La Trinité

Le mot « trinité » n'existe pas dans la Bible. Il apparait à la fin du II° siècle, sous la plume de l’apologiste Théophile d’Antioche dans son livre À Autolycus.

XV. Le quatrième jour, Dieu créa les corps lumineux ; sa prescience lui faisait voir d'avance les puérilités des philosophes, qui, pour effacer son souvenir de tous les esprits, devaient dire un jour que la terre tirait des astres sa fécondité. Aussi a-t-il créé les plantes et les semences avant les corps lumineux, afin que rien ne pût obscurcir pour nous la vérité. Car un être postérieur à un autre ne peut produire celui qui le précède. Toutefois ces corps célestes sont le symbole d'un grand mystère : le soleil est l'image de Dieu, et la lune l'image de l'homme. De même, en effet, que le soleil l'emporte de beaucoup sur la lune en force, en magnificence, en beauté, ainsi Dieu est infiniment supérieur à l'homme. De même encore que le soleil reste toujours dans sa plénitude, sans diminuer jamais, ainsi Dieu reste toujours parfait, tout- puissant, plein d'intelligence, de sagesse et d'immortalité. La lune, au contraire, décroît et périt en quelque sorte tous les mois, à l'exemple de l'homme dont elle est l'image ; puis elle croît de nouveau et renaît comme l'homme qui doit ressusciter un jour. Les trois jours qui précédèrent les corps lumineux sont l'image de la Trinité, c'est-à-dire de Dieu, de son Verbe et de son Esprit, et le quatrième est l'image de l'homme, qui a besoin de la lumière, pour que Dieu, le Verbe, l'Esprit, l'homme lui-même lui soient manifestés ; c'est pour cela que les corps lumineux furent créés le quatrième jour. Quant à la disposition des astres, elle nous montre l'ordre et le rang des justes, de ceux qui pratiquent la piété et qui observent les commandements de Dieu. Les plus brillants représentent les prophètes ; aussi sont-ils immobiles et ne passent-ils jamais d'un lieu à un autre. Ceux qui jettent après eux un moindre éclat représentent les justes. Enfin les astres errants, communément appelés planètes, sont l'image de ceux qui s'éloignent de Dieu, et qui abandonnent sa loi et ses préceptes.

Tertullien (150-220) présente l'Esprit Saint comme étant « le troisième nom de la divinité ».

Après le concile de Nicée (325), l'arianisme conteste encore la divinité de Jésus au nom du monothéisme et s'en prend tout particulièrement à la divinité de l'Esprit Saint sur laquelle le concile de Nicée ne s'était pas prononcé. Ce courant dit pneumatomaque assimile l'Esprit Saint à une créature. Il est combattu par les défenseurs de la foi de Nicée.

Le premier est Athanase (296-373) qui affirme de l'Esprit Saint est consubstantiel au Père et au Fils, et qui parle pour les trois personnes divines d'un mouvement circulaire au sein de la Trinité (périchorèse). Le synode d'Alexandrie réuni par Athanase en 362 proclama explicitement l'égalité du Saint-Esprit avec le Père et le Fils.

Épiphane de Salamine (315-403) confesse en 374 la foi en "L'Esprit Saint qui est Seigneur et donne la vie, qui procède du Père, qui avec le Père et le Fils est co-adoré et co-glorifié et qui a parlé par les prophètes ".

Basile de Césarée (329-379) place les trois Personnes au même niveau.

Grégoire de Nazianze (329-390) approfondit le concept de périchorèse au sein de la trinité, affirmant que la spécificité de l'Esprit Saint réside en ce qu'il procède du Père, conformément à l'enseignement de Jésus (Jean 15,26).

Enfin, Grégoire de Nysse (335-395) enseigne que les trois personnes sont distinctes mais de même substance.

381 – Concile de Constantinople : Je crois en l'Esprit Saint, Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, qui est adoré et glorifié avec le Père et le Fils, qui a parlé par les prophètes.

Qui est donc l’Esprit Saint ? A cette question le croyant répond en disant qu’il est une « personne » divine, la troisième de la Sainte Trinité après le Père et le Fils. Et sur quoi fonde-t-il son affirmation ? Consciemment ou non, il la fonde sur le fait du baptême donné « au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit ». On pourrait presque dire que toute la théologie trinitaire s’appuie sur la finale de l’Evangile de saint Matthieu (Mt 28,19-20) mise en œuvre dans la pratique du baptême. C’est à ce texte scripturaire et à sa mise en œuvre dans la vie chrétienne que se réfèrent inlassablement les Pères de l’Eglise au cours des premiers siècles quand ils veulent parler de la Trinité, et plus particulièrement de l’Esprit Saint.

Le mystère trinitaire n’est pas exposé comme un pur objet de savoir, il est dévoilé dans le contexte de la mission solennelle que le Christ donne à son Eglise après sa résurrection, mission par laquelle s’achève l’Evangile de Matthieu. Les Trois nous sont révélés en liaison avec l’ordre de faire des disciples en baptisant les nations et en leur apprenant à garder les commandements prescrits par le Christ. Dans ce contexte, le disciple qui reçoit le baptême et s’engage à la suite du Christ découvre l’existence du mystère trinitaire dans l’acte vital même par lequel il est mis en relation avec elle. Il ne s’agit pas de la transmission d’un savoir abstrait qui resterait extérieur à celui qui aurait à le recevoir. Dieu se révèle Trinité pour entrer en relation avec l’homme comme un Dieu Trine, et dans l’acte même (le baptême) par lequel s’établit entre la Trinité et l’homme cette relation. L’homme se trouve par-là impliqué dès le début dans le mystère qui lui est révélé. Baptisé au nom des Trois (εἰς ὄνομα avec l’accusatif qui exprime ici un mouvement, un engagement), l’homme est en quelque sorte consacré à la Trinité. Cela implique qu’il s’engage envers elle, comme le confirme le v. 20 où il est question d’apprendre à « garder les commandements ».

La comparaison qui est le plus souvent employée pour évoquer le rôle de l’Esprit dans l’activité révélatrice de la Sainte Trinité, est celle de la lumière. Origène présente le Père comme la lumière en son jaillissement originel, le Fils comme le rayonnement de cette lumière, et l’Esprit Saint comme son irruption en nous. Le Père resplendit, le Fils enseigne, et l’Esprit Saint « œuvre de sorte que l’homme conçoive et annonce comme il convient » ce qui lui vient du Père. Reprenant et transposant à peine une formule d’Athanase d’Alexandrie qui se retrouve équivalemment chez Basile de Césarée, on pourrait dire que si le Père est le soleil, et le Fils, le rayon de lumière qui en émane, l’Esprit Saint est comme « le point d’impact en nous » du trait lumineux pénétrant en nous et y rendant présente la lumière.
Joseph Wolinski, Le mystère de l’Esprit Saint, https://books.openedition.org/pusl/9192?lang=fr

10. Dans sa vie intime, Dieu «est amour», un amour essentiel, commun aux trois Personnes divines : l'Esprit Saint est l'amour personnel en tant qu'Esprit du Père et du Fils. C'est pourquoi il «sonde jusqu'aux profondeurs de Dieu», en tant qu'Amour-Don incréé. On peut dire que, dans l'Esprit Saint, la vie intime du Dieu un et trine se fait totalement don, échange d'amour réciproque entre les Personnes divines, et que, par l'Esprit Saint, Dieu «existe» sous le mode du don. C'est l'Esprit Saint qui est l'expression personnelle d'un tel don de soi, de cet être-amour. Il est Personne-amour. Il est Personne-don. Cela nous montre, au sujet du concept de personne en Dieu, une richesse insondable de la réalité et un approfondissement dépassant ce qui se peut exprimer, tels que seule la Révélation peut nous les faire connaître. Jean-Paul II, Encyclique sur l’Esprit-Saint.

Rm 5,5 L'amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous fut donné.

8. Il est caractéristique du texte johannique que le Père, le Fils et l'Esprit Saint soient désignés clairement comme des Personnes, la première étant distincte de la deuxième et de la troisième, et aussi les trois entre elles. Jésus parle de l'Esprit-Paraclet utilisant à plusieurs reprises le pronom personnel «Il», et en même temps, dans tout le discours d'adieu, il dévoile les liens qui unissent dans la réciprocité le Père, le Fils et le Paraclet. Ainsi donc «L'Esprit ... vient du Père» (Jn 15, 26) et le Père «donne» l'Esprit (Jn 14, 16). Le Père «envoie» l'Esprit au nom du Fils (Jn 14, 26), l'Esprit «rend témoignage» au Fils (Jn 15, 26). Le Fils demande au Père d'envoyer l'Esprit-Paraclet (Jn 14, 16), mais, par ailleurs, il déclare et promet, en rapport à son «départ» par la Croix: «Si je pars, je vous l'enverrai» (Jn 16, 7). Ainsi, le Père, par la puissance de sa paternité, envoie l'Esprit Saint comme il a envoyé le Fils34; mais en même temps il l'envoie en vertu de la puissance de la rédemption accomplie par le Christ - et, en ce sens, l'Esprit Saint est envoyé aussi par le Fils: «Je vous l'enverrai». LETTRE ENCYCLIQUE DOMINUM ET VIVIFICANTEM , JEAN-PAUL II, SUR L'ESPRIT SAINT DANS LA VIE DE L'ÉGLISE ET DU MONDE.

Nous croyons au Père, au Fils et au Saint-Esprit. Et cela change non seulement notre compréhension de Dieu mais aussi, radicalement, notre compréhension de l'homme et de sa vocation.

C'est sur ce point que le « monothéisme trinitaire » des chrétiens représente une véritable révolution : « Le monothéisme unitaire, c'est-à-dire le monothéisme où Dieu était considéré comme un solitaire, est quelque chose de déconcertant… car comment situer ce personnage qui se regarde, qui tourne autour de soi ?... C'est de ce cauchemar effrayant que Jésus nous a délivrés… Dire que Dieu n'est pas solitaire, c'est immédiatement nous dire que la vie de Dieu va vers un Autre, que la vie de Dieu est charité… La vie divine apparaît tout entière concentrée dans ce don mutuel du Père au Fils, et du Fils au Père, dans l'unité du Saint-Esprit… En Dieu il n'y a qu'une manière d'exister, c'est de se donner ». Parce que « Dieu est amour » (1 Jean 4, 7), l'homme advient en aimant. Parce que Dieu n'est pas solitaire, l'homme n'est lui-même qu'en devenant solidaire. C'est dans la relation qu'il advient comme personne, à la ressemblance des personnes trinitaires.

Cette communion du Père, du Fils et du Saint-Esprit, s'aimant d'un amour si intense, si total, qu'ils ne font qu'un, n'est pas, pour les chrétiens, un supplément facultatif venant compliquer la foi au Dieu unique. Il est vital pour notre vie d'hommes, et pour la vie entre les hommes, de découvrir que « Personne n'est quelqu'un tout seul, pas même Dieu ». Jean-Noël Bezançon, La Trinité, une originalité chrétienne, La Croix, 28/05/2021.

Yves de Montcheuil (XXe) a pu écrire : « La Trinité, c’est, en un seul Dieu, trois Personnes distinctes, Père, Fils, Esprit, dont le lien est l'amour ».

Maxime le Confesseur (VIIe) exprime la même idée, mais davantage dans la perspective de la pensée grecque : « Dieu le Père, mû par un éternel amour, a procédé à la distinction des hypostases ».

Saint Augustin (Ve) et, à sa suite saint Thomas (XIIIe) insisteront plutôt sur le fait que l’Esprit est « le lien d ’amour » entre le Père et le Fils.

https://www.erudit.org/fr/revues/ltp/1974-v30-n3-ltp0992/1020438ar.pdf

Voir aussi l'homme et la femme à l'image de Dieu.