Prier Marie

Prier Marie, sans l’adorer
Est-il permis de prier Marie ? D’une manière générale quelle est l’utilité de prier les saints ? Ne vaut-il pas mieux s’adresser directement à Dieu qu’à ses saints ? La constitution Lumen gentium nous offre une clé de lecture :
49. La communion entre l’Église céleste et l’Église sur terre
Ainsi donc, en attendant que le Seigneur soit venu dans sa majesté, accompagné de tous les anges (cf. Mt 25, 31) et que, la mort détruite, tout lui ait été soumis (cf. 1 Co 15, 26-27), les uns parmi ses disciples continuent sur terre leur pèlerinage ; d’autres, ayant achevé leur vie, se purifient encore ; d’autres enfin sont dans la gloire, contemplant « dans la pleine lumière, tel qu’il est, le Dieu un en trois Personnes ». Tous cependant, à des degrés et sous des formes diverses, nous communions dans la même charité envers Dieu et envers le prochain, chantant à notre Dieu le même hymne de gloire. En effet, tous ceux qui sont du Christ et possèdent son Esprit, constituent une seule Église et se tiennent mutuellement comme un tout dans le Christ (cf. Ep 4, 16). Donc, l’union de ceux qui sont encore en chemin, avec leurs frères qui se sont endormis dans la paix du Christ, ne connaît pas la moindre intermittence ; au contraire, selon la foi constante de l’Église, cette union est renforcée par l’échange des biens spirituels. Étant en effet liés plus intimement avec le Christ, les habitants du ciel contribuent à affermir plus solidement l’Église en sainteté, ils ajoutent à la grandeur du culte que l’Église rend à Dieu sur la terre et de multiples façons l’aident à se construire plus largement (cf. 1 Co 12, 12-27). Admis dans la patrie et présents au Seigneur (cf. 2 Co 5, 8), par lui, avec lui et en lui, ils ne cessent d’intercéder pour nous auprès du Père, offrant les mérites qu’ils ont acquis sur terre par l’unique Médiateur de Dieu et des hommes, le Christ Jésus (cf. 1 Tm 2, 5), servant le Seigneur en toutes choses et complétant en leur chair ce qui manque aux souffrances du Christ en faveur de son Corps qui est l’Église (cf. Col 1, 24). Ainsi leur sollicitude fraternelle est pour notre infirmité du plus grand secours.
La prière adressée aux saints témoigne d’une solidarité entre les morts et les vivants que l’Église appelle communion des saints. Marie tient une place particulière dans cette communion, car elle est la mère de Dieu.
Le concile Vatican II précise la place de Marie.
En concevant le Christ, en le mettant au monde, en le nourrissant, en le présentant dans le Temple à son Père, en souffrant avec son Fils qui mourait sur la croix, elle apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité... après l’Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas : par son intercession multiple, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel. Son amour maternel la rend attentive aux frères de son Fils dont le pèlerinage n’est pas achevé, et qui se trouvent engagés dans les périls et les épreuves, jusqu’à ce qu’ils parviennent à la patrie bienheureuse. C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Église sous les titres d’avocate, auxiliatrice, secourable, médiatrice, tout cela cependant entendu de telle sorte que nulle dérogation, nulle addition n’en résulte quant à la dignité et à l’efficacité de l’unique Médiateur, le Christ.
Aucune créature en effet ne peut jamais être mise sur le même pied que le Verbe incarné et rédempteur. Mais tout comme le sacerdoce du Christ est participé sous des formes diverses, tant par les ministres que par le peuple fidèle, et tout comme l’unique bonté de Dieu se répand réellement sous des formes diverses dans les créatures, ainsi l’unique médiation du Rédempteur n’exclut pas, mais suscite au contraire une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l’unique source.
Ce rôle subordonné de Marie, l’Église le professe sans hésitation ; elle ne cesse d’en faire l’expérience ; elle le recommande au cœur des fidèles pour que cet appui et ce secours maternels les aident à s’attacher plus intimement au Médiateur et Sauveur. LG 62.
L’adoration est réservée à Dieu seul. Nous adorons Dieu et nous vénérons Marie, mère de Dieu.
Marie nous conduit au Christ. Elle est ce visage maternel vers lequel nous nous tournons. Elle nous guide dans la foi. Elle nous guide vers le Fils.
Il ne faut pas tomber dans une dévotion mariale qui donnerait l’impression que Marie est au centre de la foi, et qu’elle a pris la place du Christ.
Le Magistère catholique manifeste ainsi une réserve vis-à-vis des expressions « co-rédemptrice » et «
médiatrice ». Car ces expressions mariales sont lourdes d’ambiguïté ou de malentendus.
25. Il convient au plus haut point, avant tout, que les exercices de piété envers la Vierge Marie expriment clairement la note trinitaire et christologique qui leur est intrinsèque et essentielle. Le culte chrétien en effet est, par nature, un culte rendu au Père, au Fils et à l’Esprit Saint, ou mieux, selon l’expression de la liturgie, au Père par le Christ, dans l’Esprit.
28. Il est nécessaire que les exercices de piété par lesquels les fidèles expriment leur vénération à l’égard de la Mère du Seigneur manifestent clairement la place qu’elle occupe dans l’Église : « après le Christ, c’est la place la plus élevée et la plus proche de nous ».
32. La volonté de l’Église catholique, sans atténuer le caractère propre du culte marial, est d’éviter avec soin toute
exagération susceptible d’induire en erreur les autres frères chrétiens sur la doctrine authentique de l’Église catholique, et de bannir toute manifestation cultuelle contraire à la pratique catholique légitime. En conformité avec un culte marial authentique qui, « à travers les honneurs rendus à la Mère (…) veut que le Fils soit dûment connu, aimé et glorifié » [98], une telle piété devient un chemin qui conduit au Christ, source et centre de la communion ecclésiale, dans lequel tous ceux qui confessent publiquement qu’Il est Dieu et Seigneur, Sauveur et unique Médiateur (cf. 1 Tm 2, 5), sont appelés à être « un » entre eux, avec Lui et avec le Père dans l’unité du Saint-Esprit.
56. La piété de l’Église envers la Vierge est un élément intrinsèque du culte chrétien. La vénération vouée par l’Église à la Mère du Seigneur en tout temps et en tout lieu – depuis la salutation par laquelle Élisabeth la proclamait bienheureuse (cf. Lc 1, 42-45) jusqu’aux expressions de louange et de supplication de notre époque – constitue un puissant témoignage de sa lex orandi et une invitation à raviver dans les consciences sa lex credendi. Et inversement : la lex credendi de l’Église demande que, partout, se développe d’une manière florissante sa lex orandi à l’égard de la Mère du Christ.
Paul VI, Marialis cultus, 02/02/1974.
Origine de la dévotion à Marie
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Pourquoi Marie suscite-t-elle autant de dévotion auprès des catholiques et des orthodoxes ? Les évangiles sont résolument christocentriques et rien ne laissait présager cette ferveur populaire à l’égard de Marie. Plusieurs facteurs ont joué :
- Le Concile d’Éphèse (431) : Marie devient dogmatiquement Mère de Dieu (Voir commentaire).
- La masculinité de Dieu : Dieu n’est ni masculin, ni féminin, mais nous avons besoin de mots pour en parler, avec le risque d’une déformation. Dans l’Ancien Testament, Dieu présente quelques caractéristiques féminines à travers les "entrailles" et "l’allaitement" (Voir Dieu père et Dieu mère). La Sagesse telle que nous la présente le courant sapientiel prend une figure féminine. Enfin, l’Esprit (la Ruah) est du genre féminin. Mais le christianisme offre une image masculine de Dieu. L’anthropomorphisme "Père" que Jésus nous révèle, renvoie au genre masculin. L’Esprit en langue grecque est devenu masculin (pneuma). L’Église a accentué cette masculinisation en donnant le pouvoir aux hommes. Marie n’est-elle pas la figure féminine qui manque, avec le risque d’en faire une déesse ?
- La figure sacrificielle de Jésus : La question de la rédemption reste un mystère. Jésus meurt sur la croix pour nos péchés et Marie souffre au pied de la croix.
- La proximité maternelle d’une femme : Marie est une femme accessible par sa douceur et sa tendresse maternelle. Entre le Dieu transcendant, le Fils exigeant et l’Esprit évanescent, Marie représente ce que les hommes et les femmes recherchent, une divine intimité.
- Un parallèle entre le Fils et la Mère : Les deux conceptions sortent de l’ordinaire ; par l’Esprit Saint pour Jésus ; de manière immaculée pour Marie. Jésus est le modèle de la chasteté masculine et Marie celui de la virginité féminine. Jésus monte au ciel le jour de l’Ascension ; Marie à l’Assomption. Jésus est le Christ-Roi ; Marie est la Reine du Ciel. Jésus est médiateur auprès de Dieu ; Marie intercède auprès du Christ. Jésus est le Nouvel Adam ; Marie est la nouvelle Eve.
En résumé, Marie "incarne" l’accessibilité de Dieu. Si elle n’est pas le modèle à suivre dans le détail de sa vie, elle n’en demeure pas moins celle à qui il est possible de confier ses joies et ses peines, car en tant que femme et mère, elle offre l’image d’une personne à l’écoute.