Les enfers
Pendant de nombreux siècles, les Hébreux ne croient ni au paradis, ni à l’enfer et encore moins à la résurrection. Les morts poursuivent leur route dans le shéol, c’est-à-dire les enfers. Au sens premier, le mot hébreu « shéol » indique une tombe. Cette résidence sous terre est un lieu de ténèbres, de silence, de tristesse et d’oubli, sans perspective aucune. Le défunt, telle une ombre, végète dans la solitude ; tous les liens sont rompus, y compris ceux avec Dieu.
Jb 10,21-22. Avant que je m’en aille, pour ne plus revenir, dans le pays des ténèbres et de l’ombre de la mort, pays d’une obscurité profonde, où règnent l’ombre de la mort et la confusion, et où la lumière est semblable aux ténèbres.
Le shéol désigne une sorte de prison avec des portes, où des ombres mènent une vie extrêmement pâlotte, semblable à un triste sommeil. Ce "shéol" n'est pas un lieu de punition, c'est un lieu d'oubli, un lieu où l'homme ne peut plus connaître Dieu.
Le Shéol (Hades en grec) est la représentation la plus archaïque du séjour des morts que l'on trouve dans la Bible. Le Shéol est la destinée de tous les hommes, bons ou mauvais, Juifs ou païens. Dans le Shéol, le défunt "survit" sous forme d'ombre. Le Shéol est décrit de manière très rudimentaire: c'est un trou dans la terre, une cavité, un puits. C'est un lieu de ténèbres et d'oubli. Les morts y vivent une existence misérable, sans espérance, sans connaissance de Dieu. Certains textes vont même jusqu'à affirmer que Dieu n'a plus souvenir des morts descendus au Shéol (Ps 88,6). Bref, un lieu sinistre et peu recommandable, où pourtant tous les hommes doivent descendre un jour pour ne plus jamais en sortir...
La philosophie des impies se résume dans ces versets de la Sagesse.
Sg 2,1 Car ils disent entre eux, avec de faux raisonnements : « Elle est courte et triste notre vie ; il n’y a pas de remède quand l’homme touche à sa fin et personne, à notre connaissance, n’est revenu de l’Hadès. 2 Nous sommes nés à l’improviste et après, ce sera comme si nous n’avions pas existé. Le souffle dans nos narines n’est qu’une fumée, la pensée, une étincelle qui jaillit au battement de notre cœur. 3Qu’elle s’éteigne, le corps se résoudra en cendre et le souffle se dissipera comme l’air fluide. 4Notre nom sera oublié avec le temps et personne ne se rappellera nos actions. Notre vie aura passé comme un nuage, sans plus de traces, elle se dissipera telle la brume chassée par les rayons du soleil et abattue par sa chaleur. 5Notre temps de vie ressemble au trajet de l’ombre et notre fin ne peut être ajournée, car elle est scellée et nul ne revient sur ses pas.
Deux conceptions du séjour des morts s'opposent dans l'Ancien Testament : le lieu particulier, qui est la tombe, et le lieu collectif, appelé communément Sheol (Hades en grec), que nous traduisont par "les enfers". Précisons que "les enfers" n'a pas le même sens que le mot "enfer". Ce dernier désigne le lieu de damnation.
Le Vocabulaire de Théologie biblique, publié sous la direction de Xavier Léon-Dufour, Cerf, 1995, précise bien l’usage de ces deux mots : "Enfers et enfer : Jésus-Christ est descendu aux enfers, le damné descend en enfer : ces deux expressions désignent deux gestes différents et supposent deux conditions différentes. Les portes des enfers où est descendu le Christ se sont ouvertes pour laisser échapper leurs captifs (2), tandis que l’enfer où descend le damné se referme sur lui à jamais. Néanmoins, le mot est le même, non par hasard ni par un rapprochement arbitraire, mais en vertu d’une logique profonde et comme expression d’une vérité capitale. Les enfers comme l’enfer sont le royaume de la mort, et sans le Christ, il n’y aurait au monde qu’un seul enfer et qu’une seule mort, la mort éternelle, la mort en possession de toute sa puissance. S’il existe une "seconde mort" (Ap 21, 8), séparable de la première, c’est que Jésus-Christ par sa mort a brisé le règne de la mort. Parce qu’il est descendu aux enfers, les enfers ne sont plus l’enfer, mais ils continuent d’en porter les traits, c’est pourquoi au dernier jugement, les enfers l’Hadès rejoignent l’enfer et leur place normale dans l’étang de feu (Ap 20, 14). Voilà pourquoi, bien que les images de l’enfer dans l’AT demeurent ambiguës et n’aient pas encore leur caractère absolu, Jésus-Christ cependant les reprend pour désigner la damnation éternelle ; bien plus que des images, elles sont la réalité de ce que serait le monde sans lui." (col. 352-353).
Jb 7,9 Comme la nuée se dissipe et s'en va, celui qui descend au séjour des morts (She'owl) ne remontera pas
Ps 6,5 Car celui qui meurt n'a plus ton souvenir; qui te louera dans le séjour des morts (She'owl) ?
« Les anciens Hébreux n'imaginaient nullement l'idée d'une âme immortelle, vivant une pleine vie après la mort, pas plus qu'une résurrection ou ressuscitation quelconque. Les hommes comme les bêtes provenaient de la poussière et retournaient à la poussière (Gen. 2:7 ; 3:19). Le mot nefesh, traditionnellement traduit "âme vivante" mais plutôt compris comme "être vivant", est le même mot utilisé pour toutes les créatures et n'implique aucune idée d'immortalité… Tous les morts s'en vont dans le Sheol, et ils y reposent ensemble, bons ou mauvais, riches ou pauvres, libres ou esclaves (Job 3:11-19). On le décrit comme une région "sombre et profonde", "la Fosse", "le pays de l'oubli", coupé de Dieu et de toute vie humaine plus haut (Ps. 6:5 ; 88:3-12). Bien que dans certains textes, le pouvoir de YHWH atteigne le Sheol (Ps. 139:8), l'idée dominante est que les morts restent, abandonnés à jamais. Ce concept du Sheol peut paraître négatif en contraste avec la vie qui se passe "là-haut" chez les vivants, mais il n'y a pas non plus de notion de jugement ni de rétribution. Lorsqu'on mène une vie d'extrêmes souffrances et misère, comme ce fut le cas de Job, le Sheol peut même apparaître comme un soulagement bienvenu à la douleur – voir Job chap. 3. Néanmoins, il s'agit à la base d'une sorte de "néant", une existence qui est à peine existence, dans laquelle une "ombre" ou "nuance" de l'ancien soi survit (Ps. 88:10). » What the Bible says about Death, Afterlife, and the Future, James Tabor.
Si on ne croyait pas au paradis, à l’enfer ou à la résurrection qu’est-ce qu’on croyait
qu’il se passait après la mort ? Pendant, un bon moment dans l’histoire du peuple hébreu,
aux temps de moïse, david et des prophètes, on n’avait pas vraiment développé ce qu’il
avait après la mort. La mort était la fin de la vie. au-delà de la mort, il n’y avait rien,
ou... presque rien. Les morts étaient au shéol.
Au sens premier, le mot hébreu « shéol » indique une tombe, un trou profond dans
la terre pour placer les cadavres. à la mort, la personne était donc physiquement au
« shéol » dans sa tombe. Pour les Hébreux, il était impensable de séparer le corps et
l’âme. il faut se rappeler que pour l’homme de la bible, l’humain était indissociable.
Contrairement à la pensée grecque, l’ancien testament ne voit pas de distinction entre
un corps matériel et corruptible, d’une part, et une âme immatérielle et incorruptible,
d’autre part.
Avec le temps, « shéol » fini par désigner une sorte de lieu du séjour des morts. Ce
lieu est caractérisé par le noir, le silence, la poussière, la profondeur, l’absence, l’oubli.
C’est un lieu de semi-existence où la communication est impossible, en particulier
avec dieu. dieu est absent du shéol. en fait, le shéol, au plus profond de la terre, est à
l’extrême opposé du ciel où habite le dieu vivant. Le séjour des morts est évidemment
un lieu d’où on ne peut sortir, en rupture avec le monde des vivants.
Sébastien Doane (voir bibliothèque)
CEC-632 Les fréquentes affirmations du Nouveau Testament selon lesquelles Jésus " est ressuscité d’entre les morts " (Ac 3, 15 ; Rm 8, 11 ; 1 Co 15, 20) présupposent, préalablement à la résurrection, que celui-ci soit demeuré dans le séjour des morts (cf. He 13, 20). C’est le sens premier que la prédication apostolique a donné à la descente de Jésus aux enfers : Jésus a connu la mort comme tous les hommes et les a rejoints par son âme au séjour des morts. Mais il y est descendu en Sauveur, proclamant la bonne nouvelle aux esprits qui y étaient détenus (cf. 1 P 3, 18-19).
CEC-633 Le séjour des morts où le Christ mort est descendu, l’Écriture l’appelle les enfers, le Shéol ou l’Hadès (cf. Ph 2, 10 ; Ac 2, 24 ; Ap 1, 18 ; Ep 4, 9) parce que ceux qui s’y trouvent sont privés de la vision de Dieu (cf. Ps 6, 6 ; 88, 11-13). Tel est en effet, en attendant le Rédempteur, le cas de tous les morts, méchants ou justes (cf. Ps 89, 49 ; 1 S 28, 19 ; Ez 32, 17-32) ce qui ne veut pas dire que leur sort soit identique comme le montre Jésus dans la parabole du pauvre Lazare reçu dans " le sein d’Abraham " (cf. Lc 16, 22-26). " Ce sont précisément ces âmes saintes, qui attendaient leur Libérateur dans le sein d’Abraham, que Jésus-Christ délivra lorsqu’il descendit aux enfers " (Catech. R. 1, 6, 3). Jésus n’est pas descendu aux enfers pour y délivrer les damnés (cf. Cc. Rome de 745 : DS 587) ni pour détruire l’enfer de la damnation (cf. DS 1011 ; 1077) mais pour libérer les justes qui l’avaient précédé (cf. Cc. Tolède IV en 625 : DS 485 ; Mt 27, 52-53).
CEC-634 " La Bonne Nouvelle a été également annoncée aux morts... " (1 P 4, 6). La descente aux enfers est l’accomplissement, jusqu’à la plénitude, de l’annonce évangélique du salut. Elle est la phase ultime de la mission messianique de Jésus, phase condensée dans le temps mais immensément vaste dans sa signification réelle d’extension de l’œuvre rédemptrice à tous les hommes de tous les temps et de tous les lieux, car tous ceux qui sont sauvés ont été rendus participants de la Rédemption.
CEC-635 Le Christ est donc descendu dans la profondeur de la mort (cf. Mt 12, 24 ; Rm 10, 7 ; Ep 4, 9) afin que " les morts entendent la voix du Fils de Dieu et que ceux qui l’auront entendue vivent " (Jn 5, 25). Jésus, " le Prince de la vie " (Ac 3, 15), a " réduit à l’impuissance, par sa mort, celui qui a la puissance de la mort, c’est-à-dire le diable, et a affranchi tous ceux qui, leur vie entière, étaient tenus en esclavage par la crainte de la mort " (He 2, 14-15). Désormais le Christ ressuscité " détient la clef de la mort et de l’Hadès " (Ap 1, 18) et " au nom de Jésus tout genou fléchit au ciel, sur terre et aux enfers " (Ph 2, 10).
Un grand silence règne aujourd’hui sur la terre, un grand silence et une grande solitude. Un grand silence parce que le Roi dort. La terre a tremblé et s’est calmée parce que Dieu s’est endormi dans la chair et qu’il est allé réveiller ceux qui dormaient depuis des siècles (...). Il va chercher Adam, notre premier Père, la brebis perdue. Il veut aller visiter tous ceux qui sont assis dans les ténèbres et à l’ombre de la mort. Il va pour délivrer de leurs douleurs Adam dans les liens et Eve, captive avec lui, lui qui est en même temps leur Dieu et leur Fils (...) ‘Je suis ton Dieu, et à cause de toi je suis devenu ton Fils. Lève-toi, toi qui dormais, car je ne t’ai pas créé pour que tu séjournes ici enchaîné dans l’enfer. Relève-toi d’entre les morts, je suis la Vie des morts’ (Ancienne homélie pour le Samedi Saint : PG 43, 440A. 452C. 461).