La luxure

luxure La luxure désigne un penchant désordonné et incontrôlé pour la pratique des plaisirs sexuels.

Dans la luxure, la sexualité se détourne de sa finalité (la communion, la procréation et le plaisir) pour devenir possession. On n’est plus dans l’échange et la relation, mais dans un rapport à un objet sexuel. On ne peut pas parler de sentiment amoureux puisque l’on est dans une relation qui détruit le lien à l’autre et le juste lien à soi-même.

La luxure peut prendre plusieurs formes : tromperie, masturbation exacerbée, fantasmes, pratiques violentes, goût pour la pornographie.

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Bien que l'évolution des mœurs tende à banaliser certaines pratiques sexuelles, le sexe suscite de nombreuses problématiques, notamment sur les questions du consentement et des conséquences psychologiques et affectives des actes. Tout acte sexuel exige consentement et respect de l’intégrité physique et morale du partenaire.

Quand commence la luxure ? Le curseur oscille entre les extrêmes, la pudibonderie et la débauche. La première fuit le corps sexué ; la seconde fait du corps un sexe. Éros est beau, bon et bien lorsqu’il aide les partenaires à grandir en humanité et en sainteté. Il est laid, mauvais et mal lorsqu’il détruit la relation au profit d’une jouissance égoïste.

Pourquoi est-ce capital ? Parce que le sexe touche à la vie. Il suffit de relire l’histoire de David avec Bethsabée ou encore celle de Suzanne pour se rendre compte que des yeux d’amour peuvent rapidement se transformer en regard lubrique jusqu’au meurtre.

La luxure peut devenir addiction. On peut voir à quel point Saint Augustin était prisonnier de ce plaisir à la mesure de la prière :

Donne-moi la chasteté et la continence, mais ne le fais pas tout de suite (Confessions VIII,7,18).

Les anciens Pères nous enseignent qu’après la gourmandise, le deuxième « démon », c’est-à-dire vice, qui se tient toujours accroupi à la porte du cœur est celui de la luxure, appelée porneia en grec. Alors que la gourmandise est une voracité envers la nourriture, ce second vice est une sorte de « voracité » envers une autre personne, c’est-à-dire la relation empoisonnée que les êtres humains entretiennent les uns avec les autres, en particulier dans le domaine de la sexualité.

Tomber amoureux est l’un des sentiments les plus purs. Ce « jardin » où se multiplient les merveilles n’est pourtant pas à l’abri du mal. Il est souillé par le démon de la luxure, et ce vice est particulièrement odieux, pour au moins deux raisons. Tout d’abord parce qu’il dévaste les relations entre les personnes. Pour illustrer une telle réalité, malheureusement, il suffit de regarder l’actualité quotidienne. Combien de relations qui avaient commencé dans les meilleures conditions se sont transformées en relations toxiques, de possession de l’autre, de manque de respect et du sens de limites ? Ce sont des amours où la chasteté a fait défaut : une vertu qu’il ne faut pas confondre avec l’abstinence sexuelle. Non, la chasteté va au-delà de l’abstinence sexuelle. La chasteté est unie à la volonté de ne jamais posséder l’autre. Aimer, c’est respecter l’autre, rechercher son bonheur, cultiver l’empathie pour ses sentiments, se disposer à la connaissance d’un corps, d’une psychologie et d’une âme qui ne sont pas les nôtres et qui doivent être contemplés pour la beauté qu’ils portent. Voilà ce qu’est l’amour, et l’amour est beau.

La luxure, en revanche, se moque de tout cela : elle pille, elle vole, elle consomme à la hâte, elle ne veut pas écouter l’autre, mais seulement son propre besoin et son propre plaisir ; la luxure considère ennuyeux le processus de connaissance mutuelle, elle ne cherche pas cette synthèse entre raison, pulsion et sentiment qui nous aiderait à conduire l’existence avec sagesse. Le luxurieux ne cherche que des raccourcis : il ne comprend pas que le chemin de l’amour doit être parcouru lentement, et que cette patience, loin d’être synonyme d’ennui, permet de faire l’amour avec bonheur. Mais il y a une deuxième raison pour laquelle la luxure est un vice dangereux.

La luxure est un vice dangereux. De tous les plaisirs humains, la sexualité a une voix puissante. Elle met en jeu tous les sens, elle habite à la fois le corps et la psyché, et c’est très beau, mais si elle n'est pas disciplinée avec patience, si elle n'est pas inscrite dans une relation et dans une histoire où deux individus la transforment en danse amoureuse, elle se transforme en une chaîne qui prive l'homme de sa liberté. Le plaisir sexuel qui est un don de Dieu, est miné par la pornographie : une satisfaction sans relation qui peut générer des formes de dépendance. Nous devons défendre l’amour, l’amour du cœur, de l’esprit, du corps, l’amour pur dans le don de soi, l’un à l’autre. Et c’est cela la beauté de la relation sexuelle.

Gagner la bataille contre la luxure, contre la "chosification" de l'autre, peut être l'affaire de toute une vie. Mais le prix de cette bataille est absolument le plus important de tous, car il s'agit de préserver cette beauté que Dieu a inscrite dans sa création lorsqu'il a imaginé l'amour entre l'homme et la femme, qui n’est pas pour s’utiliser l’un, l’autre, mais pour s’aimer. Cette beauté qui nous fait croire que construire une histoire ensemble vaut mieux que partir à l'aventure – il y a tant de Don Juan ! -, cultiver la tendresse vaut mieux que céder au démon de la possession – le véritable amour ne possède pas, il se donne -, servir vaut mieux que conquérir. Car s'il n'y a pas d'amour, la vie est triste, la vie est une triste solitude. Pape François, Audience générale du 17/01/2024.

Un vice s’oppose toujours non seulement à une vertu, mais à un autre vice. La vertu étant un chemin de crête entre deux versants, elle funambule entre un vice par excès et un vice par défaut. Dans le cas qui nous intéresse, le vice par excès est la luxure, le vice par défaut, appelons-le froideur. La vertu, c’est la chasteté, qui n’est pas la froideur ni l’abstinence, mais la pleine fructification de la sexualité en vue du bien humain. Le chaste lutte donc en lui-même aussi bien contre le débauché que contre l’asexué, le puritain que le libertin. Quand la luxure tente de se justifier, elle a beau jeu de dénoncer la chasteté en l’assimilant à de la froideur. Mais la chasteté est ardente, elle réalise l’ordre même du désir, tandis que la luxure détruit cet ordre. D’ailleurs, saint Augustin compare la chasteté à une très belle femme... Si Dieu est la source première de toute vie, la rencontre des sexes est son premier canal. C’est de là, de l’acte de chair, que surgissent tous les protagonistes de l’Histoire. On peut comprendre que le mal veuille toujours tarir ou polluer cette source. Fabrice Hadjadj, Journal La Croix, 12/04/2019.