Histoire du mariage

Le mariage juif

En Israël, comme en Mésopotamie, le mariage est une affaire purement civile et n’est sanctionné par aucun acte religieux. La prière et la bénédiction relèvent de la famille.

Dans la bible, la première attestation littéraire de l’existence d’un contrat de mariage écrit se trouve dans le livre de Tobit (200-175 av. J.-C.).

Voir l’étude sur Tobit.

Dans la culture juive, le mariage se scelle en deux étapes. Le premier acte légal est celui de la promesse en mariage ou fiançailles (quiddoushin). Par cet acte, l’homme et la femme s’engagent à la fidélité tout en vivant chacun sous son toit. Plus tard, parfois de douze mois à plusieurs années, se déroule le mariage (nissou’in). La jeune fille quitte alors la maison paternelle et va rejoindre celle de son époux. Les nissou’in marquent le début de la cohabitation du couple et donc le début des relations sexuelles. Un bain de purification (mikvé) précède le mariage.

Le mariage dans l’Empire romain

Le christianisme va se développer dans l’Empire romain avec ses lois et ses coutumes. Quelle est l’influence de ce cadre juridique et social dans le développement de la doctrine chrétienne sur le couple et sur le mariage ?

Les mariages les plus anciens sont des mariages cum manu : la jeune épousée passe de l’autorité du père à celle du mari. À partir de 445 avant J.-C., commence à apparaître les mariages sine manu : le père peut ainsi garder le pouvoir sur sa fille. Sous l’Empire (27-476), le mariage se généralise à toute la société ; les deux formes traditionnelles de mariage ont pratiquement disparu. Une nouvelle forme de mariage apparaît : les nuptiae (du verbe nubere, mettre le voile, épouser), fondées sur le consentement mutuel.

Chez les Romains, le mariage est monogame. Par ailleurs, seuls les citoyens libres peuvent se marier ; les esclaves n’en auront la permission qu’à partir de 200 apr. J.-C.L’âge légal est de douze ans pour les filles, quatorze ans pour les garçons.

Avant le mariage, on purifie les époux par un bain lustral, des offrandes et des prières aux dieux. Les fiançailles sont un engagement réciproque des fiancés devant témoins. Le fiancé passe un anneau à l’annulaire gauche de la jeune fille et lui offre des cadeaux (on pense qu'une veine relie l'annulaire gauche au cœur). Les filles possèdent souvent une dot. La veille du mariage, la fiancée revêt une tunique blanche. Le matin du mariage, la fiancée revêt un manteau (palla) couleur safran, chausse des sandales assorties, et se couvre la tête d’un voile orangé sur lequel est posée une couronne de fleurs. Chez les parents de la mariée, on sacrifie sur l’autel domestique et on consulte les auspices. Ensuite, une matrone n’ayant été mariée qu’une seule fois, joint, devant témoins, les mains droites des nouveaux époux (junxtio dextrarum) en signe d’engagement mutuel à vivre ensemble. Après le festin nuptial, à l’apparition de l’étoile du soir, Vesper, se joue un simulacre d’enlèvement de la mariée. Un cortège, précédé de porte-torches et de joueurs de flûte, chantant des chants d’hyménée et proférant des plaisanteries grivoises, accompagne la mariée jusqu’au domicile de l’époux. On lance aux époux des noix ou des fruits secs, symboles de prospérité et fécondité. Deux amies de la mariée portent le fuseau et la quenouille, symboles de ses vertus domestiques.

Arrivée dans son nouveau domicile, la mariée répond à son mari qui lui demande son identité, par la formule rituelle : « Ubi tu Gaius, ego Gaia » (Où tu seras Gaius, je serai Gaia). Elle décore la porte puis on la soulève pour lui faire franchir le seuil en souvenir de l’enlèvement des Sabines et par souci d’éviter un mauvais présage.

Son mari lui présente l’eau et le feu, symboles de la vie commune et du culte familial, ainsi que les clés de la maison. Elle offre trois pièces de monnaie, l’une à son époux, l’autre au dieu Lare, la dernière au dieu du carrefour le plus proche.

Le droit au divorce et au remariage est peu à peu acquis. Mais dans le Bas-Empire cependant, du fait de l’influence chrétienne, le divorce devient plus difficile puis est interdit.

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« Ubi tu Gaius, ego Gaia » A priori, c’est une promesse de fusion, le contraire du chacun pour soi : « Là où tu es Gaius, là je suis Gaia. » Il n’y a pas de verbe, comme si la sentence avait un caractère intemporel et éternel. Cette formule rituelle du mariage romain, prononcée par l’épouse, est aussi charmante qu’énigmatique. Les Anciens pensaient qu’il s’agissait d’un simple jeu masculin / féminin : « Que chacun soit avec sa chacune », souligné par le parallélisme ubi / ibi. Mais le prénom Caius/Gaius se rattache à un mot grec qui signifie « le chef, le caïd ». La promise exprimerait-elle, alors, une loyauté d’égale à égal, une fides : « Je serai la maîtresse là où tu seras le maître » ? Ce serait simple et joli. Sauf que Gaia, c’est aussi la déesse de la Terre. L’engagement apparaît alors moins comme une parole d’amoureux que comme une reconnaissance de soumission : « Tu seras mon Seigneur, je serai ta Terre. » Enfin, tout cela est discuté.Mais cette dernière version répond mieux à la conception romaine de mariage, au moins jusqu’à la fin de la République. Les femmes changent simplement de tutelle, passant de l’autorité paternelle à une autre « mainmise », la manus de leur époux, seul habilité à gérer les biens du ménage, à décider de tout dans sa maison et à décréter séparation ou répudiation. Plus tardivement, on aménagea des mariages sine manu, exemptés de cette domination masculine unique. Les femmes pouvaient ainsi conserver leur autonomie financière, et administrer leur fortune comme elles l’entendaient. Xavier Darcos, Dictionnaire amoureux de la Rome antique.

Les trois premiers siècles de la chrétienté

Le mariage chrétien met plusieurs siècles à prendre forme. Le mariage coutumier païen est la règle. Il se déroule selon la coutume de chaque pays ou de chaque cité. Une lettre anonyme du IIe siècle résume les pratiques des premiers chrétiens :

6. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n’abandonnent pas leurs nouveau-nés. 7. Ils partagent tous la même table, mais non la même couche. 8. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. 9. Ils passent leur vie sur la terre, mais sont citoyens du ciel. 10. Ils obéissent aux lois établies et leur manière de vivre l’emporte en perfection sur les lois (Lettre à Diognète, V, 6-10).

Les chrétiens de la primitive Église vivent en société dans le respect des lois établies. Le mariage est une réalité terrestre à vivre dans l’esprit du christianisme. Le mariage chrétien s’en distingue par le seul fait qu’il est célébré entre baptisés.

L’évêque (ou le prêtre) est parfois invité aux noces, mais sa présence demeure très discrète. Il n’y a pas encore de bénédiction nuptiale.

Ignace d’Antioche (vers 107) invite les chrétiens à se marier "avec l’avis de l’évêque, afin que leur mariage se fasse selon le Seigneur et non selon la passion" (Lettre à Polycarpe, 5, 2).

Tertullien (vers 160-220) commente l’avantage de se marier dans le Seigneur : "Comment exalter le bonheur et la grandeur d’un tel mariage ; un mariage uni par l’Église, que confirme l’offrande, que scelle la bénédiction ; les anges le proclament, le Père le ratifie " (Ad uxorem II 8,6.7.9).

Hippolyte (170 – 235), un prêtre romain, recommandait aux chrétiens, dans un petit manuel de discipline (La Tradition apostolique, 15), le respect des pratiques civiles : si un candidat au baptême n’est pas marié, « qu’il garde la continence ou qu’il se marie selon la loi » — celle de l’empereur bien entendu. On trouve, sous la plume autorisée du pape Léon (440-461), une référence plus explicite encore au mariage légal, le matrimonium justum comme diraient les légalistes. Pour distinguer du concubinage l’union légitime d’époux chrétiens, l’évêque romain ne se référait pas à la bénédiction d’un prêtre, mais « à l’établissement de la dot et aux noces publiques ». Entendons bien : cette dernière formule emprunte à l’antique tradition du droit civil qui exigeait la publicité d’un engagement librement contracté par les époux, tout en laissant aux futurs conjoints entière liberté pour composer, devant témoins, la cérémonie de leur union. Léon restait fidèle à l’esprit du Digeste, ce grand recueil de la jurisprudence romaine, rappelant qu’il n’était point besoin, pour sceller le mariage, d’invoquer le concubitus, le fait de coucher ensemble. Nuptias non concubitus facit sed consensus. Contrairement à nos habitudes de langage et de pensée, le droit ne parlait pas de consommation, mais de consentement matrimonial. Pour le reste, le pape suivait attentivement l’évolution de la loi impériale ; il mentionnait la dot, une pratique courante que, depuis peu de temps, l’empereur Majorien avait rendue obligatoire. À deux siècles de distance, les prescriptions concrètes du pape s’accordent avec ·> celles du prêtre Hippolyte. Elles ne semblent guère définir un mariage chrétien indépendant des règles civiles. Dans cette société de plus en plus gagnée à la foi nouvelle, mais toujours attachée aux structures traditionnelles du droit civil, il est seulement question de surveiller le mariage des chrétiens.

Mais l’intervention de l’Église se manifeste surtout dans la christianisation de la cérémonie nuptiale, dont le clergé socialise peu à peu les rites. On ne mesure pas assez l’importance capitale de cette transformation amorcée sous l’Empire chrétien. Car à l’exception de quelques actes juridiques, les païens ne connaissent qu’une fête familiale, dont l’usage règle le déroulement. À l’origine, les chrétiens n’ont presque rien changé. Une matrone, la pronuba, rapprochait les mains droites des deux conjoints : ceux-ci accomplissaient le rite traditionnel (dextrarum junctió) qui scellait l’engagement réciproque. Ce geste symbolisait si bien l’union conjugale qu’une image des époux se donnant la main illustrait assez souvent des sarcophages où reposaient le mari et la femme. Les chrétiens utilisèrent, au début du ive siècle, ces cuves sculptées pour des païens, sans aucun trouble de conscience ; et cela, malgré la présence sur l’image d’une divinité païenne, la Concordia placée entre les époux comme une pronuba. Puis, ils exigèrent une interprétation chrétienne de la scène, en faisant disparaître la Concorde païenne.

Mais l’intervention du prêtre est plus active encore. La jeune épousée qui porte déjà un voile, le flammeum, d’un jaune rougeoyant, doit recevoir un autre voile étendu au-dessus de sa tête couverte. La pratique est tellement ancienne que le verbe latin nubere qui veut dire « couvrir », à proprement parler, a fini par signifier « prendre mari ». À cette velatio, l’Église participe, assure le pape Sirice, sans préciser si le prêtre est acteur ou simplement témoin. En tout cas, le geste païen s’est si bien introduit dans la pratique chrétienne que la remise du voile finit par symboliser, dès le ive siècle, le mariage des vierges consacrées. Il n’est pas sûr que les chrétiens de Rome aient pensé au rituel juif qui faisait étendre un voile au-dessus des deux époux. C’est le geste païen prévoyant seulement une velatio de la femme, que christianise la présence du prêtre.

Ainsi, les noces cessent d’être une cérémonie purement privée : elles se déroulent devant ces représentants du peuple chrétien, les clercs, qui rendent de plus en plus activement témoignage de la présence ecclésiale. Car toutes les attestations s’accordent : celle du poète, Paulin, celle du théologien, l’Ambrosiaster, et surtout l’avis officiel rapporté par les papes, Sirice, Innocent ; dès le IVe siècle au moins, le prêtre donne sa bénédiction aux époux. Certes, les rigoristes voudraient réserver cette prière à ceux qui convolent pour la première fois ; mais il n’est pas sûr qu’on ait longtemps suivi leur avis (si même on le suivit). Au vie siècle, en tout cas, le pape Pelage atteste que l’Église bénissait sans réticence le mariage des veufs. Une preuve plus éclatante de la socialisation de cette cérémonie, originairement païenne et privée, est donnée lorsque la cérémonie se déplace de la demeure familiale à l’église. Le transfert s’imposa peu à peu, dès lors que le prêtre donnait sa bénédiction au cours d’une assemblée liturgique. L’auteur anonyme d’un traité théologique (le Praedestinatus), sûrement un contemporain du pape Sixte (432-440), mentionne pour la première fois la messe de mariage. Les recueils de formules liturgiques, en particulier ceux qu’une tradition incertaine prêtait au pape Léon (sacramentaire léonien) ou au pape Gélase (s. gélasien), ont conservé le souvenir de ces premiers textes composés pour les noces chrétiennes, témoins d’autant plus précieux qu’il faut attendre le ixe siècle et une lettre du pape Nicolas Ier pour recueillir une description précise du rituel. Mais même les formules anciennes, celle du Léonien, sont difficiles à dater et la vraisemblance place leur origine au vie siècle plus aisément qu’au Ve. On retiendra, en tout cas, que ces textes continuent de refléter les grands thèmes d’une théologie romaine du mariage, évoquée au début de cette enquête. Dans sa prière publique, l’Église rappelait la bénédiction d’une union indissoluble, et elle en soulignait la valeur positive qu’illustrait déjà (comme l’attestent les lectionnaires) la lecture des textes saints, les Noces de Cana, la parabole du banquet nuptial. Enfin, cette prédication donnée aux nouveaux époux et aussi à tout le peuple, devenu témoin de l’union, insistait sur la fécondité du mariage, devenant saintement fécond pour l’accroissement de l’Église elle-même. Les intentions de cette pastorale, qui organise l’engagement public des époux, sont claires : le clergé ne s’inquiète pas seulement de christianiser les rites d’une festivité familiale. La publicité des noces chrétiennes a valeur pédagogique et elle rend plus difficile ce divorce que permet la loi civile. Mais cette publicité n’a qu’une valeur pastorale. L’Église n’entend pas donner à la cérémonie une valeur officielle : pour le pape Léon, le mariage ne peut être scellé que par des procédures qui relèvent du droit public. Mais les perspectives changent dès que vacillent les structures de l’Empire en Occident : dès la fin du Ve siècle, alors qu’un roi barbare a remplacé l’empereur, le pape Gélase (Ve) est tout prêt de considérer que la bénédiction sacerdotale suffit à ratifier l’union légitime. Ayant établi cette cérémonie, l’Église est prête à assurer une suppléance. Charles Pietri. Voir le lien dans la bibliothèque.

La participation de l'Église

À partir du troisième siècle, l’Église approuve le mariage qui avait été célébré en recevant les époux à l’eucharistie et en leur donnant la bénédiction afin de sanctifier leur union. Selon C. Tibiletti « La prière et la bénédiction des prêtres ont pour but de consolider l’union nuptiale … Elles prennent la place des prières et des sacrifices dans les mariages païens » (Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, p. 1548).

Le premier témoignage d’une bénédiction nuptiale véritablement liturgique date de l’époque du pape Damase (366-384) et figure dans les œuvres du pseudo-Ambroise (Ambrosiaster). La célébration du premier mariage prend la forme d’une simple bénédiction.

Au Ve siècle, Paulin de Nole décrit un rite liturgique alors en vigueur « Les époux reçoivent dans l’Église la bénédiction de l’évêque qui met leurs têtes sous le lien conjugal, et il étend sur eux le voile en les sanctifiant par la prière » (Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, p. 1548).

Progressivement, le prêtre participe plus activement. À Rome et à Milan, il bénit les époux dont la tête est recouverte d’un voile. En Orient, il bénit la couronne des époux. En Gaule et en Espagne, il est invité à donner la bénédiction aux deux époux dans la chambre nuptiale. Puis il remplace le père pour le geste de la jonction des mains : c’est désormais le prêtre qui met la main de l’épouse dans celle de l’époux.

En 860, Hincmar, archevêque de Reims, affirme que le consentement mutuel ne suffit pas à réaliser le sacrement. Selon lui, il faut en outre que le mariage soit consommé.

Il y a mariage légitime entre gens de même condition quand la jeune fille demandée en mariage à qui de droit - parents ou tuteur -, fiancée dans les formes, dûment dotée, unie en noces publiques par les liens du mariage, devient un seul corps et une seule chair avec son mari comme il est écrit : ils seront deux en une seule chair. Hincmar de Reims (806-882), Lettre 22, nuptiis Stephani.

Les noces ne contiennent pas en elles le sacrement du Christ et de l'Église si, comme le dit le bienheureux Augustin, elles ne sont pas vécues conjugalement, c'est-à-dire si l'union sexuelle ne les a pas suivies. Hincmar de Reims, P.L., 126, col. 1.

En 866, dans sa Réponse aux Bulgares qui l’interrogent sur l’importance de cérémonies religieuses (prière et bénédiction), qui selon certains constituent les éléments constitutifs du mariage, le Pape Nicolas Ier répondit : " Le seul consentement de ceux dont on envisage l’union doit suffire selon les lois. S’il arrivait que ce seul consentement fasse défaut dans le mariage, tout le reste, même réalisé avec l’union charnelle, est inutile " (D 334).

L’évolution constatée aux siècles précédents s’accentue et donne au mariage une image de plus en plus ecclésiastique : l’échange des consentements se fait à la porte de l’église ; le rôle du prêtre prend de l’importance ; le père de la mariée remet l’épouse au prêtre qui la confie lui-même à son mari en disant : « Je vous unis par le mariage ».

Que d’abord le prêtre vienne devant la porte de l’église, vêtu de l’aube et de l’étole, avec l’eau bénite. Ayant aspergé les époux, il les interrogera avec sagesse pour savoir s’ils veulent s’épouser conformément à la loi ; il s’informera s’ils ne sont pas parents, et il leur enseignera comment ils doivent vivre ensemble dans le Seigneur. Après cela, qu’il dise aux parents, selon la coutume, de donner leur fille à l’époux, et à celui-ci de lui donner sa dot, dont il fera lire l’écrit en présence de tous les assistants ; qu’il la lui fasse aussi épouser avec un anneau béni au nom de la Sainte Trinité, qu’il lui mettra la main droite, et lui fasse don de quelques pièces d’or ou d’argent selon ses moyens. Qu’ensuite le prêtre fasse la bénédiction qui est marquée dans les livres, laquelle étant achevée, ils entreront dans l’Église et il commencera la messe. Extrait d’un Missel de l’abbaye Saint-Melaine de Rennes (début du XIIe siècle), traduction d’après C. Chardon, Histoire des sacrements (1745), p. 1026

La sacramentalité du mariage

Au XIIe siècle le mariage est élevé au rang de sacrement. Une question subsiste : qu’est-ce qui crée un mariage : la relation sexuelle, le consentement ou la bénédiction ? La tradition théologique tranchera par un compromis : « le mariage est vraiment indissoluble lorsqu’il y a libre consentement et que l’union a été sexuellement ‘’consommée’’ ».

En 1140, le décret de Gratien souligne les deux conditions du sacrement de mariage : le consentement et la consommation. Quand elles sont réunies, le mariage est indissoluble.

On doit savoir que le mariage est conclu par l’échange des consentements, qu’il est accompli par l’union charnelle. Il s’ensuit qu’entre l’époux et l’épouse il y a mariage, mais seulement conclu ; entre des époux qui ont consommé l’union, le mariage et ratifié. Gratien (XIIe siècle), Décret.

Au XIIe siècle, Pierre LOMBARD accepte le mariage comme sacrement. Pour lui, le mariage a seulement une fonction médicinale, il offre un remède à la concupiscence.

Parmi les sacrements, les uns -comme, par exemple, le baptême- fournissent un remède contre le péché et apportent le soutien de la grâce destinée à nous aider. D’autres - comme le mariage- ne sont là que pour fournir des remèdes. D’autres encore -comme l’eucharistie et l’ordre- nous offrent le soutien de la grâce et de leur vertu propre. Pierre Lombard (1160), Sentences IV d 2 c 1.

Le concept juridique de « nullité » du mariage est élaboré aux conciles de Latran I (1123) et II (1139).

Dans un texte du Concile de Vérone (1184), le mariage est mentionné parmi les sacrements. C’est la première fois qu’il est ainsi qualifié de sacrement dans un document officiel de l’Église.

Lors du synode de Vérone de 1184, le mariage fut associé pour la première fois à l’eucharistie, au baptême, à la pénitence et « aux autres sacrements ecclésiastiques ». Sa sacramentalité sera ensuite explicitée dans la profession de foi prévue pour l’Église orientale par le concile de Lyon II de 1274. Mais ce sacrement suscite de nombreux débats qui concernent, entre autres, comme on vient de le voir, la production de la grâce. Le XIIe siècle est dominé par la position selon laquelle le mariage ne confère pas la grâce, problème qu’avait tenté de résoudre Hugues de Saint-Victor († 1141) en distinguant le lien d’amour spirituel, considéré comme le sacramentum maximum, auquel on pouvait attribuer un effet de grâce, et l’union charnelle, qui était le sacramentum minimum, pur remède à la concupiscence. Il faudra attendre l’œuvre d’Alexandre de Halès († 1245) pour voir s’affirmer l’existence d’une grâce susceptible de vaincre, du moins de diminuer la corruption de la concupiscence qui résulte du péché originel. Marta Madero. Voir le lien dans la bibliothèque.

Voir l’étude particulière sur la grâce.

Le concile de Latran IV en 1215 proclame avec solennité que "les époux sont appelés à la béatitude éternelle, tout comme ceux qui se sont consacrés à la virginité." La publication des bans devient obligatoire pour révéler les empêchements et combattre les mariages clandestins.

En 1215, la réflexion sacramentelle et matrimoniale est affinée par les Pères conciliaires réunis pour la quatrième fois à Latran. Le cadre paroissial y est renforcé comme lieu exclusif d’administration des sacrements, tandis que l’action pastorale dévolue au prêtre est précisée. La procédure judiciaire est repensée grâce à l’introduction de la procédure d’enquête dans les tribunaux épiscopaux. Par ailleurs, la promulgation du canon Cum Inhibitio infléchit durablement l’approche des mariages clandestins en établissant un cadre normatif que relaient ensuite, en les adaptant au besoin, les législations synodales locales. Ce canon 51 précise que les mariages clandestins sont interdits et qu’aucun prêtre ne pourra y participer sous peine d’une suspense d’office de trois ans. Carole Avignon. Voir le lien dans la bibliothèque.

Durant cette période du Moyen Age, l’Eglise revendique une compétence juridique sur le mariage et décrète que le consentement et la remise du voile à la mariée se fassent expressément en présence du prêtre (IXe-XIe siècles) , dans l’Eglise ou, le plus souvent, devant les portes de l’Eglise, comme l’indiquent divers rituels des XI-XIVe siècles. Suit la célébration de la messe avec la bénédiction de la mariée. Pour lui donner la plus large publicité possible, il a été convenu que la cérémonie aurait lieu non plus dans la maison de la mariée, mais devant le portail de l’Église. Ce qui était fait auparavant par le père ou le tuteur, l’est désormais par le prêtre, avec des paroles comme celles-ci : "Je te donne X pour épouse " (Rituel de Meaux). Entre le XVe et le XVIe siècle se répand la formule : "Et moi je vous unis…", que certains considéreront comme la forme sacramentelle du mariage.

En 1439, le Concile de Florence affirme que la cause efficiente du mariage est « régulièrement le consentement mutuel » (décret aux Arméniens). À cette époque, existe - chez les chrétiens d’Occident - une volonté de réunir les Églises d’Orient et d’Occident pour affirmer le caractère sacramentel du mariage chrétien. Pour les Églises d’Orient, « la bénédiction seule fait le mariage ». Ce même décret aux Arméniens affirme aussi la triple dimension du mariage : procréation, fidélité, indissolubilité. À cette époque, le rite de l’eucharistie -pain et vin partagés- est intégré dans la célébration du sacrement de mariage.

Ruptures et consolidations

Le Concile de Trente (1545-1563) confirme ce que les siècles précédents ont progressivement mis en œuvre. Il réagit aussi aux thèses de Luther pour qui le mariage n’est pas sacrement. Il réaffirme l’indissolubilité du mariage. En 1563, le décret « Tamet-si » déclare nécessaire pour le mariage « le consentement mutuel devant deux témoins et un prêtre compétent », c’est-à-dire en lien avec son évêque. Cette mesure vise à faire disparaître les mariages clandestins.

Martin Luther écrit: « Parce que le mariage et la vie du couple sont des affaires du domaine civil, il n’appartient pas à nous autres ecclésiastiques ou ministres du culte d’y établir un certain ordre ou de leur imposer des règlements, mais en la matière, nous laissons à chaque pays ses coutumes et ses habitudes. Certains conduisent deux fois la mariée à l’église, une fois le soir et une fois le matin, d’autres ne le font qu’une fois. D’autres annoncent le mariage et en publient les bans du haut de la chaire deux ou trois semaines avant la date fixée. Tout cela et d’autres usages de ce genre, j’en laisse le soin aux seigneurs et au magistrat ; qu’ils agissent comme ils l’entendent. Cela ne me regarde pas. Mais si on nous demande de bénir les conjoints sur le préau ou dans l’église, de prier pour eux et de les unir par le mariage, nous avons le devoir de le faire. C’est pourquoi j’ai composé ces paroles et cette manière d’opérer pour ceux qui ne savent pas mieux faire … » (La foi des Églises luthériennes, confessions et catéchismes, Paris, Cerf et Genève, Labor et Fides, 1991, p. 320).

En 1791, l’Assemblée constituante française établit le mariage civil sous les mêmes formes que le mariage religieux. Elle prévoit notamment que la « bénédiction religieuse ne sera donnée qu’après le mariage civil ».

En 1880, Léon XIII affirme l’identité entre le contrat et le sacrement.

En 1917 : code droit canonique

C. 1013-§1 : La fin première du mariage est la procréation et l'éducation des enfants ; la fin secondaire est l'aide mutuelle et le remède à la concupiscence.

C. 1016 : Le mariage des baptisés est régi non seulement par le droit divin, mais aussi par le droit canonique, sauf la compétence du pouvoir civil au sujet des effets purement civils de ce mariage

    Le Code de droit canonique de 1983 entérine la doctrine.

    Un nouveau rituel est mis en place en 2005.
  • Les cinq bénédictions nuptiales du rituel latin comportent toutes une prière pour que l’Esprit Saint donne aux nouveaux époux sa force et sa grâce (n° 284-288). De plus, le prêtre ou le diacre qui prononce cette prière tient les mains étendues au-dessus des nouveaux époux.
  • Le rituel français propose le choix entre trois formules pour l’échange des consentements.

Sitologie (hors bibliothèque) :
https://fr.aleteia.org/2014/10/20/comment-les-premiers-chretiens-concevaient-ils-le-mariage (Histoire)
https://pph33.org/Sacrements/MARIAGE.pdf/ (Histoire)
https://www.erf-neuilly.com/la-ceremonie-de-mariage-reperes-historiques-et-religieux/ (Histoire)
https://liturgie.catholique.fr/les-sacrements/le-mariage/832-le-rituel-du-mariage-2011-elaboration-et-innovations/ (Rituel)