Discerner sa vocation
La décision de se marier et de fonder une famille doit être le fruit d’un discernement vocationnel (Pape FRANÇOIS, La joie de l’amour, 2016, 72) .
Vivre en couple relève de notre nature. S’engager en Église dépend de la culture religieuse. Le sacrement de mariage combine ces deux dimensions. Il associe une réalité à la fois humaine et spirituelle. Toute préparation au mariage doit par conséquent permettre au couple de discerner sa vocation naturelle et spirituelle. La vérité du oui humain se conjugue avec la vérité du sacrement. Il ne suffit pas d’être baptisé pour croire en Jésus Christ et en faire son partenaire de mariage.
L’Église est confrontée à un décalage entre l’offre et la demande. D’un côté des rites et des dogmes incompréhensibles pour le néophyte et de l’autre des couples désireux de fêter leur amour. Elle propose de prendre la route de la vie conjugale à bord d’une Formule 1 sans permis de conduire et sans que les candidats aient pleinement conscience des enjeux et des risques. Elle déclare que les époux sont les ministres de leur sacrement sans les former à cette responsabilité. Six années sont nécessaires pour former un ministre ordonné. Quelques heures suffisent pour informer un ministre du mariage.
Je me demande combien de ces jeunes qui viennent aux cours de préparation au mariage comprennent ce que signifie le « mariage », le signe de l’union du Christ et de l’Église. « Oui, oui » – ils disent oui, mais est-ce qu’ils comprennent cela ? Ont-ils foi en cela ? Je suis convaincu qu’il faut un vrai catéchuménat pour le Sacrement du mariage, et non pas faire la préparation avec deux ou trois réunions et puis passer à la suite (Pape FRANÇOIS, Discours aux participants au cours sur le procès matrimonial, 27 février 2017).
Rencontrer Jésus Christ, n’est-ce pas le cœur du christianisme ? Tous les discours demeureront inefficaces si le couple ne rencontre pas celui qui est à la source de l’Église, de leur sacrement et le partenaire invisible de leur union. Mais une rencontre se provoque comme un rendez-vous d’amoureux dans une démarche personnelle et communautaire. Elle se déploie dans un intime tête à tête et au sein de l’Église dans son sens originel d’assemblée convoquée pour fêter l’alliance.
Une préparation sur un an ou deux limiterait-elle les mésententes, les violences, voire les ruptures conjugales ? Comme toute préparation au permis de conduire, elle n’empêcherait pas les accidents de route. Mais elle donnerait des points de repère. Elle enseignerait comment lire les panneaux « attention danger de mort » du texte de la Genèse. Elle permettrait une prise de conscience à défaut d’assurance tous risques et de garantie à vie. Les couples se marieraient en toute connaissance de cause et non plus uniquement pour la beauté de la célébration. La vocation au mariage se prépare et s’entretient.
L’Église ne devrait-elle pas dans un premier temps proposer la seule bénédiction pour les couples éloignés de l’Église, ou inventer une célébration festive ? Puis envisager une préparation en vue du sacrement si le couple souhaite poursuivre son cheminement ecclésial. Car ces couples demandent une fête solennelle bien plus qu’un sacrement.
Les motivations qui induisent les catholiques non pratiquants à reprendre les contacts avec leurs paroisses, en vue de la célébration du mariage... résident, dans la majorité des cas, dans la fascination liée à l’« esthétique » de la célébration (atmosphère, suggestion, service photographique, etc.), ainsi que dans un conditionnement provenant de la tradition religieuse des familles d’appartenance des futurs époux. Bien souvent, la fête et les aspects extérieurs traditionnels prévalent sur la liturgie et sur l’essence chrétienne de ce qui est célébré (Synode des évêques, Les défis pastoraux de la famille dans le contexte de l’évangélisation, Libreria Editrice Vaticana, 2014, n° 105).
Le cheminement vers le sacrement de mariage prendrait ainsi sa place dans les rites de l’initiation chrétienne au même titre que le baptême, la confirmation et l’eucharistie.
Une telle démarche aurait bien sûr ses limites, car décider que tel couple ne dispose pas des qualités requises pour se marier sacramentellement entraîne d’inévitables questions, voire des blessures. Mais un mariage chrétien doit s’inscrire dans le temps pour demeurer toute la vie. Aimer quelqu’un, c’est lui offrir du temps pour qu’il accomplisse sa mission.
Le temps est supérieur à l’espace… Le temps ordonne les espaces, les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne en constante croissance, sans chemin de retour (Pape FRANÇOIS, La joie de l’évangile, 222-223).