L'espérance dans l'Ancien Testament

Le fondement de notre espérance ne repose pas sur les hauts et les bas de notre existence, mais sur les promesses de Dieu qui vient nous rejoindre dans notre existence. Et ces promesses de Dieu se sont incarnées dans l’histoire d’Israël ainsi que dans l’histoire de Jésus de Nazareth. Le thème de l'espérance traverse toute la bible. L’Ecriture de l’Ancien et du Nouveau Testament est le livre d’histoire des promesses de Dieu. Elle ne la raconte pas à la manière d’un conteur de légendes : « Il était une fois... », ni à la manière de l’historien moderne, qui veut savoir « comment cela s’est réellement passé ». Elle raconte l'histoire d’une façon telle qu’un nouvel avenir et une nouvelle liberté s’ouvrent devant celui qui l’écoute. Jürgen Moltmann.

La promesse d'un paradis

L'espérance germe dès les premières pages de la bible, dans les textes de la création. Nous avons l'habitude de lire ces récits comme une histoire du passé, alors qu'en réalité, ils nous décrivent le projet de Dieu pour l'humanité. Dieu veut que l'humanité soit heureuse dans un paradis. La Genèse nous dit que nous sommes créés à l’image de Dieu. Il y a donc « quelque chose » de divin en nous. Et ce « quelque chose » est en nous comme un germe espérance.

Ces récits bibliques expriment dans un langage symbolique qu’au plus profond de l’homme et de la femme fermente le désir d’un monde sans souffrance, et plus fondamentalement, une soif infinie d’amour. Le jardin d’Éden sommeille en chacun de nous, non comme utopie, mais comme projet divin. Nous sommes faits pour vivre dans un lieu paradisiaque. Nous sommes faits pour vivre dans un lieu paradisiaque. Cette espérance est gravée dans notre chair. Et nous ne seront jamais totalement comblés que lorsque nous entrerons au paradis.

Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne demeure en Toi. 

L'attente de ce «paradis » qui nous manque, ne nous quitte pas ; mais cet état de manque se fait désespoir quand il n'y a ni certitude sur Dieu, ni certitude sur une promesse venant de lui. Qu'en est-il donc à présent de l'« espérance » ? Elle repose d'abord sur un vide au cœur de la condition humaine : l'homme attend toujours plus que ce qu'aucune présence ne pourra jamais lui donner. Plus il suit cette inclination, plus il se rend compte qu'elle fait sauter les frontières de tout ce dont il peut faire l'expérience. L'impossible lui devient nécessaire. Mais espérance veut dire aussi « assurance que ce désir trouvera une réponse ». Si l'expérience du manque, le paradoxe d'un désir qui le porte hors de lui-même, vient nécessairement pousser l'homme à désespérer de lui-même et de la rationalité de l'être, à l'inverse, cette espérance se transforme en joie secrète, une joie qui transcende toute joie et toute souffrance empiriques. De la sorte, c'est son manque même qui rend l'homme riche, qui lui fait concevoir un bonheur dont il ne pourrait faire l'expérience sans ce saut décisif. L'espérance pourrait alors être décrite comme l'anticipation de ce qui vient ; en elle, le « pas encore » est, d'une certaine façon, déjà là, et c'est ainsi qu'elle est la dynamique qui porte l'homme toujours au-delà de lui-même. Cardinal Joseph Ratzinger, Revue Communio.

En quel paradis espérons-nous ?

Notre espérance se fonde dans une promesse.

La promesse

Demandons-nous d’abord : qu’est-ce qu’une promesse ? Une promesse est une déclaration qui annonce une réalité qui n’existe pas encore, un nouvel avenir et, dans la promesse ce nouvel avenir est déjà présent comme parole. Les mots que nous disons dans une promesse sont la source même de la promesse. Ils constituent un engament, comme dans l'échange des consentements du mariage.

En promettant un nouvel avenir, la promesse ordonne en même temps à l’homme de rechercher cet avenir. Seul, qui cherche trouve. Cela distingue une promesse biblique des prophéties de Cassandre et des astrologues.

Mais si la confiance est placée en Dieu, la réalisation de la promesse reste ouverte à l'Histoire avec ses aléas. Les promesses n'enferment pas l'avenir dans un schéma rigoureux ni dans un destin prédéterminé.

L’espérance concerne à la fois le terme du voyage (la vie éternelle) et le chemin pour y aller (la grâce).

L’espérance, ce n’est pas imposer à Dieu ses propres désirs, mais s'ajuster au projet de Dieu, à ses promesses.

Abraham

L'histoire religieuse commence avec Abraham à qui Dieu fait une promesse tournée vers l'avenir.

Gn 12,1-3 Dieu dit à Abram: Va-t’en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père, dans le pays que je te montrerai. Et je te ferai devenir un grand peuple, et je te bénirai, et en ton nom seront bénies toutes les familles de la terre »

He 11,8 C'est par la foi qu'Abraham, lors de sa vocation, obéit et partit pour un lieu qu'il devait recevoir en héritage, et qu'il partit sans savoir où il allait.

Abraham renonce à son chez soi, à ses garanties tutélaires. Il quitte sa patrie et devient un étranger. Il quitte la maison de son père et devint un inconnu. Il abandonne ses dieux araméens de la nature qui garantissaient l’ordre, la fécondité et la paix dans l’ éternel retour » et il devint un sans-dieu, qui suivait uniquement l’appel fascinant du « Seigneur ». Ce à quoi la Bible donne le nom de « foi », c’est quitter les retranchements de la réalité, où l’on était tranquille et en sécurité, et se mettre en route sur le chemin de l’histoire, sur le chemin de la liberté et du péril, sur le chemin des déceptions et des surprises, en se laissant porter et conduire par la seule espérance. Jürgen Moltmann (voir bibliothèque).

Dieu promet un fils à Abraham et par ce fils une postérité innombrable. Quel bien plus précieux ? Cette promesse éveillait en Abraham le sentiment extraordinaire d'une prolongation infinie de sa force vitale, de sa puissance d'homme. Par son fils, Abraham acquérait une manière d'immortalité glorieuse. Il se sentait comme le germe d'un arbre aux fruits innombrables de siècle en siècle. Mais Abraham prît de l'âge et Sara perdit tout espoir d'enfanter Jamais. Dans le cœur d'Abraham se heurtaient la promesse de Dieu et le refus de la nature ; l'expérience humaine universelle, certaine comme un fait, lui disait qu'il n'aurait pas de fils, jamais. Cependant Abraham crut à la parole de Dieu ; Abraham « espéra contre toute espérance ». Et voici que nous assistons dans son cœur à la naissance d'une nouvelle espérance. « Toute espérance », c'est-à-dire tout ce que la force des hommes et la nature peut espérer obtenir ; tout cela criait l'échec d'Abraham. Abraham ne pouvait plus compter, sur aucune force humaine, sur la force de son corps. Mais à l'appel de Dieu, par la foi en sa promesse, une espérance inconnue jaillit en Abraham, si différente de l'humaine qu'elle ne naît que du choc de leur opposition. Mais la nouvelle espérance se distingue de l'humaine en ce qu'elle prend appui sur la seule force de Dieu, malgré l'échec de la force de l'homme. Cette espérance est divine parce que son point d'appui, son origine, le fondement de son assurance et la source de sa confiance est la force de Dieu toute-puissante et capable d'accomplir ses promesses. Servais Pinckaers (voir Bibliothèque).

Gn 17,2 Je veux te faire don de mon alliance entre toi et moi, je te ferai proliférer à l’extrême. » 3 Abram se jeta face contre terre, Dieu parla avec lui et dit : 4 « Pour moi, voici mon alliance avec toi : tu deviendras le père d’une multitude de nations.

L'espérance repose sur l'alliance que Dieu donne à Abraham. Dieu demeure fidèle à ses engagements quelles que soient les erreurs de l'humanité.

Voir l'étude sur l'alliance.

La liberté de l'exode

Les descendants d'Abraham réduits en esclavage en Egypte vivent la même expérience de la promesse de Dieu.

Le mot "ex-ode" signifie "chemin qui sort de". L'exode trace le chemin de l'espérance qui sort de l'Egypte vers la terre promise. C'est aussi l'événement fondateur d'un peuple. La traversée de la mer rouge symbolise le baptême de ce peuple qui passe par à une mort-résurrection, celle de l'esclavage en Egypte, vers la liberté.

Comme Exode 3 le rapporte, Moïse au Sinaï reçoit la promesse et la mission de faire sortir son peuple de l’esclavage d’Egypte, pour le conduire dans un pays lointain « où coulent le lait et le miel ». Il hésite et avance l'argument de son manque d'élocution. Son frère Aaron y suppléera. Il demande à ce Dieu qui lui est encore inconnu, de lui dire son nom et reçoit une réponse énigme énigmatique : « Je serai qui je serai ». C’est-à-dire que ce Dieu ne se rend pas saisissable et concret, et qu’il ne se soumet pas à la magie religieuse par laquelle les autres dieux se laissent conjurer. La tournure « Je suis qui je suis » souligne pour une part la subjectivité et la souveraineté de Dieu, qui ne devient jamais l’objet et l’idole de l’homme. Notre espérance ne se fonde pas sur une idole, mais sur un Dieu qui se rend présent à son peuple, sur un Dieu qui se laisse toucher par la misère de son peuple.

On peut encore traduire par « Je serai avec vous ». Quiconque suit sa promesse et accepte sa mission éprouvera la proximité et la fidélité avec lesquelles Dieu l’accompagne sur sa route. C’est ainsi qu’Israël s’en est allé, en mettant sa confiance en celui « qui sera là » où qu’il aille. Avec cette assurance, les Israélites ont reconnu le miracle de la Mer Rouge comme preuve de sa fidélité à sa promesse. Celui qui a promis qu’il « serait là » a été là.

Un événement va structurer l'espérance : la pâque, mot qui signifie "passage". Lors de la 10eme plaie d'Egypte, Dieu "passe" au-dessus des maisons et épargne son peuple. Israël commence sa route dans le désert. La nuée, symbole de la présence de Dieu, accompagne le peuple dans cette pérégrination de 40 ans. Mais l'espérance d'une terre promise où coule le lait et le miel se fait attendre et le doute s'installe.

Le peuple dit à Moïse : Tu nous as amenés ici dans le désert pour nous faire mourir ! Pourquoi donc ? Est-ce qu’il n’y avait pas assez de tombes en Égypte ? Pourquoi est-ce que tu nous as fait sortir de ce pays ? (Ex 14,11).

Puis le peuple passe à travers la mer rouge. Ce passage de l'esclavage à la liberté, de la mort à la vie retentit comme un grand cri d'espérance.

Dieu, en ce jour-là, sauva Israël de la main de l’Egypte, et Israël vit l’Egypte morte sur le rivage de la mer. Israël vit avec quelle main puissante Dieu avait agi contre l’Egypte. Le peuple craignit Dieu, il mit sa foi dans Dieu et en Moïse son serviteur. (Ex 14, 30-31).

Le premier commandement résume l'espérance dans un avenir qui se fonde sur les hauts-faits du passé :

Je suis le Seigneur ton Dieu, qui t’ai fait sortir du pays d’Egypte, de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autres dieux à côté de moi (Ex 20,3)

Le mouvement prophétique

Am 7,14-15 Amos répondit à Amacya : « Je n’étais pas prophète, je n’étais pas fils de prophète, j’étais bouvier, je traitais les sycomores ; mais le SEIGNEUR m’a pris de derrière le bétail et le SEIGNEUR m’a dit : Va ! prophétise à Israël mon peuple.

Des peurs

Dieu nous envoie dans le monde et nous pouvons avoir quelques réticences.

Jon 1,1-3 La parole de l'Éternel fut adressée à Jonas, fils d'Amitthaï, en ces mots : Lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle! car sa méchanceté est montée jusqu'à moi. Et Jonas se leva pour s'enfuir à Tarsis.

Jr 2,1 La parole de l'Éternel me fut adressée, en ces mots : Va, et crie aux oreilles de Jérusalem.

Le prophète Jérémie vient tout juste de souffler ses 16 bougies. Il se sent bien jeune pour affronter les notables de la capitale. Dieu avait balayé ses griefs quelques instants auparavant l’envoi en mission :

Jr 1,6-9 Je répondis : Ah! Seigneur Éternel! voici, je ne sais point parler, car je suis un enfant. Et l'Éternel me dit: Ne dis pas: Je suis un enfant. Car tu iras vers tous ceux auprès de qui je t'enverrai, et tu diras tout ce que je t'ordonnerai. Ne les crains point, car je suis avec toi pour te délivrer, dit l'Éternel. Puis l'Éternel étendit sa main, et toucha ma bouche ; et l'Éternel me dit : Voici, je mets mes paroles dans ta bouche.

Quelles sont nos peurs ?

Un appel à la conversion

Le prophète est un homme de la parole : c’est la première caractéristique de sa mission. Il parle au nom de Dieu; il est son porte-parole et comme tel, il révèle aux hommes le sens des événements et indique une attitude correspondant à la Parole de Dieu qu’il apporte.

Les prophètes se sont élevés, chacun à leur époque, contre les maux de leur temps. Amos dénonça les inégalités sociales entre les riches et les pauvres.

Les prophètes entretiennent la croyance du peuple pour leur Dieu, car dans leur perspective, la fidélité à Yavhé est garante d’avenir et l’infidélité mène à la perte.

Les prophètes prêchent pour la fidélité religieuse en avertissant que l’infidélité est passible de punition. L’exil à Babylone est un exemple très significatif. Le prophète Jérémie a prêché en faveur de cet exil (Jr 24), car c’était une manière de retrouver la grâce de Dieu. La nation doit subir la destruction et l’exil pour être ensuite reconstruite par Dieu. Pour le prophète Amos, Dieu punit, mais c’est dans l’espoir que vienne la conversion (Am 9,8-15). Durant l’exil, les prédications du prophète Ézéchiel étaient, quant à elles, porteuses d’espoir et de motivation pour le peuple de Juda.

Ézéchiel 33, 7-9 La parole du Seigneur fut adressée à moi, Ézéchiel : « Toi aussi, fils d'homme, je t'ai fait guetteur pour la maison d'Israël. Lorsque tu entendras une parole de ma bouche, tu les avertiras de ma part. Si je dis au méchant : "Méchant, tu vas mourir", et que tu ne parles pas pour avertir le méchant d'abandonner sa conduite, lui, le méchant, mourra de sa faute, mais c'est à toi que je demanderai compte de son sang. Si au contraire tu as averti le méchant d'abandonner sa conduite pour se convertir et qu'il ne s'est pas converti, il mourra, lui, à cause de son péché, mais toi, tu auras sauvé ta vie. »

Une ouverture sur l'avenir

Israël cherchait « le pays où coulent le lait et le miel », mais il ne trouva que Canaan, où ne coulèrent absolument pas que le lait et le miel, mais aussi le sang et les larmes. La terre de Canan ne fut pas l’accomplissement de toute espérance, mais ce ne fut pas rien non plus. Israël interpréta de telles expériences comme les arrhes de plus grandes espérances, comme le gage d’un avenir encore plus grand.

Comment la nation juive parvint-elle à survivre, alors que tant de petites nations de l’antiquité perdirent tôt ou tard leur identité dans le creuset des grands empires du Moyen-Orient ? Peu de peuple sont tombés plus bas : épuisés par des défaites successives, réduit à un petit reste, déporté dans des contrées lointaines, soumis à la longue domination de puissances étrangères dont la civilisation dépassait de loin la sienne, ce peuple cependant survécut, reconstruisit une communauté nationale et maintint une tradition dont la continuité et le développement interne exercera une influence créatrice sur toute l’histoire postérieure. Comment cela se fit-il ? La seule réponse adéquate aux faits est que les grands prophètes ont élaboré une interprétation particulière (du cours) de l’histoire et ont su la faire accepter tout au moins à un assez grand nombre de leurs compatriotes pour les amener à s’orienter à l’avenir dans une direction nouvelle. (C.H. DODD, The Bible Today, cité par W. HARRINGTON, dans Introduction à la Bible,p. 338)

Pour beaucoup de personnes, le prophète est une personne qui prédit l’avenir. Or pour la Bible, le prophète n’est pas quelqu’un qui annonce l’avenir et encore moins un diseur de bonne (ou de mauvaise) aventure.

Une des vocations des prophètes est d'entretenir l'espérance

Jr 31,31-33 Bientôt, déclare le Seigneur, je conclurai une alliance nouvelle avec le peuple d'Israël et le peuple de Juda. Elle ne sera pas comme celle que j'avais conclue avec leurs ancêtres, quand je les ai pris par la main pour les faire sortir d'Égypte. Celle-là, ils l'ont rompue, et pourtant c'est moi qui étais leur maître, dit le Seigneur. Mais voici en quoi consistera l'alliance que je conclurai avec le peuple d'Israël, déclare le Seigneur : j'inscrirai mes instructions non plus sur des tablettes de pierre, mais dans leur conscience ; je les graverai dans leur coeur ; je serai leur Dieu et ils seront mon peuple.

Ha 2,1 Je tiendrai bon à mon poste de garde, je resterai debout sur les retranchements, je guetterai pour voir ce qu’il a à me dire et ce qu’il répondra à mes questions.

Jer 29,11 Je connais les projets que j'ai formés sur vous, projets de paix et non de malheur, afin de vous donner un avenir et de l'espérance.

Inséré dans l’actualité politique de son époque, le prophète est, selon la métaphore d’Ézéchiel, un guetteur (33,7). Face à l’envahisseur d’Israël, mais aussi au sein du peuple, face aux dysfonctionnements et aux injustices, il « ne se contente pas de critiquer le présent, il ouvre des perspectives, un horizon. Les prophètes ont forgé la trame essentielle de l’espérance du peuple d’Israël vis-à-vis du messie », explique Jesus ­Asurmendi. D’où la vision d’Ézéchiel (chapitre 37) : ces ossements desséchés qui se raniment et se rassemblent, annonçant le relèvement du peuple exilé.

37,1 La main du SEIGNEUR fut sur moi ; il me fit sortir par l’esprit (ruah) du SEIGNEUR et me déposa au milieu de la vallée : elle était pleine d’ossements. 2 Il me fit circuler parmi eux en tout sens ; ils étaient extrêmement nombreux à la surface de la vallée, ils étaient tout à fait desséchés. 3 Il me dit : « Fils d’homme, ces ossements peuvent-ils revivre ? » Je dis : « Seigneur DIEU, c’est toi qui le sais ! » 4 Il me dit : « Prononce un oracle contre ces ossements ; dis-leur : Ossements desséchés, écoutez la parole du Seigneur. 5 Ainsi parle le Seigneur DIEU à ces ossements : Je vais faire venir en vous un souffle (ruah) pour que vous viviez. 6 Je mettrai sur vous des nerfs, je ferai croître sur vous de la chair, j’étendrai sur vous de la peau, je mettrai en vous un souffle et vous vivrez ; alors vous connaîtrez que je suis le SEIGNEUR. »

Les oracles ne décrivent pas le futur; ils ouvrent un avenir : presque toutes les paroles des prophètes sont des paroles ouvrant sur l’avenir et interpellant la liberté de l’homme.

Les prophètes sont des “inconditionnels de l’espérance.” (J.-P. Prévost) Ils ne veulent pas “éteindre la mèche”. Malgré la situation du peuple, ils croient encore au salut possible; d’où la sévérité de leur ton. Mais même lorsqu’ils sont formulés de manière catégorique, leurs oracles restent une mise en garde, une invitation pressante à la conversion et à la vie : cf Jr 36, 3 ou Jon 3.

Espérer, c'est alors être tendu vers une destinée future qui brille à notre horizon. L'homme peut ne pas atteindre cet idéal, mais c'est dans cette attraction vers lui que se trouve le sens de la vie et de l'histoire.

Un cri vers Dieu

Le mot « Espérer », dans son sens strict, est exprimé par la racine hébraïque qwh. Le rapport étymologique probable avec le mot qaw (corde, fil) est évocateur, le mot tiqwah se traduisant d'une façon curieusement ambivalente par « espérance » mais aussi « fil » (Josué 2, 18-21), à l'image de notre expression « ne tenir qu'à un fil ».

Ps 143,7 Vite ! réponds-moi, SEIGNEUR !
je suis à bout de souffle.
Ne me cache pas ta face,
sinon je ressemble à ceux qui descendent dans la fosse.

Lam 3,22-24 Les bontés du SEIGNEUR! C'est qu'elles ne sont pas finies ! C'est que ses tendresses ne sont pas achevées ! Elles sont neuves tous les matins. Grande est ta fidélité ! Ma part, c'est le SEIGNEUR, me dis-je ; c'est pourquoi j'espérerai en lui.

Ps 39,7 Maintenant, Seigneur, que puis-je espérer (qa.vah) ? C’est en toi qu’est mon espérance (to.che.let).

Pr 11,7 A la mort du méchant, son attente (tiq.vah) meurt avec lui; c’est en pure perte qu’il plaçait son espoir (to.che.let) dans les richesses.

Ps 129,5 J'espère (qa.vah) en l'Éternel, mon âme espère (qa.vah), Et j'attends (ya.chal) sa promesse... 7 Israël, mets ton espoir dans le SEIGNEUR, car le SEIGNEUR dispose de la grâce et, avec largesse, du rachat. 8 C’est lui qui rachète Israël de toutes ses fautes.

Jb 6,11 Aurai-je encore la force d’espérer (ya.chal) ? Quelle sera ma fin, pour que je veuille persister à vivre ?

Psaume 27, 14 Espère en Yahvé, sois fort ! Reprends courage, et espère en Yahvé.

Psaumes 42, 6-12 ; 43, 5 : Qu'as-tu, mon âme, à défaillir, et à gémir sur moi ? Espère en Dieu : à nouveau je lui rendrai grâce, le salut de ma face et mon Dieu !

Ps 71,4 Mon Dieu, délivre-moi des mains du méchant,
de la poigne des criminels et des violents.
5 Tu es mon espérance, Seigneur DIEU,
ma sécurité dès ma jeunesse.
6 Je m’appuie sur toi depuis ma naissance,
tu m’as séparé du ventre maternel.
A toi sans cesse va ma louange ! ...
14 Pour moi, je ne cesse pas d’espérer
et je persiste à chanter tes louanges.
15 J’ai tous les jours à la bouche les récits
de ta justice et de ton salut,
et je n’en connais pas le nombre.

Il est vrai qu'il y a aussi l'espérance déçue et, d'une façon extraordinaire, Isaïe la met en scène à propos de Dieu lui-même pour les conflits de l'homme, dans ce joyau poétique et théologique qu'est le « chant de la vigne » :

Isaïe 5, 2 ; 7 « Il attendait (qwh) de beaux raisins, elle donna des raisins sauvages... j'espérais (qwh) avoir de beaux raisins, et elle a donné des raisins sauvages... il espérait (qwh) le droit et voici le sang versé, il espérait (qwh) la justice et voici les cris des opprimés ».

Lam 5,21 Fais-nous revenir vers toi, SEIGNEUR, et nous reviendrons ; renouvelle nos jours comme dans l'ancien temps.

Ps 89,47-50 Yhwh, jusqu’à quand ? Te cacheras-tu constamment ?… Yhwh ! Où sont tes bontés d’autrefois ? Tu avais juré à David sur ta fidélité ! Yhwh ! Pense à tes serviteurs outragés.

La miséricorde

L'espérance s'enracine dans la miséricorde de Dieu. La miséricorde, c’est se laisser toucher par le malheur d’autrui et agir en conséquence. Rien à voir avec un sentiment vague ou une mièvrerie affective ! La miséricorde nous saisit aux tripes.

Ex 34,5 Le SEIGNEUR descendit dans la nuée, se tint là avec lui, et Moïse proclama le nom de « SEIGNEUR ». 6 Le SEIGNEUR passa devant lui et proclama : « Le SEIGNEUR, le SEIGNEUR, Dieu miséricordieux et bienveillant, lent à la colère, plein de fidélité et de loyauté, 7 qui reste fidèle à des milliers de générations, qui supporte la faute, la révolte et le péché, mais sans rien laisser passer, qui poursuit la faute des pères chez les fils et les petits-fils sur trois et quatre générations. » 8 Aussitôt, Moïse s’agenouilla à terre et se prosterna. 9 Et il dit : « Si vraiment j’ai trouvé grâce à tes yeux, ô Seigneur, que le Seigneur marche au milieu de nous ; c’est un peuple à la nuque raide que celui-ci, mais tu pardonneras notre faute et notre péché, et tu feras de nous ton patrimoine. »

Mt 9,36 Voyant les foules, il fut pris de pitié pour elles, parce qu’elles étaient harassées et prostrées comme des brebis qui n’ont pas de berger. Lc 1,50 Et sa miséricorde (eleos) s'étend d'âge en âge Sur ceux qui le craignent.

Mt 5,7 Heureux les miséricordieux (eleemon), car ils obtiendront miséricorde !

Le mot hébreux rahamim est un pluriel qui signifie « entrailles ». Les hébreux considéraient que les entrailles, en tant que siège de tous les sentiments, pouvaient s'émouvoir sous le coup de la douleur ou d'une peine. C'est peut-être en ressentant des « papillons dans le ventre », comme on dit, qu'ils en étaient arrivés à considérer la miséricorde, comme un sentiment qui a son origine au sein même de la personne. La miséricorde apparaît alors comme l'attachement d'un être à un autre. Mais le terme rahamim désigne surtout l'attachement qui unit Dieu à l'être humain, comme si les « entrailles de Dieu » frémissaient en pensant à l'homme. Ainsi Dieu s'émeut avec tendresse comme un père ou une mère à l'égard de leurs enfants.

Pour exprimer cette proximité, ce souci constant, cette attention et cet amour prévenant, la langue hébraïque utilise des termes qui désignent l’utérus, les « entrailles maternelles» – et, par extension, l’amour sensible, quasi instinctif et indéfectible qu’une mère porte à son enfant. Yahvé est ému jusqu’aux entrailles pour son peuple.

  Une femme oublie-t-elle l’enfant qu’elle nourrit, cesse-t-elle chérir le fruit de ses entrailles ? Même s’il s’en trouvait une pour l’oublier, moi je ne t’oublierai jamais. (Isaïe 19,15).

Le mot miséricorde est une transposition de l’hébreu et signifie « avoir le cœur sensible au malheur ».

Elle nous bouleverse de l’intérieur. La miséricorde est l’attribut de Dieu par excellence. Elle se manifeste dans ce mouvement perpétuel de Dieu qui vient sauver son peuple, renouer son alliance avec l’homme quand celui-ci l’a rompue par son péché, ses errements, ses trahisons… Elle culmine sur la croix lorsque Jésus-Christ prend sur lui par amour la faute et la misère des hommes pour les en libérer. «Jésus-Christ, souligne le pape François dans la bulle d’indiction du jubilé de la miséricorde (§1), est le visage de la miséricorde du Père» : il a compassion des foules et des pauvres, mange avec les pécheurs, guérit les malades, etc. Saint Thomas d’Aquin dit encore que la miséricorde est le signe par excellence de la toute-puissance divine.

Avons-nous déjà fait l'expérience de la miséricorde de Dieu ?

Le messianisme

Le Messie dans la plupart des livres de l'ancien Testament n'est pas d'emblée une figure surnaturelle ; c'est un sauveur humain, un sauveur qui convient la restauration du royaume terrestre d'Israël.

Is 45,1 Ainsi parle le Seigneur à son messie, à Cyrus, qu’il a pris par la main pour lui soumettre les nations et désarmer les rois.

Lam 4,20 Le souffle de nos narines, le messie du SEIGNEUR, (Sédécias) est captif dans leurs oubliettes, lui dont nous disions : « Sous sa protection, au milieu des nations, nous vivrons. »

Par conséquent, il faut dire pour l'Ancien Testament qu'il n'y a pas d'attente du Messie au sens strict, mais plutôt d’un souverain (Mic 5.1), du rejeton juste (Jr 23.5) ou d'un roi (Ez 37.24), qui adviendra dans l'avenir. Mais, au cœur des épreuves, les prophètes nourrissent l'espérance de leur peuple.

Mic 5,2-3 Et toi, Bethléhem Ephrata, Petite entre les milliers de Juda, De toi sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël, Et dont l'origine remonte aux temps anciens, Aux jours de l'éternité. C'est pourquoi il les livrera Jusqu'au temps où enfantera celle qui doit enfanter, Et le reste de ses frères Reviendra auprès des enfants d'Israël.…

Jr 23,5-6 Des jours viennent – oracle du SEIGNEUR –, où je susciterai pour David un rejeton légitime : Un roi règne avec compétence, il défend le droit et la justice dans le pays. En son temps, Juda est sauvée, Israël habite en sécurité. Voici le nom dont on le nomme : « Le SEIGNEUR, c’est lui notre justice. »

Ez 37,24 Mon serviteur David régnera sur eux, berger unique pour eux tous ; ils marcheront selon mes coutumes, ils garderont mes lois et les mettront en pratique.

Is 7,14 Aussi bien le Seigneur vous donnera-t-il lui-même un signe : Voici que la jeune femme est enceinte et enfante un fils et elle lui donnera le nom d’Emmanuel.

Is 11, 1-4 Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l'Esprit du Seigneur : esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de vaillance, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur. Il ne jugera pas d'après ce que voient ses yeux, il ne se prononcera pas d'après ce qu'entendent ses oreilles. Il jugera les faibles avec justice, il se prononcera dans l'équité envers les pauvres du pays. De sa parole, comme d'un bâton, il frappera le pays, du souffle de ses lèvres il fera mourir le méchant.

Devant la puissante armée d'Assyrie qui, au pied de la colline de Jérusalem, attend le moment propice pour attaquer, Isaie annonce la venue de l'Esprit du Seigneur sous un aspect durable. Cette fois-ci, l'Esprit ne fera pas que descendre ou passer sur quelqu'un, mais il se reposera enfin, et à jamais, sur le Messie-Roi.

Ce Messie est, pour ainsi dire, l'avenir que Dieu a décidé pour Israël. Investi non seulement d'une piété pleine et entière à son Dieu (la connaissance et la crainte du Seigneur), mais aussi des attributs divins et royaux (la sagesse, le discernement, le conseil et la vaillance), le Messie aura souci de la justice envers les pauvres. L'Esprit agira avec lui, en lui et par lui pour bouleverser le monde dans la paix du Royaume de Dieu. En d'autres termes, il osera laisser agir Dieu à travers lui plutôt que de se laisser influencer par la courte vue des ambitions humaines. Le Messie ne conduira pas son peuple à la lumière du présent qu'il verra et entendra, mais il transformera son peuple à la lumière de ce qui vient en plénitude : le Royaume de Dieu.