Le mariage, révélation de la création divine

Le sens sacramentel de l'union homme-femme repose sur la reconnaissance que Dieu est à l'origine de l'union. C'est lui qui donne l'homme à la femme, la femme à l'homme, par la puissance de sa parole originelle. Dans cette perspective, la procréation est une bénédiction, une bonne parole.

A - La reconnaissance de l'origine divine

Le mariage réitère symboliquement la création. L'homme et la femme sont créés l'un pour l'autre. Le rite sacramentel du mariage commémore la geste créationnelle de Dieu. Il répète la parole créatrice de Dieu dans un mouvement de don et de réception réciproques entre l'homme et la femme. Par le mariage, l'homme et la femme reconnaissent que Dieu est à l'origine de leur union.

L'homme et la femme se donnent l'un à l'autre en un acte de reconnaissance. Ils se reconnaissent l’un l’autre et, en même temps, ils reconnaissent l’origine divine de leur vocation. Dieu, en créant l'humanité mâle et femelle, oriente toute rencontre homme-femme vers une parole de reconnaissance; non seulement une reconnaissance humaine, mais également une reconnaissance divine. L'homme reconnaît dans la femme, et la femme reconnaît en l'homme, un être de même nature, complémentaire et différent. Et chacun reconnaît en l'autre la trace de Dieu, en tant que l'autre est voulu par Dieu dans l'économie de la création. L'échange des consentements exprime symboliquement cette reconnaissance. L'homme et la femme se disent symboliquement le don que Dieu accorde à chacun des deux à travers l'autre. La parole échangée révèle le don de Dieu. Elle opère symboliquement la volonté créatrice de Dieu. L'homme et la femme revivent à chaque fois la geste créationnelle de Dieu.

En un certain sens cela signifie revivre l'originelle valeur du mystère de l'homme qui émerge du mystère de sa solitude face à Dieu et au milieu du monde (JEAN-PAUL II, Valeur du mariage indissoluble à la lumière des premiers chapitres de la Genèse, Audience générale du 21 novembre 1979).

La parole de reconnaissance ramène l'homme et la femme à leur origine; non pas leur origine purement humaine, mais leur origine divine.

Le propre de la reconnaissance est de déchiffrer en tout événement, si minime soit-il, la trace et l'impact vivant du Don de l'Origine. Entre l'homme et la femme, le chant de la reconnaissance ravive leur connivence profonde sous le regard du Père qui les a faits l'un pour l'autre et donnés l'un à l'autre (J.-C. SAGNE, L'homme et la femme dans le champ de la parole, Desclée de Brouwer, 1995, p. 33).

Le mouvement de naissance, connaissance, reconnaissance aboutit ici à son sens ultime : celui de la vocation divine de l’union homme-femme. Si l’un est humainement l’élu de l’autre, il l’est aussi divinement, car l’un et l’autre naissent de Dieu.

Le plaisir éprouvé l'un par l'autre, l'un dans l'autre, est aussi une donnée de la création; il est voulu par Dieu. Il ne résulte pas d'une machination satanique en vue de détourner l'homme et la femme de Dieu. Il est un don de Dieu. Le plaisir est une force donnée à l'homme et à la femme pour qu'ils puissent accomplir leur vocation au don. Il révèle la puissance de Dieu . Il dévoile une part de son mystère. Yahvé lui-même invite l'homme à goûter les plaisirs de la vie : «Jouis de la femme de ta jeunesse, biche amoureuse et gracieuse gazelle. Que ses seins te comblent en tout temps. Enivre-toi toujours de son amour (Pr 5, 18-19).»

Le plaisir, vécu comme un don de Dieu, crée un espace de reconnaissance que l'homme et la femme sont invités à ouvrir au Tout-Autre. Le don de la parole et du corps s'ouvre à la parole originelle et fondatrice de la relation homme-femme. Le plaisir devient le lieu de la reconnaissance d'un Tout Autre que soi-même. Le plaisir, qui se propose comme un absolu, débouche ainsi sur un absolu. Mais cet absolu dépasse l'humanité. Il laisse entrevoir un mystère qui transcende l'homme et la femme.

B - La puissance de la parole créatrice

Le texte sacerdotal de la création enseigne que le monde se fait par la puissance de la parole de Dieu. Dieu dit, et la lumière, les ténèbres, le ciel, les eaux, la terre, la végétation, les étoiles, le soleil, la lune, les animaux, et enfin l’homme et la femme jaillissent de sa parole. C'est par la puissance de sa parole et de son souffle que Dieu crée le monde. Dieu dit, et le monde advient (Gn 1). La parole est ainsi à l'origine de l'humanité différenciée et au fondement de chacun des couples. Mais cette parole n’est pas une parole du passée, remontant aux origines de l’univers. Dieu n’a jamais cessé de parler le monde et il invite chaque homme et chaque femme à le parler, notamment dans le sacrement de mariage.

A travers l'échange des consentements, les époux réitèrent symboliquement l'acte de langage, créateur du premier couple. En effet, les paroles qui fondent le sacrement, commémorent l'événement originel. Elles donnent à voir et à vivre ce qui « était très bon » aux origines de l’humanité et qui demeure toujours d’actualité. Elles rendent présente la parole originelle de Dieu. Elles font participer l'homme et la femme à la genèse en devenir du monde. Ainsi, l'humanité dans son altérité sexuée devient co-créatrice avec Dieu. La parole fonde la genèse de l'humanité et de chaque couple.

C'est un peu comme si le couple reproduisait l'anthropogenèse, l'émergence de l'homme, de l'humanité aux origines (J. JULLIEN, Demain la famille, Mame, 1992, p. 76).

C - La procréation

La création se manifeste avec acuité dans la procréation. L'homme et la femme participent à l'oeuvre créatrice de Dieu par la procréation.

L'échange réciproque de l'être dans la chair enrôle l'homme et la femme dans la puissance créatrice (C. BRUAIRE, Le don de Dieu, Communio, IV, 5, 1979, p. 3).

L'enfant, c'est la parole de Dieu et des époux qui se fait chair. La parole originelle de Dieu crée l'homme et la femme; la parole primordiale des époux annonce le don total et la fécondité. La fécondité est liée à la réciprocité des dons, à l'échange symbolique de la parole dont l'enfant constitue l'ultime symbole. Tout nouvel être qui vient au monde est un symbole de la création qui se perpétue ainsi dans le temps.

La procréation est une bénédiction de Dieu (Gn 1, 28). La descendance est don de Dieu : «Mais oui ! des fils sont un héritage du seigneur, et la progéniture un salaire (Ps 127,6).» La stérilité est une malédiction contre laquelle il faut lutter. Abraham se lamente de ne pas avoir de descendance et sa femme Sara se sent méprisée par sa servante féconde (Gn 15-16). Rachel réclame des enfants à son mari (Gn 30, 1). Mais Dieu seul peut rendre fécond le sein stérile (Gn 30, 22). Cette vocation à la fécondité résonne dès les premiers versets de la genèse : «Soyez féconds et prolifiques, remplissez-la terre et dominez-la (Gn 1,28).» La procréation est une réponse à l'appel de Dieu. Chaque enfant est une théophanie de cet appel originel, car il accomplit la promesse de Dieu attachée à la sexualité. Chaque vie humaine s'enracine dans la création originelle. Chaque enfant commémore la fécondité à laquelle l'homme et la femme sont appelés dans l'union des corps. Tout être humain est un mémorial de la création.

Extrait de la thèse.