Dieu donne la foi

Foi et confiance

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Que faut-il comprendre par l'expression "Dieu donne la foi" ? Certaines personnes semblent bénéficier de grâces particulières alors que d'autres paraissent laissées de côté. Les uns ne se posent que peu de questions alors que les autres recherchent des réponses toute leur vie.

Selon le dictionnaire étymologique d'Alain Rey, le mot "foi" est issu du latin classique fides « foi, confiance », « loyauté », « promesse, parole donnée » ; le latin chrétien a spécialisé l'emploi du vocable au sens de « confiance en Dieu » ; le mot se rattache à une racine indo-européenne bheidh, « avoir confiance ». Précisons que le mot "confiance" provient de la même racine indo-européenne.

La foi n'est donc pas une disposition que Dieu déposerait en nous magiquement. Dieu donne sa foi dans le sens où il accorde sa confiance. Il l'accorde à toute personne. Il ne l'accorde pas davantage à l'une ou à l'autre. Mais des personnes vivent cette confiance dans le creuset d'une alliance consentie. D'autres ne la vivent pas, par conviction personnelle ou parce que les aléas de la vie n'ont pas permis au don de Dieu de se réaliser.

Les signes du "don de la foi" ne sont donc pas à chercher du côté de l'humanité. Si une personne mène "une vie de foi", cette vie manifeste l'accueil du don de Dieu qui précède l'humanité.

La foi résonne dans la rencontre entre Dieu et l'humanité. Comme dans un amour entre deux êtres, la foi s'accomplit dans un don réciproque. Les deux personnes doivent donner leur foi pour que l'amour se réalise dans le concret de l'existence. Dieu se donne, mais en tenant compte de notre nature et de notre individualité. Il ne donne pas "la même chose" à tout le monde. Jamais il ne force la porte. Sa toute-puissance se heurte à notre liberté. Si nous sommes façonnés à son image, donc "capax dei", Dieu se moule à notre humanité, comme en témoigne le mystère de l'incarnation. Il nous rejoint dans notre existence, sur le chemin de nos vies parfois cabossé. Ce don de la foi réclame humilité et patience.

Mt 11,27 Ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits.

Le don de la foi permet d'accéder aux mystères divins. Comment "comprendre" les mystères de la création, de l'incarnation ou de la résurrection sans que Dieu prenne l'initiative de nous donner des clés de lecture sur l'origine et de la fin de toute chose ?

Enfin, le don de la foi ne doit pas être confondu avec l'appel ou les talents. Nous sommes appelés à des vocations différentes et nous disposons de talents différents. La réponse à l'appel et la fructifications des talents relèvent de notre responsabilité.

"L’origine de l’Ecriture ne se situe pas dans la recherche humaine, mais dans la divine révélation qui provient du Père des lumières, de qui toute paternité au ciel et sur terre tire son nom. De lui, par son Fils Jésus Christ, s’écoule en nous l’Esprit Saint. Par l’Esprit Saint, partageant et distribuant ses dons à chacun de nous selon sa volonté, la foi nous est donnée et, par la foi, le Christ habite en nos cœurs. Telle est la connaissance de Jésus Christ de laquelle découle, comme de sa source, la fermeté et l’intelligence de toute la sainte Ecriture. Il est donc impossible d’entrer dans la connaissance de l’Ecriture sans posséder d’abord, insérée en soi, la foi du Christ, comme la lumière, la porte et le fondement de toute l’Ecriture. Car, aussi longtemps que nous vivons en exil loin du Seigneur, la foi est elle-même le fondement stable, la lumière directrice et la porte d’entrée dans toutes les illuminations surnaturelles. Selon la mesure de cette foi, doit être mesurée la sagesse qui nous est donnée par Dieu afin de ne pas goûter plus qu’on ne doit, mais de goûter avec sobriété et selon la mesure de foi que Dieu départit à chacun." St Bonaventure (1217-1274), Breviloquium (1) (Prologue, 2), accessible sur jesusmarie.com.

La lumière de la foi (Pape François)

Pape François, Lumen fidei. 14 La foi est un don gratuit de Dieu qui demande l’humilité et le courage d’avoir confiance et de faire confiance, afin de voir le chemin lumineux de la rencontre entre Dieu et les hommes, l’histoire du salut.

15 La foi chrétienne est donc foi dans le plein Amour, dans son pouvoir efficace, dans sa capacité de transformer le monde et d’illuminer le temps. « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru » ( 1 Jn 4, 16). La foi saisit, dans l’amour de Dieu manifesté en Jésus, le fondement sur lequel s’appuient la réalité et sa destination ultime.

19 « Car c’est bien par la grâce que vous êtes sauvés, moyennant la foi. Ce salut ne vient pas de vous, il est un don de Dieu » (Ep 2, 8). 20 La nouvelle logique de la foi est centrée sur le Christ. La foi dans le Christ nous sauve parce que c’est en lui que la vie s’ouvre radicalement à un Amour qui nous précède et nous transforme de l’intérieur, qui agit en nous et avec nous. 21 Dans la foi, le « moi » du croyant grandit pour être habité par un Autre, pour vivre dans un Autre, et ainsi sa vie s’élargit dans l’Amour. Là se situe l’action propre de l’Esprit Saint.

23. Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas (cf. Is 7, 9). La version grecque de la Bible hébraïque, la traduction des Septante faite à Alexandrie d’Égypte, traduisait ainsi les paroles du prophète Isaïe au roi Achaz. La question de la connaissance de la vérité était mise de cette manière au cœur de la foi. Toutefois, dans le texte hébraïque, nous lisons autre chose. Là, le prophète dit au roi : « Si vous ne croyez pas, vous ne pourrez pas tenir ». Il y a ici un jeu de paroles fait avec deux formes du verbe ’amàn : « vous croyez » (ta’aminu), et « vous pourrez tenir » (ta’amenu). On pourrait penser que la version grecque de la Bible, en traduisant « tenir ferme » par « comprendre », ait opéré un changement profond du texte, en passant de la notion biblique de confiance en Dieu à la notion grecque de compréhension. Pourtant, cette traduction, qui acceptait certainement le dialogue avec la culture hellénique, ne méconnaissait pas la dynamique profonde du texte hébraïque. La fermeté promise par Isaïe au roi passe, en effet, par la compréhension de l’agir de Dieu et de l’unité qu’il donne à la vie de l’homme et à l’histoire du peuple. Le prophète exhorte à comprendre les voies du Seigneur, en trouvant dans la fidélité de Dieu le dessein de sagesse qui gouverne les siècles.

24. Lu sous cet angle, le texte d’Isaïe porte à une conclusion : l’homme a besoin de connaissance, il a besoin de vérité, car sans elle, il ne se maintient pas, il n’avance pas. La foi, sans la vérité, ne sauve pas, ne rend pas sûrs nos pas. Elle reste un beau conte, la projection de nos désirs de bonheur, quelque chose qui nous satisfait seulement dans la mesure où nous voulons nous leurrer. Ou bien elle se réduit à un beau sentiment, qui console et réchauffe, mais qui reste lié à nos états d’âme, à la variabilité des temps, incapable de soutenir une marche constante dans notre vie.

26 La foi transforme la personne toute entière, dans la mesure où elle s’ouvre à l’amour. C’est dans cet entrecroisement de la foi avec l’amour que l’on comprend la forme de connaissance propre à la foi, sa force de conviction, sa capacité d’éclairer nos pas. La foi connaît dans la mesure où elle est liée à l’amour, dans la mesure où l’amour même porte une lumière. La compréhension de la foi est celle qui naît lorsque nous recevons le grand amour de Dieu qui nous transforme intérieurement et nous donne des yeux nouveaux pour voir la réalité.

38 La foi naît d’une rencontre qui se produit dans l’histoire et éclaire notre cheminement dans le temps.

39 Il est impossible de croire seul. La foi n’est pas seulement une option individuelle que le croyant prendrait dans son intériorité, elle n’est pas une relation isolée entre le « moi » du fidèle et le « Toi » divin, entre le sujet autonome et Dieu. Par nature, elle s’ouvre au « nous », elle advient toujours dans la communion de l’Église. La forme dialoguée du Credo, utilisée dans la liturgie baptismale, nous le rappelle. L’acte de croire s’exprime comme une réponse à une invitation, à une parole qui doit être écoutée. Il ne procède pas de moi, mais il s’inscrit dans un dialogue, il ne peut être une pure confession qui proviendrait d’un individu. Il est possible de répondre à la première personne, « je crois », seulement dans la mesure où l’on appartient à une large communion, seulement parce que l’on dit aussi « nous croyons ».

Lire le texte complet du pape François.

Foi et connaissance

La foi est inséparable de la connaissance au sens biblique de ce terme.

Dans la Bible, la « connaissance » n'est pas une notion théorique, mais une relation pratique et existentielle. Le verbe hébreu yâda signifie accueillir en soi. Ce n'est donc pas un savoir abstrait, mais une relation. Dès lors, la connaissance d'une chose, d'un homme, etc., est synonyme d'intimité, de sympathie, de sentiment d'appartenance. Là où il y a connaissance, il y a communion, sympathie, parenté. Connaître une personne signifie être avec elle en communion intime (sod) ou avoir avec elle une « alliance » (berît) ; l'Israélite connaît son pays parce que son pays vit dans son âme (Jér. 16 13) ; il connaît son pays comme le bœuf connaît son maître (Es. 1 s ; Prov. 12 10). Ce caractère de communion intime transparaît surtout lorsque le mot connaître est employé dans le sens sexuel pour désigner l'union entre homme et femme (Gen. 2 24). Dès lors, « connaître » et « être connu » sont des notions, voire des réalités corrélatives (cf. Ex. 33 12 ss.). L'acte de connaître est toujours réciproque.

A lire : Sigmund Mowinckel, La Connaissance de Dieu chez les prophètes de l'Ancien Testament.

Foi et raison (Jean-Paul II)

LA FOI ET LA RAISON sont comme les deux ailes qui permettent à l'esprit humain de s'élever vers la contemplation de la vérité. C'est Dieu qui a mis au cœur de l'homme le désir de connaître la vérité et, au terme, de Le connaître lui-même afin que, Le connaissant et L'aimant, il puisse atteindre la pleine vérité sur lui-même.

13. Il ne faudra pas oublier en tout cas que la Révélation demeure empreinte de mystère. Certes, par toute sa vie, Jésus révèle le visage du Père, puisqu'il est venu pour faire connaître les profondeurs de Dieu;13 et pourtant la connaissance que nous avons de ce visage est toujours marquée par un caractère fragmentaire et par les limites de notre intelligence. Seule la foi permet de pénétrer le mystère, dont elle favorise une compréhension cohérente.

Le Concile déclare qu'« à Dieu qui révèle il faut apporter l'obéissance de la foi ».14 Par cette affirmation brève mais dense, est exprimée une vérité fondamentale du christianisme. On dit tout d'abord que la foi est une réponse d'obéissance à Dieu. Cela implique qu'Il soit reconnu dans sa divinité, dans sa transcendance et dans sa liberté suprême. Le Dieu qui se fait connaître dans l'autorité de sa transcendance absolue apporte aussi des motifs pour la crédibilité de ce qu'il révèle. Par la foi, l'homme donne son assentiment à ce témoignage divin. Cela signifie qu'il reconnaît pleinement et intégralement la vérité de ce qui est révélé parce que c'est Dieu lui-même qui s'en porte garant. Cette vérité, donnée à l'homme et que celui-ci ne pourrait exiger, s'inscrit dans le cadre de la communication interpersonnelle et incite la raison à s'ouvrir à elle et à en accueillir le sens profond. C'est pour cela que l'acte par lequel l'homme s'offre à Dieu a toujours été considéré par l'Eglise comme un moment de choix fondamental où toute la personne est impliquée. L'intelligence et la volonté s'exercent au maximum de leur nature spirituelle pour permettre au sujet d'accomplir un acte dans lequel la liberté personnelle est pleinement vécue.

15 Dans la foi, la liberté n'est donc pas seulement présente, elle est exigée. Et c'est même la foi qui permet à chacun d'exprimer au mieux sa liberté. Autrement dit, la liberté ne se réalise pas dans les choix qui sont contre Dieu. Comment, en effet, le refus de s'ouvrir vers ce qui permet la réalisation de soi-même pourrait-il être considéré comme un usage authentique de la liberté? C'est lorsqu'elle croit que la personne pose l'acte le plus significatif de son existence; car ici la liberté rejoint la certitude de la vérité et décide de vivre en elle.

16 Il existe une profonde et indissoluble unité entre la connaissance de la raison et celle de la foi. Le monde et ce qui s'y passe, de même que l'histoire et les vicissitudes du peuple, sont des réalités regardées, analysées et jugées par les moyens propres de la raison, mais sans que la foi demeure étrangère à ce processus.

17 Il ne peut donc exister aucune compétitivité entre la raison et la foi: l'une s'intègre à l'autre, et chacune a son propre champ d'action.

A lire : Jean-Paul II, Foi et raison.

Foi, privilège ou foi offerte à tous ?

Si la foi est un don gratuit de Dieu, alors il y a ceux à qui elle est donnée et ceux à qui elle ne l’est pas. Ce qui est une autre forme d’injustice. Qui n’a entendu cette réflexion, souvent douloureuse : « Je pense que mes dispositions de fond sont bonnes et pourtant je n’arrive pas à croire » ? Mais don gratuit ne veut pas dire don offert seulement à quelques-uns. Un don n’est pas moins gratuit parce qu’il est offert à tous. Ce qui est le cas. Mais bien des facteurs venus de mon histoire et de mes expériences personnelles, de ma famille, de mon milieu social, peuvent dans une certaine mesure m’empêcher d’entendre l’offre de Dieu. La question décisive est de savoir si je reste sérieusement ouvert à la recherche de la vérité. Car l’offre de Dieu s’adresse à notre liberté et s’inscrit dans notre histoire. L’acte de croire peut comporter des moments décisifs, mais, comme tout dialogue, il nous affecte dans la durée. Il a ses hauts et ses bas. Il est toujours à reprendre et à réengager. B. Sesboüé, Croire.