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Les étapes du pardon

Distinguer l'erreur, la faute et le péché

L’erreur est humaine. Dans l’erreur, il n’y a pas intention de faire du mal. Notre responsabilité n’est pas engagée. Nous sommes appelés à les reconnaître et à en retirer un enseignement pour apprendre et ne plus recommencer. Y a-t-il un manquement ou une ignorance à pardonner dans une erreur ? Faut-il pardonner à quelqu’un de ne pas savoir écrire le mot « logorrhée » ? Est-ce que cela ne relève pas plutôt de l’excuse ?

Une faute a une connotation morale et/ou juridique. Elle se définit pas rapport à une loi. Elle se situe au niveau de la conscience personnelle. Elle engage notre responsabilité. La différence entre l’erreur et la faute n’est pas toujours évidente à définir. Se tromper dans l’administration d’un médicament. Est-ce une erreur ou une faute ? Il faut distinguer le péché de la faute. Le péché est devant Dieu alors que la faute est devant l’homme. Comme le souligne P. Rémy,

« le péché est une notion religieuse. Il est toujours devant Dieu et devant Dieu qui interpelle. En ce sens, il n’y a de péché que pour celui qui croit. D’où la différence avec la faute. Celle-ci est devant les hommes, elle concerne le domaine éthique. Le péché n’a de sens qu’au niveau de la relation de l’homme à Dieu. Le chrétien ne peut le déterminer qu’en allant à la personne de Jésus, à son dire, à son faire, confessés dans la foi comme parole de Dieu ».

Dieu nous révèle notre péché à travers sa parole.

Mais où commence le péché ? Quelle est l’instance qui me dit « tu as péché » ? L’Eglise est là pour nous donner des points de repère et en dernier recours c’est la conscience personnelle qui parle. Il n’est peut être pas nécessaire de demander le sacrement de réconciliation pour un pot de fleur cassé involontairement, ce qui est de l’ordre de l’erreur, mais certainement pour une infidélité qui est de l’ordre de la faute pour la personne et du péché pour le croyant. Mais la frontière n’est pas toujours évidente à établir. Enfin, soulignons que la loi religieuse fournit la "matière" du péché, mais la morale tient aussi compte de l'intention et de la liberté. Par exemple, si la loi précise qu'une relation sexuelle en dehors du mariage est un péché, seule l'intention et la liberté des personnes permet de déterminer si les contractants sont pécheurs. Ne tenir compte que de la loi revient à enfermer les personnes dans un pseudo-pharisianisme.

Le retournement

    Comment prendre conscience de sa faute ?
  • La justice, la loi
  • Le tourment et le remords
  • La perte de son unité qui entraine tristesse et conflit en soi
  • La parole de l’offensé

Le retournement est le premier acte du processus de pardon. Il consiste en la prise de conscience de la faute et de ses conséquences. Les facteurs déclenchant le retournement sont multiples : rencontre salutaire, réflexion personnelle, parole amicale etc. D’autres facteurs liés à la psychologie personnelle peuvent aussi apparaître : tristesse, dégoût de soi, déprime, etc. Quelque chose me fait craquer et me fait prendre conscience que la voie que je mène me conduit à ma perte. Comme un feu rouge qui s’allumerait soudainement à la croisée des chemins de ma vie. Ce feu a peut être pris beaucoup de temps à virer au rouge dans une lente maturation intérieure.

L’aveu

Il n'y a pas de pardon sans parole. Parce qu'il faut des mots pour communier à une même histoire, parce qu’il faut des mots pour se dire, pour avouer sa culpabilité et s’entendre dire « je te pardonne ». N’oublions pas que la parole est tout à la fois ex-pression de soi et communion à l’autre. Quelque chose sort de moi pour rejoindre l’autre. La parole d’aveu est une invocation au pardon. Elle demande courage, humilité et confiance. Elle court le risque de s’entendre dire « je ne te pardonne pas ». L’aveu est aussi libérateur d’un fardeau. En avouant ma faute je me libère du remords qui m’emprisonnait, je demande à autrui de me venir en aide. Et puis un péché avoué n’est-il pas déjà à moitié pardonné ?

Le pardon comme son nom l’indique est un don. C’est une parole donnée à l’autre, mais cette parole suppose une réciprocité, une réception de la parole. Il ne suffit pas de tendre la main à quelqu’un, encore faut-il que la personne en danger saisisse la main.

« Le pardon ne peut être accordé que s’il est demandé... Dans l’hypothèse où cette grâce n’est pas réclamée, le pardon n’est plus possible. Cependant il ne tient pas aux limites de celui qui pardonne mais à la liberté de celui qui ne veut pas être pardonné… La liberté humaine possède le dernier mot pour accueillir ou refuser le pardon. Rien n’est impardonnable mais tout ne peut être pardonné. L’acte de pardonner est toujours possible mais le refus d’être pardonné aussi (J. RICOT, Peut-on tout pardonner ? Editions Pleins Feux, 1998, p 66-67) ».

La réconciliation

Il faut être deux pour se réconcilier. Parfois, l'autre n'y est pas prêt. Ce qui nous appartient, c'est de faire notre part du chemin. Le pardon comme son nom l’indique est un don. C’est une parole donnée à l’autre, mais cette parole suppose une réciprocité, une réception de la parole. Il ne suffit pas de tendre la main à quelqu’un, encore faut-il que la personne en danger saisisse la main.

La réconciliation marque l’aboutissement du pardon. Elle se traduit par des larmes de joie sur l’oreiller entre deux amoureux qui se retrouvent suite à une faute, ou encore par une grande fête comme dans la parabole de l’enfant prodigue (Lc 15).

Le sacrement de réconciliation nous absout de nos péchés, c’est-à-dire restaure notre relation à Dieu. Mais en même temps il nous renvoie à notre existence, dans notre relation aux autres. D’ailleurs la bible ne sépare pas ces deux dimensions. Déjà le décalogue qui fixe les lois fondamentales du peuple d’Israël ordonne dans un premier temps d’aimer Dieu, puis dans un deuxième temps d’aimer son prochain. Jésus confirme cette thèse puisque les deux commandements les plus importants sont l’amour de Dieu et du prochain comme soi-même (Mt 22,36-40).

Il est donc impossible d’aimer Dieu sans aimer son prochain ; de même il est impossible de se réconcilier avec Dieu sans se réconcilier avec son prochain. Jésus veut dire que la requête du pardon n’est pas sincère et ne saurait être exaucée si celui qui prie n’a préalablement tiré au clair ses relations avec son frère (Mc 11,24 ; Mt 5,23 ; Mt 6, 14-15). Le Notre Père rappelle cette double articulation du pardon dans cette invocation du pardon divin comme nous-mêmes avons pardonné.

Cet amour de Dieu et du prochain est appelé à s’exercer tout au long de la vie. Combien de fois faut-il pardonner demande Pierre. Jusqu’à soixante-dix fois sept fois, c’est-à-dire infiniment (Mt 18,22).

L'enfant prodigue (Lc 15)

La parabole de l'enfant prodigue illustre les différentes étapes qui conduisent au pardon.

11 Un homme avait deux fils.
12 Le plus jeune dit à son père : «Père, donne-moi la part de fortune qui me revient.» Et le père leur partagea son bien.
13 Peu de jours après, rassemblant tout son avoir, le plus jeune fils partit pour un pays lointain et y dissipa son bien en vivant dans l'inconduite.
14 Quand il eut tout dépensé, une famine sévère survint en cette contrée et il commença à sentir la privation.
15 Il alla se mettre au service d'un des habitants de cette contrée, qui l'envoya dans ses champs garder les cochons.
16 Il aurait bien voulu se remplir le ventre des caroubes que mangeaient les cochons, mais personne ne lui en donnait.
17 Rentrant alors en lui-même, il se dit : «Combien de mercenaires de mon père ont du pain en surabondance, et moi je suis ici à périr de faim !
18 Je veux partir, aller vers mon père et lui dire : Père j'ai péché contre le Ciel et envers toi ;
19 je ne mérite plus d'être appelé ton fils, traite-moi comme l'un de tes mercenaires.»
20 Il partit donc et s'en alla vers son père. Tandis qu'il était encore loin, son père l'aperçut et fut pris de pitié ; il courut se jeter à son cou et l'embrassa tendrement.
21 Le fils alors lui dit : «Père, j'ai péché contre le Ciel et envers toi, je ne mérite plus d'être appelé ton fils.»
22 Mais le père dit à ses serviteurs : «Vite, apportez la plus belle robe et l'en revêtez, mettez-lui un anneau au doigt et des chaussures aux pieds.
23 Amenez le veau gras, tuez-le, mangeons et festoyons,
24 car mon fils que voilà était mort et il est revenu à la vie ; il était perdu et il est retrouvé ! » Et ils se mirent à festoyer.

Les étapes :

1 - V. 11-12 : Une décision responsable de l’enfant qui veut sa part d’héritage
2 - V. 13 : Une faute : l’inconduite
3 - V. 14 : Conséquences de la faute : la privation, la famine
4 - V. 15-16 : L’orgueil : on essaie de s’en sortir par ses propres moyens
5 - V. 17 : La prise de conscience de sa faute : « rentrant alors en lui-même »
6 - V. 18a : Une décision de conversion : le retour - « je veux partir »
7 - V. 18b-19 : Préparation de la rencontre avec le père : je vais lui dire…
8 - V. 20a : L’acte du retour
9 - V. 20b : L’accueil du père
10 - V. 21 : La parole libératrice
11 - V. 22-23 : Les paroles du père : le pardon du père qui ouvre un avenir à son enfant ; l’absence de jugement
12 - V. 24 : La joie et la fête de la résurrection