianisme, nourri de l'héritage
philosophique et scientifique des Grecs, adopta-t-il précocement une position très solide en
admettant à la fois les deux termes de ce qui n'est, en vérité, qu'une fausse alternative. En œuvrant à
la découverte des lois de la nature, les sciences ne nient pas la possibilité des miracles. Bien au
contraire, elles renforcent le crédit des plus authentiques (s'il en est) en les distinguant des faux
prodiges. Les problèmes commenceraient seulement si tous les prétendus miracles recevaient une
explication : hypothèse souvent formulée aujourd'hui, mais qui revient à poser, dans un avenir plus
ou moins lointain, un achèvement de la connaissance dont les scientifiques sont les premiers à
rejeter l'éventualité.
Au niveau des faits, la
cause est toujours déjà entendue : pour des raisons simplement logiques, le miracle doit rester pour
les sciences de la nature de l'ordre du possible. Si l'Eglise attendait une certitude, elle serait certes
déçue de cette conclusion. Mais il est révélateur que, dans presque tous les cas, ce soit elle qui
prenne l'initiative du contrôle : moins naïve que les rationalistes mettant toute leur confiance dans
les sciences «dures» pour faire éclater la vérité, elle sait bien qu'elle aura seule le bénéfice du doute
par elle semé. Accepter d'enquêter avec les moyens de la science sur un fait prétendu miraculeux
revient en effet à annuler la distinction kantienne du savoir et de la croyance, de la métaphysique et
de la science, et donc à imaginer le protocole aberrant d'une tentative expérimentale de la preuve de
Dieu. Au minimum, c'est suggérer que l'hypothèse du surnaturel est, aujourd'hui comme hier,
recevable. Or, comme l'écrit le grand épistémologue Karl Popper, esprit on ne peut moins
dogmatique, «il y a eu, au fil des siècles, des modifications dans nos idées sur ce qui constitue une
explication satisfaisante».
Jean-Pierre Albert. Les sciences face au miracle. La Recherche, 1994, 270, pp.XXX. Lien dans la bibiothèque.
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Distinguons plusieurs sortes de miracles :
- Miracles « mystiques » : miracles eucharistiques
- Miracles de la nature : danse du soleil (Fatima)
- Miracles « personnels » : guérisons physiques, psychologiques, spirituelles
- Apparitions
- Les mystères : création, incarnation, résurrection (ces mystères relèvent des dogmes de l'Eglie, donc des vérités à croire)
En ce qui concerne les apparitions, l’enseignement de l’Eglise catholique est clair sur le sujet : la révélation publique a pris fin avec le Nouveau Testament, et aucune révélation privée n’ajoutera quelque chose d’essentiel pour la foi. Raison pour laquelle aucun fidèle catholique n’est tenu de croire aux apparitions, même à celles reconnues par l’Eglise. Pour Medjugorje, «La commission internationale conclut pouvoir affirmer avec une certitude raisonnable que les sept premières apparitions semblent intrinsèquement crédibles, écrivent-ils, parce qu’elles ont suscité en ceux qui les ont vues un réveil de la foi, une conversion de leur mode de vie et un renouvellement du sens de l’appartenance à l’Église.» https://www.cath.ch/newsf/pas-de-guerison-miraculeuse-a-medjugorje/
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Pour déterminer qu’une guérison est miraculeuse, l’Église catholique utilise 7 critères, appelés les « sept critères du cardinal Lambertini ». Le cardinal Lambertini est devenu le pape Benoît XIV en 1740.
- 1 – Il faut, en premier lieu, que la maladie soit grave, incurable ou de traitement aléatoire.
- 2 – Ensuite, elle doit être reconnue et répertoriée par la médecine.
- 3 – Il faut encore que nulle médication n’ait été donnée ou, s’il est avéré que des médicaments ont été prescrits, qu’ils n’aient pu avoir d’action utile.
- 4 – En quatrième lieu, il convient que la guérison soit soudaine et obtenue en un instant.
- 5 – Il faut aussi que cette guérison soit parfaite et non incomplète ou partielle.
- 6 – De plus, il ne doit pas s’agir de simples régressions des symptômes mais d’une guérison totale.
- 7 – En dernier lieu, il faut que la maladie effacée ne se reproduise pas. Il doit s’agir non pas d’une rémission mais d’une vraie guérison : elle doit être durable.
Dans la pratique, l’Église catholique reconnait officiellement très peu de guérisons miraculeuses. A Lourdes, sur les 7 200 déclarations de guérison enregistrées par le bureau médical depuis 1883, seuls 70 miracles ont été reconnus officiellement à ce jour par l’Église.
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Le miracle est une manifestation de la puissance et de l’intervention de Dieu
- Théophanie
- Œuvre de Dieu : ni humaine ni démoniaque ni scientifique
- Puissance : nous confessons notre foi en un Dieu tout-puissant
- Intervention : irruption de Dieu dans notre histoire
Une anticipation du royaume de Dieu
Le miracle nous dit aussi que le royaume de Dieu nous est donné en germe ici-bas (Lc 17,21). Les miracles sont des signes avant-coureurs de l’au-delà et non une réponse au mystère du mal. Ils annoncent le salut pour chacun de nous, comme le souligne Marie-Jo Thiel à propos de la guérison de l’aveugle de Jéricho (Lc 18,35-43) :
La guérison fait signe à tous les souffrants pour leur dire que par-delà leurs maux actuels, le salut est possible pour chacun(e). Marie-Jo THIEL, La santé augmentée, réaliste ou totalitaire, Bayard, 2014, p. 182.
Les miracles remplissent la fonction symbolique d’exprimer la compassion de Dieu à l’égard des petits. L’activité thaumaturgique de Jésus rend effective la bonne nouvelle qu’il proclame, à savoir la libération annoncée aux pauvres dans la ligne du prophète Isaïe. Ce sont des béatitudes en actes. Ils révèlent « l’humanité de Dieu » et illustrent le « caractère humain et humanisant du Royaume de Dieu ». Benoît Bourgine
Les miracles nous disent de manière prophétique que le mal n’est pas une fatalité. Un jour toute souffrance sera gommée, quelle que soit sa densité, même si elle en arrive à détruire toute humanité. Le mal ne vaincra jamais définitivement. Jésus accomplit le déjà là et le pas encore du royaume de Dieu. Il lève le voile sur l’éternité de Dieu en semant des graines d’espérance.
Le miracle ne prétend nullement être une « solution miracle » au problème crucial du mal, qui demeure entièrement un mystère. Le miracle vise certes des personnes ciblées mais il est pour tous une annonce et une promesse du renouvellement eschatologique quand les corps, participant à la résurrection du Christ, seront glorifiés. Que Dieu court-circuite les causes secondes pour intervenir directement dans le cosmos entre dans le champ de sa liberté souveraine et est conforme à sa Providence pleine de sollicitude. Chanoine Christian Gouyaud.
Tout au long de l’histoire du Salut, Dieu a clairement voulu accompagner sa révélation de signes surnaturels pour donner aux hommes des marques de sa présence active qui soient adaptées à leur intelligence (CEC, n. 156).
Certes, « heureux sont ceux qui croient sans avoir vu » (Jn 19,28). C’est une grâce, qui donc n’est pas donnée à tout le monde. C’est pourquoi l’Église, qui sait à quel point Dieu est libre, n’impose pas de « croire » à tout ce qui est présenté comme miraculeux. Elle-même prend les précautions maximales avant de reconnaître un fait comme tel. Elle tient d’abord à être assurée de son caractère inexplicable selon les plus exigeants des critères disponibles. Mais elle s’attache aussi et surtout à vérifier que chaque miracle est une aide et un chemin pour augmenter la foi des fidèles.
Le miracle n’est donc pas d’abord une entorse aux lois de la nature, ce qui le caractérise, aux yeux de saint Augustin, c’est sa finalité : il s’agit d’un moyen proportionné qu’emploie Dieu pour faire avancer un individu ou un groupe vers son salut. Le caractère étonnant de la chose peut résulter soit de l’effet inattendu d’une cause connue (comme une guérison improbable, due à une réaction encore inconnue), soit de coïncidences dont la répétition et la précision amènent à penser qu’il y a une intention derrière, soit enfin d’interférences entre l’état spirituel de la personne et son organisme physique, etc… Dans tous ces cas, ce qui permet de reconnaître un miracle est que l’effet suit de près une prière et un geste religieux significatif, qu’il ne peut en tout cas être provoqué à volonté, et qu’il correspond à une avancée significative de la personne vers Dieu. revue Résurrection, N° 174-175 (Mars-Juin 2018) Les miracles, Faut-il croire au miracle ? Michel Gitton.
Foi et miracle
Dans de nombreux miracles, Jésus rend témoignage à la foi des personnes guéries :
Alors Jésus lui dit : Femme, ta foi est grande ; qu’il te soit fait comme tu veux. Et, à l’heure même, sa fille fut guérie. (Mt 15,28).
Et Jésus lui dit : recouvre la vue ; ta foi t’a sauvé. (Lc 18,42).
Puis il lui dit : lève-toi, va ; ta foi t’a sauvé. (Lc 17,19).
Face à un centurion romain qui réclame la guérison de son esclave, Jésus n’hésite pas à affirmer :
Je vous le dis, même en Israël je n’ai pas trouvé une aussi grande foi. (Lc 7,9).
Une femme souffre d'hémoragie, or le sang est lié à la vie. Sa maladie la rend impure et l’exclue d’une vie sociale normale et de la synagogue.
Mc 5, 25 Or, une femme, qui avait des pertes de sang depuis douze ans… – 26 elle avait beaucoup souffert du traitement de nombreux médecins, et elle avait dépensé tous ses biens sans avoir la moindre amélioration ; au contraire, son état avait plutôt empiré –… 27 cette femme donc, ayant appris ce qu’on disait de Jésus, vint par-derrière dans la foule et toucha son vêtement. 28 Elle se disait en effet : « Si je parviens à toucher seulement son vêtement, je serai sauvée. » 29 À l’instant, l’hémorragie s’arrêta, et elle ressentit dans son corps qu’elle était guérie de son mal. 30 Aussitôt Jésus se rendit compte qu’une force était sortie de lui. Il se retourna dans la foule, et il demandait : « Qui a touché mes vêtements ? » 31 Ses disciples lui répondirent : « Tu vois bien la foule qui t’écrase, et tu demandes : “Qui m’a touché ?” » 32 Mais lui regardait tout autour pour voir celle qui avait fait cela. 33 Alors la femme, saisie de crainte et toute tremblante, sachant ce qui lui était arrivé, vint se jeter à ses pieds et lui dit toute la vérité. 34 Jésus lui dit alors : « Ma fille, ta foi t’a sauvée. Va en paix et sois guérie de ton mal. »
Ta foi t’a sauvée. Va en paix… Sois guérie… N’avait-elle pas déjà été guérie ? Et d’où tient-elle cette foi ? La foi de la femme n’est peut-être pas seulement à chercher dans sa confiance dans le vêtement de Jésus. Cette foi-là serait un peu superstitieuse. Il faut savoir reconnaître la foi de la femme quand elle se jette à ses pieds pour lui dire la vérité. Elle a répondu ici à son appel. Il la cherchait du regard, elle est venue lui parler en vérité. Là est sa vraie foi. Cette foi l’ouvre au salut. Bien plus, la femme est envoyée en paix vers les siens, comme un retour à la vie, non pas tourmentée ou honteuse, mais pleine de confiance. François Bessonnet
Le miracle de la femme hémorroïsse témoigne de cette foi qui sauve, non seulement du mal subi mais également de l’opprobre général en ces temps où une femme perdant du sang était jugée impure et mise à l’écart. Mais, Jésus n’apparaît ainsi guérisseur qu’à la condition que le ou la malade ait foi en lui ; « ta foi t’a sauvée », confie-t-il, en effet, à la femme. En cela, Jésus se distingue des nombreux thaumaturges qui opéraient en son temps des guérisons spectaculaires. Avec Jésus, il n’est pas question de magie mais bien de foi, celle qui peut tout, tout autant « soulever des montagnes » (Mt 17, 19) que guérir… Philippe-Emmanuel Krautter
Pourquoi Jésus donne-t-il de l’importance au geste de cette femme qui ne veut pas se faire remarquer et touche à peine le manteau que Jésus a sur le dos? Il faut savoir que la loi de Moïse déclarait impure la femme qui avait des pertes de sang, et celui qui la touchait devenait impur. Voilà pourquoi la femme touche le vêtement de Jésus en cachette, profitant de la foule, et pourquoi elle se sent si coupable, si pleine de crainte et si tremblante, quand on la découvre. Et c’est la seule raison pour laquelle Jésus fait savoir ce qui se passe : pour déclarer publiquement, devant tout le monde, que d’avoir été touché par la femme ne fait pas de lui un homme impur, que la foi va au-delà de ce qui est pur et impur selon la loi. Ainsi, publiquement, le Sauveur dit à la femme qui lui a « volé » le miracle : « Va en paix, ta foi t’a sauvée ».La foi fait des miracles | ZENIT - Francais
Les miracles de Dieu ont pour finalité de susciter une plus grande foi en Dieu. Le miracle est ce qui dépasse l’entendement et les capacités de l’homme, lorsque Dieu l’accomplit, c’est effectivement pour que nous croyons davantage et plus fermement qu’il est Dieu et qu’il est le Bonheur Éternel.
La foi est le terreau du miracle. À deux reprises Jésus se voit dans l’incapacité à réaliser des prodiges à cause de l’incrédulité des personnes (Mc 6,8 ; Mt 13,58). Le miracle est le signe de la foi de Dieu en l’homme et de l’homme en Dieu. Mais le miracle n'est pas magique.
Jean 12,37 Malgré tant de miracles qu'il avait faits en leur présence, ils ne croyaient pas en lui.
Lc 16,31 Même si quelqu’un ressuscite des morts, ils ne seront pas convaincus (Parabole du riche et de Lazare).
Mc 6,4 Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie, parmi ses parents et dans sa maison. » 5 Et il ne pouvait faire là aucun miracle ; pourtant il guérit quelques malades en leur imposant les mains.6 Et il s’étonnait de ce qu’ils ne croyaient pas.
Mt 13,57-58 : « Un prophète n’est méprisé que dans sa patrie et dans sa maison. » Et là, il ne fit pas beaucoup de miracles, parce qu’ils ne croyaient pas.
La foi produit des miracles et les miracles produisent la foi
Act 9,32 Or il arriva que Pierre, qui se déplaçait continuellement, descendit aussi chez les saints qui habitaient Lydda. 33 Il trouva là un homme du nom d’Enée, allongé sur un grabat depuis huit ans ; il était paralysé. 34 Pierre lui dit : « Enée, Jésus Christ te guérit. Lève-toi et fais toi-même ton lit ! » Et il se leva aussitôt. 35 L’ayant vu, toute la population de Lydda et de la plaine de Saron se tourna vers le Seigneur.
36 Il y avait à Joppé une femme qui était disciple ; elle s’appelait Tabitha, ce qui se traduit par Gazelle. Elle était riche des bonnes œuvres et des aumônes qu’elle faisait. 37 Or, en ces jours-là, elle tomba malade et mourut. Après avoir fait sa toilette, on la déposa dans la chambre haute. 40 Pierre fit sortir tout le monde et, se mettant à genoux, il pria ; puis, se tournant vers le corps, il dit : « Tabitha, lève-toi. » Elle ouvrit les yeux, et, à la vue de Pierre, elle se redressa et s’assit. 41 Il lui donna la main, la fit lever et, rappelant les saints et les veuves, il la leur présenta vivante. 42 Tout Joppé fut au courant, et beaucoup crurent au Seigneur.
La foi en Dieu est le moyen par lequel nous puissions ‘‘faire des miracles’’. Nous prenons faire des miracles dans les pincettes parce qu’en réalité c’est un abus de langage, c’est Dieu qui fait des miracles à travers nous et c’est notre vraie foi en lui qui lui permet de le faire.
Les miracles de Dieu ont pour finalité de susciter une plus grande foi en Dieu. Le miracle est ce qui dépasse l’entendement et les capacités de l’homme, lorsque Dieu l’accomplit, c’est effectivement pour que nous croyons davantage et plus fermement qu’il est Dieu et qu’il est le Bonheur Éternel. Les habitants de Lod et de Sarone et ceux de Jaffa ont massivement cru en Jésus, après les miracles accomplis par la foi de Pierre.
Alors quel est notre rapport avec les miracles aujourd’hui ? Sommes-nous comme ces juifs qui en demandaient à chaque fois qu’ils rencontraient Jésus et qui ne se convertissaient jamais, et croyais toujours que c’est un n-ième miracle qui devait les convaincre de croire ?
Si le miracle est l’extraordinaire qui suscite la foi, nous ne devons pas cependant en faire la condition sine qua non de notre foi en Jésus Christ. S’il est vrai que les choses extraordinaires que fait le Seigneur pour nous ou pour les autres peuvent fortifier notre foi, nous ne devons pas perdre de vue que la foi se nourrit constamment de la présence discrète et ordinaire de Dieu dans nos vies de tous les jours et de tous les instants. Face aux miracles, il n’ y a plus d’étonnement pour celui qui croit vraiment, car celui-ci sait et ne s’étonne pas de ce que peut faire son Dieu.
Voir le site Christus vivit.
Jésus prend garde de ne pas se laisser prendre au piège du prodigieux et refuse d’opérer des miracles à la demande (Mc 8,11-12 ; Mt 12,38-39). Dans le récit des tentations, Jésus repousse les propositions du diable (Lc 4,1-13). Le but n’est pas d’épater la galerie avec des tours de magie ou d’accaparer la puissance divine à ses propres fins.
Vouloir à tout prix que le miracle s’accomplisse, revient à construire une tour de Babel pour pénétrer les cieux sans le consentement de Dieu (Gn 11,1-7). Le miracle se reçoit et ne se prend pas ; il s’accueille et ne s’exige pas. Faire la chasse au miracle est encore le meilleur moyen de le faire fuir.
Les miracles sont-ils des arguments pour la foi ? Le mot « argument » renvoie à un processus de démonstration quasi juridique dans lequel il faudrait argumenter sa foi, c’est-à-dire la prouver. Or la foi est une confiance, un lâcher prise, un abandon. Elle relève de la rencontre entre deux êtres. La foi ne se prouve pas, mais se vit au quotidien à travers des signes. Le miracle est le signe de la foi de l'humanité en Dieu et du salut de Dieu promis à l'humanité.
Ne pas confondre le miracle avec
La providence : signes de Dieu dans nos vies.
Exemples de signes providentiels :
Vous hésitez à déménager et vous demandez conseil auprès de Dieu qui ne répond pas. Mais lors d’une messe, dans la première lecture retentit ce verset « Va, quitte ton pays … (Abraham) ». Ces mots résonnent dans votre vie comme une invitation à un départ.
Votre ordinateur défaille au point que vous baissiez les bras avec cette prière : « Mon Dieu, je vous en prie aidez-moi ». Au même moment, la sonnette retentit et votre ami spécialisé en informatique fait une divine apparition.
En cas de sécheresse, nous parlons de pluie providentielle.
La magie : Art de produire, par des procédés occultes, des phénomènes inexplicables (Robert). Manipulation de l’intelligence humaine pour provoquer une illusion.
La superstition : Fait de croire que certains actes, certains signes entraînent mystérieusement des conséquences bonnes ou mauvaises (Robert). Exemples : jeter une pièce dans une fontaine, passer sous une échelle, chat noir, briser un miroir, toucher une statue …
L’époque du Moyen Âge était pleine de superstitions en voici quelques-unes unes sur l’œuf « Un œuf de Pâques avec deux jaunes est signe de chance ou de fortune » « Un œuf bénit et offert à Pâques éloigne la maladie » « Un œuf de Pâques planté dans une vigne le protège de la grêle » « Mangé le jour de Pâques, un œuf protège de la fièvre »… Mais attention de bien écraser finement la coquille une fois l’œuf de Pâques mangé, de peur que le diable n’y inscrive son nom !
En accomplissant certains rites, en particulier des sacrifices, on pense agir sur la divinité, qui est alors censée réagir en accédant à nos demandes de toutes sortes, dans une logique de donnant-donnant. Parfois, le rituel est même considéré comme efficace en soi, provoquant automatiquement le retour favorable du «divin».
Là où la superstition veut plier le surnaturel ou le Dieu vivant à notre volonté, la foi est lâcher-prise, abandon à la volonté d'amour de Celui qui libère l'humain, y compris de lui/elle-même, pour le/la mener à la communion avec Lui.
Dans la Bible, la foi s’oppose aux superstitions et à la magie. Si elle sait être ironique contre les morceaux de bois que l’on prend pour des dieux (Is 44,9-20), elle ne nie pas nécessairement toute réalité aux forces à l’œuvre. Elle souligne simplement que les diverses formes de magie sont ou vaines ou nocives. On sait à quel point la magie tenait une place importante en Égypte et on verra Moïse s’opposer aux magiciens du pharaon (Ex 7-8). Babylone et la Mésopotamie avaient elles aussi, leurs mages et leurs magiciens. Et on voit les prophètes d’Israël lutter contre les superstitions et les pratiques magiques qui avaient cours au sein même de leur peuple (Is 3,18-23). Ensuite, sous bien des cieux, le christianisme a été l’ennemi des superstitions ; il a libéré beaucoup de gens de la peur des signes, des esprits et des maléfices. Car Dieu nous apprend aussi que nous sommes des êtres responsables de notre vie, responsables de la réponse que nous donnons à l’amour premier de Dieu. Pour le croyant, un chat noir n’est qu’un chat noir et le vendredi 13 un jour comme un autre, car sa vie ne dépend pas de signes ou de révélations particulières. Il n’a pas besoin de s’appuyer sur des porte-bonheur stupides ou très élaborés car il sait que le monde dépend de celui qui l’a créé et qui nous a aimés au point de donner sa vie pour nous sur la croix. Louis Schweitzer, Foi et superstition. https://www.croirepublications.com/croire-et-vivre/reflexion/article/foi-et-superstitions
Les faux thérapeutes
Des charlatans promettent des guérisons miraculeuses. la Miviludes a alerté par des témoignages inquiétants sur des déviances. A titre d'exemple : Une nouvelle médecine germanique, inspirée par le docteur Geerd Hamer « développe la thèse que toute maladie, et en particulier les cancers, naissent de graves conflits psychologiques non résolus ( ) enfouis dans l'inconscient du malade. Le décryptage de ce conflit conduit à la guérison. »
Autre exemple : le phénomène de groupe dans lequel les membres vivent "dans l'amour du gourou", avec un fort risque de manipulation mentale.
La solution miracle ne dépend pas d'un thérapeute, aussi performant soi-il.
Réfutations du miracle
Dans son Discours sur les miracles du début du XVIIIe siècle, Locke écrit : « Le miracle n’est d’aucun usage comme preuve, parce que l’immense majorité des hommes est incapable de connaître les lois qu’on a enfreintes. […] Le miracle est une opération sensible que le spectateur regarde comme divine parce qu’elle est au-dessus de sa portée. […] Ce qui est miracle pour l’un ne l’est pas pour l’autre ».
Pour Spinoza les miracles sont des illusions de gens simples : il faut les interpréter en tenant compte de la mentalité des gens qui y ont assisté (Traité théologico politique). « Le cours de la nature est immuable et c’est sa fixité même qui fait comprendre l’existence de Dieu. […] Dire que Dieu peut quelque chose contre la nature est absurde ; c’est dire que Dieu peut quelque chose contre sa propre nature.
Bultmann : « La plupart des récits de miracles contenus dans les Évangiles sont des légendes ou du moins enjolivés d’une façon légendaire.
Pourquoi moi ou pourquoi pas moi ?
Cette analyse des miracles nous amène à une ultime question : Dieu guérit-il toujours aujourd’hui ? Intéressons-nous aux guérisons de Lourdes. Bien que ce haut-lieu de pèlerinage marital n’ait pas le monopole des guérisons, il n’en demeure pas moins significatif dans l’histoire du catholicisme. Sur plus de 7000 dossiers de guérisons déposés à Lourdes depuis la création du Bureau des Constatations Médicales en 1883, 70 cas sont à ce jour reconnus miraculeux par l’Église. À raison de plus de 6 millions de pèlerins par an, durant ces dernières années, reconnaissons que la probabilité de guérison reste très faible. Mais à ces rétablissements visibles s’ajoutent les innombrables guérisons intérieures non comptabilisées.
Il surgit une question dérangeante : « Pourquoi eux et pas les autres ? » Ont-ils eu plus de foi ? Dieu choisit-il délibérément avec le risque d’injustice que véhicule une telle thèse ? Affirmer que la justice de Dieu n’est pas celle des hommes est un argument difficile à accueillir pour une mère qui voit son enfant souffrir. Nous pouvons toujours arguer que les élus reçoivent la mission de témoigner de leur foi. Mais tous les malades n’aimeraient-ils pas bénéficier de cette mission qui au demeurant reste discrète ?
La 70eme miraculée de Lourdes, Bernadette Moriau s'interroge "Pourquoi moi ?" Elle reconnaît qu'il n'y a pas de réponse.
« Pourquoi moi ? » Et pourquoi pas cette jeune femme, mère de famille, atteinte d'un cancer qui m'écrit ? Pourquoi pas ce jeune malade mental, en partie paralysé, dont les courriers de sa maman m'émeuvent aux larmes ? Pourquoi pas cet enfant déjà prisonnier d'une leucémie ? Je me suis demandé pourquoi moi, religieuse handicapée, alors âgée de soixante-neuf ans ? J'en ai dix de plus aujourd'hui. Je trouvais cela presque injuste par rapport à tous ces autres cas bien plus dramatiques... Je n'ai pas d'enfants qui plus est.
Pourquoi moi et pourquoi pas vous ? J'ai surtout fini par comprendre que Dieu me demandait de ne pas comprendre. Que chercher à percer la logique de Dieu frisait ce que nous appelons dans la tradition chrétienne, un péché contre l'Esprit. C'est-à-dire douter de la décision de Dieu. Penser qu'Il s'est trompé. Qu'il y a erreur sur la personne ! Que Lui mon Créateur aurait dû choisir quelqu'un d'autre. En somme, que je savais mieux que Lui, Dieu, moi petite créature, ce qu'il convenait de faire. J'ai également abandonné une idée que je n'ai pas eue pour moi mais que beaucoup ont pensée pour moi : « Elle méritait sa guérison... » Ma guérison serait le résultat gagnant d'une vie de sacrifices qui auraient fini par toucher le cœur de Dieu ! Ce qui supposerait que d'autres auraient « mérité » leur état ou leur maladie... Erreur profonde de perspective. Fausse piste, là aussi. Vision païenne et archaïque surtout d'un Dieu avide et boulimique de sacrifices humains. De temps en temps il se pencherait vers la terre pour accorder, ici et là, une indulgence à ceux qui auraient le plus trimé. Non, trois fois non ! Le Dieu de Jésus-Christ n'est pas ce Dieu des sacrifices. Le sacrifice, Jésus l'a accompli une fois pour toutes sur la Croix. C'est bien toute la nouveauté du christianisme qui a mis fin à la logique ancestrale d'un Dieu à qui il faudrait plaire par des sacrifices sur la terre. Cette conception est une hérésie pour l'Église catholique. Une chose est le sacrifice spirituel, la mortification acceptée sur un chemin de conversion pour lutter contre ses propres tendances égoïstes ou orgueilleuses. Autre chose est la vision fausse d'un Dieu vengeur, et finalement méchant, dont il faudrait se protéger par une accumulation de sacrifices sur terre. « Le sacrifice qui plaît à Dieu est un esprit brisé » dit le psaume dans la Bible. Cela signifie que Dieu est d'abord proche de ceux qui souffrent et qu'Il ait tout pour leur venir en aide. Soit le contraire de cette idée folle d'un « Dieu » ogre qu'il faudrait nourrir de nos sacrifices. La guérison dont j'ai été graciée n'a rien à voir avec un quelconque « mérite ». Elle appartient à la gratuité et à l'infinie générosité de Dieu.
Vous aussi êtes en droit de vous demander : pourquoi elle et pourquoi pas moi ? Pourquoi le mal dont je suis affligé ? Pourquoi Dieu semble sourd à mes prières ? Comment Dieu, de toute bonté, peut-il tolérer une telle souffrance, une maladie aussi insidieuse ? Au risque de vous décevoir, je préfère vous annoncer que je n'ai pas de réponses à ces deux dernières questions. Ce serait vous abuser. Je n'ai aucune réponse : Pourquoi moi et pourquoi pas vous ? Bernadette Moriau, Ma vie est un miracle, JClattès, 2018, p. 217.
Une mystérieuse rencontre
Le miracle relève de la rencontre du divin et de l’humain dans des circonstances mystérieuses pour lesquelles toute velléité de démonstration rationnelle est dépassée. Il nous invite à penser le monde autrement qu’à travers des démonstrations. Quelque chose nous échappe, sans qu’il soit forcément possible de nommer celle-ci. Comme dans un amour entre deux êtres, le mystère transcende la raison et aucune explication ne viendra jamais l’épuiser. Dans le miracle s’entrecroisent l’humain et le divin, le psychologique et le spirituel, sans qu’il soit possible de démêler l’un de l’autre. Dieu se donne avec le consentement de notre corps. Dieu épouse notre humanité dans toutes ses dimensions jusque dans ses fibres les plus intimes.
Le miracle s’opère toujours dans le secret d’une relation intime entre Dieu et une personne. Or toute rencontre se façonne au cœur d’une merveilleuse alchimie qui se réalise ou qui échoue. Le miracle n’agit pas de manière automatique, sinon il serait de l’ordre de la technique et non de la rencontre. Dieu ne serait dans ce cas que le presse-bouton de nos défaillances. Le miracle suppose une disposition intérieure propice à l’agir dont Dieu garde l’initiative. Une rencontre intime exige don et abandon. Comme dans une relation entre deux êtres qui s’aiment, si la volonté est déterminante, elle ne suffit pas toujours. Elle se heurte parfois aux limites de notre humanité. Serions-nous en capacité d’accueillir Dieu à travers un miracle ? La guérison, oui ! Mais Dieu ? (Noël Higel, Dieu tout-puissant, mythe ou réalité, Du Dieu des armées au Dieu désarmé, 2023).
Une transgression des lois de causalité
Traditionnellement on comprend le miracle comme un événement perceptible qui dépasse les possibilités naturelles, qui est causé par la toute-puissance de Dieu en transgressant ou au moins en contournant les causalités naturelles, et qui sert ainsi de confirmation à la révélation orale. Cette notion apolo-gétique du miracle s'oppose rigoureusement, de toute évidence, à la pensée scientifique et à l'idée d'un enchaînement sans failles de la causalité et du déterminisme. En y regardant de plus près, on voit cependant que cette notion de miracle est une formule vide. De tels miracles ne pourraient être vraiment constatés que si nous connaissions réellement toutes les lois de la nature et si nous pouvions avoir la connaissance parfaite de chaque cas particulier. Seulement alors nous pourrions prouver avec certitude qu'un événement doit étre compris comme opéré immédiatement par Dieu. Or, nous ne disposons en aucun cas d'une connaissance de tous les enchaînements de conditions possibles, aussi complète que l'exigerait cette démonstration. Mais du point de vue théologique également il y a lieu d'élever de fortes réserves à l'égard de cette conception du miracle. Dieu ne peut jamais être mis à la place d'une causalité intérieure au monde. S'il était sur le même plan que les causes intérieures au monde, il ne serait plus Dieu, mais une idole. Si Dieu doit rester Dieu, ses miracles doivent aussi être conçus comme produits par l'intermédiaire de causes secondes créées. W. KAsnat, jésus le Christ, Paris, PA. du Cerf, coll. • Cogitatio fidci n° 88, 1976, p. 132-133. 8. K. RAUNER, Traité fondamental de la foi, Paris, Éd. du Centurion 1983, p. 291.
Un signe
Le miracle est de l'ordre du signe. Parler de miracle à propos d'un événement extraordinaire, c'est faire un acte libre de foi qui lit dans la matérialité du fait autre chose que le fait, un signe qui nous est adressé par Dieu. Le vocabulaire johannique des miracles (semeia) privilégie cet aspect : ce sont des signes. Un signe, c'est un acte intentionnel, un message, un appel adressé par une liberté à une liberté. Pour reconnaître le miracle comme signe, je dois donc être attentif à son contexte. Si l'on me dit, comme une anecdote, qu'un jour un homme tué par une voiture dans la rue s'est soudainement relevé et a continué son chemin, je ne le croirai pas. Une telle « histoire » est a priori incroyable, absurde et ne mérite pas l'attention. Il me faut tout le contexte de l'existence de Jésus, le témoignage de sa parole et de son agir, lui-même inscrit dans la foi d'Israël, pour que je puisse croire à sa résurrection. C'est le sens qui conduit ma foi à la recon-naissance du fait. C'est aussi à cause de son contexte religieux qu'une guérison revêt une signification divine. Cela est évident pour les miracles de jésus toujours liés à un contexte de foi. Ces miracles ne sont pas de simples « prodiges », à l'instar de ceux que racontent les évangiles apocryphes qui font de Jésus une sorte de prestidigitateur. Les miracles de Jésus sont mis au service de la prédication du Royaume. Ils sont un signe du Royaume, de la manifestation du pardon de Dieu aux hommes. Mais un signe, qui émane d'une liberté, n'est saisi à son tour que par une liberté. Un signe ne s'impose pas brutalement à l'esprit. Il demande à être discerné, à être compris. On peut faire valoir ici la comparaison avec Newton qui découvre la gravitation universelle en voyant une pomme tomber. Un indice minime a fait comprendre à son esprit de chercheur une loi générale. Sa science constituait pour lui le contexte indispensable à la compréhension du signe. Quand le signe vient de Dieu, qui est le mystère transcendant par essence, il demande non seulement une interprétation active, mais encore un engagement de liberté. Le miracle provoque la foi, mais ne peut être reconnu que dans une ouverture à la foi, car il est précisément un appel à la foi. « Ta foi t'a sauvée » (Mt 9, 22), dit Jésus. « Discerner le miracle comme signe divin et croire en Dieu qui se révèle, c'est tout 'un" ». Cela suppose que le destinataire se pose le problème de sa destinée, que sa propre existence lui devienne question. Bernard Sesboüé, Pédagogie du Christ, p. 185-186.