Le mariage naturel (civil, coutumier)
Un cas particulier : deux catholiques mariés uniquement sur le plan civil.
Alors qu’à la fin du XIXe siècle, Pie IX qualifiait le mariage civil d’« honteux concubinage » et Léon XIII d’« abominable concubinage »...
Dans le Code de 1983, le can. 1059 dispose que « le mariage des catholiques, même si une partie seulement est catholique, est régi non seulement par le droit divin, mais aussi par le droit canonique, restant sauve la compétence du pouvoir civil pour les effets purement civils de ce même mariage ». Le législateur canonique ne « reconnaît » pas le mariage civil, mais il n’ignore pas non plus son existence. Simplement, l’Église qui affirme sa juridiction exclusive sur le mariage canonique laisse à la compétence du pouvoir civil ce dont elle ne traite pas : essentiellement les rapports matériels entre les époux et les régimes matrimoniaux.
82. Le cas de catholiques qui, pour des motifs idéologiques ou pour des raisons pratiques, préfèrent contracter un mariage civil, refusant ou repoussant à plus tard la célébration du mariage religieux, devient de plus en plus fréquent. On ne peut considérer que leur situation soit semblable à celle de ceux qui vivent ensemble sans aucun lien, car il y a au moins un certain engagement dans un état de vie précis et probablement stable, même si, souvent, la perspective d'un éventuel divorce n'est pas étrangère à cette décision. En demandant, de la part de l'Etat, la reconnaissance publique d'un tel lien, ces couples montrent qu'ils sont prêts à en assumer aussi les obligations en même temps que les avantages. Malgré cela, l'Eglise ne peut pas non plus accepter cette situation.
L'action pastorale tendra à faire admettre la nécessaire cohérence entre le choix de vie et la foi que l'on professe, et elle s'efforcera de faire tout ce qui est possible pour amener ces personnes à régulariser leur situation selon les principes chrétiens. Tout en faisant preuve à leur égard d'une grande charité et en les amenant à participer à la vie des diverses communautés, les pasteurs de l'Eglise ne pourront malheureusement pas les admettre aux sacrements. Jean-Paul II, Familiaris Consortio.
Au plan canonique, et à la lumière des dispositions du CIC/1983, ce refus durable par deux catholiques d’un mariage canonique, après s’être mariés civilement, nous renvoie au can. 915 qui précise que « ceux qui persistent avec obstination dans un état de péché grave et manifeste, ne seront pas admis à la sainte communion ».
Dans Familiaris consortio, une autre situation envisagée par Jean-Paul II est celle où deux catholiques en viendraient à vouloir se marier religieusement après s’être mariés civilement longtemps auparavant. C’est ce que Jean-Paul II appelle « régulariser » la situation « selon les principes chrétiens » (n° 82). Dans ce cas, l’Église ne demandera pas aux personnes concernées de prononcer un nouveau consentement devant un prêtre ou un diacre, car un tel consentement, par principe inaugural de l’alliance matrimoniale, se trouverait en porte-à-faux avec la réalité existentielle. Au plan canonique, on aura alors recours à une forme de dispense appelée sanatio in radice, étymologiquement : « guérison dans la racine ». La sanatio in radice correspond ainsi à une convalidation du mariage qui, au départ est nul pour défaut de forme canonique. Cette solution avait déjà été admise par une instruction du 13 mars 1879 émanant du Secrétaire de la Congrégation du Concile. Cette convalidation sans renouvellement du consentement pourra être concédée par l’autorité compétente. À l’origine, la sanatio in radice était réservée au souverain pontife. Depuis le motu proprio de Paul IV « Pastorale munus » du 30 novembre 1963, cette faculté est attribuée à l’évêque diocésain. Suivant le droit en vigueur, ce dernier s’appuiera sur le can. 1161 § 1 du CIC/1983, qui dispose : « La sanation radicale d’un mariage nul est sa convalidation sans renouvellement du consentement, concédée par l’autorité compétente, et qui comporte la dispense de l’empêchement, s’il y en a un, et de la forme canonique, si elle n’a pas été observée, ainsi que la ratification des effets canoniques pour le passé ». Pour autant, l’autorité compétente ne pratiquera la sanatio in radice qu’à la condition d’avoir obtenu certaines garanties quant à la volonté des conjoints de persévérer dans la vie conjugale, quant à la consistance, aussi, du consentement – le droit civil français étant, sur ce point, moins exigeant que le droit canonique.
Dans le cas d’un mariage mixte entre une partie catholique et une partie protestante, l’Église catholique peut prendre en compte le mariage civil lorsqu’elle accorde dispense de la forme canonique pour un mariage mixte entre une partie catholique et une partie protestante. Alors que dans l’Église réformée de France, le mariage n’est pas considéré comme un sacrement, le mariage civil est a priori suffisant. Dans ce cas, c’est donc le mariage civil qui sera retenu par l’Église catholique pour répondre à l’exigence de son droit canonique d’avoir cependant, pour la validité de ce mariage mixte, « une certaine forme publique de célébration »