L'Exode

    L'Exode signifie littéralement "route qui sort de" (ex-odos en grec). C'est la route qui sort de l'Égypte pour aller vers la terre promise où coulent le lait et le miel.

    Le livre de l'Exode pourrait de résumer en un homme, Moïse, et 4 actes :
  • les dix plaies d’Égypte avec le massacre des nouveaux-nés et la Pâque juive;
  • les dix commandements texte essentiel de la Torah;
  • le buisson ardent avec la révélation du nom de Dieu (Yahvé);
  • le passage de la mer rouge qui marque la naissance d'un peuple en route vers la terre promise.

L'histoire de l'Exode a donné lieu à plusieurs adaptations cinématographiques : Les dix commandements de Cecil B. DeMille (1923 et 1956), le Prince d'Egypte de Dysney (1998), Gods and Kings de Ridley Scott (2014).

Nous nous limitons ici à l'étude du passage de la mer rouge.

Présentation du texte - Exode 13,17-14,31

Nous avons l'habitude de lire le récit en entier sans s'appercevoir que le texte est en réalité une compilation de deux traditions littéraires. Le texte en noir est d'origine yahviste, plus ancien. Le texte en bleu est d'origine sacerdotale. Les deux traditions peuvent se lire indépendamment l'une de l'autre. L'auteur final les a regroupées dans un même récit.

Tradition yahviste Tradition sacerdotale
13, 17. Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple, Dieu ne lui fit pas prendre la route du pays des Philistins, bien qu'elle fût plus proche, car Dieu s'était dit qu'à la vue des combats le peuple pourrait se repentir et retourner en Égypte. 18. Dieu fit donc faire au peuple un détour par la route du désert de la mer des Roseaux. C'est bien armés que les Israélites montèrent du pays d'Égypte. 19. Moïse emporta les ossements de Joseph avec lui, car celui-ci avait adjuré les Israélites en disant : « Oui, Dieu vous visitera, et alors vous emporterez d'ici mes ossements avec vous. »
20. Ils partirent de Sukkot et campèrent à Étam, en bordure du désert.
21. Yahvé marchait avec eux, le jour dans une colonne de nuée pour leur indiquer la route, et la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer, afin qu'ils puissent marcher de jour et de nuit. 22. La colonne de nuée ne se retirait pas le jour devant le peuple, ni la colonne de feu la nuit.
14,1. Yahvé parla à Moïse et lui dit : 2. « Dis aux Israélites de rebrousser chemin et de camper devant Pi-Hahirot, entre Migdol et la mer, devant Baal-Çephôn ; vous camperez face à ce lieu, au bord de la mer. 3. Pharaon dira des Israélites : «Les voilà qui errent dans le pays, le désert s'est refermé sur eux. » 4. J'endurcirai le cœur de Pharaon et il se lancera à leur poursuite. Je me glorifierai aux dépens de Pharaon et de toute son armée, et les Égyptiens sauront que je suis Yahvé. » C'est ce qu'ils firent.
5. Lorsqu'on annonça au roi d'Égypte que le peuple avait fui, le cœur de Pharaon et de ses serviteurs changea à l'égard du peuple. Ils dirent : « Qu'avons-nous fait là, de laisser Israël quitter notre service !» 6. Pharaon fit atteler son char et emmena son armée. 7. Il prit six cents des meilleurs chars et tous les chars d'Égypte, chacun d'eux monté par des officiers.
8. Yahvé endurcit le cœur de Pharaon, le roi d'Égypte, qui se lança à la poursuite des Israélites sortant la main haute. 9. Les Égyptiens se lancèrent à leur poursuite et les rejoignirent alors qu'ils campaient au bord de la mer - tous les chevaux de Pharaon, ses chars, ses cavaliers et son armée - près de Pi-Hahirot, devant Baal-Çephôn.
10. Comme Pharaon approchait, les Israélites levèrent les yeux, et voici que les Égyptiens les poursuivaient. Les Israélites eurent grand-peur et crièrent vers Yahvé. 11. Ils dirent à Moïse : « Manquait-il de tombeaux en Égypte, que tu nous aies menés mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous faisant sortir d'Égypte ? 12. Ne te disions-nous pas en Égypte : Laisse-nous servir les Égyptiens, car mieux vaut pour nous servir les Égyptiens que de mourir dans le désert ? » 13. Moïse dit au peuple : « Ne craignez pas ! Tenez ferme et vous verrez ce que Yahvé va faire pour vous sauver aujourd'hui, car les Égyptiens que vous voyez aujourd'hui, vous ne les reverrez plus jamais; 14. Yahvé combattra pour vous ; vous, vous n'aurez qu'à rester tranquilles. 15. Yahvé dit à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux Israélites de repartir. 16. Toi, lève ton bâton, étends ta main sur la mer et fends-la, que les Israélites puissent pénétrer à pied sec au milieu de la mer. 17. Moi, j'endurcirai le cœur des Égyptiens, ils pénétreront à leur suite et je me glorifierai aux dépens de Pharaon, de toute son armée, de ses chars et de ses cavaliers. 18. Les Égyptiens sauront que je suis Yahvé quand je me serai glorifié aux dépens de Pharaon, de ses chars et de ses cavaliers. » 19. L'Ange de Dieu qui marchait en avant du camp d'Israël se déplaça et marcha derrière eux, et la colonne de nuée se déplaça de devant eux et se tint derrière eux. 20. Elle vint entre le camp des Égyptiens et le camp d'Israël. La nuée était ténébreuse et la nuit s'écoula sans que l'un puisse s'approcher de l'autre de toute la nuit.
21a Moïse étendit la main sur la mer,
21b. et Yahvé refoula la mer toute la nuit par un fort vent d'est ; il la mit à sec
21c et toutes les eaux se fendirent. 22. Les Israélites pénétrèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formaient une muraille à droite et à gauche. 23. Les Égyptiens les poursuivirent, et tous les chevaux de Pharaon, ses chars et ses cavaliers pénétrèrent à leur suite au milieu de la mer.
24. A la veille du matin, Yahvé regarda de la colonne de feu et de nuée vers le camp des Égyptiens, et jeta la confusion vers le camp des Égyptiens. 25. Il enraya les roues de leurs chars qui n'avançaient plus qu'à grand-peine. Les Égyptiens dirent : « Fuyons devant Israël car Yahvé combat avec eux contre les Égyptiens !»
26. Yahvé dit à Moïse : « Étends ta main sur la mer, que les eaux refluent sur les Égyptiens, sur leurs chars et sur leurs cavaliers. » 27a. Moïse étendit la main sur la mer
27b. et, au point du jour, la mer rentra dans son lit. Les Égyptiens en fuyant la rencontrèrent, et Yahvé culbuta les Égyptiens au milieu de la mer.
28. Les eaux refluèrent et recouvrirent les chars et les cavaliers de toute l'armée de Pharaon, qui avaient pénétré derrière eux dans la mer. Il n'en resta pas un seul. 29 Les Israélites, eux, marchèrent à pied sec au milieu de la mer, et les eaux leur formèrent une muraille à droite et à gauche.
30. Ce jour-là, Yahvé sauva Israël des mains des Égyptiens, et Israël vit les Égyptiens morts au bord de la mer. 31. Israël vit la prouesse accomplie par Yahvé contre les Égyptiens. Le peuple craignit Yahvé, il crut en Yahvé et en Moïse son serviteur.

Commentaire

Le passage par la mer Rouge marque la naissance du peuple d’Israël. Celle-ci se fait par séparation, comme dans le livre de la Genèse : séparation d’avec l’Égypte et toute son armée, séparation des eaux à droite et à gauche.

Voir l'étude sur les séparations dans la Genèse.

Quelle crédibilité accorder à ce texte où Dieu intervient de main forte et à bras étendus en ouvrant les eaux de la Mer Rouge pour exterminer la cavalerie égyptienne ? L’exégèse nous apprend que la bible décrit plusieurs exodes en des temps et des lieux contradictoires. La volonté des auteurs est de donner un relief particulier à cet événement et au personnage de Moïse, afin de valoriser sa légitimité au sein d’un peuple en quête de cohésion. Le récit ci-dessus restitue deux versions de cet épisode . La plus ancienne, de tradition yahviste, fait intervenir Dieu à travers un phénomène naturel, un vent d’orient. La seconde, plus récente, de tradition sacerdotale, fait intervenir Moïse en tant que main forte de Dieu. Celle-ci cherche à montrer la toute-puissance du Dieu d’Israël par rapport aux dieux égyptiens. Elle répète, déforme et amplifie un épiphénomène pour en faire un péplum, avec un Moïse ouvrant les eaux en deux murailles qui finissent par engloutir tous les chars du malheureux Pharaon. L’objet du récit n’est pas de décrire comment s’est déroulé l’événement, mais de rendre témoignage à la toute-puissance de Dieu et de donner sens à l’histoire. Son historicité telle qu’elle nous est présentée est hautement improbable . Quelle que soit la dimension historique de l’événement, celle-ci est suffisamment significative pour que le peuple juif en fasse un mémorial.

Ajoutons que Dieu n’intervient pas dans l’histoire pour séparer les eaux afin de noyer les Égyptiens. Dieu donne à son peuple la force et le courage d’avancer, sans vouloir la mort des Égyptiens. L’intervention divine réside dans l’interprétation de l’événement : épiphénomène dans la XIXe dynastie égyptienne, clé de voûte dans l’histoire des Hébreux. Le peuple de Dieu lit la présence agissante de Dieu dans le passage de la Mer Rouge. Dieu est présent, non pas dans la mer déchirée, ni dans la mort des Égyptiens, mais dans le cœur de ces hommes et de ces femmes qui avancent vers la terre promise.

Tiré du livre Dieu tout-puissant, mythe ou réalité, p. 43-44.

Le caractère épique du récit de la sortie d’Egypte contribue encore à souligner l’importance de l’évènement. Certes l’épisode de la mer qui se fend en deux sous l’action du bâton de Moïse est très invraisemblable. Cependant les historiens imaginent de façon plus vraisemblable qu’un groupe d’esclaves sémites a tenté de fuir le pays. On sait d’après les archéologues qu’à la frontière toute une série de postes de garde avait été construit pour endiguer ces évasions. Ne trouvant pas de passage, le groupe aurait fait route vers la mer comme l’indique le texte, mais une fois tout à fait au nord, face à la mer ils se seraient trouvés coincés avec des troupes égyptiennes à leur trousse. Restait comme seule issue des bancs de sable qui longent les côtes. Ces bancs de sable très dangereux avec les vents et la marée ne sont guère praticables. Le peuple terrorisé par la mer d’un côté et les troupes du pharaon de l’autre s’en prend à Moïse et à son idée de sortir du pays d’Égypte. Alors Moïse prendra le risque de s’aventurer sur ces bancs, l’opération bénéficiant d’une météo favorable réussira tandis que l’armée égyptienne à leur trousse ne pourra pas passer (changement météorologique, chargements trop lourds ?). Dominique Michel. Voir bibliothèque.

Les Occidentaux du XXIe siècle sont obsédés par l'historique, entendu à leur façon cependant... Pour eux, si un récit ne s'est pas passé comme il est écrit, il y a fraude, il y a mensonge, il y a malhonnêteté. Les anciens étaient beaucoup plus libres par rapport à cette « vérité » historique. Pour eux, l'essentiel était le message à transmettre, et ils n'hésitaient pas à « broder » sur le fait historique. C'est ce qui serait arrivé pour le texte d'Ex 14 racontant le passage de la mer Rouge. Si on lit bien le texte dans sa forme actuelle, on constate que deux récits ont été fusionnés. Un premier raconte sobrement que le vent d'est a soufflé toute la nuit et qu'il a asséché la mer (Ex 14,21). Un second parle de la fameuse muraille à droite et à gauche alors que le peuple traversait à pied sec (Ex 14,22). On croit généralement que le premier récit est plus ancien que le second, qui en remettrait pour exalter la puissance de Dieu. Que s'est-il passé véritablement? Nul ne le sait ni ne le saura jamais. En fin de compte, est-ce que c'est si important que ça? Je crois qu'il serait difficile de croire qu'il ne s'est rien passé sur le bord de la mer Rouge ce jour-là, mais qu'il serait imprudent de trop vouloir préciser quoi. Le texte biblique veut nous dire que Dieu a sauvé son peuple de l'esclavage et qu'il est intervenu alors qu'il n'y avait plus d'espoir. Hervé Tremblay. Voir bibliothèque.