Le mariage est-il un sacrement ?
Ultime question de cette étude : le mariage est-il un sacrement ? Le concept de sacrement tire son origine de la traduction du mot grec « mystère ». En ce sens, tout couple « théophanise » naturellement un mystère qui le dépasse. Pourquoi lui ? Pourquoi moi ? Pourquoi cette attirance jusqu’à l’impossible fusion ? C’est un grand mystère (Eph 5,32).
Mais l’histoire a transformé le sens du mot « sacrement » et les différentes confessions chrétiennes ne s’accordent plus sur cette notion. Les Églises catholiques et orthodoxes reconnaissent la sacramentalité du mariage, alors que les protestants la rejettent. La bénédiction est nécessaire à la validité du sacrement dans les Églises orthodoxes. Pour les protestants, la cérémonie religieuse est plus une bénédiction nuptiale qu’un mariage proprement dit. Le mariage civil est valide et suffisant. Seuls le baptême et la célébration de la cène constituent des sacrements parce que le Christ les a explicitement institués. Jésus ne donne effectivement pas aux apôtres des consignes du type « Allez de toutes les nations, faites des couples chrétiens ». Mais l’Église est vivante et se doit d’être inventive pour répondre à sa vocation missionnaire. La sacramentalité du mariage répond à cette vocation même si elle demeure perfectible, surtout dans un monde où la culture judéo-chrétienne ne fait plus référence.
Soulignons une différence notoire entre les confessions chrétiennes : les Églises protestantes et orthodoxes admettent le droit à l’erreur et donc la possibilité d’un nouveau mariage ou d’une nouvelle bénédiction. Il ne s’agit pas de reconnaître le divorce, mais de savoir que la grâce permet de construire un nouveau foyer.
Sans doute le mot « sacrement » est-il désormais trop chargé d’histoire pour que les Églises s’unissent autour de ce vocable. La Fédération protestante de France exprime fort justement :
Il est fâcheux que le terme de sacrement soit écrasé et défiguré par des siècles de polémique, parce qu’il conviendrait admirablement pour désigner le ministère du couple chrétien. S’il était loisible de débarrasser ce terme des pressions traditionnelles et confessionnelles qui le font suffoquer, s’il était possible de lui rendre son souffle premier en le désignant comme un signe visible, dans ce monde et à hauteur de ce monde, du monde à venir — comme un miracle par lequel Dieu choisit et prend, dans sa création déchue, un élément qu’il sanctifie pour rendre à tout ce qui lui ressemble une espérance vivante —, on pourrait dire que le couple chrétien est un sacrement (Fédération protestante de France, La sexualité. Pour une réflexion chrétienne, Labor et Fides, 1975, p. 61).