La violence envers les femmes dans la Bible

Si la non-violence est la loi de l'humanité, l'avenir appartient aux femmes. Qui peut faire appel au cœur des hommes avec plus d'efficacité que la femme ? (Mahatma Gandhi).

La Bible, livre saint pas excellence, nous rappelle cruellement que la violence appartient à l'histoire de l'humanité. Les hommes détiennent le pouvoir et la force physique. Les femmes subissent.

Un rapport de domination

Tout commence pour le mieux dans le meilleur des mondes. Dieu crée Adam et Eve en vis-à-vis, l’un pour l’autre, dans une égale dignité, dans une altérité et une différence qui ont pour finalité la vocation à ne former qu'une seule chair. La chute que la Tradition appellera péché originel, vient enrayer la belle harmonie originelle. La situation se résume en un verset :

Ton désir se portera vers ton mari, mais il dominera sur toi (Gn 3,16).

Un rapport de force s'instaure en lieu et place d'un espace de communion.

De fait, la Bible nous dépeint une société organisée en mode binaire : d’un côté les hommes à qui appartient le pouvoir et, de l’autre, les femmes cantonnées dans leur rôle d’épouses et de mères.

D’une manière générale, la femme ne bénéficie d’aucune protection, même au sein d’un couple. L’homme peut renvoyer son épouse dès qu’elle cesse de lui plaire.

Dt 24,1-4 Lorsqu’un homme prend et épouse une femme, mais qu’un jour elle cesse de lui plaire, car il a quelque chose à lui reprocher, il rédige une attestation de rupture (un acte de répudiation), il la lui remet en main propre et la renvoie de chez lui.

Le texte demeure très imprécis quant au motif de la répudiation. L’expression hébraïque dabar erwât (quelque chose à lui reprocher) pourrait se traduire littéralement par « la nudité des choses ». Le terme erwâh désigne souvent la nudité (par exemple en Lv 18,6-17). L’expression semble donc caractériser une forme d’indécence.

Mais comme le montrent les exemples ci-dessous, même les femmes vertueuses subissent la violence et les outrages des hommes.

Saraï

Abram premier patriarche de l'histoire biblique, vit avec une très belle femme (Saraï) ; sa beauté risque de lui causer des ennuis. Il n’hésite pas à affirmer qu’elle est sa sœur, afin de sauver sa vie. Pharaon peut ainsi en abuser.

Gn 12,10 Il y eut une famine dans le pays et Abram descendit en Égypte pour y séjourner, car la famine sévissait sur le pays. 11 Or, au moment d'atteindre l'Égypte, il dit à sa femme Saraï : « Vois, je sais bien que tu es une femme belle à voir. 12 Alors, quand les Égyptiens te verront et diront : “ C'est sa femme ”, ils me tueront et te laisseront en vie. 13 Dis, je te prie, que tu es ma sœur pour que l'on me traite bien à cause de toi et que je reste en vie grâce à toi. » 14 De fait, quand Abram atteignit l'Égypte, les Égyptiens virent que cette femme était fort belle. 15 Des officiers du Pharaon la regardèrent, chantèrent ses louanges au Pharaon, et cette femme fut prise pour sa maison. 16 À cause d'elle, on traita bien Abram qui reçut petit et gros bétail, ânes, esclaves et servantes, ânesses et chameaux. 17, Mais le SEIGNEUR infligea de grands maux au Pharaon et à sa maison à cause de Saraï, la femme d'Abram. 18 Le Pharaon convoqua Abram pour lui dire : « Que m'as-tu fait là ! Pourquoi ne m'as-tu pas déclaré qu'elle était ta femme ? 19 Pourquoi m'as-tu dit : “ C'est ma sœur ” ? Et je me la suis attribuée pour femme. Maintenant, voici ta femme, reprends-la et va-t'en ! » 20 Le Pharaon ordonna à ses gens de le renvoyer, lui, sa femme, et tout ce qu'il possédait.

Dina

Le livre de la Genèse nous rapporte l’histoire de Dina, fille de Léa et Jacob. Un homme la viole ; puis, elle fait l’objet d’une transaction entre les clans, sans aucun consentement de sa part.

Gn 34,2-4 Sichem, fils de Hamor le Hivvite, chef du pays, la vit, l’enleva, coucha avec elle et la viola. Il s’attacha de tout son être à Dina, la fille de Jacob, il se prit d’amour pour la jeune fille, et regagna sa confiance. Sichem s’adressa à son père Hamor et lui dit : prends-moi cette enfant pour femme.

L’aventure commence par un viol, puis se construit dans l’amour, pour se terminer par une demande en mariage. Dina est au cœur de l’histoire. Pourtant, elle ne prononce pas une parole. Elle est l’objet de l’intrigue, manipulée par des hommes. Par elle se forge une alliance entre deux clans. L’aventure pourrait s’achever par une fin heureuse, mais les fils de Jacob ne supportent pas la souillure de leur sœur et massacrent Hamor, Sichem et tout son clan au motif que leur sœur ne doit pas être traitée en prostituée (Gn 34,31). La vengeance lave la souillure et l’honneur. Les hommes se chargent de faire respecter les traditions que les femmes subissent sans pouvoir de décision.

Une fille unique

Comment obtenir une victoire contre l'ennemi ? Toutes les batailles gagnées ou perdues résultent d'un culte rendu à Dieu bien plus que d'une stratégie militaire. Elles se gagnent parce que le peuple d'Israël a respecté la loi ou rendu un culte à son dieu. Elles se perdent parce qu'il est pécheur. Dans le récit ci-dessous, les israélites doivent leur victoire à un sacrifice humain d'une jeune vierge.

Jg 11,30-40 Jephté fit un vœu à Yahvé et dit : « Si vraiment tu me livres les fils d’Ammon, quiconque sortira des portes de ma maison à ma rencontre quand je reviendrai sain et sauf de chez les fils d’Ammon, celui-là appartiendra au Yahvé, et je l’offrirai en holocauste. » Jephté franchit la frontière des fils d’Ammon pour leur faire la guerre et le SEIGNEUR les lui livra. Il les battit depuis Aroër jusqu’à proximité de Minnith, soit vingt villes, et jusqu’à Avel-Keramim. Ce fut une très grande défaite ; ainsi les fils d’Ammon furent abaissés devant les fils d’Israël.

Tandis que Jephté revenait vers sa maison à Miçpa, voici que sa fille sortit à sa rencontre, dansant et jouant du tambourin. Elle était son unique enfant : il n’avait en dehors d’elle ni fils, ni fille. Dès qu’il la vit, il déchira ses vêtements et dit : « Ah ! ma fille, tu me plonges dans le désespoir ; tu es de ceux qui m’apportent le malheur ; et moi j’ai trop parlé devant Yahvé et je ne puis revenir en arrière. » Mais elle lui dit : « Mon père, tu as trop parlé devant Yahvé ; traite-moi selon la parole sortie de ta bouche puisque Yahvé a tiré vengeance de tes ennemis, les fils d’Ammon. » Puis elle dit à son père : « Que ceci me soit accordé : laisse-moi seule pendant deux mois pour que j’aille errer dans les montagnes et pleurer sur ma virginité, moi et mes compagnes. » Il lui dit : « Va », et il la laissa partir deux mois ; elle s’en alla, elle et ses compagnes, et elle pleura sur sa virginité dans les montagnes. À la fin des deux mois, elle revint chez son père, et il accomplit sur elle le vœu qu’il avait prononcé. Or elle n’avait pas connu d’homme et cela devint une coutume en Israël que d’année en année les filles d’Israël aillent célébrer la fille de Jephté, le Galaadite, quatre jours par an.

    Quelques remarques sur ce récit incompréhensible de nos jours :
  • La culture du sacrifice humain que le récit du sacrifice d'Isaac remet en cause
  • Le vœu envers Yahvé : Dieu se laisse-t-il attendrir par une négociation sordide ? Ne sommes-nous pas en pleine superstition ?
  • Le consentement de la fille
  • La joie puis la tristesse de la fille : elle pleure sur sa virginité, car c'est une malédiction de ne pas se marier et de ne pas avoir d'enfants
  • Jephté a trop parlé, mal parlé, mais il a surtout trop agi et mal agi !

Une Philistine

De nombreux exemples témoignent du peu de respect envers les femmes. Samson « prend » une femme philistine pour finalement la donner à son garçon d’honneur à la suite d’une trahison (Jg 14).

Jg 14,2 Il (Samson) monta l'annoncer à son père et à sa mère et leur dit : « À Timna j'ai remarqué une femme parmi les filles des Philistins. Et maintenant, allez me la prendre pour femme. » 3 Son père et sa mère lui dirent : « N'y a-t-il pas de femme parmi les filles de tes frères et dans mon peuple pour que tu ailles prendre femme chez les Philistins, ces incirconcis ? » Mais Samson dit à son père : « Prends-la-moi, car c'est celle-là qui me plaît. » ... Quelques jours après, il revint pour l'épouser...

Samson propose une énigme aux Philistins et leur promet une belle récompense s'ils trouvent la réponse avant sept jours : "De celui qui mange est sorti ce qui se mange et du fort est sorti le doux".

Jg 14,15 Le septième jour, les Philistins dirent à la femme de Samson : « Séduis ton mari pour qu'il nous révèle le sens de l'énigme ; sinon, nous te brûlerons, toi et la maison de ton père. Est-ce ou non pour nous déposséder que vous nous avez invités ? » 16 La femme de Samson le poursuivit de ses pleurs. Elle lui disait : « Tu n'as pour moi que de la haine ; tu ne m'aimes pas. Cette énigme que tu as proposée aux fils de mon peuple, tu ne m'en as pas révélé le sens. » Il lui dit : « Je ne l'ai même pas révélé à mon père et à ma mère, et à toi je le révélerais ! » 17 Elle le poursuivit de ses pleurs pendant les sept jours que dura le festin. Le septième jour, il lui révéla le sens, car elle l'avait harcelé ; et elle révéla le sens de l'énigme aux fils de son peuple. 18 Au septième jour, avant le coucher du soleil, les gens de la ville dirent à Samson : « Quoi de plus doux que le miel, quoi de plus fort que le lion ? » Il leur répondit : « Si vous n'aviez pas labouré avec ma génisse, vous n'auriez pas trouvé mon énigme. » 19 Alors l'esprit de Yahvé pénétra en lui. Samson descendit à Ashqelôn, tua trente de ses habitants, prit leurs dépouilles et les donna à ceux qui avaient révélé le sens de l'énigme. Bouillant de colère, il remonta à la maison de son père. 20 Quant à la femme de Samson, elle fut donnée au compagnon qui lui avait servi de garçon d'honneur.

    Ce récit met en exergue plusieurs aspects :

    Image de la femme :
  • Elle n'est pas nommée.
  • Elle est "prise" pour être donnée en mariage.
  • Elle harcèle son mari avec des pleurs.
  • Elle cède à la pression.
    Image de Samson :
  • Envie : Une femme lui plaît. Est-ce réciproque ?
  • Orgueil : La simple devinette devient une affaire d'État ; Samson n'accepte pas la défaite.
  • Colère : Samson s'emporte pour une vengeance innommable. Sa femme prend la figure d'une "génisse". Il massacre trente personnes pour honorer la promesse de récompense. Il renvoie sa femme comme un objet.

Samson est un homme fort au cœur d'artichaut. Il succombera à nouveau aux demandes pressantes d'une certaine Dalila ...

Voir l'étude sur Samson.

Une concubine

Ce récit rappelle celui de Sodome et Gomorrhe (Gn 19). Dans les deux cas des hommes veulent abuser d'un autre homme et une femme en fait les frais.

Jg 19,16 Un lévite qui résidait dans l'arrière-pays de la montagne d'Ephraïm prit une concubine de Bethléem de Juda. 2 Sa concubine se fâcha contre lui et elle le quitta pour la maison de son père, à Bethléem de Juda, où elle resta un certain temps, quatre mois. 3 Son mari partit la retrouver pour regagner sa confiance et la ramener... Il se leva, partit, et arriva en vue de Jébus – c'est Jérusalem –, ayant avec lui ses deux ânes bâtés et sa concubine... Et voici qu'un vieillard rentrait le soir de son travail des champs... 17 Levant les yeux, il vit le voyageur sur la place de la ville : « Où vas-tu, dit le vieillard, et d'où viens-tu ? » 18 Il lui répondit : « Partis de Bethléem de Juda, nous faisons route vers l'arrière-pays de la montagne d'Ephraïm. C'est de là que je suis. J'étais allé jusqu'à Bethléem de Juda. Je fréquente la maison du Seigneur, mais personne ne m'accueille dans sa maison. 19 Pourtant, nous avons de la paille et du fourrage pour nos ânes ; j'ai aussi du pain et du vin pour moi, pour ta servante et pour le jeune homme qui accompagne ton serviteur ; nous ne manquons de rien. » 20 Le vieillard répondit : « Que la paix soit avec toi ! Bien sûr, tous tes besoins seront à ma charge, mais ne passe pas la nuit sur la place ! » 21 Il les fit entrer dans sa maison et donna du fourrage aux ânes. Les voyageurs se lavèrent les pieds, ils mangèrent et ils burent. 22 Pendant qu'ils se réconfortaient, voici que les hommes de la ville, des vauriens, cernèrent la maison, frappèrent violemment contre la porte et dirent au vieillard, propriétaire de la maison : « Fais sortir cet homme qui est entré chez toi afin que nous le connaissions . » 23 Le propriétaire de la maison sortit et leur dit : « Non, mes frères, je vous prie, ne commettez pas le mal. Maintenant que cet homme est entré chez moi, ne commettez pas cette infamie ! 24 Voici ma fille qui est vierge, je vais donc la faire sortir. Abusez d'elle et faites-lui ce que bon vous semblera. Mais envers cet homme, vous ne commettrez pas une infamie de cette sorte ! » 25 Les hommes ne voulurent pas l'écouter. Alors le lévite saisit sa concubine et la leur amena dehors. Ils la connurent et la malmenèrent toute la nuit jusqu'au matin, et au lever de l'aurore ils l'abandonnèrent. 26 À l'approche du matin, la femme vint tomber à l'entrée de la maison de l'homme chez qui était son mari, gisant là jusqu'à ce qu'il fît jour. 27 Son mari se leva de bon matin, ouvrit la porte de la maison et sortit pour reprendre sa route, et voilà que sa concubine gisait à l'entrée de la maison, les mains sur le seuil. 28 « Lève-toi, lui dit-il, et partons ! » Pas de réponse. Alors il la chargea sur son âne, et l'homme partit et gagna sa localité. 29 Arrivé chez lui, il prit un couteau et, saisissant sa concubine, la découpa, membre après membre, en douze morceaux qu'il envoya dans tout le territoire d'Israël.

Ce texte est d'une violence inouïe et chacun est en droit de se demander s'il est opportun de le laisser dans la Bible. D'autres livres, tout particulièrement celui de Josué montre que le peuple d'Israël, celui de Dieu, ressemble à tous les peuples du monde. Mais en tant membre du peuple élu, ne devrait-il montrer l'exemple, comme toute personne appelée à une mission en Église. Les lévites n'étaient-ils pas des hommes attachés au service de Dieu ? La parabole du prochain dans les évangiles montre les limites de toute humanité.

Si la concubine du lévite ouvre le récit de manière active, en prenant la décision forte et particulièrement anachronique de quitter la maison du lévite pour rejoindre la maison de son père, à aucun moment, elle n’est un sujet parlant dans le texte, ni même un sujet à qui l’on parle. Une seule parole lui est adressée, après la nuit de viol. Parole singulièrement dénuée de compassion de la part de celui qui au début du chapitre voulait « parler à son cœur. Il est important de noter ici que cette seule et unique action à mettre à son actif ne peut être considérée de manière négative, les concubines qui n’habitent pas au même endroit que leurs ‘époux’ sont légion à cette époque. Le terme hébreu traduit par concubine, ‘Pilegesh’, désigne ici un contrat matrimonial légal dans lequel la femme est une épouse de second rang. De plus, la question de la motivation de ce départ n’est pas tranchée : « Le texte massorétique utilise le verbe zanah, sa concubine ‘se prostitua contre lui’. Alors que la Septante propose une autre lecture, ‘elle se fâcha contre lui’. Et le targoum traduit ‘elle le méprisa’. André Wénin propose une lecture au plus près du sens du groupe en présence un verbe + une préposition : « elle se prostitua à cause de lui » ou « en sa faveur ». Joelle Sutter-Razanajohary, https://servirensemble.com/2023/11/03/juges-19-on-traite-un-corps-de-femme-comme-on-traite-dieu/#_ftnref1

Les hommes « connurent » la femme, la « malmenèrent » et « l’abandonnèrent » (v. 25), tentant de briser son corps et son esprit. On peut néanmoins comprendre comme un acte de résistance la démarche de la femme revenant tomber devant l’entrée de la maison (v. 26). Elle pouvait ainsi communiquer à son mari et au vieillard le message qu’elle n’était pas qu’une victime, mais une survivante. Dans son effort pour réagir contre son agression, elle avance les mains jusqu’au seuil de la porte (v. 27), un geste d’appel adressé à son mari, resté à l’intérieur et dormant tranquille jusqu’au matin. La vision de ce corps inerte étendu de tout son long dans un cri silencieux n’aura pourtant aucun effet sur le lévite. La femme est brisée afin que la porte puisse rester intacte et protéger le lévite. Son corps représentait une frontière à ne pas franchir afin que son mari évite le viol et la mort. Sébastien Doane, https://www.interbible.org/interBible/decouverte/insolite/2018/insolite_20180430.html

André Chouraqui propose :

Jg 19,2 Sa concubine putasse contre lui. Elle s’en va de chez lui à la maison de son père, à Béit Lèhèm en Iehouda. Elle est là des jours, quatre lunaisons. Son homme se lève, il va derrière elle, pour parler à son cœur, pour la faire retourner.

Mikal

Nous connaissons tous l'histoire de David et de Bethsabée dans laquelle David use de son pouvoir royal pour abuser d'une femme.

Voir l'étude sur David.

Une autre femme Mikal, fille de Saül, est instrumentalisée toute sa vie.

1S 18,17 Saül dit à David : « Voici ma fille aînée Mérav. C'est elle que je te donnerai pour femme... 19 Au moment où Mérav, fille de Saül, devait être donnée à David, elle fut donnée pour femme à Adriël de Mehola. 20 Mikal, fille de Saül, s'éprit de David. On en informa Saül, et la chose lui parut bonne. 21 Saül se disait : « Je vais la lui donner, afin qu'elle soit un piège pour lui et que des Philistins mettent la main sur lui. » Saül a donc dit à David en deux occasions : « Tu seras mon gendre aujourd'hui. » 22 Saül donna cet ordre à ses serviteurs : « Parlez à David en secret. Dites-lui : Le roi te veut du bien et tous ses serviteurs t'aiment. Deviens donc le gendre du roi ! » 23 Les serviteurs de Saül répétèrent ces paroles aux oreilles de David. David déclara : « Tenez-vous pour négligeable d'être le gendre du roi ? Or, moi je suis un homme pauvre et négligeable. » 24 Les serviteurs de Saül lui rapportèrent ces paroles : « Voilà, dirent-ils, comment David a parlé. » 25 Saül dit : « Vous parlerez ainsi à David : Le roi ne veut pour don nuptial que cent prépuces de Philistins, pour tirer vengeance des ennemis du roi. » Saül comptait ainsi faire tomber David aux mains des Philistins. 26 Les serviteurs de Saül rapportèrent à David ces paroles. La proposition parut bonne à David pour devenir le gendre du roi. Le délai n'était pas écoulé 27 que David se mit en route et partit avec ses hommes. Il abattit, parmi les Philistins, deux cents hommes. David apporta leurs prépuces, dont on fit le compte devant le roi, pour que David devienne le gendre du roi. Et Saül lui donna pour femme sa fille Mikal.

Saül décide de mettre à mort David qui en réchappe grâce à Mikal (1S 19,11). David se sauve et Saül en l’absence de David, la marie à un autre homme Palti, fils de Laïch, de Gallim (1S 25,44). David prend d'autres femmes : Avigaïl (1S 25,39), Ahinoam d'Izréel (1S 25,43) et d'autres encore (2S 3,2-6 ; 2S 5,13-16). Mais David n'oublie pas Mikal et la fait revenir. Veut-il juste récupérer le « bien » dont il avait été spolié ?

2S 3,14 David envoya des messagers à Ishbosheth, fils de Saül. Il disait : « Donne-moi ma femme Mikal, que je me suis acquise pour cent prépuces de Philistins. » 15 Ishbosheth l'envoya prendre chez son mari, Paltiël, fils de Laïsh. 16 Son mari l'accompagna jusqu'à Bahourim, il la suivit en pleurant. Mais Avner lui dit : « Va-t'en, retourne ! » Et il s'en retourna.

Mais le charme est rompu.

2S 6,15 David et toute la maison d'Israël faisaient monter l'arche de Yahvé parmi les ovations et au son du cor. 16 Or quand l'arche du SEIGNEUR entra dans la Cité de David, Mikal, fille de Saül, se pencha à la fenêtre : elle vit le roi David qui sautait et tournoyait devant Yahvé et elle le méprisa dans son cœur... 20 David rentra pour bénir sa maison. Mikal, la fille de Saül, sortit au-devant de David et lui dit : « Il s'est fait honneur aujourd'hui, le roi d'Israël, en se dénudant devant les servantes de ses esclaves comme le ferait un homme de rien ! » 21 David dit à Mikal : « C'est devant Yahvé, qui m'a choisi et préféré à ton père et à toute sa maison pour m'instituer comme chef sur le peuple de Yahvé, sur Israël, c'est devant Yahvé que je m'ébattrai. 22 Je m'abaisserai encore plus et je m'humilierai à mes propres yeux, mais, près des servantes dont tu parles, auprès d'elles, je serai honoré. » 23 Et Mikal, fille de Saül, n'eut pas d'enfant jusqu'au jour de sa mort.

Mikal est au centre d'une double intrigue. Elle aime David, mais ce dernier ne cherche que les honneurs : devenir le gendre du roi Saül. Saül voit en David un possible rival et cherche donc à le faire mourir. Mikal est un rouage du piège que prépare Saül pour son rival. D’une manière symétrique, David voit les avantages de s’unir à Mikal et en arrive à la même conclusion que Saül : cela pourrait servir ses intérêts.

Voilà donc, coincée entre Saül et David, une femme qui ne compte ni pour l’un ni pour l’autre.

Tamar

Le contexte : Tamar et Absalom sont sœur et frère, enfants de David, d’une même mère. Amnon est leur demi-frère, fils de David et d’une autre mère. Il tombe amoureux de sa demi-sœur. Selon une coutume ancienne, Amnon aurait pu marier sa demi-sœur. Cependant, les lois du Lévitique (18,9 et 11) et du Deutéronome (27,22) l’interdisaient. Abraham a épousé sa demi-sœur Saraï.

2S 13,1 Absalom, fils de David, avait une sœur fort belle, appelée Tamar. Amnon, fils de David, en devint amoureux. 2 Amnon se rendit malade de chagrin à cause de sa sœur Tamar, car elle était vierge, et, aux yeux d'Amnon, lui faire quelque chose aurait été prodigieusement difficile. 3 Amnon avait un ami nommé Yonadab, fils de Shiméa, frère de David. Yonadab était un homme très avisé. 4 Il lui dit : « Pourquoi donc, fils du roi, es-tu si déprimé chaque matin ? Ne veux-tu pas m'en informer ? » Amnon lui dit : « C'est Tamar, la sœur de mon frère Absalom. J'en suis amoureux. » 5 Yonadab lui dit : « Couche-toi sur ton lit et fais le malade. Quand ton père viendra te voir, tu lui diras : “ Permets que ma sœur Tamar vienne me donner à manger : qu'elle apprête la nourriture sous mes yeux, de manière à ce que je la voie, qu'elle me l'apporte elle-même, et je mangerai. ” » 6 Amnon se coucha et fit le malade. Le roi vint le voir, et Amnon dit au roi : « Permets que ma sœur Tamar vienne confectionner sous mes yeux deux crêpes, qu'elle me les apporte, et je mangerai. » 7 David envoya dire à Tamar chez elle : « Va donc chez ton frère Amnon et apprête-lui de la nourriture. » 8 Tamar s'en alla chez son frère Amnon. Il était couché. Elle prit de la pâte, la pétrit, confectionna les crêpes sous ses yeux et les fit cuire. 9 Puis elle prit la poêle et la vida devant lui, mais il refusa de manger. Amnon dit : « Faites sortir tout le monde d'ici. » Et tous ceux qui étaient près de lui sortirent. 10 Amnon dit à Tamar : « Apporte la nourriture dans la chambre, donne-la-moi, et je mangerai. » Tamar prit les crêpes qu'elle avait faites et les apporta à son frère Amnon dans la chambre. 11 Elle lui présenta à manger. Il la saisit et lui dit : « Viens, couche avec moi, ma sœur ! » 12 Elle lui dit : « Non, mon frère, ne me violente pas, car cela ne se fait pas en Israël. Ne commets pas cette infamie. 13 Moi, où irais-je porter ma honte ? Et toi, tu serais tenu en Israël pour un infâme. Parle donc au roi. Il ne t'interdira pas de m'épouser. » 14, Mais il ne voulut pas l'écouter. Il la maîtrisa, lui fit violence et coucha avec elle. 15 Amnon se mit alors à la haïr violemment. Oui, la haine qu'il lui porta fut plus violente que l'amour qu'il avait eu pour elle. Amnon lui dit : « Lève-toi. Va-t'en ! » 16 Elle lui dit : « Non, car me renvoyer serait un mal plus grand que l'autre, celui que tu m'as déjà fait. » Mais il ne voulut pas l'écouter. 17 Il appela le garçon qui le servait et lui dit : « Qu'on expulse cette fille de chez moi, et verrouille la porte derrière elle ! » 18 Elle portait une tunique princière, car c'est ainsi que s'habillaient les filles du roi quand elles étaient vierges. Le serviteur d'Amnon la fit sortir et verrouilla la porte derrière elle. 19 Tamar prit de la cendre et s'en couvrit la tête, déchira sa tunique princière, se mit la main sur la tête et partit en criant. 20 Son frère Absalom lui dit : « Est-ce que ton frère Amnon a été avec toi ? Maintenant, ma sœur, tais-toi. C'est ton frère. N'y pense plus. » Tamar demeura donc, abandonnée, dans la maison de son frère Absalom. 21 Le roi David apprit toute cette affaire et en fut très irrité. 22 Absalom ne dit plus un mot à Amnon, car Absalom avait pris Amnon en haine, à cause du viol de sa sœur Tamar.

Un homme puissant par le pouvoir qu'il incarne, impose par la force sa pulsion sexuelle à une femme vierge. Le viol est commis par un proche et non par un étranger, par quelqu'un en qui la femme a confiance et qui n'hésite pas à entrer dans la chambre à coucher, sans penser au pire. Elle est innocente, pure, de bonne foi. Ce n’est pas un accident commis au hasard d'une rencontre dans un salon royal. Une stratégie est élaborée pour faire de cette femme un objet de consommation comme les crêpes qu'elle prépare sous les yeux de son prédateur.

Une fois l'objet consommé, il est rejeté, méprisé et haï. Tamar passe brutalement de la confiance à la peur, de l’insouciance au cauchemar. Tous les rêves de jeune fille lui étaient permis ; désormais elle devra vivre dans la honte et le déshonneur. Elle déchire sa tunique princière, symbole de virginité et se couvre la tête de cendre, signe de repentir et de deuil. Même son frère Absalom lui réclame le silence. Son père est irrité ... Deux ans plus tard, Absalom fera tuer Amnon. La violence appelle la violence.

Une sunamite

Un autre récit montre les besoins du roi David, vieillissant, en manque de chaleur :

1R 1,1 Comme le roi David était vieux, avancé en âge, on le couvrait de vêtements, mais sans pouvoir le réchauffer. 2 Ses serviteurs lui dirent : On devrait chercher pour mon seigneur le roi une jeune fille vierge ; elle serait au service du roi, elle lui tiendrait lieu de femme ; elle partagerait ton lit, et mon seigneur le roi aurait chaud. 3 On chercha une belle jeune fille dans tout le territoire d'Israël ; on trouva Avishag, une Shounamite, et on l'amena au roi. 4 Cette jeune fille était extrêmement belle, elle lui tint lieu de femme et le servit ; cependant le roi ne la connut pas.

La femme se tient simplement à son service. Sans doute, le roi est-il trop vieux pour des relations sexuelles.

La révolution paulinienne

Paul est un révolutionnaire dans ses discours lorsqu'il parle du couple. Il instaure une égalité entre les conjoints : le corps de la femme appartient à son mari, le corps du mari appartient à la femme (1Co 7,4). Mais Paul respecte aussi la légalité en rappelant que les femmes doivent être soumises à leur mari.

Voir l'étude sur la soumission de la femme dans la Bible.

En conclusion

La Bible reflète une société patriarcale dominée par les hommes, mais il s'agit d'un état de fait lié au contexte culturel dans lequel elle s'inscrit. Bien des récits ci-dessus nous choquent. Mais hélas, bien des vies de femmes ressemblent à celles que nous avons évoquées. Le monde d'aujourd'hui n'est pas meilleur, mais il est possible de dénoncer les violences.

On n’a pas fini d’éradiquer des coutumes inacceptables. Je souligne la violence honteuse qui parfois s’exerce sur les femmes, les abus dans le cercle familial et diverses formes d’esclavage, qui ne constituent pas une démonstration de force masculine, mais une lâche dégradation. La violence verbale, physique et sexuelle qui s’exerce sur les femmes dans certaines familles contredit la nature même de l’union conjugale. Pape François, Amoris Laetitia, 2,54.