Testament-Alliance
La bible se compose de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Sens actuel de testament : acte juridique par lequel quelqu'un exprime ses dernières volontés et dispose de ses biens.
Traductions : hébreu berit (alliance), grec diathèkè ( testament), latin testamentum.
L'ensemble des Écritures sur lesquelles s'appuie la foi chrétienne, apparaît ainsi comme un « Testament » de Dieu aux hommes rédigé à deux niveaux (ancien-nouveau), comme l'annonce de sa volonté au monde.
L’alliance annonce le projet de Dieu pour l’humanité. Dieu va associer l'humanité à son projet.
Les réflexions ci-dessous sont tirées d'un livret de Joseph RATZINGER, La Théologie de l'Alliance dans le Nouveau Testament (lien en bas de page).
Testament ou Alliance ?
Le mot latin « testamentum » a-t-il été vraiment bien choisi ? Traduit-il exactement le vocable
du texte hébreu et du texte grec qui est sous-jacent ou conduit-il sur une mauvaise piste ?
Sur
l'étymologie du terme hébreu « berith » les érudits ne sont pas arrivés à un accord ; la signification
du mot visé par les rédacteurs bibliques ne peut être découverte qu'à partir du contenu général des
textes. Une indication importante pour l'intelligence du terme reste le fait que les traducteurs grecs
de la Bible hébraïque ont traduit par διαθήκη 267 passages sur 287 dans lesquels apparaît le terme
« berith », donc pas par le terme σπονδή ni non plus συνθήκη qui en grec serait l'équivalent de
pacte ou alliance (2) : leur intelligence théologique des textes leur a fait manifestement conclure
qu'il ne s'agit pas dans l'état biblique des choses d'une suntheke - d'un accord réciproque -, mais
d'une dia-theke, d'une disposition dans laquelle ce ne sont pas deux volontés qui s'unissent, mais
une volonté qui fixe un ordre.
Ce que nous appelons « Alliance » ne doit jamais être entendu
dans la Bible comme un rapport symétrique de deux partenaires qui entrent dans un rapport
contractuel l'un avec l'autre et s'imposent mutuellement des obligations et des sanctions : cette idée
de partenariat (Partnerschaft) de même niveau est inconciliable avec l'image biblique de Dieu. La
Septante suppose plutôt que l'homme serait par lui-même tout à fait hors d'état d'établir un rapport
avec Dieu, et encore moins de lui donner et de recevoir quelque chose en échange, ou surtout de
lui imposer des obligations comme une chose correspondant aux actions entreprises elles-mêmes.
Lorsqu'il y va d'un rapport entre Dieu et l'homme, cela ne peut se dérouler qu'à travers une libre
initiative de Dieu, dont la souveraineté demeure totalement intacte. Il s'agit de la sorte d'un rapport
tout à fait asymétrique, parce que dans le rapport à la créature, Dieu est et reste le tout autre : l'«
Alliance » n'est pas un contrat en réciprocité, mais un don, un acte créateur de l'amour de Dieu. Par
cette dernière affirmation, nous allons déjà, il est vrai, au-delà de la question philologique. Bien
que la figure de l'Alliance reproduise les contrats hittites et assyriens, dans lesquels le suzerain
impose son droit au vassal, l'Alliance de Dieu avec Israël est plus qu'un contrat de vassalité : Dieu,
le roi, ne reçoit rien de l'homme, mais en réalité, il lui donne, dans le don de son droit, le chemin
de la vie.
L'Alliance et les Alliances chez l'apôtre Paul
Chez Paul, la première chose qui frappe, est le contraste très fort entre l'Alliance du Christ et
l'Alliance de Moïse, contraste qui caractérise pour nous, d'ordinaire, la différence générale entre
l'Ancienne et la Nouvelle Alliance. C'est dans 2 Co 3, 4-18 et dans Ga 4, 21-31 que nous trouvons
l'opposition la plus tranchée entre les deux « Testaments ».
Ce qui caractérise l'Alliance mosaïque est donc sa dimension
provisoire, que Paul voit représentée dans les tables de pierre de la Loi. La pierre est l'expression
du mort, et celui qui demeure dans le seul domaine de la loi de pierre demeure dans le domaine de
la mort. Paul pensait là sans doute à la prophétie de Jérémie, selon laquelle la loi, dans la Nouvelle
Alliance, serait écrite dans le coeur, comme à la parole d'Ezéchiel, qu'au coeur de pierre serait
substitué un coeur de chair. Jr 31, 31-34, dont le début est exprime en ces termes : « Ils ont rompu mon Alliance » (31, 32). A
la place de l'Alliance rompue du Sinaï, Dieu - promet le prophète - va poser une Alliance nouvelle
qui ne pourra plus être rompue, car elle ne sera plus en face de l'homme comme un livre ou une
table de pierre, mais sera inscrite dans son coeur.
L'Ancien Testament connaît trois signes d'Alliance - le sabbat, l'arc-en-ciel, la circoncision :
ils correspondent aux trois niveaux de l'Alliance ou aux trois Alliances.
L'idée d'Alliance dans les textes de la Cène
Incontestable est le fait que les quatre récits d'institution (Mt 21, 26-29 ; Mc 14, 22-25 ; Lc 22, 15-20 1 Co 11, 23-26) peuvent être répartis, selon leur structure linguistique et la théologie s'y exprimant, en deux groupes : la tradition marcienne-mathéenne, et celle que nous rencontrons chez Paul et Luc. La différence principale entre les deux se trouve dans la parole sur la coupe. Chez Matthieu et Marc il est dit sur le contenu de la coupe ceci est mon sang de l'Alliance, qui est versé pour une multitude Matthieu y ajoute : en rémission des péchés. Chez Luc et Paul au contraire le contenu de la coupe est nommé en ces termes : cette coupe est la nouvelle Alliance en mon sang ; Luc y ajoute : « qui est versé pour vous », « Alliance » et « sang » sont grammaticalement coordonnés sous une forme opposée. Chez Matthieu-Marc, le don de la coupe est « le sang », qui est décrit ensuite plus précisément comme « sang de l'Alliance ». Chez Paul- Luc la coupe est « l'alliance nouvelle », dont il est dit qu'elle est fondée « dans mon sang ». Une seconde différence que nous pouvons noter est que seuls Luc et Paul parlent de la nouvelle Alliance. Une troisième et importante différence devrait être mentionnée : le fait que seuls Matthieu et Marc ont la parole « pour la multitude ».
Unité de l'Alliance et multiplicité des Alliances
L'Ancienne Alliance s'appuie dès lors sur un principe d'origine, la Nouvelle, par contre, sur une parenté spirituelle, fondée sur le sacrement et la foi. L'Ancienne Alliance est une Alliance conditionnelle : comme elle se fonde sur l'observance de la Loi et est donc essentiellement liée au comportement de l'homme, elle peut être rompue et elle l'a été. Comme son contenu essentiel est la Loi, elle se trouve sous la forme : si vous faites ceci... Ce « si »-là associe la volonté humaine changeante à l'essence de l'Alliance elle-même et fait d'elle, ainsi, une Alliance provisoire. En revanche, l'Alliance scellée dans la Cène apparaît, selon sa nature intime, une Alliance nouvelle dans le sens de la promesse prophétique : elle n'est pas un contrat conditionné, mais un don d'amitié qui est offert de façon irrévocable. À la place de la Loi se présente la Grâce.
« Testament » et Alliance
La question de savoir s'il s'agit d'une Alliance ou d'un Testament, d'un événement bilatéral ou
d'une disposition unilatérale, est étroitement liée à celle de la différence entre l'Alliance du Christ
et l'Alliance de Moïse. Selon la structure fondamentale, tous les types d'Alliance que nous
rencontrons dans l'Ancien et le Nouveau Testament, apparaissent tout d'abord comme
asymétriques – comme des dispositions du suzerain, non comme un contrat entre deux partenaires
égaux en droit. La Loi est une disposition par laquelle le roi lie des vassaux, les constitue même
comme tels ; la Grâce est une disposition qui est offerte librement sans mérites antérieurs. Cette
idée de 1'unilatéralité du Testament correspond sans aucun doute à celle de la grandeur et de la
souveraineté de Dieu ; elle est du reste également conditionnée par une structure sociale. Les
monarques de l'ancien Orient ne traitent que d'une façon unilatérale, souveraine ; personne ne peut
se trouver sur le même échelon qu'eux. Mais c'est précisément cet arrière-fond sociologique du
schéma asymétrique qui est déchiré et écarté dans la Bible ; de la sorte, l'image de Dieu acquiert
aussi une figure nouvelle. Dieu dispose, mais en cela - et pratiquement depuis le début - il se lie
lui-même, et par là naît quelque chose comme un partenariat. Augustin a fort bien mis en relief cet
aspect lorsqu'il dit : « Fidèle est le Dieu qui s'est fait notre débiteur, non point comme s'il avait
reçu quelque chose de nous, mais parce qu'il nous a tant promis. La promesse était trop peu pour
lui, il voulait se lier également par écrit, en nous donnant pour ainsi dire une version de ses
promesses écrite de sa main... » .
Quand nous lisons les Prophètes, nous trouvons que ceci n'est
pas conçu comme un acte purement extérieur, positif, mais que la foi d'Israël reconnaît, dans le fait
que Dieu se lie lui-même, la nature même de Dieu, qui est autre chose que ce qu'on devrait se
représenter sur la base de l'image des monarques orientaux. « Quand Israël était enfant, je l'aimai
», dit Dieu dans Osée à propos de la manière dont il se lie au peuple. De là il résulte alors qu'en
raison de sa nature, il ne peut absolument pas laisser tomber l'Alliance, même si celle-ci est
toujours à nouveau rompue : « Comment t'abandonnerais-je, Ephraïm... Mon coeur en moi se
retourne, toutes mes entrailles frémissent » (Os 11,1.8). Ce qui est esquissé ici en peu de traits
apparaît de façon développée dans Ezechiel 16 dans la grande histoire de l'amour vain mais
indestructible et pour autant, en définitive, pas vain. Tout le drame des ruptures de fidélité de la
part du peuple se termine par le mot : « Alors tu te souviendras, tu seras saisie de honte et, dans ta
confusion, tu seras réduite au silence, quand je t'aurai pardonné tout ce que tu as fait » (Ez 16, 63).
Tous ces textes sont précédés par l'histoire mystérieuse de l'Alliance avec Abraham, dans laquelle
le patriarche, selon les coutumes orientales, a partagé en leur milieu les animaux du sacrifice. Les
partenaires de l'Alliance passent d'habitude au milieu des animaux coupés en deux, ce qui signifie
une malédiction de soi conditionnelle : comme de ces animaux, il en adviendra de moi si je romps
l'Alliance. Dans une vision, Abraham voit comme un four fumant et un brandon de feu - deux
images de théophanie - passer entre les animaux. Dieu scelle l'Alliance en se portant lui-même
garant de la fidélité par un symbole de mort sans équivoque. Dieu peut-il donc mourir ? Se punir
lui-même ? L'exégèse chrétienne n'a pas pu ne pas voir dans ce texte un signe, mystérieux et
ininterprétable jusque-là, de la Croix du Christ, dans laquelle Dieu, par la mort de son Fils, répond
de l'indestructibilité de l'Alliance et se confie radicalement entre les mains de l'homme (Gn 15,12-
21). De l'essence de Dieu fait partie l'amour pour la créature, et de cette essence résulte
l'engagement de soi-même, qui ira jusqu'à la Croix. Or ainsi, selon les vues de la Bible, le
caractère inconditionnel de l'agir divin fait justement naître maintenant une authentique bilatéralité
; le Testament devient une Alliance. Les Pères de l'Église ont décrit cette nouvelle bilatéralité qui
découle de la foi dans le Christ comme accomplisseur des promesses, par les deux notions
d'incarnation de Dieu et de divinisation de l'homme. L'engagement de Dieu va dès lors, au-delà du
don de l'Écriture comme parole de promesse obligatoire, jusqu'au point où, en assumant la nature
humaine, Dieu se lie dans sa propre existence à la créature qu'est l'homme. Cela signifie alors,
inversement, que le rêve humain originaire trouve son accomplissement et l'homme devient
« comme Dieu » : dans cet échange des natures, qui constitue la fi ure christologique de base, le
caractère inconditionnel de l'Alliance divine devient une bilatéralité définitive.
Liens
Voir le commentaire de Yves Guillemette
L'alliance dans la bible - pdf (Joseph Ratzinger)